Thursday, December 22, 2005

Quand les stars du show bizz s`en prennent a Sarkozy et se comportent en stalino-troskystes de jadis...

Taguieff : «Les stars se comportent comme les stalino-trotskistes de jadis»
Philosophe et politologue, directeur de recherche au CNRS, Pierre-André Taguieff décrit le processus qui conduit à «vouer à la vindicte publique quelques ennemis imaginaires».

LE FIGARO. – Quel regard portez-vous sur la mise en cause de Nicolas Sarkozy par des stars et des humoristes ?
Pierre-André TAGUIEFF. – C'est l'évolution plus large du débat sur la scène française qui permet de prendre la mesure de ce phénomène. En son temps, Guy Debord qualifiait de «stalinos-trotskistes» les militants révolutionnaires acharnés à délégitimer toute position politique un tant soit peu éloignée de leur vulgate gauchiste. En présentant le ministre de l'Intérieur comme l'emblème d'un nouvel esprit de réaction, certaines «stars» se comportent désormais comme les «stalino-trotskistes» de jadis. Ces détracteurs télégéniques s'indignent du mot «racaille» ou s'attardent pesamment sur l'expression «Kärcher». Ces amuseurs jouent aux gardiens de l'orthodoxie néo-gauchiste. Ils ont les rieurs de leur côté. Or, à aucun moment, il ne s'agit de soumettre les propositions, les déclarations ou les actes de ce dirigeant politique à un examen critique rigoureux de leurs avantages comme de leurs effets pervers. L'objet de ce nouveau «code culturel» n'est pas d'argumenter, mais de vouer à la vindicte publique quelques ennemis imaginaires, tantôt en les ridiculisant, tantôt en les diabolisant.
Comment est né ce «code culturel» ?
En fait, un des enjeux principaux de cette vulgate antisarkozyste est la construction d'un nouveau personnage-repoussoir de droite. Jean-Marie Le Pen occupe le poste «extrême droite», Philippe de Villiers le poste «droite extrême». Seul restait libre d'accès le poste «nouveau réactionnaire». La transposition française de l'étiquette infamante «néo-cons» n'ayant pas réussi, les dénonciateurs doivent désormais se contenter du qualificatif de «néo-réacs». Mais qu'importe... La montée de la popularité du ministre de l'Intérieur dans le contexte des émeutes du mois dernier inquiétait la gauche. Il devenait très urgent d'inventer une riposte, une parade !
Quelles sont les composantes idéologiques de cette riposte ?
Jusque-là, Sarkozy était stigmatisé par la bien-pensance en tant que «populiste», manière de l'assimiler confusément à Le Pen. C'était oublier l'essentiel, à savoir que le «populisme» de Sarkozy s'inscrivait dans la noble tradition républicaine – et gaulliste – de l'appel au peuple, par-delà le clivage fonctionnel droite/gauche. Pour les stratèges culturels d'une gauche sur la défensive, l'occasion s'est présentée, il y a un mois, de ramener à une cause unique, d'une part la «dégauchisation» du monde intellectuel, et, d'autre part, l'irruption d'un nouveau leader politique né à droite mais désormais présidentiable sérieux, capable de mordre sur l'électorat de la gauche en mobilisant des Français de sensibilités politiques très diverses en faveur de l'ordre, de l'autorité et du «changement», ce mot fétiche de tous les progressistes. Face aux intellectuels qualifiés par Daniel Lindenberg de «nouveaux réactionnaires», le cliché stigmatisant n'a pas tardé à fuser : «Ils roulent pour Sarko !» Et, à la fin novembre 2005, la chimère de la menace néo-réac a pris corps, avec un Sarkozy érigé en chef de tribu et un Finkielkraut imaginé en conseiller du chef !






«Racaille, je n'ai rien entendu d'aussi violent depuis Le Pen et sa haine de la différence», déclare Luc Besson dans une interview.(Photo AFP.) Ce show-biz qui prend Sarkozy pour cible Jamel Debbouze, Matthieu Kassovitz, Luc Besson, Yannick Noah... Depuis la crise des banlieues, le ministre de l'Intérieur est violemment pris à partie par une frange du monde du spectacle.
LES 10 ET 17 DÉCEMBRE, dans l'émission de Thierry Ardisson, «Tout le monde en parle», sur France 2, Nicolas Sarkozy, absent du plateau, a tenu le haut de l'affiche. Mais pour être couvert de quolibets.
Depuis les explosions de violences dans les banlieues, le présidentiable de l'UMP n'a plus la cote dans le petit monde du show-biz. Jamel Debbouze, invité par Ardisson pour faire la promotion de son film Angel-A, compare le ministre de l'Intérieur à «un bourgeois qui arrive avec des caméras et qui regarde des petits rebeux, et qui leur dit : «Je vais vous nettoyer au Kärcher, bande de racailles.» Et il en profite pour donner une leçon de vocabulaire : «Racaille, ça veut dire peuple méprisable, et banlieue, lieu de bannissement. Il veut envoyer le peuple méprisable dans un lieu de bannissement. Et Neuilly, ce n'est pas un ghetto de riches ?»
En face de lui, l'humoriste Muriel Robin bouillonne. Elle qui entretenait de bonnes relations avec Nicolas Sarkozy se dit scandalisée : «S'il y a un mec qui utilise des mots comme Kärcher, ça fait mal, ça me fait mal» Tous deux sont finalement rejoints par Joey Starr, venu parler de l'opération montée par le collectif Devoirs de mémoires (lire encadré) : «Aller voter, c'est la seule manière de dire qu'on n'est pas d'accord», dit-il. Pas d'accord avec Nicolas Sarkozy, bien sûr. Car si le nom du patron de l'UMP n'est pas prononcé, il est clairement sous-entendu.
«Petit Napoléon en devenir»
Les temps ont changé pour Nicolas Sarkozy. A une certaine époque, il séduisait pourtant Bertrand Tavernier et le même Jamel Debbouze : «Moi, je vote à gauche, mais je dois avouer que Sarkozy, il a fait des trucs bien, comme la suppression de la double peine», confiait-il voici deux ans. Nicolas Sarkozy se battait alors pour la suppression de la double peine, refusait d'interdire la diffusion d'un livre jugé dangereux pour les bonnes moeurs, autorisait la tenue de la première rave légale sur une base militaire désaffectée. Mais le voici redevenu, depuis six mois, la proie des «bien pensants». Tête de Turc des «Guignols de l'Info», l'émission satirique qui fait les beaux jours de Canal + depuis plus de dix ans, le patron de l'UMP est désormais surnommé White Spirit, et caricaturé en un autre Le Pen, tandis que la marionnette du vieux tribun de l'extrême droite, ressortie du grenier, pleure sur ce Sarko qui lui vole sa «clientèle».
Depuis qu'il a prononcé les mots «Kärcher» et «racaille», Nicolas Sarkozy, qui réussissait à n'offrir aucun angle de tir aux attaques de ses adversaires, n'est plus une «cible mouvante» : il est une «cible» tout court. Cette longue chaîne de mises en causes diabolisera-t-elle le ministre de l'Intérieur, comme le fut le président du FN ? C'est l'objectif poursuivi par les plus militants du petit ou du grand écran qui stigmatisent en choeur cet «émule de Le Pen».
Du magazine Les Inrockuptibles à l'association Act Up, qui diffuse une affiche où l'on découvre une photo de Nicolas Sarkozy encadrée du slogan «Votez Le Pen» (nos éditions d'hier), on retrouve la «génération morale» des trentenaires qui ont milité pour SOS-Racisme. Nourris au lait de Canal +, car la chaîne cryptée a joué pour Jamel, Eric&Ramzi, Bruno Solo, Yvan Le Bolloc'h et quelques autres, un rôle d'incubateur, ils partagent les mêmes réflexes. Tel l'acteur Patrick Timsit, qui souhaite, dans VSD, que, pour Noël, «Nicolas Sarkozy soit un peu moins père fouettard». Autre enfant de Canal +, le réalisateur Matthieu Kassovitz, qui, l'un des premiers, a voulu «taper sur Sarko», dans son blog, où il s'indigne : «Comme Bush, Sarkozy ne défend pas une idée, il répond aux peurs qu'il a lui-même instillées dans la tête des gens.» Et voit en Sarkozy «une starlette de la Star Ac' et un petit Napoléon en devenir».
Autre embardée, celle de Luc Besson, dans une interview au magazine Première : «Racaille, je n'ai rien entendu d'aussi violent depuis Le Pen et sa haine de la différence.» Et il ajoute, à propos de Banlieue 13, film qu'il a produit : «A la fin du film, on voit un ministre de l'Intérieur qui déclare : «Y en a marre de cette racaille qui coûte une fortune à l'Etat.» Je me demande si Kärcher 1er n'a pas piqué les dialogues. Et puisqu'on parle de la drogue, la vraie, la dure, ce n'est pas dans le 93 qu'on la consomme le plus, mais à Neuilly. Ce n'est donc pas le Kärcher que Sarkozy devrait passer chez lui, mais l'aspirateur !»
La liste ne cesse de s'allonger. Le Canard enchaîné révèle ainsi que lors d'une interview réalisée pour Paris Match, et partiellement censurée, Yannick Noah, nouveau chouchou des Français, aurait déclaré, après avoir évoqué la récente crise des banlieues : «Une chose est sûre : si jamais Sarkozy passe (NDLR : en 2007), je me casse !» Un observateur y voit la bataille du rap contre la chanson française, que Sarkozy connaît sur le bout des doigts. Pas sûr, si l'on tient compte de cette sortie de Pierre Perret, qui déclarait à la fin novembre : «Dire que l'on va passer tous ces gens au Kärcher est un effet d'annonce néfaste, nauséabond. C'est lamentable de la part de personnes qui envisagent de devenir chef d'Etat.» Déjà, au début du mois de septembre, Alain Souchon, dans son dernier album, s'en prenait à «ce futur président qui sourit tant qu'on lui voit un couteau entre les dents». Sans cacher qu'il visait là le ministre l'Intérieur.

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