DANS L'HUMA; LES JUIFS ARABES VICTIMES DU SIONISME
idéesLes juifs arabes victimes du sionisme
Ella Shohat rappelle des réalités historiques occultées sur la généalogie coloniale de l’État d’Israël et sur l’urgence du partage des cultures.
LE SIONISME DU POINT DE VUE DE SES VICTIMES JUIVES, D’ELLA SHOHAT. ÉDITIONS LA FABRIQUE, 2006, 120 PAGES, 8 EUROS. Le seul énoncé du titre de l’essai de la sociologue et historienne américaine Ella Shohat en fera, sans doute, bondir plus d’un. Un rien provocateur, il a pour objet d’attirer l’attention sur ceux qu’en Israël on appelle mizrahim, « les juifs orientaux ». Une catégorie dont on parle assez peu en France, où l’on a pris l’habitude de désigner du nom de Séfarades l’ensemble des juifs non originaires d’Europe. Ce qui constitue, comme le fait remarquer Ella Shohat, une erreur manifeste, les Séfarades stricto sensu étant uniquement les descendants de juifs chassés d’Espagne par Isabelle la Catholique et dont la majorité s’établirent, il est vrai, dans les pays arabes et musulmans du pourtour méditerranéen. Mais les juifs du Yémen ou d’Irak - pays d’origine de la famille d’Ella Shohat - n’ont rien à voir avec les Séfarades et se trouvaient là depuis des temps immémoriaux. Ils sont, comme elle le dit joliment, « juifs par la religion et arabes par la culture », comme le petit noyau des juifs restés de tout temps en Palestine et que l’on appelle les « sabras ». Ce qu’explique très bien l’auteure, c’est que ces « juifs arabes » ont été, comme les Palestiniens musulmans et chrétiens bien qu’à un moindre degré, victimes du sionisme qui, par la création d’un État juif, a bouleversé leurs vies, faisant souvent d’eux des réfugiés et, à l’intérieur de l’État d’Israël, des citoyens de seconde zone. Ella Shohat rappelle beaucoup de réalités historiques élémentaires mais oubliées, à moins qu’elles ne soient volontairement occultées. Par exemple que le mouvement sioniste, qui se voulait un « mouvement de libération du peuple juif », était exclusivement ashkénaze (européen, en prenant le continent européen en un sens large, « de l’Atlantique à l’Oural »). Les « juifs arabes » et les Séfarades furent d’emblée, rappelle-t-elle, considérés comme des « sauvages » par les Ashkénazes, qui furent et restent les tenants du pouvoir en Israël, où ils sont pourtant largement minoritaires (moins de 30 % de la population). Elle cite des propos, peu amènes à leur égard, de « pionniers » du sionisme comme Ben Gourion, Aba Eban ou Golda Meir qui, animés d’un esprit colonial très européo-centriste, craignaient plus que tout l’« orientalisation » d’Israël. Car l’Orient, rien de nouveau là-dedans, « était le mal et l’Occident le bien ». La culture des juifs arabes était plus que méprisée : niée. « Comme si les juifs arabes n’avaient commencé à exister qu’après leur arrivée en Israël. » Pour Ella Shohat, c’est un des grands échecs d’Israël, avec le fait que « c’est l’endroit le plus dangereux du monde pour les juifs, alors que le sionisme voulait en faire un havre de paix ». Elle se dit très inquiète de la tournure qu’y prennent les événements. Constatant « l’inexorable poussée vers la droite et le militarisme », elle se dit convaincue qu’Israël « ne peut continuer sur ce chemin ». Au lieu de « diviser pour régner », en dressant tout particulièrement les mizrahim contre les Palestiniens, il doit au contraire, pour s’intégrer dans la région et vivre en harmonie avec ses voisins, s’appuyer sur ce « pont culturel » que constituent les juifs arabes. Françoise Germain-Robin
Ella Shohat rappelle des réalités historiques occultées sur la généalogie coloniale de l’État d’Israël et sur l’urgence du partage des cultures.
LE SIONISME DU POINT DE VUE DE SES VICTIMES JUIVES, D’ELLA SHOHAT. ÉDITIONS LA FABRIQUE, 2006, 120 PAGES, 8 EUROS. Le seul énoncé du titre de l’essai de la sociologue et historienne américaine Ella Shohat en fera, sans doute, bondir plus d’un. Un rien provocateur, il a pour objet d’attirer l’attention sur ceux qu’en Israël on appelle mizrahim, « les juifs orientaux ». Une catégorie dont on parle assez peu en France, où l’on a pris l’habitude de désigner du nom de Séfarades l’ensemble des juifs non originaires d’Europe. Ce qui constitue, comme le fait remarquer Ella Shohat, une erreur manifeste, les Séfarades stricto sensu étant uniquement les descendants de juifs chassés d’Espagne par Isabelle la Catholique et dont la majorité s’établirent, il est vrai, dans les pays arabes et musulmans du pourtour méditerranéen. Mais les juifs du Yémen ou d’Irak - pays d’origine de la famille d’Ella Shohat - n’ont rien à voir avec les Séfarades et se trouvaient là depuis des temps immémoriaux. Ils sont, comme elle le dit joliment, « juifs par la religion et arabes par la culture », comme le petit noyau des juifs restés de tout temps en Palestine et que l’on appelle les « sabras ». Ce qu’explique très bien l’auteure, c’est que ces « juifs arabes » ont été, comme les Palestiniens musulmans et chrétiens bien qu’à un moindre degré, victimes du sionisme qui, par la création d’un État juif, a bouleversé leurs vies, faisant souvent d’eux des réfugiés et, à l’intérieur de l’État d’Israël, des citoyens de seconde zone. Ella Shohat rappelle beaucoup de réalités historiques élémentaires mais oubliées, à moins qu’elles ne soient volontairement occultées. Par exemple que le mouvement sioniste, qui se voulait un « mouvement de libération du peuple juif », était exclusivement ashkénaze (européen, en prenant le continent européen en un sens large, « de l’Atlantique à l’Oural »). Les « juifs arabes » et les Séfarades furent d’emblée, rappelle-t-elle, considérés comme des « sauvages » par les Ashkénazes, qui furent et restent les tenants du pouvoir en Israël, où ils sont pourtant largement minoritaires (moins de 30 % de la population). Elle cite des propos, peu amènes à leur égard, de « pionniers » du sionisme comme Ben Gourion, Aba Eban ou Golda Meir qui, animés d’un esprit colonial très européo-centriste, craignaient plus que tout l’« orientalisation » d’Israël. Car l’Orient, rien de nouveau là-dedans, « était le mal et l’Occident le bien ». La culture des juifs arabes était plus que méprisée : niée. « Comme si les juifs arabes n’avaient commencé à exister qu’après leur arrivée en Israël. » Pour Ella Shohat, c’est un des grands échecs d’Israël, avec le fait que « c’est l’endroit le plus dangereux du monde pour les juifs, alors que le sionisme voulait en faire un havre de paix ». Elle se dit très inquiète de la tournure qu’y prennent les événements. Constatant « l’inexorable poussée vers la droite et le militarisme », elle se dit convaincue qu’Israël « ne peut continuer sur ce chemin ». Au lieu de « diviser pour régner », en dressant tout particulièrement les mizrahim contre les Palestiniens, il doit au contraire, pour s’intégrer dans la région et vivre en harmonie avec ses voisins, s’appuyer sur ce « pont culturel » que constituent les juifs arabes. Françoise Germain-Robin
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