karsenty un héros qui refuse
[Affaire Al-Dura] Karsenty, un héros qui se défend de l’être, combat pour la vérité, Ph. Chesler
28/10/2007
Comme toujours, seuls des médias et des auteurs anglo-saxons, majoritairement américains, s’expriment, avec beaucoup de liberté, voire de pugnacité, à propos de l’affaire Al-Dura, qui tend à devenir "l’affaire Karsenty". Quant au silence de la presse française, il est assourdissant. On a l’impression que les journalistes de France et de Navarre retiennent leur souffle, dans l’attente du visionnage de la totalité des rushes, par la Cour d’Appel de Paris. Ou peut-être, comme on me l’a déjà suggéré, se désintéressent-ils totalement de cette affaire, anecdotique à leurs yeux, convaincus qu’en tout état de cause, la statue du Commandeur de l’ordre des journalistes - Charles Enderlin - est indéboulonnable et que l’audacieux Karsenty s’y cassera les dents, d’autant que les murmures de mauvais augures vont bon train dans les salles de Rédaction. Dans le genre : "Savez-vous que rarissimes sont les personnalités et organisations juives de France, et même des Etats-Unis, qui emboîtent le pas à ce prétentieux qui agresse tout le monde et jusqu’à l’ambassadeur d’Israël ! Pour qui se prend-il ? C’est un homme seul, un exalté qui joue les Dreyfus !" Etc. Etc. En ces jours tristes et décevants, monte à mes lèvres ce passage du de David (qu’il faut lire tout entier) : "Qu’elle est grande, Eternel, ta bonté ! Tu la mets en réserve pour ceux qui te craignent, tu la dispenses à ceux qui te prennent pour abri face aux fils d’hommes. Tu les caches au secret de ta face, loin des complots des hommes ; tu les mets à couvert sous la tente, loin de la polémique des langues." (Ps 31, 20-21). (Menahem Macina).
24/10/07
Titre original : "An Unassuming Hero Standing Up For Truth".
The Jewish Press
Traduction française : Menahem Macina
Grand, élégant, charmant et très déterminé, Philippe Karsenty, 41 ans, ancien agent de change, analyste de presse, et fondateur de Media-Ratings, est venu en Amérique pour donner une conférence et rencontrer la presse, peu après sa victoire provisoire devant un tribunal, à Paris, dans l’affaire Mohammed Al-Dura, l’enfant palestinien prétendument tué par un tir de l’armée israélienne.
La chaîne de télévision d’Etat, France 2, l’a attaqué en diffamation pour avoir affirmé que la diffusion qu’elle avait faite d’un très bref extrait des 27 minutes de séquences brutes, constituait une accusation meurtrière. L’événement s’était produit le 30 septembre 2000, au carrefour de Netzarim, et, depuis, Al-Dura est devenu une figure emblématique et est à l’origine de plus d’un millier d’émeutes islamistes, de pétitions anti-israéliennes, et d’attentats-suicide à l’explosif, réussis ou déjoués.
En septembre dernier, près de six ans après l’événement, un juge a finalement ordonné à France 2 de transmettre le film au tribunal, pour le 14 novembre. Quant au procès, il est fixé au 27 février 2008.
Récemment, Karsenty est venu me voir un après-midi, et il est revenu, deux jours plus tard, prendre la parole devant un groupe de personnes rassemblées en son honneur, chez moi. Parmi mes invités, il y avait un descendant direct du Capitaine Albert Dreyfus, mon ami et voisin, Gilles Dreyfus.
Karsenty est un héros qui ne m’a pas permis de le présenter comme tel. Il m’interrompait à chaque fois qu’il lui semblait que j’allais le faire. Il a dit qu’il « faisait seulement ce qu’il fallait pour défendre la vérité » - façon de dire que tout un chacun pouvait en faire autant.
C’est juste, mais seuls quelques individus le font effectivement, ou continuent de le faire alors qu’ils se retrouvent mis en examen et extrêmement seuls. Karsenty et moi avons raison tous les deux – il est un héros, mais du fait que de tels héros sont rares, ils sont contraints d’agir seuls en assumant leur fardeau historique écrasant. Les organisations ne les soutiennent pas. Il arrive même qu’elles sabotent leurs héros et leur fassent obstacle. Ces associations collectives s’abstiennent d’intervenir, même quand ce pourrait être l’intérêt de leur nation et de leur organisation de le faire. Ce qu’elles font, par contre, c’est se tenir à l’écart, diffamer et jeter le héros en pâture pour se mettre en valeur, quitte à se précipiter ensuite pour s’attribuer le mérite de ce que le héros franchit la ligne d’arrivée, au terme d’un long et dur parcours.
Karsenty accepte de citer quelques noms, dont celui de l’ambassadeur d’Israël en France, Daniel Shek, qui non seulement ne lui a pas accordé l’audience qui lui revenait, mais a refusé de lui serrer la main lors d’une réception. Il cite également Enderlin, Juif et Israélien, chef du Service de Presse français à Jérusalem, qui a superposé son commentaire sur la bande son de la séquence Al-Dura. Selon le Jerusalem Post, « Dany Shek entretient de chaudes relations avec Enderlin ».
Commentaire de Karsenty : « Une telle trahison, de la part d’un ambassadeur, aurait dû lui valoir d’être renvoyé pour toujours du ministère israélien des affaires étrangères. »
Peut-être les organisations juives américaines présentes en France ont-elles d’autres priorités et sont-elles disposées à sacrifier des cas héroïques et symboliques comme celui de Karsenty, pour atteindre d’autres buts. Peut-être ne comprennent-elles pas l’importance de l’affaire Al-Dura, ou veulent-elles qu’on l’oublie pour protéger leur accès au pouvoir, ou les occasions d’être filmés et de faire les gros titres.
Toujours est-il que Karsenty est affecté - outré même - de ce que ces organisations juives américaines aient décidé de ne pas le soutenir, et, en fait, aient collaboré avec ceux qui s’opposent activement à lui.
De braves gens permettent au mal de triompher, simplement en ne faisant rien. La plupart des intellectuels israéliens sont restés silencieux à propos de cette affaire. Le 2 octobre, Natan Sharansky (que je respecte et avec qui j’ai eu le privilège de travailler) a finalement écrit un important article sur le sujet dans le Wall Street Journal. Karsenty dit qu’il « est heureux – et même ravi – d’avoir le soutien d’une personnalité publique aussi importante ».
Je note tranquillement deux choses : d’abord, que Sharansky n’a fait ce pas en avant, qu’après que le juge parisien ait ordonné la remise des rushes bruts au tribunal ; après que Tsahal ait finalement demandé les séquences brutes ; après que le gouvernement israélien ait proclamé que, désormais, il croit que l’événement a été mis en scène ; et après que l’association de juristes Shourat HaDin ait annoncé qu’elle avait l’intention de poursuivre Enderlin et de demander au Service de Presse du gouvernement israélien d’annuler son accréditation.
Ensuite, je remarque que Sharanski est la seule grande voix de la conscience internationalement reconnue, à avoir fait un pas en avant. Elie Wiesel n’a rien dit. L’ancien président Bill Clinton, qui a déploré publiquement la mort présumée de Al-Dura, est resté silencieux, de même que les anciens présidents, Carter et Bush.
Où donc sont toutes les voix qui s’élèvent contre le racisme et pour la justice en "Palestine" ? S’ils se souciaient vraiment des Palestiniens plus qu’ils se soucient de la diffamation des Juifs, ne seraient-ils pas heureux d’apprendre qu’en fin de compte, l’enfant palestinien n’a pas eu la fin violente que l’on dit? Ne devraient-ils pas être furieux contre l’industrie de propagande palestinienne qui consiste à « tromper et à rouler les infidèles »?
Karsenty émet une très sévère critique à l’égard de l’ancien président français, Jacques Chirac, qu’il qualifie de "traître".
« Jacques Chirac a été plus dangereux que n’importe quel dictateur arabe, parce que, durant toute sa carrière, il a fourni aux ennemis des Juifs et d’Israël les armes les plus dangereuses. »
A propos des médias français, il dit :
« Ils n’ont pas couvert l’affaire, sauf de façon minimale. Pour eux, je suis déjà l’équivalent de l’Île du Diable (lieu de détention de Dreyfus). »
Karsenty affirme que la mise en scène des informations de presse est à la fois bien connue et acceptée des médias français. Il fait également remarquer qu’à l’exception du président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), Richard Prasquier, les organisations juives de France ont été, au mieux, anormalement silencieuses sur l’affaire Al-Dura. Il mentionne au passage, qu’il a perdu la plupart de ses amis.
Karsenty mentionne aussi les noms de quelques héros, tel le physicien, Nahum Shahaf, dont le travail a prouvé que Tsahal ne pouvait pas être l’auteur des tirs et qu’il s’agissait d’une mise en scène. Il mentionne également le directeur du Service de Presse du Gouvernement israélien, Daniel Seaman, le psychanalyste Gérard Huber, qui a été le premier à publier un livre sur l’affaire en janvier 2003, et le professeur américain, Richard Landes, qui a œuvré inlassablement à faire connaître la vérité.
Karsenty évoque également Pajamas Media et la responsable de son bureau de presse à Paris, Nidra Poller, seul organe de presse à avoir
« couvert mon combat régulièrement, avec exactitude et comme le mérite une affaire de cette importance et de portée historique. »
Karsenty n’est pas le Capitaine Dreyfus. Il affirme que c’est Israël, et non lui, qui incarne l’affaire Dreyfus aujourd’hui [1]. Je suis d’accord, mais reste le fait que c’est Karsenty qui, comme Dreyfus, est poursuivi en justice et traité comme un délinquant par l’Etat français, et qui, comme Dreyfus, est contraint de se défendre. Les Français qui ont diffamé et condamné Dreyfus, diffament et condamnent aujourd’hui ce même Etat juif qui doit, en partie, à la réaction de Herzl à l’affaire Dreyfus, d’avoir vu le jour [2].
Karsenty est un passionné de vérité dans cette affaire. Personne ne peut se soustraire à ses exigences élevées, pas même ses partisans. Il a demandé à voir un exemplaire de mon livre de 2003 sur l’antisémitisme, et je lui ai promptement donné satisfaction. Il a fait remarquer que moi-même je n’avais pas bien saisi cela quand j’ai écrit ce livre [3].
Il a entièrement raison. Dans Le nouvel antisémitisme, j’ai soigneusement fait remarquer que beaucoup d’experts, ainsi que la réalisatrice allemande d’un documentaire, avaient émis des doutes quant à la véracité du reportage de 59 secondes sur Al-Dura. J’avais noté que des gens commençaient à suggérer que l’épisode dans sa totalité pouvait avoir été mis en scène.
J’avais écrit aussi :
« Je sais bien qu’Israël a subi un tort irréparable, et du fait de cette séquence, et pour avoir d’abord reconnu la culpabilité israélienne, et parce que la deuxième et la troisième interprétation, deux ans plus tard, n’avaient pas la même résonance émotionnelle. »
Je notais qu’il était peu probable que des Israéliens avaient tué [l’enfant]. Mais j’avais également écrit :
« J’ignore d’où proviennent les balles qui ont tué l’enfant. Peut-être ne le saurons-nous jamais. »
Ainsi comme presque tout le monde, je supposais que l’enfant avait bien été tué.
J’ai fait de mon mieux, à l’époque, au vu des informations dont nous disposions. Sur la base de ces éléments, je suis même allée plus loin que d’autres ne l’avaient fait. Néanmoins, si quelqu’un comme moi s’est fait avoir, cela mène très loin d’expliquer comment le monde entier a été dupe – un monde qui n’est pas du tout aussi vigilant que j’essaie de l’être en matière de vérité sur les Juifs et sur Israël.
On ne peut tout simplement pas faire confiance aux médias arabes, musulmans et palestiniens. Nous en savons trop sur la mise en scène d’événements, l’altération des séquences filmées, la documentation de faux massacres. Mais nous ne pouvons pas non plus nous permettre de faire confiance aux médias internationaux, qui ont persévéré dans la diffusion de cette séquence mise en scène, sans poser aucune question.
Karsenty m’assure que trois journalistes indépendants qui ont visionné les rushes bruts,
« ont vu une série de mises en scène, des passants, un homme à bicyclette, et pas d’agonie avant la mort, comme on l’avait affirmé ».
Il dit qu’on a « fait pression » sur deux de ces journalistes pour qu’ils « ne publient pas » cela.
Karsenty n’a pas peur.
« A l’inverse de Dreyfus, je ne suis pas en prison. Seule ma vie sociale est ruinée. S’ils me déclarent coupable, cela montrera que la France est encore plus corrompue que nous le pensions. »
Karsenty ne veut pas seulement prouver son innocence devant la justice. Il veut une intervention de nature politique, qui rende officielle la décision du tribunal.
« En tant que vrai patron de la chaîne d’Etat France 2, le président Sarkozy devra intervenir. Il pourrait demander que le film soit soumis à une analyse d’experts. En tant que président de la France, il pourrait demander à sa chaîne de présenter des excuses au monde entier. »
Quand des gens se demandent pourquoi il fait cela, puisque les antisémites et les antisionistes continueront, malgré tout, à diffamer Israël, Karsenty a coutume de répondre :
« Vous êtes-vous rasé, hier ? Et vous le ferez à nouveau demain. A quoi bon ! »
Et d’enchaîner :
« Il est important de défendre la vérité, quoi qu’il en coûte. Mais on n’est pas un héros pour autant. »
Phyllis Chesler *
© The Jewish Press
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Notes du traducteur
* Le docteur Phyllis Chesler, qui écrit fréquemment pour The Jewish Press, est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le best seller Women and Madness (Les femmes et la folie) (1972), The New Anti-Semitism (Le nouvel antisémitisme) (2003), et The Death of Feminism: What’s Next in the Struggle for Women’s Freedom (La mort du féminisme: qu’adviendra-t-il du combat pour la liberté des femmes ?). Son prochain livre à paraître est intitulé The Islamization of America (L’islamisation de l’Amérique). Professeur émérite de psychologie et d’études des femmes et co-fondatrice de l’Association pour les Femmes dans la Psychologie et du National Women’s Health Network [4]. On peut la contacter sur son site Web.
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[1] C’est exactement ce que j’écrivais dans une note afférente à ma traduction d’un article de Hillel Halkin, mis en ligne sur le site de l’UPJF, le 25 septembre 2007, et intitulé "Comment un homme seul peut changer le cours de l’histoire" : « ...Dans l’accusation meurtrière d’assassinat d’un enfant palestinien, c’est Israël qui tient le rôle de Dreyfus. Et c’est son armée qui a été, en quelque sorte, dégradée en public, à l’échelle du monde. S’il est une personnalité à laquelle on peut comparer Ph. Karsenty, ce serait plutôt celle de Bernard Lazare… Il suffit de remplacer l’expression "affaire Dreyfus" par "affaire al-Dura", le nom de Dreyfus par celui d’Israël, et le nom de Lazare par celui de Karsenty, pour que surgissent, lumineuses et convaincantes, cette typologie et cette analogie frappantes. Je souhaite seulement à Philippe Karsenty de réussir à convaincre rapidement les juges de l’innocence d’Israël, ou, s’il n’y parvient pas, de contribuer à réveiller le Zola qui dort peut-être chez quelque journaliste français de premier plan. »
[2] Le rôle qu’ont joué, à l’époque, les violences verbales antisémites dans la transformation d’un journaliste en un visionnaire de l’Etat juif, est couramment admis, quoique non établi de manière certaine sur base documentaire. On trouve, par exemple, sur le site de l’Ambassade d’Israël en Belgique, la note suivante : « De 1891 à 1895, il [Herzl] est correspondant à Paris du journal libéral viennois, Neue Freie Presse. La montée de l’antisémitisme en Europe et l’Affaire Dreyfus, où des foules descendent dans la rue pour crier « Mort aux Juifs ! », dans le pays de la Révolution et des Droits de l’Homme, l’incitent à penser que la seule solution pour les Juifs est la création de leur Etat. Il expose sa thèse dans son livre « Der Judenstaat, l’Etat des Juifs » en 1896.
[3] Phillis Chesler, The New Anti-Semitism : The Current Crisis and What We Must Do About It.
[4] Le National Women’s Health Network (Réseau national de santé des femmes) est une organisation sans but lucratif de défense de la santé des femmes, située à Washington, D.C. Elle a été fondée en 1975 par Barbara Seaman, Alice Wolfson, Belita Cowan, Mary Howell, docteur en médecine, et le Dr Phyllis Chesler. La mission que s’est fixée l’organisation est de faire davantage entendre la voix des femmes au sein du système de santé. Le National Women’s Health Network bénéficie du soutien financier de ses 8 000 membres, mais refuse les contributions des industries du tabac et des produits médicaux.
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Mis en ligne le 28 octobre 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org
28/10/2007
Comme toujours, seuls des médias et des auteurs anglo-saxons, majoritairement américains, s’expriment, avec beaucoup de liberté, voire de pugnacité, à propos de l’affaire Al-Dura, qui tend à devenir "l’affaire Karsenty". Quant au silence de la presse française, il est assourdissant. On a l’impression que les journalistes de France et de Navarre retiennent leur souffle, dans l’attente du visionnage de la totalité des rushes, par la Cour d’Appel de Paris. Ou peut-être, comme on me l’a déjà suggéré, se désintéressent-ils totalement de cette affaire, anecdotique à leurs yeux, convaincus qu’en tout état de cause, la statue du Commandeur de l’ordre des journalistes - Charles Enderlin - est indéboulonnable et que l’audacieux Karsenty s’y cassera les dents, d’autant que les murmures de mauvais augures vont bon train dans les salles de Rédaction. Dans le genre : "Savez-vous que rarissimes sont les personnalités et organisations juives de France, et même des Etats-Unis, qui emboîtent le pas à ce prétentieux qui agresse tout le monde et jusqu’à l’ambassadeur d’Israël ! Pour qui se prend-il ? C’est un homme seul, un exalté qui joue les Dreyfus !" Etc. Etc. En ces jours tristes et décevants, monte à mes lèvres ce passage du de David (qu’il faut lire tout entier) : "Qu’elle est grande, Eternel, ta bonté ! Tu la mets en réserve pour ceux qui te craignent, tu la dispenses à ceux qui te prennent pour abri face aux fils d’hommes. Tu les caches au secret de ta face, loin des complots des hommes ; tu les mets à couvert sous la tente, loin de la polémique des langues." (Ps 31, 20-21). (Menahem Macina).
24/10/07
Titre original : "An Unassuming Hero Standing Up For Truth".
The Jewish Press
Traduction française : Menahem Macina
Grand, élégant, charmant et très déterminé, Philippe Karsenty, 41 ans, ancien agent de change, analyste de presse, et fondateur de Media-Ratings, est venu en Amérique pour donner une conférence et rencontrer la presse, peu après sa victoire provisoire devant un tribunal, à Paris, dans l’affaire Mohammed Al-Dura, l’enfant palestinien prétendument tué par un tir de l’armée israélienne.
La chaîne de télévision d’Etat, France 2, l’a attaqué en diffamation pour avoir affirmé que la diffusion qu’elle avait faite d’un très bref extrait des 27 minutes de séquences brutes, constituait une accusation meurtrière. L’événement s’était produit le 30 septembre 2000, au carrefour de Netzarim, et, depuis, Al-Dura est devenu une figure emblématique et est à l’origine de plus d’un millier d’émeutes islamistes, de pétitions anti-israéliennes, et d’attentats-suicide à l’explosif, réussis ou déjoués.
En septembre dernier, près de six ans après l’événement, un juge a finalement ordonné à France 2 de transmettre le film au tribunal, pour le 14 novembre. Quant au procès, il est fixé au 27 février 2008.
Récemment, Karsenty est venu me voir un après-midi, et il est revenu, deux jours plus tard, prendre la parole devant un groupe de personnes rassemblées en son honneur, chez moi. Parmi mes invités, il y avait un descendant direct du Capitaine Albert Dreyfus, mon ami et voisin, Gilles Dreyfus.
Karsenty est un héros qui ne m’a pas permis de le présenter comme tel. Il m’interrompait à chaque fois qu’il lui semblait que j’allais le faire. Il a dit qu’il « faisait seulement ce qu’il fallait pour défendre la vérité » - façon de dire que tout un chacun pouvait en faire autant.
C’est juste, mais seuls quelques individus le font effectivement, ou continuent de le faire alors qu’ils se retrouvent mis en examen et extrêmement seuls. Karsenty et moi avons raison tous les deux – il est un héros, mais du fait que de tels héros sont rares, ils sont contraints d’agir seuls en assumant leur fardeau historique écrasant. Les organisations ne les soutiennent pas. Il arrive même qu’elles sabotent leurs héros et leur fassent obstacle. Ces associations collectives s’abstiennent d’intervenir, même quand ce pourrait être l’intérêt de leur nation et de leur organisation de le faire. Ce qu’elles font, par contre, c’est se tenir à l’écart, diffamer et jeter le héros en pâture pour se mettre en valeur, quitte à se précipiter ensuite pour s’attribuer le mérite de ce que le héros franchit la ligne d’arrivée, au terme d’un long et dur parcours.
Karsenty accepte de citer quelques noms, dont celui de l’ambassadeur d’Israël en France, Daniel Shek, qui non seulement ne lui a pas accordé l’audience qui lui revenait, mais a refusé de lui serrer la main lors d’une réception. Il cite également Enderlin, Juif et Israélien, chef du Service de Presse français à Jérusalem, qui a superposé son commentaire sur la bande son de la séquence Al-Dura. Selon le Jerusalem Post, « Dany Shek entretient de chaudes relations avec Enderlin ».
Commentaire de Karsenty : « Une telle trahison, de la part d’un ambassadeur, aurait dû lui valoir d’être renvoyé pour toujours du ministère israélien des affaires étrangères. »
Peut-être les organisations juives américaines présentes en France ont-elles d’autres priorités et sont-elles disposées à sacrifier des cas héroïques et symboliques comme celui de Karsenty, pour atteindre d’autres buts. Peut-être ne comprennent-elles pas l’importance de l’affaire Al-Dura, ou veulent-elles qu’on l’oublie pour protéger leur accès au pouvoir, ou les occasions d’être filmés et de faire les gros titres.
Toujours est-il que Karsenty est affecté - outré même - de ce que ces organisations juives américaines aient décidé de ne pas le soutenir, et, en fait, aient collaboré avec ceux qui s’opposent activement à lui.
De braves gens permettent au mal de triompher, simplement en ne faisant rien. La plupart des intellectuels israéliens sont restés silencieux à propos de cette affaire. Le 2 octobre, Natan Sharansky (que je respecte et avec qui j’ai eu le privilège de travailler) a finalement écrit un important article sur le sujet dans le Wall Street Journal. Karsenty dit qu’il « est heureux – et même ravi – d’avoir le soutien d’une personnalité publique aussi importante ».
Je note tranquillement deux choses : d’abord, que Sharansky n’a fait ce pas en avant, qu’après que le juge parisien ait ordonné la remise des rushes bruts au tribunal ; après que Tsahal ait finalement demandé les séquences brutes ; après que le gouvernement israélien ait proclamé que, désormais, il croit que l’événement a été mis en scène ; et après que l’association de juristes Shourat HaDin ait annoncé qu’elle avait l’intention de poursuivre Enderlin et de demander au Service de Presse du gouvernement israélien d’annuler son accréditation.
Ensuite, je remarque que Sharanski est la seule grande voix de la conscience internationalement reconnue, à avoir fait un pas en avant. Elie Wiesel n’a rien dit. L’ancien président Bill Clinton, qui a déploré publiquement la mort présumée de Al-Dura, est resté silencieux, de même que les anciens présidents, Carter et Bush.
Où donc sont toutes les voix qui s’élèvent contre le racisme et pour la justice en "Palestine" ? S’ils se souciaient vraiment des Palestiniens plus qu’ils se soucient de la diffamation des Juifs, ne seraient-ils pas heureux d’apprendre qu’en fin de compte, l’enfant palestinien n’a pas eu la fin violente que l’on dit? Ne devraient-ils pas être furieux contre l’industrie de propagande palestinienne qui consiste à « tromper et à rouler les infidèles »?
Karsenty émet une très sévère critique à l’égard de l’ancien président français, Jacques Chirac, qu’il qualifie de "traître".
« Jacques Chirac a été plus dangereux que n’importe quel dictateur arabe, parce que, durant toute sa carrière, il a fourni aux ennemis des Juifs et d’Israël les armes les plus dangereuses. »
A propos des médias français, il dit :
« Ils n’ont pas couvert l’affaire, sauf de façon minimale. Pour eux, je suis déjà l’équivalent de l’Île du Diable (lieu de détention de Dreyfus). »
Karsenty affirme que la mise en scène des informations de presse est à la fois bien connue et acceptée des médias français. Il fait également remarquer qu’à l’exception du président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), Richard Prasquier, les organisations juives de France ont été, au mieux, anormalement silencieuses sur l’affaire Al-Dura. Il mentionne au passage, qu’il a perdu la plupart de ses amis.
Karsenty mentionne aussi les noms de quelques héros, tel le physicien, Nahum Shahaf, dont le travail a prouvé que Tsahal ne pouvait pas être l’auteur des tirs et qu’il s’agissait d’une mise en scène. Il mentionne également le directeur du Service de Presse du Gouvernement israélien, Daniel Seaman, le psychanalyste Gérard Huber, qui a été le premier à publier un livre sur l’affaire en janvier 2003, et le professeur américain, Richard Landes, qui a œuvré inlassablement à faire connaître la vérité.
Karsenty évoque également Pajamas Media et la responsable de son bureau de presse à Paris, Nidra Poller, seul organe de presse à avoir
« couvert mon combat régulièrement, avec exactitude et comme le mérite une affaire de cette importance et de portée historique. »
Karsenty n’est pas le Capitaine Dreyfus. Il affirme que c’est Israël, et non lui, qui incarne l’affaire Dreyfus aujourd’hui [1]. Je suis d’accord, mais reste le fait que c’est Karsenty qui, comme Dreyfus, est poursuivi en justice et traité comme un délinquant par l’Etat français, et qui, comme Dreyfus, est contraint de se défendre. Les Français qui ont diffamé et condamné Dreyfus, diffament et condamnent aujourd’hui ce même Etat juif qui doit, en partie, à la réaction de Herzl à l’affaire Dreyfus, d’avoir vu le jour [2].
Karsenty est un passionné de vérité dans cette affaire. Personne ne peut se soustraire à ses exigences élevées, pas même ses partisans. Il a demandé à voir un exemplaire de mon livre de 2003 sur l’antisémitisme, et je lui ai promptement donné satisfaction. Il a fait remarquer que moi-même je n’avais pas bien saisi cela quand j’ai écrit ce livre [3].
Il a entièrement raison. Dans Le nouvel antisémitisme, j’ai soigneusement fait remarquer que beaucoup d’experts, ainsi que la réalisatrice allemande d’un documentaire, avaient émis des doutes quant à la véracité du reportage de 59 secondes sur Al-Dura. J’avais noté que des gens commençaient à suggérer que l’épisode dans sa totalité pouvait avoir été mis en scène.
J’avais écrit aussi :
« Je sais bien qu’Israël a subi un tort irréparable, et du fait de cette séquence, et pour avoir d’abord reconnu la culpabilité israélienne, et parce que la deuxième et la troisième interprétation, deux ans plus tard, n’avaient pas la même résonance émotionnelle. »
Je notais qu’il était peu probable que des Israéliens avaient tué [l’enfant]. Mais j’avais également écrit :
« J’ignore d’où proviennent les balles qui ont tué l’enfant. Peut-être ne le saurons-nous jamais. »
Ainsi comme presque tout le monde, je supposais que l’enfant avait bien été tué.
J’ai fait de mon mieux, à l’époque, au vu des informations dont nous disposions. Sur la base de ces éléments, je suis même allée plus loin que d’autres ne l’avaient fait. Néanmoins, si quelqu’un comme moi s’est fait avoir, cela mène très loin d’expliquer comment le monde entier a été dupe – un monde qui n’est pas du tout aussi vigilant que j’essaie de l’être en matière de vérité sur les Juifs et sur Israël.
On ne peut tout simplement pas faire confiance aux médias arabes, musulmans et palestiniens. Nous en savons trop sur la mise en scène d’événements, l’altération des séquences filmées, la documentation de faux massacres. Mais nous ne pouvons pas non plus nous permettre de faire confiance aux médias internationaux, qui ont persévéré dans la diffusion de cette séquence mise en scène, sans poser aucune question.
Karsenty m’assure que trois journalistes indépendants qui ont visionné les rushes bruts,
« ont vu une série de mises en scène, des passants, un homme à bicyclette, et pas d’agonie avant la mort, comme on l’avait affirmé ».
Il dit qu’on a « fait pression » sur deux de ces journalistes pour qu’ils « ne publient pas » cela.
Karsenty n’a pas peur.
« A l’inverse de Dreyfus, je ne suis pas en prison. Seule ma vie sociale est ruinée. S’ils me déclarent coupable, cela montrera que la France est encore plus corrompue que nous le pensions. »
Karsenty ne veut pas seulement prouver son innocence devant la justice. Il veut une intervention de nature politique, qui rende officielle la décision du tribunal.
« En tant que vrai patron de la chaîne d’Etat France 2, le président Sarkozy devra intervenir. Il pourrait demander que le film soit soumis à une analyse d’experts. En tant que président de la France, il pourrait demander à sa chaîne de présenter des excuses au monde entier. »
Quand des gens se demandent pourquoi il fait cela, puisque les antisémites et les antisionistes continueront, malgré tout, à diffamer Israël, Karsenty a coutume de répondre :
« Vous êtes-vous rasé, hier ? Et vous le ferez à nouveau demain. A quoi bon ! »
Et d’enchaîner :
« Il est important de défendre la vérité, quoi qu’il en coûte. Mais on n’est pas un héros pour autant. »
Phyllis Chesler *
© The Jewish Press
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Notes du traducteur
* Le docteur Phyllis Chesler, qui écrit fréquemment pour The Jewish Press, est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le best seller Women and Madness (Les femmes et la folie) (1972), The New Anti-Semitism (Le nouvel antisémitisme) (2003), et The Death of Feminism: What’s Next in the Struggle for Women’s Freedom (La mort du féminisme: qu’adviendra-t-il du combat pour la liberté des femmes ?). Son prochain livre à paraître est intitulé The Islamization of America (L’islamisation de l’Amérique). Professeur émérite de psychologie et d’études des femmes et co-fondatrice de l’Association pour les Femmes dans la Psychologie et du National Women’s Health Network [4]. On peut la contacter sur son site Web.
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[1] C’est exactement ce que j’écrivais dans une note afférente à ma traduction d’un article de Hillel Halkin, mis en ligne sur le site de l’UPJF, le 25 septembre 2007, et intitulé "Comment un homme seul peut changer le cours de l’histoire" : « ...Dans l’accusation meurtrière d’assassinat d’un enfant palestinien, c’est Israël qui tient le rôle de Dreyfus. Et c’est son armée qui a été, en quelque sorte, dégradée en public, à l’échelle du monde. S’il est une personnalité à laquelle on peut comparer Ph. Karsenty, ce serait plutôt celle de Bernard Lazare… Il suffit de remplacer l’expression "affaire Dreyfus" par "affaire al-Dura", le nom de Dreyfus par celui d’Israël, et le nom de Lazare par celui de Karsenty, pour que surgissent, lumineuses et convaincantes, cette typologie et cette analogie frappantes. Je souhaite seulement à Philippe Karsenty de réussir à convaincre rapidement les juges de l’innocence d’Israël, ou, s’il n’y parvient pas, de contribuer à réveiller le Zola qui dort peut-être chez quelque journaliste français de premier plan. »
[2] Le rôle qu’ont joué, à l’époque, les violences verbales antisémites dans la transformation d’un journaliste en un visionnaire de l’Etat juif, est couramment admis, quoique non établi de manière certaine sur base documentaire. On trouve, par exemple, sur le site de l’Ambassade d’Israël en Belgique, la note suivante : « De 1891 à 1895, il [Herzl] est correspondant à Paris du journal libéral viennois, Neue Freie Presse. La montée de l’antisémitisme en Europe et l’Affaire Dreyfus, où des foules descendent dans la rue pour crier « Mort aux Juifs ! », dans le pays de la Révolution et des Droits de l’Homme, l’incitent à penser que la seule solution pour les Juifs est la création de leur Etat. Il expose sa thèse dans son livre « Der Judenstaat, l’Etat des Juifs » en 1896.
[3] Phillis Chesler, The New Anti-Semitism : The Current Crisis and What We Must Do About It.
[4] Le National Women’s Health Network (Réseau national de santé des femmes) est une organisation sans but lucratif de défense de la santé des femmes, située à Washington, D.C. Elle a été fondée en 1975 par Barbara Seaman, Alice Wolfson, Belita Cowan, Mary Howell, docteur en médecine, et le Dr Phyllis Chesler. La mission que s’est fixée l’organisation est de faire davantage entendre la voix des femmes au sein du système de santé. Le National Women’s Health Network bénéficie du soutien financier de ses 8 000 membres, mais refuse les contributions des industries du tabac et des produits médicaux.
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Mis en ligne le 28 octobre 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org
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