Monday, December 12, 2005

Quand le C.H.U. de Strasbourg fournissait du matériel humain d'expérimentation aux nazis; une stèle du souvenir dévoilée


L'acte de mémoire du CHU de Strasbourg envers 86 juifs gazés
LE MONDE 12.12.05

Une plaque posée dans l'enceinte des hôpitaux universitaires de Strasbourg et une stèle gravée au cimetière juif permettront désormais de se souvenir d'un épisode méconnu de la seconde guerre mondiale. Elles portent les noms de 86 juifs d'Europe, victimes des folles expérimentations de la médecine nazie.

En novembre 1944, les soldats alliés qui venaient de libérer Strasbourg avaient découvert, dans les caves de l'Institut d'anatomie, les corps en partie dépecés de 150 personnes, immergés dans des cuves à alcool. Soixante corps étaient ceux de prisonniers soviétiques décédés. Pour les autres, le personnel avait affirmé qu'il s'agissait des restes de 86 juifs, sélectionnés à Auschwitz en 1943 puis transférés et gazés au camp de concentration du Struthof, dans les Vosges.
Ces dépouilles mortelles étaient destinées au professeur Augst Hirt (1898-1945), titulaire de la chaire d'anatomie de la Reichsuniversität nazie de Strasbourg. Il voulait constituer, selon ses propres écrits, cités par l'historien Robert Steegmann (Struthof, éditions La Nuée-Bleue, Strasbourg, 2005), une collection scientifique de "crânes de commissaires judéo-bolcheviques qui incarnent la sous-humanité la plus répugnante, mais caractéristique".
Les gazages avaient été reconnus par le commandant du Struthof, Josef Kramer, devant le tribunal militaire. Mais les noms des victimes sont restés inconnus pendant plus d'un demi-siècle. Seul le Berlinois Menahem Taffel avait été identifié, grâce au tatouage qui lui avait été fait à Auschwitz. Mais, alors qu'Augst Hirt tentait de faire disparaître les corps à l'approche des Alliés, un garçon de laboratoire avait noté tous les numéros. C'est cette liste, retrouvée sur un microfilm de l'armée américaine, qui a aidé l'historien allemand Hans-Joachim Lang, en 2004, à identifier les victimes et à en informer leurs proches.
Dimanche, le préfet du Bas-Rhin, Jean-Paul Faugère, a donc pu dévoiler, en présence de membres de vingt-cinq des familles, une stèle portant les 86 noms, élevée au-dessus des tombes des victimes. De même, une plaque a été apposée devant l'Institut d'anatomie, selon le voeu du cercle Menahem-Taffel, une association constituée en 1992 autour du psychiatre Georges Federmann.
L'université Louis-Pasteur de Strasbourg estimait jusqu'à maintenant qu'elle n'avait pas à assumer les actes de la Reichsuniversität nazie. "Cela ne nous exonère pas de porter témoignage des actes qui se sont passés dans ces locaux", assure aujourd'hui son président, Bernard Carrière.
Jacques Fortier

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