La tragédie qui se déroule ces jours-ci à Gaza et les tirs de roquettes incessants vers le sud d'Israël montrent une fois de plus que sous-estimer son ennemi n'aide pas à résoudre les conflits. Ni l'Europe ni les Etats-Unis, et encore moins Israël, n'ont voulu voir dans le Hamas une force élue "démocratiquement", quelles que soient par ailleurs sa nature et ses capacités élevées de nuisance.
Frapper Gaza ne revient pas seulement à frapper le Hamas, mais aussi et avant tout des Palestiniens qui subissaient déjà les durs effets d'un blocus impitoyable, au moins autant que de conflits internes ou d'une idéologie radicale à laquelle tous n'adhèrent pas. L'offensive israélienne contre Gaza vise peut-être en priorité l'état-major du Hamas, ses principaux dirigeants, ses combattants. Elle n'en multiplie pas moins les victimes civiles.
Quant aux Israéliens du sud du pays, ils vivent sous la menace constante des tirs du Hamas. Economie paralysée, écoles fermées, quelques victimes - certes bien moins nombreuses que du côté palestinien, où elles se comptent par centaines -, des dégâts matériels, des traumatismes psychologiques importants et la peur.
Le reste de la population israélienne continue sa vie au quotidien, bombardée qu'elle est par des médias dont beaucoup ne marquent pas toujours la distance entre l'information proprement dite et la communication issue de l'armée. Tout le monde parle de la guerre. Beaucoup croient ou font mine de croire en sa nécessité.
L'union sacrée est pour l'instant à l'ordre du jour comme c'est souvent le cas en Israël avant l'enlisement. On a déjà connu cela lors de la guerre du Liban. Les manifestants antiguerre ont d'abord été bien peu nombreux dans les rues de Tel-Aviv, une poignée d'hommes et de femmes qui défiaient l'hostilité générale avec témérité. Samedi 3 janvier, en revanche, quelque 10 000 manifestants défilaient à Tel-Aviv pour protester contre la guerre meurtrière menée à Gaza par Tsahal.
BRISER CE CERCLE INFERNAL
L'opinion publique israélienne est fluctuante et dès les premiers soldats tués elle risque de se retourner. D'autant que, selon un récent sondage, plus nombreux étaient les Israéliens à ne pas croire que cette guerre serait en mesure de stopper les tirs du Hamas. Certes, la situation actuelle fait gagner des points à Kadima pour les prochaines élections ; elle redore un peu le blason d'Ehoud Olmert et surtout celui du Parti travailliste, en la personne d'Ehoud Barak, ministre de la défense. Une guerre utile, donc, pour un scrutin qui approche, fixé pour le mois de février. Toutefois, une chose est sûre : il n'y a apparemment pas en Israël, en ce moment, de personnalité charismatique capable de briser ce cycle infernal, et susceptible de conduire des pourparlers crédibles en vue d'un véritable cessez-le-feu, porteur d'un projet de paix viable, quitte à négocier avec le Hamas.
En Palestine, le climat n'est pas meilleur. Les dissensions entre l'Autorité palestinienne et le Hamas, l'absence d'un leadership de poids, sont de vrais obstacles à une durable sortie de crise, par ailleurs peu souhaitée par les Israéliens eux-mêmes en cette veille d'élections. Le Hamas non plus n'a sans doute pas intérêt à ce qu'une accalmie, qui pourrait être interprétée comme une défaite, vienne rogner son ascendant à Gaza, un ascendant qui doit beaucoup au blocus et aux inévitables souffrances vécues par une population abandonnée, encerclée, facile à radicaliser.
Si le cessez-le-feu est urgent pour éviter que l'intrusion terrestre ne se révèle longue et désastreuse pour Israël et pour arrêter les massacres à Gaza, il faudra bien, à terme, passer par la reconnaissance du Hamas comme interlocuteur légitime. Penser qu'il n'y a que l'Autorité palestinienne avec qui il est admissible de discuter n'est nullement réaliste, après qu'on a humilié si longtemps son chef, Mahmoud Abbas, et un Fatah affaibli électoralement.
Pourquoi exiger des Palestiniens qu'ils élisent démocratiquement leurs représentants puis refuser de traiter avec ces représentants élus au prétexte que ce n'est pas ceux-là qu'on attendait ? Le désarroi dans lequel se trouvent les pays arabes eux-mêmes face à la question palestinienne ne fait pas d'eux des partenaires fiables. Reste que le simple souci de la sécurité de sa population devrait pousser les dirigeants d'Israël à dépasser les calculs à court terme.
C'est à la communauté internationale de donner l'exemple d'une reconnaissance qui ne reviendrait nullement à légitimer l'idéologie du Hamas, mais simplement à le prendre pour ce qu'il est : un acteur qui pèse sur l'avenir de la région et auquel s'identifie une partie de la nation palestinienne. Aucune des stratégies mises en oeuvre jusqu'ici n'a abouti. Une seule n'a jamais été tentée : celle-là, justement. On ne peut pas attendre que ses ennemis soient devenus des gens "recommandables" pour les intégrer au jeu diplomatique. En revanche, les y intégrer peut les amener à évoluer comme l'a fait le Fatah, il n'y a pas si longtemps.
Esther Benbassa est directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE)
Frapper Gaza ne revient pas seulement à frapper le Hamas, mais aussi et avant tout des Palestiniens qui subissaient déjà les durs effets d'un blocus impitoyable, au moins autant que de conflits internes ou d'une idéologie radicale à laquelle tous n'adhèrent pas. L'offensive israélienne contre Gaza vise peut-être en priorité l'état-major du Hamas, ses principaux dirigeants, ses combattants. Elle n'en multiplie pas moins les victimes civiles.
Quant aux Israéliens du sud du pays, ils vivent sous la menace constante des tirs du Hamas. Economie paralysée, écoles fermées, quelques victimes - certes bien moins nombreuses que du côté palestinien, où elles se comptent par centaines -, des dégâts matériels, des traumatismes psychologiques importants et la peur.
Le reste de la population israélienne continue sa vie au quotidien, bombardée qu'elle est par des médias dont beaucoup ne marquent pas toujours la distance entre l'information proprement dite et la communication issue de l'armée. Tout le monde parle de la guerre. Beaucoup croient ou font mine de croire en sa nécessité.
L'union sacrée est pour l'instant à l'ordre du jour comme c'est souvent le cas en Israël avant l'enlisement. On a déjà connu cela lors de la guerre du Liban. Les manifestants antiguerre ont d'abord été bien peu nombreux dans les rues de Tel-Aviv, une poignée d'hommes et de femmes qui défiaient l'hostilité générale avec témérité. Samedi 3 janvier, en revanche, quelque 10 000 manifestants défilaient à Tel-Aviv pour protester contre la guerre meurtrière menée à Gaza par Tsahal.
BRISER CE CERCLE INFERNAL
L'opinion publique israélienne est fluctuante et dès les premiers soldats tués elle risque de se retourner. D'autant que, selon un récent sondage, plus nombreux étaient les Israéliens à ne pas croire que cette guerre serait en mesure de stopper les tirs du Hamas. Certes, la situation actuelle fait gagner des points à Kadima pour les prochaines élections ; elle redore un peu le blason d'Ehoud Olmert et surtout celui du Parti travailliste, en la personne d'Ehoud Barak, ministre de la défense. Une guerre utile, donc, pour un scrutin qui approche, fixé pour le mois de février. Toutefois, une chose est sûre : il n'y a apparemment pas en Israël, en ce moment, de personnalité charismatique capable de briser ce cycle infernal, et susceptible de conduire des pourparlers crédibles en vue d'un véritable cessez-le-feu, porteur d'un projet de paix viable, quitte à négocier avec le Hamas.
En Palestine, le climat n'est pas meilleur. Les dissensions entre l'Autorité palestinienne et le Hamas, l'absence d'un leadership de poids, sont de vrais obstacles à une durable sortie de crise, par ailleurs peu souhaitée par les Israéliens eux-mêmes en cette veille d'élections. Le Hamas non plus n'a sans doute pas intérêt à ce qu'une accalmie, qui pourrait être interprétée comme une défaite, vienne rogner son ascendant à Gaza, un ascendant qui doit beaucoup au blocus et aux inévitables souffrances vécues par une population abandonnée, encerclée, facile à radicaliser.
Si le cessez-le-feu est urgent pour éviter que l'intrusion terrestre ne se révèle longue et désastreuse pour Israël et pour arrêter les massacres à Gaza, il faudra bien, à terme, passer par la reconnaissance du Hamas comme interlocuteur légitime. Penser qu'il n'y a que l'Autorité palestinienne avec qui il est admissible de discuter n'est nullement réaliste, après qu'on a humilié si longtemps son chef, Mahmoud Abbas, et un Fatah affaibli électoralement.
Pourquoi exiger des Palestiniens qu'ils élisent démocratiquement leurs représentants puis refuser de traiter avec ces représentants élus au prétexte que ce n'est pas ceux-là qu'on attendait ? Le désarroi dans lequel se trouvent les pays arabes eux-mêmes face à la question palestinienne ne fait pas d'eux des partenaires fiables. Reste que le simple souci de la sécurité de sa population devrait pousser les dirigeants d'Israël à dépasser les calculs à court terme.
C'est à la communauté internationale de donner l'exemple d'une reconnaissance qui ne reviendrait nullement à légitimer l'idéologie du Hamas, mais simplement à le prendre pour ce qu'il est : un acteur qui pèse sur l'avenir de la région et auquel s'identifie une partie de la nation palestinienne. Aucune des stratégies mises en oeuvre jusqu'ici n'a abouti. Une seule n'a jamais été tentée : celle-là, justement. On ne peut pas attendre que ses ennemis soient devenus des gens "recommandables" pour les intégrer au jeu diplomatique. En revanche, les y intégrer peut les amener à évoluer comme l'a fait le Fatah, il n'y a pas si longtemps.
Esther Benbassa est directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE)
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