Un problème nommé Turquie
Contrairement aux pressions exercées par “les élites” en faveur d’un élargissement de l’UE à la Turquie, deux événements récents viennent de démontrer que ce scénario constituerait une erreur majeure, susceptible de tuer le projet européen dans sa dimension politique. Premier élément, la crise de l’Euro fruit de situations économiques trop disparates et d’une fuite en avant dans l’élargissement menée au détriment d’une indispensable intégration. Deuxième élément et non des moindres, les tensions croissantes entre l’État Turc et l’État d’Israël sur la question palestinienne confirment toute la difficulté à intégrer un pays musulman de 72 millions de musulmans dans un espace européen fruit de la civilisation judéo-chrétienne.
Fascinée par le potentiel économique de la Turquie et ses 6% de croissance, une majorité de la classe politique Française est ouvertement en faveur d’une adhésion de ce pays à l’UE au motif redoutable que l’espace européen n’a pas de frontières naturelles. Et pourtant, intégrer un nouvel État c’est adopter ses frontières et les risques de conflits qui vont avec. Dans l’autre sens c’est accepter un minimum de vision diplomatique commune.
L’élargissement sans fin c’est surtout le meilleur moyen de repousser sans cesse la réalisation d’une Europe politique et de limiter l’UE à n’avoir pour vocation que de constituer un marché intérieur toujours plus vaste sans que les législations fiscales et sociales ne soient harmonisées.
La Turquie se pense européenne assènent les défenseurs de son intégration. L’actualité récente permet d’en douter.
L’arraisonnement par Tsahal de la “flottille de la liberté” censée briser l’embargo de Gaza a suscité une réprobation internationale largement partagée. La réaction Turque se démarque toutefois par la violence verbale de son gouvernement mais aussi de son opinion publique à l’égard de l’Etat Hébreu.
Il ne s’agit pas là d’une crise passagère mais d’un tournant diplomatique engagé depuis plusieurs mois. En avril dernier, de passage à Paris, le Premier ministre turc avait déclaré qu’Israël constituait “la principale menace pour la paix au Proche-Orient“. Dans la même lignée, Recep Tayyip Erdogan a qualifié le raid israélien d’”acte de terrorisme d’Etat inhumain” et demandé une “punition”.
Irrésistiblement, la Turquie se détourne de l’Europe pour jouer sa carte personnelle. Elle tente aujourd’hui de se positionner comme un nouvel acteur international de poids et aspire avec d’autres puissances émergentes Brésil et Chine notamment à reconfigurer les zones d’influence. La signature le 17 mai d’un accord avec le Brésil sur le très délicat dossier nucléaire Iranien en est une illustration.
Aujourd’hui, pour conquérir le cœur des populations arabes Ankara s’affirme comme le nouveau porte-drapeau de la cause palestinienne. L’activisme déployé n’est pas seulement diplomatique. La Turquie est l’un des pays les plus actifs au niveau de l’aide économique et humanitaire aux Palestiniens.
Cette distance prise avec le rêve européen est permise par l’importance des relations commerciales entre la Turquie et les pays du Moyen-Orient.
La mutation diplomatique Turque est étroitement liée à l’arrivée au pouvoir d’Erdogan qui joue sur la nostalgie de l’ancienne grande Turquie. Alliée de l’Occident depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Turquie a été le premier pays musulman à reconnaître Israël à établir des relations diplomatiques et à signer un accord militaire avec l’Etat hébreu.
Cette période est aujourd’hui terminée. Après avoir imposé à la Turquie de choisir entre l’Orient et l’Occident, Ankara renvoie la question en demandant de trancher dans la brouille qui l’oppose à Tel-Aviv. Ahmet Davutoglu chef de la diplomatie turque a ainsi demandé aux États-Unis une “solidarité totale” avec la Turquie à travers une condamnation claire de l’opération israélienne. La question est également implicitement posée à l’UE.
En photo : Mustafa Kemal
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