Monday, June 29, 2009

Menashé Amir, la voix de Jérusalem en farsi, vilipendée par le Guide
LE MONDE | 23.06.09 | 15h42 • Mis à jour le 23.06.09 | 15h42
JÉRUSALEM CORRESPONDANCE


'il y a quelqu'un en Israël qui suit le développement de la contestation iranienne à la loupe, c'est Menashé Amir. Agé de 69 ans, ce petit homme affable travaille depuis cinquante ans pour les programmes en farsi de la radio publique israélienne. Son émission diffusée en ondes courtes, mélange d'informations et de libre antenne, a atteint un tel niveau de renommée en Iran que l'ayatollah Ali Khamenei y a fait référence dans son prêche du vendredi 19 juin, vilipendant "la radio sioniste (...) qui tente de modifier le sens de l'élection".


Menashé Amir a pris cette attaque comme un honneur. Il y voit la reconnaissance du modeste contre-pouvoir qu'il exerce dans un paysage médiatique cadenassé. "Les autorités tentent à intervalles réguliers de brouiller nos transmissions, explique-t-il dans le petit studio de Jérusalem où il officie. Mais les Iraniens sont des gens intelligents qui trouvent toujours le moyen de nous écouter."

Ces auditeurs obstinés seraient entre deux et six millions, selon M. Amir. Une évaluation établie à partir des infos et des anecdotes qu'il recueille du terrain. "L'épouse de l'ayatollah Khomeyni a révélé que son mari nous écoutait fidèlement, dit-il. A l'époque où Itzhak Shamir était premier ministre en Israël, la radio s'était mise en grève pendant deux mois et une blague avait fait le tour de Téhéran. Elle disait que Khomeyni avait proposé à Shamir de payer les salaires des employés de façon à ce qu'ils reprennent leurs émissions."

Une chose est sûre : depuis le début du bras de fer entre réformateurs et conservateurs en Iran, l'audience du programme en farsi est montée en flèche. L'antenne est désormais ouverte aux auditeurs tous les soirs au lieu d'une fois par semaine.

Dimanche, en l'espace d'une heure et demie, sept appels sont arrivés d'Iran. "Il y a des morts partout. Les manifestants tombent comme des mouches", assurait un auditeur. "La plupart des gens qui nous appellent, nous supplient de leur venir en aide, affirme "la voix de Jérusalem". Les peuples iraniens et israéliens sont des alliés naturels. Déjà, à l'époque de l'offensive américaine en Irak, beaucoup demandaient à George Bush (alors président des Etats-Unis) de venir renverser le régime islamique."

GRAINES RÉVOLUTIONNAIRES

Parallèlement à son travail de journaliste radio, M. Amir assure la rédaction du site Internet en farsi du ministère des affaires étrangères israélien. Quand on lui demande si les experts ès Iran de l'armée et des renseignements lui soufflent quelques consignes, il réplique, offusqué : "Je ne reçois pas de conseil, c'est moi qui en donne." Sa dernière prédiction en date, sur la victoire de Mahmoud Ahmadinejad, s'est révélée exacte. "Il ne s'agit pas d'élections mais de sélections, dit-il. Les fraudes étaient prévisibles. Ahmadinejad a été choisi pour doter le pays de l'arme nucléaire."

Depuis que l'avenir de l'Iran se joue dans la rue, cependant, l'oracle de Jérusalem préfère se taire. Guerre civile ? Ecrasement du soulèvement, marche arrière des réformistes ? Il ne se prononce pas. "Tout ce que je peux dire, c'est que les graines de la prochaine révolution ont été plantées."



Benjamin Barthe

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