Friday, June 15, 2007

Guy de Rothschild, patriarche de la branche française des Rothschild

Guy de Rothschild, patriarche de la branche française des Rothschild
LE MONDE | 15.06.07 | 16h17 • Mis à jour le 15.06.07 | 16h17
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l m'est impossible de résoudre les peines de l'humanité, mais il n'a jamais été prouvé que j'ai laissé tomber quiconque m'ayant sollicité", aimait à dire Guy de Rothschild, mort mardi 12 juin à l'âge de 98 ans.

Patriarche de la branche française des Rothschild, puissante et prestigieuse famille de financiers européens aux origines juives ashkénazes - ils furent les banquiers des rois et de la plupart des Etats -, le baron Guy Edouard Alphonse Paul de Rothschild fut tout à la fois banquier, éleveur de chevaux, écrivain, mécène et philanthrope.





Dates
21 mai 1909
Naissance à Paris.

1950
Préside le Front juif unifié.

1967
Préside la banque Rothschild.

12 juin 2007
Mort à Paris.


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"C'était un remarquable banquier et un homme de courage, un patriote à la trajectoire irréprochable", dit aujourd'hui l'un de ses proches. Après des études aux lycées Condorcet et Louis-le-Grand, à Paris, il s'oriente vers les lettres et le droit en obtenant sa licence aux facultés de Paris.

Ce gaulliste de la première heure rejoint le général de Gaulle en 1940, à Londres. Là il choisit de s'engager dans les Forces françaises libres. L'homme a marqué l'histoire de la Ve République. Il en fut un acteur discret mais influent, très écouté dans les années 1960 et 1970 par les chefs d'Etat et leurs ministres, qui recherchaient son conseil.

Ce fut le cas de Georges Pompidou, que Guy de Rothschild avait pris sous sa protection dans la banque familiale - où Georges Pompidou fit carrière de 1953 à 1961 - et qui lui resta fidèle quand il fut élu président de la République. Les deux hommes entretenaient des rapports amicaux et de confiance. Ce fut aussi le cas, plus tard, d'Edouard Balladur et de Jacques Chirac.

Sa vie de banquier fut marquée par deux événements qui ne le quittèrent jamais et qui le conduisirent, à quarante ans de distance, à quitter momentanément la France pour les Etats-Unis. Il y eut d'abord la spoliation de la banque familiale par le régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale en même temps qu'était retirée la nationalité française à son père Edouard et à ses oncles Robert et Henri.

Par la suite, c'est le changement de majorité en France avec l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 qui a motivé son départ de l'Hexagone. Lors de la première vague de nationalisations, qui a suivi l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, les Rothschild se trouvèrent privés du contrôle de la banque et d'autres entreprises minières et ferroviaires. Déjà, en 1936 sous le Front populaire, les investissements de l'institution dans les chemins de fer avaient été nationalisés...

Les vicissitudes de l'Histoire poussèrent la famille à accélérer son développement aux Etats-Unis. Une nouvelle banque fut créée en 1984, recentrée sur les activités purement financières, qui ne put reprendre le nom de Rothschild qu'à l'arrivée de Jacques Chirac à Matignon, en 1986.

De l'épisode de 1981, il reste cette fameuse déclaration de Guy de Rothschild à la première page du Monde daté du 30 octobre, accusatoire envers les socialistes. "Juif sous Pétain, paria sous Mitterrand, pour moi cela suffit. Rebâtir sur les décombres deux fois dans une vie, c'est trop", lança-t-il avant de partir pour New York.

Dans cette longue diatribe, l'auteur dit son "déchirement" à voir "le fruit de quarante années d'un travail acharné" anéanti. Mais, poursuit-il, "il ne s'agit pas que de cela, et ce qui est en cause, c'est la relation des Rothschild avec le pouvoir politique pour qui ils sont au moins des personnages encombrants quand ils ne sont pas la quintessence même du mal. Les Rothschild ont une image de marque particulière et très typée. Ils sont devenus le symbole proverbial de la richesse".

Il poursuit le même texte en écrivant : "Sous-jacentes en temps normal, cette hostilité et cette crainte qu'inspirent les Rothschild deviennent délirantes en période de crise." Plus tard, dans ses Mémoires, il estimera que "les socialistes sont restés marxistes. Ils n'ont toujours pas compris que l'argent était un outil d'échange économique".

Banquier passionné dans une institution qui accompagna la révolution industrielle en Europe et la naissance du capitalisme moderne, Guy de Rothschild le fut. Entré dans la banque familiale en 1931, après ses études, il raconte dans ses Mémoires que son métier de banquier "était une façon douce et harmonieuse de prolonger le XIXe siècle".

Il était aussi un amateur de chevaux de course, conformément à la tradition familiale. Il hérita de son père Edouard, mort en 1949, une écurie qu'il sut faire prospérer. Cette passion lui valut de beaux succès et un surnom la " sainte casaque", en référence justement à la constance de ces victoires.


UN PASSEUR DE MÉMOIRE


Comme tous les membres de la dynastie Rothschild, le baron Guy joua également un rôle important au sein de la communauté juive, passeur de mémoire en même temps qu'animateur de la communauté. Il présida le Front juif unifié de 1950 à 1982 et également le Consistoire central de 1950 à 1956, toujours fidèle à ses convictions religieuses et soucieux de défendre les intérêts de la communauté et prêt à aider les plus défavorisés.

Enfin, Guy de Rothschild avait le sens de la fête, mondaine avec le Tout-Paris ou en présence d'intellectuels qui voyaient en lui un aristocrate éclairé, fin et élégant. Ses fastueuses réceptions, ses bals costumés parfois extravagants, dans son château de Ferrières, somptueuse résidence de la région parisienne, sont restées célèbres. Cette demeure construite vers 1860 par l'architecte anglais Paxton (l'auteur du célèbre Crystal Palace de Londres, le premier bâtiment en fer et en verre) comportait un parc de 130 hectares. Le baron a décidé de donner le château de Ferrières à l'Université de Paris.

Le banquier a également organisé, pendant des années, des dîners politico-mondains dans son hôtel particulier de l'île Saint-Louis, où vécurent Frédéric Chopin et Victor Hugo.

C'est l'influence de sa deuxième femme Marie-Hélène - son mariage avec une catholique fit scandale et l'obligea à démissionner de la présidence du Consistoire central - qui conduisit Guy de Rothschild à devenir mécène. Il a ainsi donné au Louvre en 1974 une très belle statue de Pigalle représentant Mme de Pompadour. De tous temps, la famille a donné des objets d'art à des musées comme elle a aidé des artistes, des savants et des écrivains à construire leur carrière.

Même s'il se plaisait à dire que l'argent ne faisait ni ne remplaçait le bonheur - "Si l'argent est considéré comme une fin en soi, pour être au-dessus de votre voisin de palier, c'est stupide. Votre femme vous trompera autant", disait-il - son train de vie n'a pas fait mentir la réputation des Rothschild. Guy de Rothschild était le père de David (64 ans), actuel président de la banque d'affaires Rothschild, né d'un premier mariage avec Alix Schey de Koromla - issue d'une vieille famille juive hongroise, dont il a divorcé - et d'Edouard (49 ans), actuel président de France Galop et actionnaire du quotidien Libération, fils de Marie-Hélène Van Zuylen de Nyevelt de Haar. En 2002, dans l'ouvrage Les Surprises de la fortune, Guy de Rothschild avait révélé qu'il prenait de la DHEA, prétendue "pilule de jouvence".

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