Friday, August 10, 2007

A Notre-Dame, le kaddish et la terre du mont des Oliviers

A Notre-Dame, le kaddish et la terre du mont des Oliviers
Mgr Lustiger a été inhumé vendredi à Paris sous le chœur de la cathédrale. Une cérémonie qui a laissé place à la lecture de la prière juive des morts.
Par Mathilde la Bardonnie
QUOTIDIEN : samedi 11 août 2007
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Et bientôt sur une plaque commémorative, à l’intérieur de Notre-Dame les passants liront ces mots voulus, pesés, vécus par le cardinal Lustiger, archevêque de Paris vingt-cinq ans durant : «Je suis né juif. J’ai reçu le nom de mon grand père paternel, Aaron. Devenu chrétien par la foi et le baptême, je suis demeuré juif comme le demeuraient les apôtres […].»

C’est donc le 10 août, par vent froid, un vendredi, veille du shabbat, et jour rappelant la crucifixion du Christ, que le cercueil d’Aaron Jean-Marie Lustiger, converti à l’âge de 14 ans, a rejoint ceux de ses prédécesseurs dans la crypte funéraire, sous le chœur, à quelques mètres de l’autel où encore récemment il était revenu officier, faire entendre sa voix rien qu’à lui, fragile et voilée : on célébrait alors les obsèques de l’abbé Pierre. Le président de la République en place était là. Nicolas Sarkozy a traversé l’océan pour assister vendredi aux funérailles simples et solennelles, et inédites, de Mgr Lustiger, cet «ami français» de Jean Paul II.
Simple coupe. Tout a commencé par un moment jamais vu sur le parvis de la cathédrale où, selon la volonté du défunt, son arrière-petit-neveu a versé dans une simple coupe posée sur le cercueil la terre qu’il était allé chercher à sa demande en Terre Sainte, à Jéricho et au mont des Oliviers. Calme transvasement du contenu d’un banal sac plastique transparent, par un jeune homme coiffé de sa kippa. Certes les grands rabbins de France et de Paris (et les rabbins orthodoxes en général) étaient absents, mais sur les quelques dizaines de chaises autour de la famille Lustiger se trouvaient les ambassadeurs d’Israël en France et auprès de l’Unesco, ainsi que nombre de représentants de la communauté juive, sans compter ceux de l’Académie française et du gouvernement. Est venu le moment de pure tradition juive de la récitation en araméen du kaddish des endeuillés, dit par un cousin qui a rappelé en deux phrases de silex le cauchemar de la Shoah, la mort à Auschwitz de la mère du cardinal.
Mer de chasubles. Dehors, quelque 2 000 personnes suivaient sur un écran géant cet inhabituel prologue à la messe : sobre rappel de la religion du Livre, d’un vigoureux dénuement du cérémonial mortuaire. A l’intérieur, sur de petits écrans, on vit les personnalités entrer. Le chœur et les absides étaient emplis d’une mer de chasubles blanches et de mitres violettes (plus de 500 prêtres, 50 évêques et 16 cardinaux). Mgr André Vingt-Trois a évoqué les voies mystérieuses de la Providence et la personnalité exceptionnelle du maître spirituel et le souvenir de ses homélies brillantes. Le cercueil au sol, comme tout aplati sous le poids symbolique d’une aube blanche. Le cercueil posé sur le dallage noir et blanc, à cet endroit où les novices se couchent à terre, à plat ventre, lorsqu’ils sont ordonnés prêtres.

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