la cour d'appel de paris intime l'ordre à France 2 de remettre des rushs
France 2 a accepté de remettre ses rushes de l’incident al-Dura à la Cour d’appel de Paris
Par Véronique Chemla pour Guysen International News
9 octobre 2007 21:17
Le 3 octobre 2007, la 11e chambre de la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt demandant aux intimés - France 2 et son correspondant à Jérusalem, Charles Enderlin -, de lui communiquer, avant le 31 octobre 2007, les rushes filmés par le cameraman palestinien Talal Abu Rahma le 30 septembre 2000, dans la bande de Gaza. Me Bénédicte Amblard, avocate des intimés, a transmis l’accord de ses clients. Si l’affaire al-Dura a pris une dimension politique en Israël, elle est largement occultée par les médias français.
Première ou unique inflexion de la position de France 2 et de Charles Enderlin ?
C’est en tout cas contraints par la Cour d’appel, qui a accueilli la demande de l’appelant, Philippe Karsenty, directeur de l’agence de notation des médias Media-Ratings (M-R), que les deux intimés acceptent enfin de montrer publiquement ces rushes.
Et ce, afin de permettre à la Cour de déterminer si France 2 a diffusé, lors du déclenchement de l’Intifadah II, des images mises en scène et ne correspondant pas à la situation réelle au carrefour de Netzarim (bande de Gaza), à l’automne 2000. Pas moins !
Sur son blog, Charles Enderlin se déclarait le 20 septembre « extrêmement satisfait du souhait de la cour d'appel de Paris de visionner les rushes tournés le 30 septembre et le 1 octobre 2000 par Talal Abou Rahmeh le correspondant de France 2 à Gaza » (1).
Que ne s’est-il exécuté en sept ans, et notamment à l’automne 2006 lorsque Philippe Karsenty et Charles Gouze, webmaster de Desinfos.com, ont formulé cette requête devant le tribunal correctionnel de Paris !
Confusion ou lapsus révélateur du journaliste ? C’est Tsahal, et non la Cour, qui a demandé les rushes de ces deux dates. Est-ce à dire que Charles Enderlin va accéder aussi à la requête similaire de l’armée de l’Etat juif réitérée le 10 septembre 2007 ? Rien de moins sûr car il refuse de livrer ces 27 minutes de rushes à « un organisme qui serait partie prenante dans cette affaire ».
Ces rushes seront visionnés par la Cour d’appel de Paris lors de l’audience du 14 novembre prochain. Philippe Karsenty les découvrira seulement ce jour-là. Ce qui est peu satisfaisant au regard des droits de la défense.
Le visionnage des rushes « permettra de crever l'abcès, de montrer l'authenticité des images » poursuit le correspondant de France 2 qui, comme Jamal al-Dura, maintient ses déclarations initiales.
D’une manière surprenante, Jamal al-Dura a déclaré (Ynetnews.com, 2 octobre 2007) : « Les balles était israéliennes. Les tirs venaient du côté israélien et seulement de ce côté. Les balles dans mon corps et celles de mon fils venaient de face, ce qui prouve qu’elles venaient du poste israélien ». Or, le poste israélien ne se trouvait pas en face d’eux, mais du côté opposé du carrefour de Netzarim (cf. carte où les al-Dura se trouvent abrités derrière « the barrel »).
Aucun des deux protagonistes ne semble ébranlé par les affirmations graves de Tsahal.
Une armée dont l’avis exprimé dans un courrier du 10 septembre 2007 et adressé par le colonel Shlomi Am-Shalom, adjoint du porte-parole de Tsahal, notamment à Charles Enderlin et Patrick de Carolis, président de France Télévision, est dévastateur pour les intimés : « L’analyse de toutes les données sur le terrain, l’emplacement de la position de Tsahal, les angles de tir, l’emplacement du père et de son fils derrière un tonneau leur servant d’abri, la fréquence des tirs, les angles de pénétration des balles dans le mur placé derrière le père et le fils ainsi que le timing de l’évènement, rendaient hautement improblable que les tirs ayant soi-disant atteint le père et son fils aient pu être tirés par les soldats de Tsahal se trouvant dans cette position… Le général Samia m’a précisé que toutes ses tentatives d’obtenir les prises de vue pour compléter l’enquête ont été vouées à l’échec… Nous sommes conscients de tentatives de mises en scène médiatisées et comme un doute s’est insinué à cet égard envers ledit reportage, nous demandons [une copie complète non montée] afin de découvrir la vérité ».
D’une « mise en scène » filmée à une affaire judiciaire et politique
Des accusations graves reprises, pour la première fois par écrit, par le responsable du service de presse du gouvernement israélien (GPO), Daniel Seaman.
Fin septembre 2007, celui-ci affirme à l’association israélienne d’avocats Shurat HaDin (2) : « Les faits ne se sont pas produits comme Charles Enderlin les a décrits car la version de ce dernier contredit les lois de la physique. Il était impossible [aux soldats israéliens] de toucher [les al-Dura] qui se cachaient… Le cameraman Talal Abu Rahma a mis en scène tout l’incident... La création du mythe Mohamed al-Dura a causé un grand préjudice à l’Etat d’Israël et enflammé le monde arabe. [Cette] accusation contemporaine de meurtre rituel (blood libel) portée contre cet Etat a causé des dizaines de morts en Israël et dans le monde ».
Daniel Seaman estime aussi que France 2 a « manqué de professionnalisme… Aucune vérification sur [la] crédibilité [des images de l’incident al-Dura] n'a été faite avant leur diffusion ».
Peut-être par crainte de s’aliéner une chaîne importante et de susciter des réactions corporatistes, les autorités publiques israéliennes ont refusé la voie judiciaire et privilégié un « traitement médiatique ». Après consultation du conseiller juridique du gouvernement Menachem Mazuz, Daniel Seaman n’a pas accédé à la demande de Shurat HaDin : il n’a pas retiré son accréditation à l’équipe de France 2.
Sur le site Internet anglophone du Premier ministre, aucun communiqué de presse ne contredit Daniel Seaman dont les déclarations suscitent des réflexions.
En qualifiant de « mise en scène » l’incident al-Dura, Daniel Seaman vise le camaraman palestinien Talal Abu Rahma, collaborateur de France 2 et CNN. Perverse, cynique et économe, l’Autorité palestinienne (AP) réserve donc à une oligarchie l’essentiel de la manne financière internationale et ferait payer les « mises en scène » de Pallywood, son industrie de propagande audiovisuelle, par des médias occidentaux, privés et peut-être plus grave publics. Un mécanisme qui confèrerait ainsi à ces « mises en scène » un label d’impartialité et un gage d’authenticité, accroîtrait leur crédibilité, duperait les téléspectateurs et engagerait la responsabilité de ceux qui les financent et les distribuent. A la différence de films de fiction qui se présentent comme tels – La Porte du soleil (2004) de Yousry Nasrallah, Paradise now (2005) de Hany Abu-Assad –, Pallywood produit des « actualités fictives », un oxymore qui désigne ces saynètes inventées, mises en scène et jouées par les Palestiniens et présentées aux médias comme des histoires authentiques. Via des canaux mondiaux de diffusion, ces deux genres visent à ternir l’image de l’Etat juif, et sont parfois primés.
La « mise en scène » de l’incident al-Dura date d’une époque où l’AP était dirigée, notamment dans la bande de Gaza, par le Fatah, un parti qui a créé, encouragé, soutenu et promu Pallywood. Son leader, Mahmoud Abbas, est considéré par le gouvernement Olmert, l’administration Bush et des diplomaties européennes comme « un partenaire pour la paix ». Pour parfaire son image d’interlocuteur « modéré » luttant contre le terroriste Hamas, Mahmoud Abbas a allégué, faussement, que ses forces à Bethlehem venaient de saisir deux roquettes prêtes à être lancées contre Israël à partir de la banlieue de Beit Jala et les avaient remises à Tsahal (Washington Post, 30 septembre 2007). Ces roquettes étaient en fait des tuyaux utilisés par les enfants palestiniens. Et c’est avec les fieffés menteurs de Pallywood que le gouvernement israélien veut signer un accord de paix ?!
En judiciarisant l’affaire al-Dura, France 2 et Charles Enderlin ont enclenché un mécanisme aux effets multiples, inattendus et doté d’un effet boomerang :
- désormais, c’est le fleuron du service public audiovisuel français, son correspondant et le travail de son équipe qui intéressent, non seulement le gouvernement israélien, Tsahal, des médias étrangers, des associations française et américaines, mais aussi la justice hexagonale ;
- stigmatisant la « politique de l’autruche de la diplomatie israélienne qui a induit un préjudice important à l’Etat d’Israël, aux communautés juives du monde entier », Shurat HaDin entend s’adresser à la Haute Cour de justice israélienne afin d’obtenir le retrait des accréditifs si France 2 ne reconnaît pas publiquement avoir faussement accusé l’Etat juif d’avoir tué un enfant palestinien. Cette association songe à solliciter des dommages intérêts pour les victimes de la violence induite par l’incident al-Dura. De nombreuses audiences en perspective...
- coïncidence : le jour-même où s’ouvrait le procès sur l’incident al-Dura devant la Cour d’appel devenait définitive la condamnation de Dieudonné M’Bala M’Bala pour diffamation raciale à l’égard du comédien-animateur Arthur en raison de ses déclarations à ’’The Source’’ (janvier 2004) : ’’Beaucoup de personnes dans mon métier sont juives… Arthur avec sa société de production finance de manière très active l'armée israélienne, cette même armée qui n’hésite pas à tuer des enfants palestiniens’’. De quoi inspirer Shurat HaDin qui représente dans « des procès – en Israël, aux Etats-Unis, au Canada et en Europe - ou dans des actions légales contre l’AP, le Hamas, l’Iran, la Syrie, le Jihad islamique et l’Union européenne les centaines de victimes israéliennes du terrorisme palestinien et les Arabes palestiniens accusés de travailler pour l’Etat d’Israël et contre l’Autorité palestinienne ».
Une double « exception française » médiatique ?
Alors que des médias, israéliens ou non – Associated Press, AFP en anglais, Cyberpresse, Romandie news, De Standaard, DePers, Le Soir, L’orient le jour, Columbia Journalism Review -, et la revue de presse israélienne éditée par l’ambassade de France en Israël ont fait part des déclarations du GPO, la presse française – hormis ClubObs, L’Express, La Tribune, Actualité juive – et la newsletter de l’ambassade d’Israël en France restent étonnament silencieuses sur les derniers rebondissements de l’affaire al-Dura (3).
Un mutisme étrange ou un oubli peu banal. En tout cas, un symptôme inquiétant dans un pays libre : « Un journalisme malade, c’est la démocratie en danger » rappelle la Fedération europénne des journalistes (FEJ), le 27 septembre 2007.
Occultée par des médias français, l’affaire al-Dura n’est pas seulement dans l’actualité judiciaire. Elle rassemble des interrogations sur le rôle des informations, rumeurs et propagandes dans la formation des opinions publiques, au centre notamment de la 10e édition des Rendez-vous de l’Histoire à Blois (18-21 octobre). Citons l’Association Yad Layeled qui y organise, le 21 octobre, à 14 h, la projection du documentaire Décryptage de Jacques Tarnero dans la salle capitulaire du Conseil général, et, de 16 h à 17h30, la table-ronde « La guerre moderne et l’information » dans l’amphi 3 de l’antenne universitaire de Blois, place Jean Jaurès.
Comme si le refoulé parvenait à affleurer. Malgré tout…
Ces rebondissements dans l’affaire al-Dura surgissent alors que diverses instances insistent sur les devoirs des médias et que la singularité de l’attitude de France 2 apparaît avec plus de relief.
D’une part, le 1er octobre 2007, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe adoptait des Lignes directrices sur la protection de la liberté d’expression et d’information en temps de crise : ces lignes directrices soulignent les « responsabilités des professionnels des médias qu'elles invitent à respecter les plus hautes règles éthiques et professionnelles, eu égard à la responsabilité qu'ils ont, dans des situations de crise, de rendre publiques des informations factuelles et exhaustives ».
Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'Homme dudit Conseil, précisait : « Les rédacteurs en chef et autres représentants des médias devraient se montrer attentifs aux critiques formulées au sujet de la qualité de certains de leurs articles ou reportages… Les médias « officiels » doivent exercer leur activité de manière impartiale et dans l’intérêt de l’ensemble de la population. Il convient, bien entendu, que les médias de « service public » ne deviennent pas les instruments d’une propagande. Leur indépendance et leur impartialité revêtent une importance capitale » (4).
D’autre part, lors de la guerre d’Israël contre le Hezbollah, le 7 août 2006, Reuters a retiré 920 clichés de son photographe depuis plus de dix ans, Adnan Hajj, car celui-ci avait « modifié » numériquement deux photos. Et ce, sans attendre une décision de justice… En étant convaincu par les arguments de simples internautes, de bloggers.
Le 29 septembre 2007, The Jerusalem Post publiait l’article de Khaled Abu Toameh, journaliste réputé, sur un « scoop » confié par le Fatah basé à Ramallah : une Palestinienne de 16 ans aurait été victime en juillet 2007 dans la bande de Gaza d’un crime dit « d’honneur » filmé. Ce qui pouvait être vérifié auprès « deux témoins oculaires ». Alerté par des bloggers que ledit film avait été réalisé en Iraq en avril 2007, ce quotidien retirait dès le lendemain de son site Internet l’article incriminé, publiait les excuses de son journaliste et rétablissait la vérité : pour discréditer le Hamas et se présenter comme le seul interlocuteur « fréquentable », le Fatah avait manipulé Khaled Abu Toameh ; les faux témoins étaient d’anciens officiers de la sécurité du Fatah. Des rectificatifs tout à l’honneur de ce média israélien.
France 2 a été alertée par plusieurs personnalités, dont trois journalistes émérites – Denis Jeambar, Daniel Leconte, Luc Rozensweig - ayant visionné les rushes du 30 septembre 2000. Les deux premiers attestent : les Palestiniens «jouent» à la guerre avec les Israéliens et simulent, dans la plupart des cas, des blessures imaginaires… Au moment où Charles Enderlin donne le gamin pour mort, tué par les Israéliens, c'est-à-dire le soir même sur le journal de France 2, rien ne lui permet d'affirmer qu'il est vraiment mort et encore moins qu'il a été tué par des soldats israéliens » (Le Figaro, 25 janvier 2005).
Arlette Chabot, directrice de l’information de France 2, a admis une incertitude quant à l’origine des tirs ayant « tué le petit Mohamed ».
Que fera cette chaîne-phare du service public si l’arrêt de la Cour d’appel de Paris ne conclut pas comme elle l’espère ?
Ironie de la vie, les 2 et 3 octobre 2007, veille et jour de l’arrêt de ladite Cour, France 2 diffusait le téléfilm Notable donc coupable de Francis Girod. L’histoire d’une rumeur infondée ayant diffamé en 2003 le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Dominique Baudis. A celui-ci qui lui demandait de reconnaître publiquement son erreur, Florence Bouquillat, journaliste de France 2, répliquait : «On ne fait jamais ça à la télévision, voyons ! » (5)
(1) http://blog.france2.fr/charles-enderlin/index.php/2007/09/20/59110-al-dura
(2) http://www.israellawcenter.org
(3) http://www.m-r.fr/danslesmedias.php?id=65
(4) www.commissioner.coe.int
(5) Egarements et débordements médiatiques de Cyrano :
http://www.guysen.com/articles.php?sid=3134
La Cour d’appel de Paris demande à France 2 les rushes sur l’incident al-Dura :
http://www.guysen.com/articles.php?sid=6158
L’enquête vidéo sur l’affaire al-Dura :
http://www.guysen.com/tv/?vida=1779
Le dossier audiovisuel al-Dura établi par Richard Landes :
http://www.seconddraft.org/aldurah.php
L’interview de Stéphane Juffa, rédacteur en chef de la Mena :
http://www.guysen.com/tv/?vida=1795
Photos : © DR, V. Chemla. Photo des grilles du jardin du Luxembourg lors de l’exposition Objectif Une : un demi-siècle vu par L’Express (2004). La légende de la photo des al-Dura, indiquait en français, anglais et espagnol : « 30 septembre 2000. Jamal al-Dura et son fils Mohamed, âgé de 12 ans, se protègent des balles israéliennes. L’enfant sera tué ». Des passants ont supprimé les mots « israéliennes, tué ». Des barrières métalliques ont été mises pour protéger le texte. L’autre photo était ainsi légendée : « Un Palestinien montre ses mains trempées dans le sang de deux soldats israéliens lynchés dans un poste de police à Ramallah, en Cisjordanie »
Carte : © Richard Landes
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redaction@guysen.com
Par Véronique Chemla pour Guysen International News
9 octobre 2007 21:17
Le 3 octobre 2007, la 11e chambre de la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt demandant aux intimés - France 2 et son correspondant à Jérusalem, Charles Enderlin -, de lui communiquer, avant le 31 octobre 2007, les rushes filmés par le cameraman palestinien Talal Abu Rahma le 30 septembre 2000, dans la bande de Gaza. Me Bénédicte Amblard, avocate des intimés, a transmis l’accord de ses clients. Si l’affaire al-Dura a pris une dimension politique en Israël, elle est largement occultée par les médias français.
Première ou unique inflexion de la position de France 2 et de Charles Enderlin ?
C’est en tout cas contraints par la Cour d’appel, qui a accueilli la demande de l’appelant, Philippe Karsenty, directeur de l’agence de notation des médias Media-Ratings (M-R), que les deux intimés acceptent enfin de montrer publiquement ces rushes.
Et ce, afin de permettre à la Cour de déterminer si France 2 a diffusé, lors du déclenchement de l’Intifadah II, des images mises en scène et ne correspondant pas à la situation réelle au carrefour de Netzarim (bande de Gaza), à l’automne 2000. Pas moins !
Sur son blog, Charles Enderlin se déclarait le 20 septembre « extrêmement satisfait du souhait de la cour d'appel de Paris de visionner les rushes tournés le 30 septembre et le 1 octobre 2000 par Talal Abou Rahmeh le correspondant de France 2 à Gaza » (1).
Que ne s’est-il exécuté en sept ans, et notamment à l’automne 2006 lorsque Philippe Karsenty et Charles Gouze, webmaster de Desinfos.com, ont formulé cette requête devant le tribunal correctionnel de Paris !
Confusion ou lapsus révélateur du journaliste ? C’est Tsahal, et non la Cour, qui a demandé les rushes de ces deux dates. Est-ce à dire que Charles Enderlin va accéder aussi à la requête similaire de l’armée de l’Etat juif réitérée le 10 septembre 2007 ? Rien de moins sûr car il refuse de livrer ces 27 minutes de rushes à « un organisme qui serait partie prenante dans cette affaire ».
Ces rushes seront visionnés par la Cour d’appel de Paris lors de l’audience du 14 novembre prochain. Philippe Karsenty les découvrira seulement ce jour-là. Ce qui est peu satisfaisant au regard des droits de la défense.
Le visionnage des rushes « permettra de crever l'abcès, de montrer l'authenticité des images » poursuit le correspondant de France 2 qui, comme Jamal al-Dura, maintient ses déclarations initiales.
D’une manière surprenante, Jamal al-Dura a déclaré (Ynetnews.com, 2 octobre 2007) : « Les balles était israéliennes. Les tirs venaient du côté israélien et seulement de ce côté. Les balles dans mon corps et celles de mon fils venaient de face, ce qui prouve qu’elles venaient du poste israélien ». Or, le poste israélien ne se trouvait pas en face d’eux, mais du côté opposé du carrefour de Netzarim (cf. carte où les al-Dura se trouvent abrités derrière « the barrel »).
Aucun des deux protagonistes ne semble ébranlé par les affirmations graves de Tsahal.
Une armée dont l’avis exprimé dans un courrier du 10 septembre 2007 et adressé par le colonel Shlomi Am-Shalom, adjoint du porte-parole de Tsahal, notamment à Charles Enderlin et Patrick de Carolis, président de France Télévision, est dévastateur pour les intimés : « L’analyse de toutes les données sur le terrain, l’emplacement de la position de Tsahal, les angles de tir, l’emplacement du père et de son fils derrière un tonneau leur servant d’abri, la fréquence des tirs, les angles de pénétration des balles dans le mur placé derrière le père et le fils ainsi que le timing de l’évènement, rendaient hautement improblable que les tirs ayant soi-disant atteint le père et son fils aient pu être tirés par les soldats de Tsahal se trouvant dans cette position… Le général Samia m’a précisé que toutes ses tentatives d’obtenir les prises de vue pour compléter l’enquête ont été vouées à l’échec… Nous sommes conscients de tentatives de mises en scène médiatisées et comme un doute s’est insinué à cet égard envers ledit reportage, nous demandons [une copie complète non montée] afin de découvrir la vérité ».
D’une « mise en scène » filmée à une affaire judiciaire et politique
Des accusations graves reprises, pour la première fois par écrit, par le responsable du service de presse du gouvernement israélien (GPO), Daniel Seaman.
Fin septembre 2007, celui-ci affirme à l’association israélienne d’avocats Shurat HaDin (2) : « Les faits ne se sont pas produits comme Charles Enderlin les a décrits car la version de ce dernier contredit les lois de la physique. Il était impossible [aux soldats israéliens] de toucher [les al-Dura] qui se cachaient… Le cameraman Talal Abu Rahma a mis en scène tout l’incident... La création du mythe Mohamed al-Dura a causé un grand préjudice à l’Etat d’Israël et enflammé le monde arabe. [Cette] accusation contemporaine de meurtre rituel (blood libel) portée contre cet Etat a causé des dizaines de morts en Israël et dans le monde ».
Daniel Seaman estime aussi que France 2 a « manqué de professionnalisme… Aucune vérification sur [la] crédibilité [des images de l’incident al-Dura] n'a été faite avant leur diffusion ».
Peut-être par crainte de s’aliéner une chaîne importante et de susciter des réactions corporatistes, les autorités publiques israéliennes ont refusé la voie judiciaire et privilégié un « traitement médiatique ». Après consultation du conseiller juridique du gouvernement Menachem Mazuz, Daniel Seaman n’a pas accédé à la demande de Shurat HaDin : il n’a pas retiré son accréditation à l’équipe de France 2.
Sur le site Internet anglophone du Premier ministre, aucun communiqué de presse ne contredit Daniel Seaman dont les déclarations suscitent des réflexions.
En qualifiant de « mise en scène » l’incident al-Dura, Daniel Seaman vise le camaraman palestinien Talal Abu Rahma, collaborateur de France 2 et CNN. Perverse, cynique et économe, l’Autorité palestinienne (AP) réserve donc à une oligarchie l’essentiel de la manne financière internationale et ferait payer les « mises en scène » de Pallywood, son industrie de propagande audiovisuelle, par des médias occidentaux, privés et peut-être plus grave publics. Un mécanisme qui confèrerait ainsi à ces « mises en scène » un label d’impartialité et un gage d’authenticité, accroîtrait leur crédibilité, duperait les téléspectateurs et engagerait la responsabilité de ceux qui les financent et les distribuent. A la différence de films de fiction qui se présentent comme tels – La Porte du soleil (2004) de Yousry Nasrallah, Paradise now (2005) de Hany Abu-Assad –, Pallywood produit des « actualités fictives », un oxymore qui désigne ces saynètes inventées, mises en scène et jouées par les Palestiniens et présentées aux médias comme des histoires authentiques. Via des canaux mondiaux de diffusion, ces deux genres visent à ternir l’image de l’Etat juif, et sont parfois primés.
La « mise en scène » de l’incident al-Dura date d’une époque où l’AP était dirigée, notamment dans la bande de Gaza, par le Fatah, un parti qui a créé, encouragé, soutenu et promu Pallywood. Son leader, Mahmoud Abbas, est considéré par le gouvernement Olmert, l’administration Bush et des diplomaties européennes comme « un partenaire pour la paix ». Pour parfaire son image d’interlocuteur « modéré » luttant contre le terroriste Hamas, Mahmoud Abbas a allégué, faussement, que ses forces à Bethlehem venaient de saisir deux roquettes prêtes à être lancées contre Israël à partir de la banlieue de Beit Jala et les avaient remises à Tsahal (Washington Post, 30 septembre 2007). Ces roquettes étaient en fait des tuyaux utilisés par les enfants palestiniens. Et c’est avec les fieffés menteurs de Pallywood que le gouvernement israélien veut signer un accord de paix ?!
En judiciarisant l’affaire al-Dura, France 2 et Charles Enderlin ont enclenché un mécanisme aux effets multiples, inattendus et doté d’un effet boomerang :
- désormais, c’est le fleuron du service public audiovisuel français, son correspondant et le travail de son équipe qui intéressent, non seulement le gouvernement israélien, Tsahal, des médias étrangers, des associations française et américaines, mais aussi la justice hexagonale ;
- stigmatisant la « politique de l’autruche de la diplomatie israélienne qui a induit un préjudice important à l’Etat d’Israël, aux communautés juives du monde entier », Shurat HaDin entend s’adresser à la Haute Cour de justice israélienne afin d’obtenir le retrait des accréditifs si France 2 ne reconnaît pas publiquement avoir faussement accusé l’Etat juif d’avoir tué un enfant palestinien. Cette association songe à solliciter des dommages intérêts pour les victimes de la violence induite par l’incident al-Dura. De nombreuses audiences en perspective...
- coïncidence : le jour-même où s’ouvrait le procès sur l’incident al-Dura devant la Cour d’appel devenait définitive la condamnation de Dieudonné M’Bala M’Bala pour diffamation raciale à l’égard du comédien-animateur Arthur en raison de ses déclarations à ’’The Source’’ (janvier 2004) : ’’Beaucoup de personnes dans mon métier sont juives… Arthur avec sa société de production finance de manière très active l'armée israélienne, cette même armée qui n’hésite pas à tuer des enfants palestiniens’’. De quoi inspirer Shurat HaDin qui représente dans « des procès – en Israël, aux Etats-Unis, au Canada et en Europe - ou dans des actions légales contre l’AP, le Hamas, l’Iran, la Syrie, le Jihad islamique et l’Union européenne les centaines de victimes israéliennes du terrorisme palestinien et les Arabes palestiniens accusés de travailler pour l’Etat d’Israël et contre l’Autorité palestinienne ».
Une double « exception française » médiatique ?
Alors que des médias, israéliens ou non – Associated Press, AFP en anglais, Cyberpresse, Romandie news, De Standaard, DePers, Le Soir, L’orient le jour, Columbia Journalism Review -, et la revue de presse israélienne éditée par l’ambassade de France en Israël ont fait part des déclarations du GPO, la presse française – hormis ClubObs, L’Express, La Tribune, Actualité juive – et la newsletter de l’ambassade d’Israël en France restent étonnament silencieuses sur les derniers rebondissements de l’affaire al-Dura (3).
Un mutisme étrange ou un oubli peu banal. En tout cas, un symptôme inquiétant dans un pays libre : « Un journalisme malade, c’est la démocratie en danger » rappelle la Fedération europénne des journalistes (FEJ), le 27 septembre 2007.
Occultée par des médias français, l’affaire al-Dura n’est pas seulement dans l’actualité judiciaire. Elle rassemble des interrogations sur le rôle des informations, rumeurs et propagandes dans la formation des opinions publiques, au centre notamment de la 10e édition des Rendez-vous de l’Histoire à Blois (18-21 octobre). Citons l’Association Yad Layeled qui y organise, le 21 octobre, à 14 h, la projection du documentaire Décryptage de Jacques Tarnero dans la salle capitulaire du Conseil général, et, de 16 h à 17h30, la table-ronde « La guerre moderne et l’information » dans l’amphi 3 de l’antenne universitaire de Blois, place Jean Jaurès.
Comme si le refoulé parvenait à affleurer. Malgré tout…
Ces rebondissements dans l’affaire al-Dura surgissent alors que diverses instances insistent sur les devoirs des médias et que la singularité de l’attitude de France 2 apparaît avec plus de relief.
D’une part, le 1er octobre 2007, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe adoptait des Lignes directrices sur la protection de la liberté d’expression et d’information en temps de crise : ces lignes directrices soulignent les « responsabilités des professionnels des médias qu'elles invitent à respecter les plus hautes règles éthiques et professionnelles, eu égard à la responsabilité qu'ils ont, dans des situations de crise, de rendre publiques des informations factuelles et exhaustives ».
Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'Homme dudit Conseil, précisait : « Les rédacteurs en chef et autres représentants des médias devraient se montrer attentifs aux critiques formulées au sujet de la qualité de certains de leurs articles ou reportages… Les médias « officiels » doivent exercer leur activité de manière impartiale et dans l’intérêt de l’ensemble de la population. Il convient, bien entendu, que les médias de « service public » ne deviennent pas les instruments d’une propagande. Leur indépendance et leur impartialité revêtent une importance capitale » (4).
D’autre part, lors de la guerre d’Israël contre le Hezbollah, le 7 août 2006, Reuters a retiré 920 clichés de son photographe depuis plus de dix ans, Adnan Hajj, car celui-ci avait « modifié » numériquement deux photos. Et ce, sans attendre une décision de justice… En étant convaincu par les arguments de simples internautes, de bloggers.
Le 29 septembre 2007, The Jerusalem Post publiait l’article de Khaled Abu Toameh, journaliste réputé, sur un « scoop » confié par le Fatah basé à Ramallah : une Palestinienne de 16 ans aurait été victime en juillet 2007 dans la bande de Gaza d’un crime dit « d’honneur » filmé. Ce qui pouvait être vérifié auprès « deux témoins oculaires ». Alerté par des bloggers que ledit film avait été réalisé en Iraq en avril 2007, ce quotidien retirait dès le lendemain de son site Internet l’article incriminé, publiait les excuses de son journaliste et rétablissait la vérité : pour discréditer le Hamas et se présenter comme le seul interlocuteur « fréquentable », le Fatah avait manipulé Khaled Abu Toameh ; les faux témoins étaient d’anciens officiers de la sécurité du Fatah. Des rectificatifs tout à l’honneur de ce média israélien.
France 2 a été alertée par plusieurs personnalités, dont trois journalistes émérites – Denis Jeambar, Daniel Leconte, Luc Rozensweig - ayant visionné les rushes du 30 septembre 2000. Les deux premiers attestent : les Palestiniens «jouent» à la guerre avec les Israéliens et simulent, dans la plupart des cas, des blessures imaginaires… Au moment où Charles Enderlin donne le gamin pour mort, tué par les Israéliens, c'est-à-dire le soir même sur le journal de France 2, rien ne lui permet d'affirmer qu'il est vraiment mort et encore moins qu'il a été tué par des soldats israéliens » (Le Figaro, 25 janvier 2005).
Arlette Chabot, directrice de l’information de France 2, a admis une incertitude quant à l’origine des tirs ayant « tué le petit Mohamed ».
Que fera cette chaîne-phare du service public si l’arrêt de la Cour d’appel de Paris ne conclut pas comme elle l’espère ?
Ironie de la vie, les 2 et 3 octobre 2007, veille et jour de l’arrêt de ladite Cour, France 2 diffusait le téléfilm Notable donc coupable de Francis Girod. L’histoire d’une rumeur infondée ayant diffamé en 2003 le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Dominique Baudis. A celui-ci qui lui demandait de reconnaître publiquement son erreur, Florence Bouquillat, journaliste de France 2, répliquait : «On ne fait jamais ça à la télévision, voyons ! » (5)
(1) http://blog.france2.fr/charles-enderlin/index.php/2007/09/20/59110-al-dura
(2) http://www.israellawcenter.org
(3) http://www.m-r.fr/danslesmedias.php?id=65
(4) www.commissioner.coe.int
(5) Egarements et débordements médiatiques de Cyrano :
http://www.guysen.com/articles.php?sid=3134
La Cour d’appel de Paris demande à France 2 les rushes sur l’incident al-Dura :
http://www.guysen.com/articles.php?sid=6158
L’enquête vidéo sur l’affaire al-Dura :
http://www.guysen.com/tv/?vida=1779
Le dossier audiovisuel al-Dura établi par Richard Landes :
http://www.seconddraft.org/aldurah.php
L’interview de Stéphane Juffa, rédacteur en chef de la Mena :
http://www.guysen.com/tv/?vida=1795
Photos : © DR, V. Chemla. Photo des grilles du jardin du Luxembourg lors de l’exposition Objectif Une : un demi-siècle vu par L’Express (2004). La légende de la photo des al-Dura, indiquait en français, anglais et espagnol : « 30 septembre 2000. Jamal al-Dura et son fils Mohamed, âgé de 12 ans, se protègent des balles israéliennes. L’enfant sera tué ». Des passants ont supprimé les mots « israéliennes, tué ». Des barrières métalliques ont été mises pour protéger le texte. L’autre photo était ainsi légendée : « Un Palestinien montre ses mains trempées dans le sang de deux soldats israéliens lynchés dans un poste de police à Ramallah, en Cisjordanie »
Carte : © Richard Landes
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