Les amitiés frontistes de Roland Dumas ressurgissent
Par Julien Martin | Rue89 | 04/05/2010 | 19H55
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Quinze ans après la mort de l'ancien président de la République, les liens entre mitterrandiens et frontistes perdurent. Dernière relation en date, celle de Roland Dumas, ex-ministre des Affaires étrangères, avec Louis Aliot, ex-secrétaire général du FN.
Licencié du Front national en juillet 2009 pour raisons économiques, ce dernier cherche à se reconvertir en tant qu'avocat. Titulaire d'un doctorat de droit public, il est dispensé de concours, mais doit recueillir les parrainages de deux avocats en exercice, auxquels il peut ajouter des lettres de recommandation.
Ses deux parrains sont Jean-Marie Crouzatier, professeur de droit à l'université de Toulouse 1, ainsi que Serge Didier, ancien d'Occident et avocat -également toulousain- reconverti en homme politique.
Plus surprenant de prime abord, figure parmi les signataires de ses lettres de recommandation, Roland Dumas, l'ancien président du Conseil constitutionnel en personne, révèle le blog Droite(s) extrême(s) du Monde.fr. Une histoire d'amitié, explique Louis Aliot à Rue89 :
« Roland Dumas était dans le jury d'un ami qui présentait sa thèse, il y a deux ans. On a sympathisé lors du traditionnel déjeuner qui suit, avec la famille, les amis, les membres du jury… »
« La IVe République était plus courtoise qu'aujourd'hui »
Le Point du 29 avril prête aussi à Roland Dumas un dîner récent chez les Le Pen, dans leur demeure de Montretout à Saint-Cloud, et relate un débat entre Jean-Marie, Marine et lui sur le film « Bienvenue chez les Ch'tis ».
Un dîner qui n'aurait jamais eu lieu, a fait savoir l'intéressé autour de lui. Mais il a tout de même confirmé et justifié au Monde.fr son soutien au futur avocat frontiste :
« Louis Aliot a toutes les qualités pour devenir avocat. Il a tous les diplômes. Il vaut la peine comme juriste. »
Roland Dumas et Jean-Marie Le Pen sont peu enclins à s'étendre sur leurs liens -aucun des deux n'a répondu aux sollicitations de Rue89 sur le sujet. Ces liens sont pourtant anciens. « Ils se sont connus en 1956 sur les bancs de l'Assemblée nationale », décrypte Louis Aliot :
« Roland Dumas était député socialiste et Jean-Marie Le Pen était député poujadiste. Ils brillaient par leur talent d'orateur. La IVe République était plus courtoise qu'aujourd'hui. »
« Les deux Roland repartent dans le même taxi »
La Ve République n'a pourtant pas empêché les accointances de perdurer. Après deux années de cohabitation, François Mitterrand est bien décidé à faire triompher de nouveau la gauche à la présidentielle de 1988. Quitte, pour y parvenir, à s'attirer les faveurs du Front national.
Un homme est mandaté pour cela : Roland Dumas. Les journalistes Emmanuel Faux, Thomas Legrand et Gilles Perez , dans leur livre « La Main droite de dieu, enquête sur François Mitterrand et l'extrême droite » (Seuil, 1994), racontent un dîner en particulier :
« Un soir de mai 1988, Roland Dumas a rendez-vous sur les bords de la Marne pour un dîner chez les Faucher. Le père, Jean-André, est un ami d'enfance. Le menu des discussions s'annonce plus politique qu'intime, du fait de la présence d'un deuxième invité, Roland Gaucher. L'ancien et futur ministre des Affaires étrangères et ce membre du bureau politique du Front national n'ont pas besoin d'être présentés : ils se sont déjà rencontrés deux fois.
A priori, les deux hommes ne sont pas là pour négocier. Chacun est plutôt venu prendre le pouls de l'autre. Roland Dumas veut sonder les intentions réelles du Front national au deuxième tour : va-t-il jouer double jeu, à l'image du Parti communiste en 1981 ? Roland Gaucher fournit d'emblée une précieuse indication à son interlocuteur : “Il n'y a aucun risque pour que je vote un jour gaulliste, Chirac ou un autre.”
Et d'expliquer que la stratégie mise au point par Jean-Pierre Stirbois et son équipe consiste à faire voter en sous-main pour François Mitterrand. Depuis plusieurs jours, par ses coups de téléphone ou des contacts directs, le secrétaire général du Front national et les siens s'agitent comme de beaux diables pour faire passer la consigne.
Au cours du dîner, Roland Dumas donne à Roland Gaucher du grain à moudre. Il évoque un possible retour du scrutin proportionnel, lui rappelle les combats antigaullistes du président de la République et, petit note affective pour un ancien croisé de l'Algérie française, lui remémore la réhabilitation tant controversée des généraux putschistes en 1982. A la fin de la soirée, les deux Roland repartent dans le même taxi. »
« Il n'a pas de conviction », dit-on de Roland Dumas
Les liens entre Roland Dumas et le Front national n'ont pas disparu depuis. Il a été vu par Le Monde « tout près » de Jany Le Pen au spectacle de Dieudonné le 18 décembre 2006 au Zénith de Paris, puis par L'Express en compagnie du président du FN à un cocktail dînatoire offert le 14 octobre 2008 à la résidence de l'ambassadeur d'Iran à Paris.
Georges Dumas, son père, a été dénoncé à la Gestapo puis fusillé en 1944. Roland Dumas paraît difficilement soupçonnable de partager les idées de quelqu'un pour qui les chambres à gaz ne sont qu'un « détail » de l'histoire. Un portrait du Monde paru en 1995 relevait :
« […] “Il n'a pas de conviction”, dit-on de lui. De fait, il n'a guère recours au registre de la morale ou des bons sentiments. Il entretient de vieilles fidélités, des relations tissées en sa qualité d'avocat, dans le monde arabe et en Iran notamment, qui le désignent pour les missions présidentielles délicates. »
Photo : Roland Dumas à un procès à Valence, en septembre 2002 (Probert Pratta/Reuters)
A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89
► « La France aux Français ! » Au cœur du 1er mai frontiste
► Le Pen vs Gollnisch : examen des candidatures à la tête du FN
► Identité nationale : « L'UMP prise à son propre jeu » selon Le Pen
Ailleurs sur le Web
► Roland Dumas « recommande » Louis Aliot, sur le blog Droite(s) extrême(s)
► Le FN se rend en délégation au spectacle de Dieudonné, sur LeMonde.fr
► France-Iran : les visiteurs du soir, sur L'Express.fr
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Licencié du Front national en juillet 2009 pour raisons économiques, ce dernier cherche à se reconvertir en tant qu'avocat. Titulaire d'un doctorat de droit public, il est dispensé de concours, mais doit recueillir les parrainages de deux avocats en exercice, auxquels il peut ajouter des lettres de recommandation.
Ses deux parrains sont Jean-Marie Crouzatier, professeur de droit à l'université de Toulouse 1, ainsi que Serge Didier, ancien d'Occident et avocat -également toulousain- reconverti en homme politique.
Plus surprenant de prime abord, figure parmi les signataires de ses lettres de recommandation, Roland Dumas, l'ancien président du Conseil constitutionnel en personne, révèle le blog Droite(s) extrême(s) du Monde.fr. Une histoire d'amitié, explique Louis Aliot à Rue89 :
« Roland Dumas était dans le jury d'un ami qui présentait sa thèse, il y a deux ans. On a sympathisé lors du traditionnel déjeuner qui suit, avec la famille, les amis, les membres du jury… »
« La IVe République était plus courtoise qu'aujourd'hui »
Le Point du 29 avril prête aussi à Roland Dumas un dîner récent chez les Le Pen, dans leur demeure de Montretout à Saint-Cloud, et relate un débat entre Jean-Marie, Marine et lui sur le film « Bienvenue chez les Ch'tis ».
Un dîner qui n'aurait jamais eu lieu, a fait savoir l'intéressé autour de lui. Mais il a tout de même confirmé et justifié au Monde.fr son soutien au futur avocat frontiste :
« Louis Aliot a toutes les qualités pour devenir avocat. Il a tous les diplômes. Il vaut la peine comme juriste. »
Roland Dumas et Jean-Marie Le Pen sont peu enclins à s'étendre sur leurs liens -aucun des deux n'a répondu aux sollicitations de Rue89 sur le sujet. Ces liens sont pourtant anciens. « Ils se sont connus en 1956 sur les bancs de l'Assemblée nationale », décrypte Louis Aliot :
« Roland Dumas était député socialiste et Jean-Marie Le Pen était député poujadiste. Ils brillaient par leur talent d'orateur. La IVe République était plus courtoise qu'aujourd'hui. »
« Les deux Roland repartent dans le même taxi »
La Ve République n'a pourtant pas empêché les accointances de perdurer. Après deux années de cohabitation, François Mitterrand est bien décidé à faire triompher de nouveau la gauche à la présidentielle de 1988. Quitte, pour y parvenir, à s'attirer les faveurs du Front national.
Un homme est mandaté pour cela : Roland Dumas. Les journalistes Emmanuel Faux, Thomas Legrand et Gilles Perez , dans leur livre « La Main droite de dieu, enquête sur François Mitterrand et l'extrême droite » (Seuil, 1994), racontent un dîner en particulier :
« Un soir de mai 1988, Roland Dumas a rendez-vous sur les bords de la Marne pour un dîner chez les Faucher. Le père, Jean-André, est un ami d'enfance. Le menu des discussions s'annonce plus politique qu'intime, du fait de la présence d'un deuxième invité, Roland Gaucher. L'ancien et futur ministre des Affaires étrangères et ce membre du bureau politique du Front national n'ont pas besoin d'être présentés : ils se sont déjà rencontrés deux fois.
A priori, les deux hommes ne sont pas là pour négocier. Chacun est plutôt venu prendre le pouls de l'autre. Roland Dumas veut sonder les intentions réelles du Front national au deuxième tour : va-t-il jouer double jeu, à l'image du Parti communiste en 1981 ? Roland Gaucher fournit d'emblée une précieuse indication à son interlocuteur : “Il n'y a aucun risque pour que je vote un jour gaulliste, Chirac ou un autre.”
Et d'expliquer que la stratégie mise au point par Jean-Pierre Stirbois et son équipe consiste à faire voter en sous-main pour François Mitterrand. Depuis plusieurs jours, par ses coups de téléphone ou des contacts directs, le secrétaire général du Front national et les siens s'agitent comme de beaux diables pour faire passer la consigne.
Au cours du dîner, Roland Dumas donne à Roland Gaucher du grain à moudre. Il évoque un possible retour du scrutin proportionnel, lui rappelle les combats antigaullistes du président de la République et, petit note affective pour un ancien croisé de l'Algérie française, lui remémore la réhabilitation tant controversée des généraux putschistes en 1982. A la fin de la soirée, les deux Roland repartent dans le même taxi. »
« Il n'a pas de conviction », dit-on de Roland Dumas
Les liens entre Roland Dumas et le Front national n'ont pas disparu depuis. Il a été vu par Le Monde « tout près » de Jany Le Pen au spectacle de Dieudonné le 18 décembre 2006 au Zénith de Paris, puis par L'Express en compagnie du président du FN à un cocktail dînatoire offert le 14 octobre 2008 à la résidence de l'ambassadeur d'Iran à Paris.
Georges Dumas, son père, a été dénoncé à la Gestapo puis fusillé en 1944. Roland Dumas paraît difficilement soupçonnable de partager les idées de quelqu'un pour qui les chambres à gaz ne sont qu'un « détail » de l'histoire. Un portrait du Monde paru en 1995 relevait :
« […] “Il n'a pas de conviction”, dit-on de lui. De fait, il n'a guère recours au registre de la morale ou des bons sentiments. Il entretient de vieilles fidélités, des relations tissées en sa qualité d'avocat, dans le monde arabe et en Iran notamment, qui le désignent pour les missions présidentielles délicates. »
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