Saturday, May 26, 2007

la vraie histoire du site Tout Sauf Sarkozy

Rebonds
En réponse au texte de Liliane Kandel «Lettre à mes vieux amis» qui accusait la gauche de cautionner un site négationniste.
La vraie histoire du site Tout sauf Sarkozy
Par Jean-Yves CAMUS
QUOTIDIEN : lundi 21 mai 2007
Jean-Yves Camus politologue, enseignant à l'Institut universitaire d'études juives Elie-Wiesel.
Vient de publier aux éditions Milan Extrémismes en France : faut-il en avoir peur ?

Je ne sais pas qui sont les «vieux amis» de Liliane Kandel (tribune publiée dans Libération du 17 mai). Mais une chose est sûre : si figurent parmi eux les concepteurs du site Tout sauf Sarkozy, qui a distillé pendant toute la campagne présidentielle son fiel antisémite, alors ces amis-là sont d'extrême droite. En effet, et tous les bons observateurs des droites extrêmes le savent de manière absolue, la création du site que dénonce à juste titre Liliane Kandel est l'oeuvre d'antisionistes d'ultradroite parfaitement identifiés, et ils n'ont demandé à personne l'autorisation de le faire. Car voici la vraie histoire du site Tout sauf Sarkozy. Officiellement, ce site émane d'une inexistante Association nationale pour la défense des valeurs républicaines, cachant un groupe réduit de militants radicaux au sein duquel joue un rôle prédominant un ancien cadre du Front national passé... par le RPR, Michel Schneider.
Diplômé de l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence et titulaire d'un DEA d'études de défense, celui-ci a commencé à être actif politiquement lors de ses études. Il était alors influencé par les idées du théoricien belge Jean Thiriart, qui introduisit le soutien à la cause du Fatah dans les rangs de l'extrême droite et dirigeait le groupe Jeune Europe, largement financé par l'Algérie, l'Irak et l'Egypte nassérienne.
Schneider collabora d'abord à la revue solidariste du Groupe action jeunesse, Impact (1973) puis fonda en 1974-1975 une revue intitulée Cahiers du CDPU (Centre de documentation politique et universitaire) qui se distinguait par une orientation clairement néofasciste (référence à Doriot) et un appui affirmé au monde arabe, notamment au parti Baath et aux mouvements palestiniens.
De 1981 à 1983, Michel Schneider fut, au sein du FN, le collaborateur de Jean-Pierre Stirbois (numéro 2 du parti), puis, de 1986 à 1988, un collaborateur du groupe parlementaire frontiste à l'Assemblée nationale. Jugeant la ligne lepéniste trop atlantiste et libérale, il passa ensuite au RPR, où il devint un collaborateur d'un think tank néogaulliste, le Club 89. Revenu ensuite à l'extrême droite, il fonda au moment de la première guerre du Golfe la revue Nationalisme et République, qui a publié nombre d'articles propalestiniens mais aussi négationnistes (signés Roger Garaudy et Pierre Guillaume) et qui déclencha une polémique pour avoir diffusé dans la région marseillaise, à la même époque, un tract en arabe appelant les immigrés et les Français d'origine maghrébine à se mobiliser contre le «lobby sioniste». Son ancrage à l'ultradroite est d'autant plus certain qu'il fut un acteur important du rapprochement entre certains secteurs de l'extrême droite française et les milieux «rouges-bruns» russes puisque, séjournant fréquemment en Russie, il a notamment été le témoin direct du putsch nationaliste manqué de Moscou en août 1991.
Michel Schneider affirme en outre avoir été le conseiller épisodique de Le Pen jusqu'en 2006. La présence sur le site Tout sauf Sarkozy de textes antisionistes radicaux, voire à connotation antijuive, repris (de manière autorisée ou non, c'est encore une autre question) d'autres sites Internet d'extrême gauche ou islamistes ne prouve rien d'autre qu'une évidence connue : il existe, à droite du FN, une mouvance groupusculaire glauque qui peut se reconnaître à la fois dans les écrits de son propre camp, dans ceux d'un disciple de Noam Chomsky comme Jean Bricmont et de nationalistes arabes comme René Naba. Cela peut s'appeler la nébuleuse «rouge-verte-brune» et cela existe depuis plus de trente ans. Cela n'est nullement la gauche.
Il faut donc cesser, disons par ignorance, pour être charitable, de soupçonner de connivence avec l'antisémitisme ceux qui ont soutenu Ségolène Royal. Ou alors mieux vaut avouer qu'on entonne l'air à la mode qui consiste à désigner la gauche, et elle seule, comme pourvoyeuse de la haine antijuive. Ce qui a tendance à devenir un exercice convenu de la repentance des ex-gauchistes qui, en matière d'antisionisme, ont, on en conviendra, beaucoup (trop) donné.

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