l'analyse simpliste des deux auteurs sur le lobby israelien aux USA
Iran : vers une nouvelle guerre inutile ?
marie-laure germon
09/11/2007 | Mise à jour : 19:51 | Commentaires 4 .
le point de vue de John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt*, auteurs du livre Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine**.
L’Administration Bush attaquera-t-elle l’Iran ? Ces dernières années, la plupart des groupes et individus qui ont conduit les États-Unis en Irak militent pour une nouvelle guerre préventive – cette fois contre l’Iran. Aveugles à leur échec et à la souffrance que leurs choix politiques ont provoquée en Irak, ils présentent l’Iran comme une menace imminente et considèrent que seule une action militaire rapide peut y mettre un terme. Ils ont eu tort à propos de l’Irak en 2003, et ils ont tort à nouveau aujourd’hui.
Cette guerre repose sur trois arguments. Le premier est la crainte que l’Iran puisse se doter d’armes nucléaires capables de détruire Israël et de menacer les États-Unis et les États non nucléaires du Golfe. Si un Iran nucléaire n’est guère souhaitable, il ne constituerait pas une menace mortelle pour les États-Unis et ses alliés, y compris Israël. Pourquoi ? Parce que ces derniers disposent de puissants arsenaux nucléaires. Même si l’Iran se dotait un jour d’armes nucléaires, il ne pourrait les utiliser contre les États-Unis ou Israël sans subir en retour des représailles dévastatrices.
Les faucons affirment cependant que le président Ahmadinejad a déclaré vouloir «rayer Israël de la carte ». Mais cet argument repose sur une mauvaise traduction de ses propos. La traduction juste est qu’Israël «devrait disparaître de la page du temps ». Cette expression (empruntée à un discours de l’ayatollah Khomeiny) n’est pas un appel à la destruction physique d’Israël. Bien que très choquant, son propos n’était pas un appel à lancer une attaque, encore moins une attaque nucléaire, contre Israël. Aucun État sensé ne peut partir en guerre sur la foi d’une mauvaise traduction.
La deuxième raison avancée pour justifier une attaque contre l’Iran est son ingérence en Irak. Mais ce n’est pas l’Iran qui est responsable de la débâcle en Irak, ce sont les États-Unis. L’Administration Bush a envahi et occupé l’Irak sous de faux prétextes, et il n’est pas surprenant que l’Iran s’efforce de défendre ses intérêts sur place. Téhéran a toutes les raisons de vouloir un régime ami à Bagdad, et de se méfier d’une administration trop proche de Washington. Les dirigeants iraniens sont à l’évidence ravis de voir les États-Unis em-bourbés en Irak, surtout quand ils savent que de hauts fonctionnaires américains appellent de manière répétée à un «changement de régime» en Iran et versent des millions de dollars à des groupes iraniens en exil. L’Administration Bush atteint donc des sommets dans l’hypocrisie en dénonçant l’«ingérence» iranienne en Irak, quand on sait que les États-Unis ont envahi le pays, renversé son gouvernement en 2003 et l’occupent depuis lors. Parler d’ingérence iranienne semble presque une plaisanterie.
La troisième justification de la guerre est le soutien apporté par Téhéran au Hezbollah et au Hamas. Si ce problème est réel, le soutien de l’Iran aux islamistes radicaux est avant tout une réponse tactique aux efforts continus des États-Unis pour isoler Téhéran et lui refuser la possibilité de jouer un véritable rôle régional. Son soutien à la cause palestinienne permet aussi à Téhéran de dissuader ses voisins arabes de se joindre à la coalition contre l’Iran. La solution n’est pas une guerre préventive, mais un accord de paix entre Israël, la Syrie et les Palestiniens.
Plus important, une nouvelle guerre préventive causerait beaucoup de tort aux intérêts occidentaux. Des frappes aériennes peuvent sans doute retarder le programme nucléaire iranien mais elles n’y mettraient pas un terme, et une attaque donnerait à Téhéran une raison supplémentaire de se doter des moyens de dissuasion contre de futures attaques américaines. Frapper l’Iran renforcerait la position des «durs » du régime comme Ahmadinejad, qui jouent sur le nationalisme iranien pour faire oublier ses nombreux échecs de politique intérieure.
Les États-Unis et l’Iran auront du mal à résoudre leurs différends. Mais, comme le Groupe d’étude sur l’Irak l’a recommandé en 2006, le recours à une diplomatie énergique est la meilleure solution. La menace de guerre doit notamment être retirée, dans la mesure où elle est en train de conduire à un résultat – un Iran nucléaire – que chacun cherche à éviter. En bref, l’Ouest doit convaincre les dirigeants iraniens que leur sécurité sera mieux garantie s’ils renoncent à se doter d’armes nucléaires et cessent leur soutien aux groupes radicaux dans la région. Les bombarder serait le pire moyen pour atteindre ces deux objectifs.
marie-laure germon
09/11/2007 | Mise à jour : 19:51 | Commentaires 4 .
le point de vue de John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt*, auteurs du livre Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine**.
L’Administration Bush attaquera-t-elle l’Iran ? Ces dernières années, la plupart des groupes et individus qui ont conduit les États-Unis en Irak militent pour une nouvelle guerre préventive – cette fois contre l’Iran. Aveugles à leur échec et à la souffrance que leurs choix politiques ont provoquée en Irak, ils présentent l’Iran comme une menace imminente et considèrent que seule une action militaire rapide peut y mettre un terme. Ils ont eu tort à propos de l’Irak en 2003, et ils ont tort à nouveau aujourd’hui.
Cette guerre repose sur trois arguments. Le premier est la crainte que l’Iran puisse se doter d’armes nucléaires capables de détruire Israël et de menacer les États-Unis et les États non nucléaires du Golfe. Si un Iran nucléaire n’est guère souhaitable, il ne constituerait pas une menace mortelle pour les États-Unis et ses alliés, y compris Israël. Pourquoi ? Parce que ces derniers disposent de puissants arsenaux nucléaires. Même si l’Iran se dotait un jour d’armes nucléaires, il ne pourrait les utiliser contre les États-Unis ou Israël sans subir en retour des représailles dévastatrices.
Les faucons affirment cependant que le président Ahmadinejad a déclaré vouloir «rayer Israël de la carte ». Mais cet argument repose sur une mauvaise traduction de ses propos. La traduction juste est qu’Israël «devrait disparaître de la page du temps ». Cette expression (empruntée à un discours de l’ayatollah Khomeiny) n’est pas un appel à la destruction physique d’Israël. Bien que très choquant, son propos n’était pas un appel à lancer une attaque, encore moins une attaque nucléaire, contre Israël. Aucun État sensé ne peut partir en guerre sur la foi d’une mauvaise traduction.
La deuxième raison avancée pour justifier une attaque contre l’Iran est son ingérence en Irak. Mais ce n’est pas l’Iran qui est responsable de la débâcle en Irak, ce sont les États-Unis. L’Administration Bush a envahi et occupé l’Irak sous de faux prétextes, et il n’est pas surprenant que l’Iran s’efforce de défendre ses intérêts sur place. Téhéran a toutes les raisons de vouloir un régime ami à Bagdad, et de se méfier d’une administration trop proche de Washington. Les dirigeants iraniens sont à l’évidence ravis de voir les États-Unis em-bourbés en Irak, surtout quand ils savent que de hauts fonctionnaires américains appellent de manière répétée à un «changement de régime» en Iran et versent des millions de dollars à des groupes iraniens en exil. L’Administration Bush atteint donc des sommets dans l’hypocrisie en dénonçant l’«ingérence» iranienne en Irak, quand on sait que les États-Unis ont envahi le pays, renversé son gouvernement en 2003 et l’occupent depuis lors. Parler d’ingérence iranienne semble presque une plaisanterie.
La troisième justification de la guerre est le soutien apporté par Téhéran au Hezbollah et au Hamas. Si ce problème est réel, le soutien de l’Iran aux islamistes radicaux est avant tout une réponse tactique aux efforts continus des États-Unis pour isoler Téhéran et lui refuser la possibilité de jouer un véritable rôle régional. Son soutien à la cause palestinienne permet aussi à Téhéran de dissuader ses voisins arabes de se joindre à la coalition contre l’Iran. La solution n’est pas une guerre préventive, mais un accord de paix entre Israël, la Syrie et les Palestiniens.
Plus important, une nouvelle guerre préventive causerait beaucoup de tort aux intérêts occidentaux. Des frappes aériennes peuvent sans doute retarder le programme nucléaire iranien mais elles n’y mettraient pas un terme, et une attaque donnerait à Téhéran une raison supplémentaire de se doter des moyens de dissuasion contre de futures attaques américaines. Frapper l’Iran renforcerait la position des «durs » du régime comme Ahmadinejad, qui jouent sur le nationalisme iranien pour faire oublier ses nombreux échecs de politique intérieure.
Les États-Unis et l’Iran auront du mal à résoudre leurs différends. Mais, comme le Groupe d’étude sur l’Irak l’a recommandé en 2006, le recours à une diplomatie énergique est la meilleure solution. La menace de guerre doit notamment être retirée, dans la mesure où elle est en train de conduire à un résultat – un Iran nucléaire – que chacun cherche à éviter. En bref, l’Ouest doit convaincre les dirigeants iraniens que leur sécurité sera mieux garantie s’ils renoncent à se doter d’armes nucléaires et cessent leur soutien aux groupes radicaux dans la région. Les bombarder serait le pire moyen pour atteindre ces deux objectifs.
0 Comments:
Post a Comment
<< Home