Tuesday, April 04, 2006

polémique sur l'action du lobby pro-israélien aux usa

Polémique sur une étude sur le lobby pro-israélien aux Etats-Unis
Un rapport controversé critique son influence sur la politique étrangère américaine.
par Pascal RICHEQUOTIDIEN : mardi 04 avril 2006
Washington de notre correspondant






L'étude est titrée «Le lobby pro-Israël et la politique étrangère américaine». Elle aurait probablement été dédaignée par les médias, jetée directement dans les égouts de l'antisémitisme, si ses deux auteurs n'étaient pas aussi sérieux. Mais elle a été signée par deux universitaires de haut vol, Stephen Walt, doyen de la Kennedy School of Government (Harvard), et John Mearsheimer, professeur à l'université de Chicago. Sa publication, à la mi-mars, dans The London Review of Books, a soulevé une énorme tempête, au plus grand embarras de la vénérable institution qu'est Harvard. Depuis quinze jours, ces deux professeurs sont accusés par les uns d'avoir cédé à un vieux réflexe antisémite, cependant que d'autres vantent leur «courage» d'avoir abordé de front un «tabou».
Intérêt national. Dans leur étude, Walt et Mearsheimer affirment que certaines décisions de politique étrangère n'ont pas de justification morale ou stratégique : les Etats-Unis mettent parfois leurs intérêts nationaux de côté pour poursuivre ceux d'Israël. «Aucun lobby n'aura réussi à autant éloigner la politique étrangère des Etats-Unis de ce qui devrait être l'intérêt national, tout en persuadant les Américains que les intérêts des Etats-Unis et d'Israël sont, pour l'essentiel, les mêmes», écrivent-ils. Ou encore : «Si les Etats-Unis ont un problème avec le terrorisme, c'est en grande partie parce qu'ils ont Israël comme allié proche.»
Ils estiment que la guerre en Irak a été poussée par des piliers du lobby pro-israélien, citant le rôle de certains responsables du Pentagone, comme Paul Wolfowitz (l'ancien numéro 2) ou Doug Feith (numéro 3). Ils pointent les lieux d'influence du lobby pro-israélien, des pages opinion du New York Times à l'American Enterprise Institute, en passant par la Brooking Institution. Répondant à l'avance à ceux qui les accuseraient d'antisémitisme, les auteurs font une distinction claire entre les organisations pro-Israël (qui ont soutenu la guerre en Irak) et les juifs américains (qui, dans les sondages, s'y opposaient dans des proportions plus importantes que le reste de la population).
A peine publié sur le site web de Harvard (1), le 13 mars, l'article a été signalé par la représentation de l'OLP à Washington. De nombreux collègues de Walt et Mearsheimer se sont aussitôt désolidarisés d'eux. Le célèbre avocat Alan Dershowitz, prof à Harvard, juge que les deux auteurs ont «détruit leur réputation» en colportant le stéréotype antisémite du lobby-juif-contrôlant-tout. Il préparerait une contre-étude. Sur la blogosphère, les détracteurs des deux professeurs ont rebaptisé leur travail de 83 pages «les nouveaux protocoles des sages de Sion», en référence au célèbre faux antisémite.
Mais Walt et Mearsheimer comptent aussi des partisans. «Il est impossible de critiquer le lobby pro-Israël aux Etats-Unis sans être accusé d'être un antisémite, un allumé, un isolationniste, ou, comme souvent, les trois à la fois», écrit ainsi le chroniqueur Eric Alterman, sur le site de MSNBC. Le professeur Juan Cole, de l'université du Michigan, loue le «courage» des deux universitaires : «La plupart des juifs américains sont en désaccord profond avec les politiques défendues par l'American Enterprise Institute, le Jewish Institute for National Security Affairs, etc. Mais un confetti du spectre politique, prétendant faussement qu'il représente tous les juifs américains, s'est débrouillé pour fausser la politique étrangère américaine et la couverture de la question palestinienne», accuse-t-il sur son blog.
Distances. Prise dans ce maelström, l'université Harvard bredouille. Quelques jours après avoir publié l'article sur son site, elle a décidé de retirer son logo de la première page du document, et d'ajouter une note introductive pour prendre ses distances. L'annonce de la démission de Walt de son poste de doyen a soulevé maints sarcasmes. Le New York Sun, un journal conservateur, a accusé l'université de l'avoir destitué sous la pression de «donateurs pro-israéliens», ce que Harvard dément : le départ de Walt était prévu bien avant la controverse, ce que confirme l'entourage du professeur.
(1) http://ksgnotes1.harvard.edu/Research/wpaper.nsf/rwp/RWP06-011

0 Comments:

Post a Comment

<< Home