LES VISEES DU HEZBOLLAH AU LIBAN
Monde
Le «Parti de Dieu» prêt à tout
Affaibli depuis la guerre contre Israël, le Hezbollah a choisi la surenchère et les intérêts de Damas.
Par Jean-Pierre PERRIN
QUOTIDIEN : lundi 11 décembre 2006
avec
Le Hezbollah ira-t-il jusqu'à provoquer la guerre civile, faute de pouvoir parvenir à ses fins ? A voir la surenchère à laquelle se livre depuis plusieurs jours Cheikh Hassan Nasrallah, on peut le penser. Si, pendant la révolution du Cèdre qui provoqua, l'an dernier, le départ des troupes syriennes du Liban, le Conseil des Eglises maronites avait refusé que la foule marche sur le Grand Sérail (le siège du gouvernement), le Hezbollah n'a pas ce genre de tabou. Bien au contraire. Et les propos de plus en plus agressifs du chef du «Parti de Dieu», affirmant que le sang de ses partisans triompherait de l'épée des assassins et qualifiant de traîtres les ministres du gouvernement Siniora, sont de mauvais augure. D'autant plus qu'ils s'adressent aux membres d'un cabinet où le Hezbollah exige d'avoir sa place. D'ores et déjà, certains analystes estiment que le célèbre «pacte communautaire» libanais, qui régit les relations entre les différentes confessions, est bel et bien rompu. Le siège du Sérail en est la démonstration.
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Blocage. Ce que réclame le Hezbollah, et ses alliés le mouvement chiite Amal et les maronites du général Michel Aoun , c'est une place accrue au sein du gouvernement, dont cinq ministres chiites et un sixième prosyrien ont claqué la porte à la mi-novembre. Grâce à la formation de ce gouvernement d'union nationale, la minorité antisyrienne disposerait d'un pouvoir de blocage. But de l'opération, empêcher la création d'un tribunal international chargé de juger les assassins de Rafic Hariri et les auteurs de quatorze autres attentats commis au Liban contre des personnalités antisyriennes. Dernièrement, selon des indiscrétions, Damas a fait savoir via Téhéran à Nabih Berri, le président du Parlement et l'allié de Nasrallah, que même les principes de ce tribunal international étaient inacceptables et que ses alliés libanais devaient s'employer à empêcher qu'ils soient validés par Beyrouth. Pourquoi le Hezbollah accepte-t-il ce rôle d'agent exécutant d'un régime, au risque de se retrouver dans une position difficile et de faire démentir la réputation d'homme pragmatique qu'avait jusqu'alors Nasrallah ? Nul ne le sait précisément, mais déjà des voix au Liban estiment que les résultats de l'enquête de l'ONU sur les assassinats de personnalités antisyriennes pourraient se révéler gênants pour le parti chiite.
Dans la crise actuelle, il y a aussi un second enjeu : le Hezbollah est sorti affaibli de la guerre avec Israël, qui s'est traduite par la destruction des régions chiites et une diminution significative de sa présence militaire au Sud-Liban. D'où sa volonté de masquer cet échec en faisant porter au gouvernement Siniora, et derrière lui aux sunnites en général, la responsabilité de son échec. Jeudi, Nasrallah a ainsi accusé le gouvernement d'avoir entravé le ravitaillement des combattants du mouvement chiite.
Offensive. Dans la confrontation, il y a aussi un formidable aspect financier. Derrière l'offensive de Nasrallah se dessine sa volonté de contrôler les fonds destinés à la reconstruction. Actuellement, le Hezbollah fournirait chaque mois entre 500 et 1 000 dollars à quelque 100 000 familles chiites dont les maisons ont été détruites ou qui ont perdu des proches. D'où des besoins financiers considérables, estimés à 1 milliard de dollars.
Jusqu'à présent, aucune «ligne rouge» n'a été franchie. Mais déjà le grand mufti sunnite de Beyrouth, Mohammed-Rachid Kaffani, a lancé une mise en garde en déclarant qu'une prise du Grand Sérail par la foule chiite ne pourrait pas être acceptée.
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