DEPUIS L'ARRAISONNEMENT SANGLANT DU MAVI MARMARA, LA TURQUIE APPARAIT COMME L'HEROÏNE DE LA RUE ARABE.
La «flottille de la paix», soutenue par le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir en Turquie, visait à accroître la pression internationale sur Israël, qui maintient le blocus de Gaza. L'objectif est rempli. L'arraisonnement sanglant du Mavi Marmara a produit un autre effet immédiat : il renforce les positions turques sur la scène moyen-orientale, déjà raffermies par la diplomatie active d'Ahmet Davutoglu, le ministre des Affaires étrangères, dans la région.
Des funérailles hors normes ont été réservées aux huit victimes turques. La cérémonie religieuse s'est déroulée à Istanbul, à la mosquée de Fatih, érigée en l'honneur du conquérant de Constantinople. Les cercueils des «martyrs», drapés dans des drapeaux turc et palestinien et couverts d'une sourate du Coran, ont été accueillis par une foule criant «Dieu est grand». Les condamnations des autorités turques ont continué sur un ton inflexible. «La Turquie ne pardonnera jamais», a déclaré Abdullah Gül, le président de la République. Mardi, dans un discours traduit simultanément en anglais et en arabe, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, était apparu en porte-drapeau de la cause palestinienne : «Le moment est venu pour la communauté internationale de dire “ça suffit”.»
Depuis lundi, la Turquie apparaît comme l'héroïne de la rue arabe. Ce sont des drapeaux rouge et blanc, les couleurs turques, qui étaient agités dans les manifestations qui se sont déroulées dans la région.
Décrit comme le «nouveau Nasser» ou le «Sultan» par la presse arabe, Erdogan a ravi le titre de défenseur des Palestiniens à Mahmoud Ahmadinejad. Selon l'éditorialiste Mehmet Ali Birand, «la Turquie a obtenu ce qu'elle voulait», prédisant que «les équilibres et les alliances vont changer dans la région». Normalisation des liens avec la Syrie, rapprochement avec l'Irak… En fin stratège, Ahmet Davutoglu a orchestré un retour remarqué dans des territoires autrefois inclus dans l'Empire ottoman. «Aujourd'hui, il y a une vraie convergence turco-arabe», souligne un diplomate européen. Ankara, qui profite du déclin de l'Égypte ou de l'Arabie saoudite et concourt pour décrocher le leadership régional, a pris une longueur d'avance sur son concurrent principal, l'Iran.
Jusqu'en 2008, les musulmans conservateurs de l'AKP ont fait cohabiter leurs ambitions régionales et leur alliance avec Israël. Le partenariat a commencé à se fissurer avec l'opération israélienne «Plomb durci» à Gaza : en visite à Ankara quelques jours avant son déclenchement, Ehoud Barak, le ministre de la Défense, n'a pas averti le chef du gouvernement turc de l'imminence de l'intervention. Recep Tayyip Erdogan l'a ressenti comme une humiliation et les relations n'ont fait que se distendre jusqu'au drame du Mavi Marmara.
Obtenir la fin du blocus de Gaza
L'AKP s'est longtemps investi dans la paix au Moyen-Orient, en parrainant des négociations secrètes entre la Syrie et Israël, en cherchant à faire baisser les tensions sur le théâtre libanais… «Actuellement, la Turquie ne peut plus jouer de rôle de médiation, estime Sinan Ülgen, président du think-tank Edam. Sa position est polarisée et elle apparaît comme l'alliée des Palestiniens, surtout du Hamas.»
L'accord turco-brésilien avec l'Iran sur l'échange d'uranium, conclu en mai, a déjà montré qu'Ankara n'hésitait plus à agir en fonction de ses propres intérêts, même s'ils s'opposent à ceux de ses alliés traditionnels occidentaux. Pour se transformer en puissance régionale incontestable, Ahmet Davutoglu cherche désormais à obtenir la fin du blocus de Gaza et à favoriser un changement de gouvernement en Israël. «Il reste à voir si la Turquie peut obtenir ce statut sans le soutien occidental», ajoute Sinan Ülgen.
La «flottille de la paix», soutenue par le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir en Turquie, visait à accroître la pression internationale sur Israël, qui maintient le blocus de Gaza. L'objectif est rempli. L'arraisonnement sanglant du Mavi Marmara a produit un autre effet immédiat : il renforce les positions turques sur la scène moyen-orientale, déjà raffermies par la diplomatie active d'Ahmet Davutoglu, le ministre des Affaires étrangères, dans la région.
Des funérailles hors normes ont été réservées aux huit victimes turques. La cérémonie religieuse s'est déroulée à Istanbul, à la mosquée de Fatih, érigée en l'honneur du conquérant de Constantinople. Les cercueils des «martyrs», drapés dans des drapeaux turc et palestinien et couverts d'une sourate du Coran, ont été accueillis par une foule criant «Dieu est grand». Les condamnations des autorités turques ont continué sur un ton inflexible. «La Turquie ne pardonnera jamais», a déclaré Abdullah Gül, le président de la République. Mardi, dans un discours traduit simultanément en anglais et en arabe, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, était apparu en porte-drapeau de la cause palestinienne : «Le moment est venu pour la communauté internationale de dire “ça suffit”.»
Depuis lundi, la Turquie apparaît comme l'héroïne de la rue arabe. Ce sont des drapeaux rouge et blanc, les couleurs turques, qui étaient agités dans les manifestations qui se sont déroulées dans la région.
Décrit comme le «nouveau Nasser» ou le «Sultan» par la presse arabe, Erdogan a ravi le titre de défenseur des Palestiniens à Mahmoud Ahmadinejad. Selon l'éditorialiste Mehmet Ali Birand, «la Turquie a obtenu ce qu'elle voulait», prédisant que «les équilibres et les alliances vont changer dans la région». Normalisation des liens avec la Syrie, rapprochement avec l'Irak… En fin stratège, Ahmet Davutoglu a orchestré un retour remarqué dans des territoires autrefois inclus dans l'Empire ottoman. «Aujourd'hui, il y a une vraie convergence turco-arabe», souligne un diplomate européen. Ankara, qui profite du déclin de l'Égypte ou de l'Arabie saoudite et concourt pour décrocher le leadership régional, a pris une longueur d'avance sur son concurrent principal, l'Iran.
Jusqu'en 2008, les musulmans conservateurs de l'AKP ont fait cohabiter leurs ambitions régionales et leur alliance avec Israël. Le partenariat a commencé à se fissurer avec l'opération israélienne «Plomb durci» à Gaza : en visite à Ankara quelques jours avant son déclenchement, Ehoud Barak, le ministre de la Défense, n'a pas averti le chef du gouvernement turc de l'imminence de l'intervention. Recep Tayyip Erdogan l'a ressenti comme une humiliation et les relations n'ont fait que se distendre jusqu'au drame du Mavi Marmara.
Obtenir la fin du blocus de Gaza
L'AKP s'est longtemps investi dans la paix au Moyen-Orient, en parrainant des négociations secrètes entre la Syrie et Israël, en cherchant à faire baisser les tensions sur le théâtre libanais… «Actuellement, la Turquie ne peut plus jouer de rôle de médiation, estime Sinan Ülgen, président du think-tank Edam. Sa position est polarisée et elle apparaît comme l'alliée des Palestiniens, surtout du Hamas.»
L'accord turco-brésilien avec l'Iran sur l'échange d'uranium, conclu en mai, a déjà montré qu'Ankara n'hésitait plus à agir en fonction de ses propres intérêts, même s'ils s'opposent à ceux de ses alliés traditionnels occidentaux. Pour se transformer en puissance régionale incontestable, Ahmet Davutoglu cherche désormais à obtenir la fin du blocus de Gaza et à favoriser un changement de gouvernement en Israël. «Il reste à voir si la Turquie peut obtenir ce statut sans le soutien occidental», ajoute Sinan Ülgen.
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