Sunday, October 14, 2007

La "banque des SS" révèle enfin son passé

La "banque des SS" révèle enfin son passé
LE MONDE | 16.02.06 | 13h23 • Mis à jour le 13.10.07 | 14h42
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a Dresdner Bank, qui était surnommée la "banque des SS", regarde finalement son passé en face. Le résultat de sept ans de recherches menées, à sa demande, par un groupe d'historiens indépendants paraît vendredi 17 février sous forme d'un énorme ouvrage de 2 374 pages, Die Dresdner Bank im Dritten Reich (La Dresdner Bank sous le IIIe Reich), édité par Oldenbourg Wissenschaftsverlag. Il a fallu attendre 1997 et la polémique autour des banques suisses pour que la Dresdner Bank demande une telle recherche et ouvre ses archives. L'enquête "a été possible seulement quand son directoire a reconnu que l'indifférence (...) causait plus de dommages économiques et moraux qu'elle n'était utile", indique Klaus-Dietmar Henke, professeur à l'université de Dresde, qui a dirigé l'étude. Ses recherches montrent comment la Dresdner Bank, alors deuxième banque allemande, a contracté volontairement "des relations personnelles et commerciales particulièrement étroites avec le régime national-socialiste".




Après la chute du nazisme, un rapport de l'Omgus, l'office du gouvernement militaire américain, publié en 1980, établissait déjà l'appui de la banque aux crimes nazis. Porte-parole du directoire de la Dresdner Bank à la fin 1942, Karl Rasche, qui avait aussi rang d'officier SS, avait été le seul banquier condamné devant le tribunal de Nuremberg. Le travail monumental auquel se sont attelés les historiens révèle finalement que certaines activités de la banque - le "plus important créancier privé de la SS" - avaient été sous-estimées. Les historiens ont retrouvé trace de 47,7 millions de reichmarks de crédits accordés à des groupements SS et de 17,5 millions directement à d'autres projets de leur dirigeant, Heinrich Himmler, alors que les recherches précédentes avaient évalué les crédits à 30 millions. Ces crédits ont majoritairement financé l'économie d'esclavage à travers les entreprises de travail forcé ainsi que divers projets SS, notamment un bâtiment près du camp de concentration de Sachsenhausen.

L'étude établit aussi que la Dresdner Bank a mis en place pour le compte des SS des sociétés-écrans. Elle a ainsi revendu aux SS, en sous-main, une entreprise leur permettant de voler plus facilement des terres en Tchécoslovaquie et en Autriche.

Nationalisée depuis 1931 afin d'empêcher sa faillite, la Dresdner Bank avait pourtant gardé une certaine autonomie de gestion. Après l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler, son dirigeant, Carl Goetz, avait appelé au directoire deux membres du parti nazi : Karl Rasche, futur dirigeant, et Emil Meyer, également membre de la SS et dont le neveu, Wilhelm Keppler, était le conseiller économique de Hitler.

Plus que ses concurrentes, la Deutsche Bank et la Commerzbank, la Dresdner Bank a fait le choix de se mettre au service du nazisme. Elle licencie ses salariés et ses dirigeants juifs, réduit fortement les pensions de ses retraités "non aryens". En 1935, elle est la première à mettre la main sur une banque détenue par une famille juive, la banque Arnhold. Après divers épisodes, elle tire profit des persécutions dont sont victimes les propriétaires et "aryanise" l'établissement en ne versant que 3 % du prix de vente.

La Dresdner Bank est reprivatisée à l'automne 1937. Cela ne la conduira pas, bien au contraire, à mettre fin à ses activités avec le régime. Elle continue d'aider à la spoliation des juifs, au financement de l'industrie d'armement, à l'exploitation des matières premières dans les pays occupés, aux activités pour le compte des nazis dans les pays neutres, le trafic d'or volé. La Dresdner Bank était aussi en relation commerciale avec cinq entreprises de construction qui ont dressé les camps de la mort. Elle détenait 26 % de Huta Hoch und Tiefbau, qui a construit les cinq crématoires où se situaient les chambres à gaz d'Auschwitz-Birkenau, le dernier ayant été achevé en avril 1943.

Adrien de Tricornot
Article paru dans l'édition du 17.02.06.
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