‘La gauche a toujours été antisémite’ par alexis lacroix
‘La gauche a toujours été antisémite’
By ELIAS LEVY
Reporter
“Le socialisme des imbéciles!” C’est ainsi que le social-démocrate Bebel stigmatisait la judéophobie du camp progressiste. Or, les vieux démons sont de retour, diagnostique le journaliste et essayiste français Alexis Lacroix.
“La gauche, en France, ne devient pas antisémite. Elle le redevient, affirme-t-il. Aujourd’hui, en effet, l’extrême gauche maquille sa haine sous le discours antisioniste. En nazifiant Israël, elle fait du judaïsme un racisme, des Juifs des fascistes. Et parce qu’elle incarne le mythe révolutionnaire, son idéologie délétère menace de contaminer toute la gauche. Il est temps pour la gauche d’en finir avec les mensonges sur son histoire. Pour elle aussi, l’heure du devoir de Mémoire est venue.”
Alexis Lacroix est l’auteur d’un essai très remarqué, Le socialisme des imbéciles. Quand l’antisémitisme redevient de gauche (Éditions La Table Ronde).
Pour ce journaliste du Figaro, toute critique de l’État d’Israël n’est pas systématiquement une prise de position foncièrement antisémite. Mais, il s’empresse d’ajouter: “Je connais la parade argumentative des nouvelles radicalités, sous toutes les latitudes: “Ne confondez pas l’antisionisme et l’antisémitisme!” Mais est-il vraiment bien sérieux, sous prétexte de lutter contre le “communautarisme”, de tancer ceux des Juifs qui trouvent un peu byzantins ces distinguos sémantiques, mis en avant par les militants anti-israéliens, et qui décèlent, derrière la condamnation de l’État juif, celle, tout simplement, des Juifs? Est-il bien raisonnable de les accuser de pressentir que, plus d’une fois, l’opinion antisioniste sert de masque à la haine antisémite?”
Qui fait, après tout, du réserviste de Tsahal un bourreau d’enfants? Qui aime présenter le judaïsme sous les traits d’un exclusivisme discriminatoire et raciste? Qui se plaît, sans cesse davantage depuis 1967, à fasciser l’identité juive en nazifiant Israël?, demande Alexis Lacroix.
“Des secteurs entiers de l’extrême gauche. Elle n’est pas la gauche, bien sûr. Mais comme elle incarne, à leur frange radicale, les idéaux du socialisme révolutionnaire, elle les compromet par son obsession même, constate-t-il. Les progressistes français butent désormais sur l’avertissement, en forme de prophétie, que leur lançait Bernard-Henri Lévy, lors de la guerre au Liban, en 1982, dans Le Matin de Paris: “L’antisémitisme sera antisioniste ou ne sera pas. J’ajoute: il sera de gauche ou ne sera pas”. Nous y sommes. Le virus n’est pas nouveau. Il a simplement muté. La gauche, en France, ne devient pas antisémite. Elle le redevient, aujourd’hui à ses marges, demain peut-être en son coeur.”
D’après Alexis Lacroix, le “substrat doctrinal” du socialisme originel -depuis le XIXe siècle, l’exécration des Juifs est le marqueur idéologique commun aux anticapitalistes, aux ouvriéristes et à de larges fractions des utopistes- ne s’est, en fait, jamais évanoui. Il continue de fonder l’“axiomatique de l’antisémitisme de gauche” qui, du coup, demeure inchangé.
“Aujourd’hui comme hier, il s’agit encore et toujours pour lui de guetter l’heure de la revanche, d’affûter les poignards conceptuels en vue du Grand Soir, de démasquer et d’éradiquer l’ennemi de l’intérieur. D’Édouard Bernstein à Tony Blair, la social-démocratie, consciente du danger, n’a eu qu’une ambition: ramener ce fleuve impétueux dans son lit. Désormais, toutefois, le barrage est défoncé, perforé, crevé de toutes parts. On ne sait plus s’il faut parler, à gauche, de déroute, de débâcle, ou d’apocalypse de ce sens commun qu’entendait incarner le “socialisme libéral”.”
Pour Alexis Lacroix, la sinistre affaire Dieudonné -humoriste français dont les frasques antisémites ont provoqué des grandes controverses-, avec ses épisodes à rallonge, son cortège de bonnes intentions nauséabondes et de faux rebondissements, est venue rappeler que le nihilisme antisémite fait ses choux gras de la défaite de la pensée.
Face aux “évidences maintes fois démontrées”, voilà donc que la judéité remplit une fois de plus son rôle de sismographe des tremblements de terre idéologiques. Et voilà, en conséquence, les réformateurs placés devant leurs responsabilités.
“Longtemps, au Parti Socialiste français, la consigne a été de dédramatiser l’irrésistible ascension des gauches dures et l’offensive de leurs théories du complot. Pourtant, force est de constater que “les socialistes ont tort d’imaginer une seule seconde qu’ils sont à l’abri des foudres de cette gauche de l’extrême”, comme l’écrivait Joseph Macé-Scaron dans un éditorial du Figaro Magazine, en février 2004. Pour la gauche, pour la vérité de son histoire, avec les Juifs et avec le judaïsme, il est urgent de s’interroger sur ce réenchantement psychotique du monde, qui se déploie à l’étouffée des gauches radicales, et qui menace sérieusement le socialisme.”
Néanmoins, plaideront certains, face au spectacle des “crimes sionistes”, un esprit généreux, humaniste, n’a-t-il pas le droit -mieux: le devoir- d’exprimer sa colère, de crier sa rage, de péter les plombs? Doit-il même s’embarrasser de scrupules?
“On se méprend, pourtant, quand on croit pouvoir justifier le jugement porté sur Israël par la politique israélienne, dit-il. Ni le traitement réservé à l’Autorité Palestinienne, ni l’alliance assumée d’Israël avec les États-Unis ne peuvent expliquer une antipathie qui dépasse, à l’évidence, circonstances et événements. La haine anti-israélienne affichée par de larges secteurs de l’opinion européenne n’est pas une sanction ou une riposte à l’égard de Jérusalem, elle procède, bien au contraire, d’une condamnation sans appel de l’État juif comme tel.”
Certes, l’antisionisme a longtemps pu passer pour la “villégiature morale de l’Occident”, selon l’amère formule de l’écrivain américain feu Saül Bellow. La réprobation d’Israël représentait une sorte de droit de doléance dont des patries incontestables, nanties, sereines, usaient aux dépens d’une petite nation forcée de défendre sa survie.
“Il y avait alors comme l’expression d’un luxe capricieux dans l’intempérance des Européens à demander des comptes à l’État juif, rappelle Alexis Lacroix. Mais ce n’est plus le cas. Depuis quelques années, la fulmination antisioniste a viré à l’idée fixe, et c’est autour de son axe insensé que tournoient les nouvelles configurations barbares. L’infléchissement, dans l’idée et le vocabulaire, a été définitivement opéré lors de la scandaleuse Conférence internationale de Durban contre le racisme, à l’automne 2001. Le nouvel antisémitisme a été légitimé au cours de ce rassemblement scabreux, prédominé par la judéophobie et la haine viscérale d’Israël.”
By ELIAS LEVY
Reporter
“Le socialisme des imbéciles!” C’est ainsi que le social-démocrate Bebel stigmatisait la judéophobie du camp progressiste. Or, les vieux démons sont de retour, diagnostique le journaliste et essayiste français Alexis Lacroix.
“La gauche, en France, ne devient pas antisémite. Elle le redevient, affirme-t-il. Aujourd’hui, en effet, l’extrême gauche maquille sa haine sous le discours antisioniste. En nazifiant Israël, elle fait du judaïsme un racisme, des Juifs des fascistes. Et parce qu’elle incarne le mythe révolutionnaire, son idéologie délétère menace de contaminer toute la gauche. Il est temps pour la gauche d’en finir avec les mensonges sur son histoire. Pour elle aussi, l’heure du devoir de Mémoire est venue.”
Alexis Lacroix est l’auteur d’un essai très remarqué, Le socialisme des imbéciles. Quand l’antisémitisme redevient de gauche (Éditions La Table Ronde).
Pour ce journaliste du Figaro, toute critique de l’État d’Israël n’est pas systématiquement une prise de position foncièrement antisémite. Mais, il s’empresse d’ajouter: “Je connais la parade argumentative des nouvelles radicalités, sous toutes les latitudes: “Ne confondez pas l’antisionisme et l’antisémitisme!” Mais est-il vraiment bien sérieux, sous prétexte de lutter contre le “communautarisme”, de tancer ceux des Juifs qui trouvent un peu byzantins ces distinguos sémantiques, mis en avant par les militants anti-israéliens, et qui décèlent, derrière la condamnation de l’État juif, celle, tout simplement, des Juifs? Est-il bien raisonnable de les accuser de pressentir que, plus d’une fois, l’opinion antisioniste sert de masque à la haine antisémite?”
Qui fait, après tout, du réserviste de Tsahal un bourreau d’enfants? Qui aime présenter le judaïsme sous les traits d’un exclusivisme discriminatoire et raciste? Qui se plaît, sans cesse davantage depuis 1967, à fasciser l’identité juive en nazifiant Israël?, demande Alexis Lacroix.
“Des secteurs entiers de l’extrême gauche. Elle n’est pas la gauche, bien sûr. Mais comme elle incarne, à leur frange radicale, les idéaux du socialisme révolutionnaire, elle les compromet par son obsession même, constate-t-il. Les progressistes français butent désormais sur l’avertissement, en forme de prophétie, que leur lançait Bernard-Henri Lévy, lors de la guerre au Liban, en 1982, dans Le Matin de Paris: “L’antisémitisme sera antisioniste ou ne sera pas. J’ajoute: il sera de gauche ou ne sera pas”. Nous y sommes. Le virus n’est pas nouveau. Il a simplement muté. La gauche, en France, ne devient pas antisémite. Elle le redevient, aujourd’hui à ses marges, demain peut-être en son coeur.”
D’après Alexis Lacroix, le “substrat doctrinal” du socialisme originel -depuis le XIXe siècle, l’exécration des Juifs est le marqueur idéologique commun aux anticapitalistes, aux ouvriéristes et à de larges fractions des utopistes- ne s’est, en fait, jamais évanoui. Il continue de fonder l’“axiomatique de l’antisémitisme de gauche” qui, du coup, demeure inchangé.
“Aujourd’hui comme hier, il s’agit encore et toujours pour lui de guetter l’heure de la revanche, d’affûter les poignards conceptuels en vue du Grand Soir, de démasquer et d’éradiquer l’ennemi de l’intérieur. D’Édouard Bernstein à Tony Blair, la social-démocratie, consciente du danger, n’a eu qu’une ambition: ramener ce fleuve impétueux dans son lit. Désormais, toutefois, le barrage est défoncé, perforé, crevé de toutes parts. On ne sait plus s’il faut parler, à gauche, de déroute, de débâcle, ou d’apocalypse de ce sens commun qu’entendait incarner le “socialisme libéral”.”
Pour Alexis Lacroix, la sinistre affaire Dieudonné -humoriste français dont les frasques antisémites ont provoqué des grandes controverses-, avec ses épisodes à rallonge, son cortège de bonnes intentions nauséabondes et de faux rebondissements, est venue rappeler que le nihilisme antisémite fait ses choux gras de la défaite de la pensée.
Face aux “évidences maintes fois démontrées”, voilà donc que la judéité remplit une fois de plus son rôle de sismographe des tremblements de terre idéologiques. Et voilà, en conséquence, les réformateurs placés devant leurs responsabilités.
“Longtemps, au Parti Socialiste français, la consigne a été de dédramatiser l’irrésistible ascension des gauches dures et l’offensive de leurs théories du complot. Pourtant, force est de constater que “les socialistes ont tort d’imaginer une seule seconde qu’ils sont à l’abri des foudres de cette gauche de l’extrême”, comme l’écrivait Joseph Macé-Scaron dans un éditorial du Figaro Magazine, en février 2004. Pour la gauche, pour la vérité de son histoire, avec les Juifs et avec le judaïsme, il est urgent de s’interroger sur ce réenchantement psychotique du monde, qui se déploie à l’étouffée des gauches radicales, et qui menace sérieusement le socialisme.”
Néanmoins, plaideront certains, face au spectacle des “crimes sionistes”, un esprit généreux, humaniste, n’a-t-il pas le droit -mieux: le devoir- d’exprimer sa colère, de crier sa rage, de péter les plombs? Doit-il même s’embarrasser de scrupules?
“On se méprend, pourtant, quand on croit pouvoir justifier le jugement porté sur Israël par la politique israélienne, dit-il. Ni le traitement réservé à l’Autorité Palestinienne, ni l’alliance assumée d’Israël avec les États-Unis ne peuvent expliquer une antipathie qui dépasse, à l’évidence, circonstances et événements. La haine anti-israélienne affichée par de larges secteurs de l’opinion européenne n’est pas une sanction ou une riposte à l’égard de Jérusalem, elle procède, bien au contraire, d’une condamnation sans appel de l’État juif comme tel.”
Certes, l’antisionisme a longtemps pu passer pour la “villégiature morale de l’Occident”, selon l’amère formule de l’écrivain américain feu Saül Bellow. La réprobation d’Israël représentait une sorte de droit de doléance dont des patries incontestables, nanties, sereines, usaient aux dépens d’une petite nation forcée de défendre sa survie.
“Il y avait alors comme l’expression d’un luxe capricieux dans l’intempérance des Européens à demander des comptes à l’État juif, rappelle Alexis Lacroix. Mais ce n’est plus le cas. Depuis quelques années, la fulmination antisioniste a viré à l’idée fixe, et c’est autour de son axe insensé que tournoient les nouvelles configurations barbares. L’infléchissement, dans l’idée et le vocabulaire, a été définitivement opéré lors de la scandaleuse Conférence internationale de Durban contre le racisme, à l’automne 2001. Le nouvel antisémitisme a été légitimé au cours de ce rassemblement scabreux, prédominé par la judéophobie et la haine viscérale d’Israël.”
1 Comments:
On nage en plein délire!
Ce n'est pas antisioniste ou antisémite mais anti-état d'exception, combien de temps encore faudra-t-il avoir deux régimes de signes, un pour les juifs et un pour les autres? Comment peut-on décemment construire une pensée en terrain sacré et tabou? Suis-je antisémite lorsque je dis cela?
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