Friday, February 27, 2009

Dieudonné dans ses oeuvres
Par Julie Joly, publié le 26/02/2009 11:30 - mis à jour le 27/02/2009 09:55

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Page : 1 sur 2 » L'humoriste, qui n'a pas hésité à mettre à l'honneur le négationniste Robert Faurisson, défend ses thèses devant un public acquis à sa cause. Récit d'une soirée où, sous le show et la dérision, perce un discours tout sauf improvisé.

C'est lui qui l'assure, en montrant son bras: il leur a mis "jusque-là". Aux "médias", "censeurs" de la République. Aux "sionistes" de tout poil et surtout du show-biz. Privé de scène nationale depuis son dernier récital au Zénith, à Paris, avec l'historien négationniste Robert Faurisson en invité surprise, Dieudonné s'en donne à coeur joie sur les planches de son propre théâtre, la Main d'or (XIe arrondissement). J'ai fait l'con annonce, comme un aveu, le titre du spectacle. Le con, c'est sûr. Mais sciemment. Car, sous le burlesque apparent, une formidable rhétorique est à l'oeuvre, obscure au novice, limpide à tous les autres.

Faurisson a des choses à dire
"Dieudo? C'est notre dieu!" La réponse a fusé avant même la question. Mounir, 17 ans, Iliès, 20 ans, et Ayham, 22 ans, sont "fans absolus" de l'humoriste subversif. Les trois amis de Seine-Saint-Denis ne font pas l'assemblée, mais sont symptomatiques. Ils n'ont raté aucun des derniers spectacles de leur idole et collectionnent ses DVD. Ils ont été aussi de toutes les manifestations propalestiniennes, réfutent l'implication d'Al-Qaeda dans les attentats du 11 septembre 2001, dénoncent la "mainmise des sionistes" sur le monde en général, la France en particulier, ne croient aucun média traditionnel et, au final, l'avouent sans peine : oui, ils sont antisémites.
"Dieudonné n'est pas antisémite, il ne cherche à convaincre personne", plaide Me Jacques Verdier, son avocat. Ayham, lunettes fines en métal et sourire angélique, est étudiant dans une école d'ingénieurs aéronautiques et "rêve d'entrer un jour à l'Assemblée", dit-il. Veste en cuir ajustée et pantalon taille basse, Iliès suit, lui, des cours d'art dramatique et rêve de crever l'écran. Le plus jeune, Mounir, "très pratiquant", ne laisse apparaître que deux magnifiques yeux verts derrière un foulard à damiers et une calotte musulmane. Des trois, il est celui qui clame le plus ostensiblement son aversion envers les "sionistes", mais ses amis opinent.
Ont-ils été choqués, surpris, par la présence de Robert Faurisson au côté de l'humoriste, sur la scène du Zénith ? "Pas du tout, pourquoi? Il faut le lire, l'écouter, il a des choses très intéressantes à dire, Faurisson", répond de but en blanc l'étudiant. "Dieudonné est un héros, un martyr, tout le monde devrait le soutenir", ajoute Mounir. Mettent-ils en doute l'existence des chambres à gaz? "Des historiens le font, preuves à l'appui", rétorquent-ils de concert. "Les médias manipulent l'opinion, l'école en rajoute une couche, s'enflamme Ayham. Les gens croient tout ce qu'on leur dit, ils sont totalement conditionnés." Eux non, à l'évidence.

En cette soirée de janvier, à Paris, les initiés sont venus nombreux célébrer leur martyr. Public cosmopolite mêlant habitants du quartier et lointains banlieusards, jeunes couples enlacés, Blacks-Blancs-Beurs en survêt, copines sur leur trente et un, retraités en keffieh et crânes rasés en bombers. Près de 250 fans au total, massés sur les banquettes de velours rouge, les marches et même le sol du théâtre privé. Accolades, embrassades, politesses, on se croirait au café des Sports un soir de finale. Simple illusion d'optique, confirmée par la suite.

A propos du parrainage de Le Pen et de l'hommage rendu à Faurisson : "Ouh la la, je suis monté très haut, dernier étage, au-dessus c'est le soleil!" balance Dieudonné à la manière d'un détraqué en confession. Jouant les imbéciles pour plaider l'innocence, il récidivera peu après en caricaturant le "fameux effet Dieudonné", rictus satanique à l'appui. Ce syndrome, raconte-t-il, dont Fofana et son gang des barbares auraient été "victimes" avant d'embarquer, le 21 janvier 2006, un jeune juif, Ilan Halimi, pour "le transformer en panini fromage".

Des juifs il n'est jamais question, mais de juifs, très souvent

L'auditoire est hilare, Dieudonné marque un point en champion de l'autodérision. Qui se méfie des gens qui ne se prennent pas au sérieux? Erreur. Son seul but, il l'écrit sur son blog, est bien d'"éveiller les consciences" par le rire. Efficacité garantie.

Un long dégagement sur les Pygmées d'Afrique, menacés d'extermination, et c'est le capitalisme sauvage qui se retrouve en procès. Une allusion aux trois grands "génocides" de l'humanité (ceux des Indiens d'Amérique, des Aborigènes d'Australie et des esclaves), et l'Holocauste est ramené au rang de détail de l'Histoire. L'entrée en scène de son assistant Jackie, flottant dans une nuisette "en hommage au maire de Paris", arborant une étoile jaune géante à la poitrine achève la démonstration. A l'entendre, "c'est la loi", et certainement pas la morale, qui "interdit" d'oublier la Shoah. "La télé, les informations, les manuels scolaires", serviteurs zélés de la propagande d'Etat, se chargent si bien d'éduquer les consciences.
« Page : 2 sur 2 Hormis ce passage onirique, des juifs il ne sera jamais question. Mais de juifs, très souvent. Julien Dray, ce voleur "par nature", dont le bras est "si long qu'il n'a pas besoin de se baisser" pour lacer ses chaussures. Gad Elmaleh, "chouchou du show-business", ce fourbe, "capable de lui piquer" ses meilleures idées. Enrico Macias, compositeur "de merde", indésirable en Algérie et accompagnateur du chef de l'Etat français en Israël: "Maintenant, on paie les vacances d'Enrico avec nos impôts." Nicolas Sarkozy surtout, ce "sioniste", vassal de George W. Bush, "ami de Bolloré" et de tous les"capitalistes" réunis, aveugle aux souffrances africaines pourvu que l'or noir coule à flots. Et enfin les Etats-Unis, cette autre "merde", valet d'Israël, qui ont "organisé le 11 septembre" pour du gas-oil et "tué des millions de civils dans le monde au nom de Jésus-Christ".

Dieudonné n'est jamais meilleur que dans l'imitation, il le sait. Pourfendeur du "soi-disant modèle occidental", il se travestit pour convaincre. En raciste exterminateur de Pygmées, il raconte le cynisme capitaliste. En chef d'Etat camerounais, marionnette de la France, son "employeur" depuis une "indépendance de façade", il dit la cupidité et la barbarie des "colons".

"Mensonges, mensonges, l'existence n'est-elle qu'un mensonge?" vibre-il soudain, l'oeil humide. Le magicien joue sa dernière carte: la sincérité. Dans une "tentative poético-musicale sur fond de tragédie gréco-palestinienne", porté par un air de guitare manouche, Dieudonné est Amid, un jeune Palestinien. "Amid a 22 ans et décide d'aller se faire sauter au milieu de ce qu'il considère comme l'envahisseur", entonne le clown devenu grave. Le show s'achève sur l'explosion du kamikaze dans un bus israélien. Tout est dit. Et le public est debout.

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