119- En Belgique, À Malines, le Musée Juif de la Déportation et de la Résistance est menacé de disparition
À Malines, le Musée Juif de la Déportation et de la Résistance est menacé de disparition par une commission d'historiens qui veut banaliser la Shoah Par Sara Brajbart-Zajtman
À Malines, ville flamande à mi-chemin entre Bruxelles et Anvers, se trouve l'ancienne caserne Dossin. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, elle fut un camp de rassemblement des juifs de Belgique et du nord de la France. 25.000 d'entre eux ainsi que 350 tziganes furent déportés vers les camps d'extermination. La plupart périrent ensuite, gazés.
L'ex-caserne Dossin est devenue un excellent outil pédagogique
En 1995, le Musée Juif de la Déportation et de la Résistance est créé sur une petite surface de Dossin. Cet espace est sauvé de justesse de la promotion immobilière qui englobe le reste du bâtiment. Aménagé principalement grâce aux fonds récoltés par la communauté juive, le Musée est subventionné par la Communauté flamande pour ses frais de fonctionnement, et 20 personnes y travaillent quotidiennement. Il s'est très vite imposé comme un excellent outil pédagogique : 30.000 élèves le visitent chaque année.
Un succès qui rend l'agrandissement des lieux nécessaire. Le maire de Malines désigne alors une commission scientifique pour mettre au point l'extension du musée. À la stupéfaction générale, Maxime Steinberg, qui dirigeait le premier groupe d'historiens à l'origine du musée, professeur à l'Université Libre de Bruxelles où il donne un cours sur les génocides, n'est pas du nombre.La plupart des membres de cette nouvelle commission n'ont d'ailleurs pas d'expertise sur la persécution ou la déportation des Juifs.
L'un d'entre eux, Pieter Lagrou, porte un nom qui résonne tragiquement dans la mémoire juive puisqu'il n'est autre que le petit-fils du responsable de la légion SS-Vlaanderen, avec lequel il affirme avoir pris ses distances. Néanmoins, son intérêt pour les juifs est assez critique. Il s'intéresse beaucoup à la « fabrication de la mémoire après la guerre », salue les travaux de Peter Novick qui « dénonce l'instrumentalisation de la mémoire ». Il parle de « sionisme conquérant incompatible avec l'image du juif victime universelle » (Libération).
Un témoignage de rescapé devient un « ego- document » !
Cette commission est un compagnonnage que domine Gie van den Berghe, moraliste ambigu. Ainsi, celui-ci combat le négationnisme mais… plaide pour le révisionnisme, en particulier la révision de l'histoire de la Shoah, qu'il considère comme « surévaluée ». Il détaille cette théorie dans son ouvrage « De Uitbuiting van de holocaust » (« L'exploitation de l'holocauste »). Il n'a de cesse de dénoncer « l'exploitation de la Shoah par Israël aux fins de justifier sa politique moyen-orientale. » Il consacre un pamphlet d'une ironie indécente au nouveau musée de Yad Vashem de Jérusalem qui, écrit-il, « ressemble à une tablette de Toblerone bourrée de soldats extrémistes en armes » et où « les Israéliens mettent en scène leur monopole de la souffrance. La Via Dolorosa des Juifs. » Il conteste également la valeur des témoignages des survivants des camps, trop sensibles et trop traumatisés pour être considérés comme des témoins dignes de foi - il se base sur une confusion faite par quelques témoins entre camp de concentration et camp d'extermination pour tous les disqualifier - et propose de parler « d'ego-document » plutôt que de témoignage !
On trouve également dans cette commission, Bruno De Wever, historien réputé du mouvement flamand et professeur à l'Université de Gand, frère de Bart De Wever, actuel président du Nieuw-Vlaamse Alliantie (mouvement nationaliste flamand de droite)
La préoccupation principale des auteurs vise à dénier tout caractère de spécificité à la Shoah
À quelle réflexion sur un musée de la Shoah peut aboutir une commission de « spécialistes » animés d'une telle idéologie ? Le titre du rapport, « Transit Malines », nouveau nom proposé pour le musée, évacue les termes Juif, Déportation et Résistance. Il préconise l'absorption du « Musée Juif de la Déportation et de la Résistance » par un grand « Musée des Droits de l'Homme dédié à tous les génocides et autres crimes de masse. »La préoccupation principale des auteurs vise à dénier tout caractère de spécificité à la Shoah. À mettre sur un pied d'égalité les génocides juif, arménien et rwandais sans tenir compte du fait que, seul, le génocide juif s'est en partie réalisé sur le sol belge. À traiter à égalité génocides et massacres, la Shoah et le Darfour par exemple. À traiter à égalité victimes et bourreaux pour comprendre la manière dont on devient l'un ou l'autre. Comme si la victime avait eu le choix ! À traiter à égalité, d'une part Juifs et Tziganes déportés et, d'autre part, homosexuels et Témoins de Jéhovah. Lesquels, en Belgique, n'ont même pas fait l'objet d'ordonnances spéciales. À veiller à éviter toute identification avec les victimes juives.
Pour Maurice Einhorn, spécialiste de l'antisémitisme en Belgique : « Il y a dans ce rapport une dichotomie permanente entre un point de vue strictement scientifique d'historien et l'objectif, indispensable, d'entretien de la mémoire de la Shoah dans le grand public. Le projet muséal est abordé en termes d'analyse historique et non dans une optique pédagogique à l'intention des visiteurs qui ne sont nullement spécialisés en la matière. » Bref, un rapport qui n'est d'aucune utilité pour un muséographe.
Joël Kotek, historien belge, directeur de formation des enseignants au Mémorial de la Shoah à Paris, maître de conférences à l'Université libre de Bruxelles, dit de son côté : « Je perçois une volonté politique d'effacer ou d'atténuer fortement la Shoah. La Flandre a un problème avec son passé. Au moment de la déportation, le cardinal van Roey était primat de Belgique à Malines. Les Juifs étaient déportés …quasi sous ses fenêtres. Les milieux catholiques aimeraient qu'on l'oublie. Surtout ceux qui n'ont pas « digéré » la suppression par le Pape Jean XXIII de la mention, dans les catéchismes, du peuple juif déicide. Et le score du Vlaams Belang (extrême droite) aux dernières élections à Malines est impressionnant. »
Viviane Teitelbaum, députée MR (libéral, centre droit) et ancienne représentante de la Fondation Spielberg-Belgique, auteur de plusieurs livres sur la Shoah, précise : « En 1998, le parti social chrétien et les partis nationalistes flamands ont voté le décret Suykerbuyk (octroi d'une indemnité aux anciens collaborateurs), il y a une escalade. Le sort du musée concerne toute la Belgique, pas seulement une de ses régions. Il faut solliciter l'intervention du Premier ministre. Si nécessaire, nous mettrons en place un comité pour sauver le musée de Malines. »
Quand on sait qu'un sondage, en milieu juif, a classé comme premier critère de rattachement au judaïsme, avant toute référence à Dieu ou à Israël, la mémoire de la Shoah, on peut imaginer que les juifs belges ne se laisseront pas ravir leur musée. Celui-ci fait office de pardon de la part d'un pays qui n'a jamais présenté ses excuses à ceux qu'il n'avait pas pu ou pas voulu protéger, allant même, comme dans le cas de la police anversoise, jusqu'à organiser les rafles ordonnées par l'occupant. Du Consistoire (www.jewishcom.be) à l'extrême gauche juive belge (UPJB), tous défendent la spécificité de la Shoah.Mais comme la plupart des locaux destinés à l'agrandissement du Musée viennent d'être rachetés par le gouvernement flamand, la bataille risque d'être dure.
Pendant ce temps, la commission d' « historiens » continue à tisser sa toile. Dans un article publié récemment dans un quotidien néerlandophone, certains d'entre eux demandent « quel est le message que les jeunes générations peuvent encore recevoir d'un Musée de la Shoah », précisant ensuite qu'une pédagogie basée sur l'intégration des jeunes musulmans est prioritaire. Comme si l'un excluait l'autre.
Copyright proche-orient.info. Reproduction interdite sauf accord formel de proche-orient.info
À Malines, ville flamande à mi-chemin entre Bruxelles et Anvers, se trouve l'ancienne caserne Dossin. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, elle fut un camp de rassemblement des juifs de Belgique et du nord de la France. 25.000 d'entre eux ainsi que 350 tziganes furent déportés vers les camps d'extermination. La plupart périrent ensuite, gazés.
L'ex-caserne Dossin est devenue un excellent outil pédagogique
En 1995, le Musée Juif de la Déportation et de la Résistance est créé sur une petite surface de Dossin. Cet espace est sauvé de justesse de la promotion immobilière qui englobe le reste du bâtiment. Aménagé principalement grâce aux fonds récoltés par la communauté juive, le Musée est subventionné par la Communauté flamande pour ses frais de fonctionnement, et 20 personnes y travaillent quotidiennement. Il s'est très vite imposé comme un excellent outil pédagogique : 30.000 élèves le visitent chaque année.
Un succès qui rend l'agrandissement des lieux nécessaire. Le maire de Malines désigne alors une commission scientifique pour mettre au point l'extension du musée. À la stupéfaction générale, Maxime Steinberg, qui dirigeait le premier groupe d'historiens à l'origine du musée, professeur à l'Université Libre de Bruxelles où il donne un cours sur les génocides, n'est pas du nombre.La plupart des membres de cette nouvelle commission n'ont d'ailleurs pas d'expertise sur la persécution ou la déportation des Juifs.
L'un d'entre eux, Pieter Lagrou, porte un nom qui résonne tragiquement dans la mémoire juive puisqu'il n'est autre que le petit-fils du responsable de la légion SS-Vlaanderen, avec lequel il affirme avoir pris ses distances. Néanmoins, son intérêt pour les juifs est assez critique. Il s'intéresse beaucoup à la « fabrication de la mémoire après la guerre », salue les travaux de Peter Novick qui « dénonce l'instrumentalisation de la mémoire ». Il parle de « sionisme conquérant incompatible avec l'image du juif victime universelle » (Libération).
Un témoignage de rescapé devient un « ego- document » !
Cette commission est un compagnonnage que domine Gie van den Berghe, moraliste ambigu. Ainsi, celui-ci combat le négationnisme mais… plaide pour le révisionnisme, en particulier la révision de l'histoire de la Shoah, qu'il considère comme « surévaluée ». Il détaille cette théorie dans son ouvrage « De Uitbuiting van de holocaust » (« L'exploitation de l'holocauste »). Il n'a de cesse de dénoncer « l'exploitation de la Shoah par Israël aux fins de justifier sa politique moyen-orientale. » Il consacre un pamphlet d'une ironie indécente au nouveau musée de Yad Vashem de Jérusalem qui, écrit-il, « ressemble à une tablette de Toblerone bourrée de soldats extrémistes en armes » et où « les Israéliens mettent en scène leur monopole de la souffrance. La Via Dolorosa des Juifs. » Il conteste également la valeur des témoignages des survivants des camps, trop sensibles et trop traumatisés pour être considérés comme des témoins dignes de foi - il se base sur une confusion faite par quelques témoins entre camp de concentration et camp d'extermination pour tous les disqualifier - et propose de parler « d'ego-document » plutôt que de témoignage !
On trouve également dans cette commission, Bruno De Wever, historien réputé du mouvement flamand et professeur à l'Université de Gand, frère de Bart De Wever, actuel président du Nieuw-Vlaamse Alliantie (mouvement nationaliste flamand de droite)
La préoccupation principale des auteurs vise à dénier tout caractère de spécificité à la Shoah
À quelle réflexion sur un musée de la Shoah peut aboutir une commission de « spécialistes » animés d'une telle idéologie ? Le titre du rapport, « Transit Malines », nouveau nom proposé pour le musée, évacue les termes Juif, Déportation et Résistance. Il préconise l'absorption du « Musée Juif de la Déportation et de la Résistance » par un grand « Musée des Droits de l'Homme dédié à tous les génocides et autres crimes de masse. »La préoccupation principale des auteurs vise à dénier tout caractère de spécificité à la Shoah. À mettre sur un pied d'égalité les génocides juif, arménien et rwandais sans tenir compte du fait que, seul, le génocide juif s'est en partie réalisé sur le sol belge. À traiter à égalité génocides et massacres, la Shoah et le Darfour par exemple. À traiter à égalité victimes et bourreaux pour comprendre la manière dont on devient l'un ou l'autre. Comme si la victime avait eu le choix ! À traiter à égalité, d'une part Juifs et Tziganes déportés et, d'autre part, homosexuels et Témoins de Jéhovah. Lesquels, en Belgique, n'ont même pas fait l'objet d'ordonnances spéciales. À veiller à éviter toute identification avec les victimes juives.
Pour Maurice Einhorn, spécialiste de l'antisémitisme en Belgique : « Il y a dans ce rapport une dichotomie permanente entre un point de vue strictement scientifique d'historien et l'objectif, indispensable, d'entretien de la mémoire de la Shoah dans le grand public. Le projet muséal est abordé en termes d'analyse historique et non dans une optique pédagogique à l'intention des visiteurs qui ne sont nullement spécialisés en la matière. » Bref, un rapport qui n'est d'aucune utilité pour un muséographe.
Joël Kotek, historien belge, directeur de formation des enseignants au Mémorial de la Shoah à Paris, maître de conférences à l'Université libre de Bruxelles, dit de son côté : « Je perçois une volonté politique d'effacer ou d'atténuer fortement la Shoah. La Flandre a un problème avec son passé. Au moment de la déportation, le cardinal van Roey était primat de Belgique à Malines. Les Juifs étaient déportés …quasi sous ses fenêtres. Les milieux catholiques aimeraient qu'on l'oublie. Surtout ceux qui n'ont pas « digéré » la suppression par le Pape Jean XXIII de la mention, dans les catéchismes, du peuple juif déicide. Et le score du Vlaams Belang (extrême droite) aux dernières élections à Malines est impressionnant. »
Viviane Teitelbaum, députée MR (libéral, centre droit) et ancienne représentante de la Fondation Spielberg-Belgique, auteur de plusieurs livres sur la Shoah, précise : « En 1998, le parti social chrétien et les partis nationalistes flamands ont voté le décret Suykerbuyk (octroi d'une indemnité aux anciens collaborateurs), il y a une escalade. Le sort du musée concerne toute la Belgique, pas seulement une de ses régions. Il faut solliciter l'intervention du Premier ministre. Si nécessaire, nous mettrons en place un comité pour sauver le musée de Malines. »
Quand on sait qu'un sondage, en milieu juif, a classé comme premier critère de rattachement au judaïsme, avant toute référence à Dieu ou à Israël, la mémoire de la Shoah, on peut imaginer que les juifs belges ne se laisseront pas ravir leur musée. Celui-ci fait office de pardon de la part d'un pays qui n'a jamais présenté ses excuses à ceux qu'il n'avait pas pu ou pas voulu protéger, allant même, comme dans le cas de la police anversoise, jusqu'à organiser les rafles ordonnées par l'occupant. Du Consistoire (www.jewishcom.be) à l'extrême gauche juive belge (UPJB), tous défendent la spécificité de la Shoah.Mais comme la plupart des locaux destinés à l'agrandissement du Musée viennent d'être rachetés par le gouvernement flamand, la bataille risque d'être dure.
Pendant ce temps, la commission d' « historiens » continue à tisser sa toile. Dans un article publié récemment dans un quotidien néerlandophone, certains d'entre eux demandent « quel est le message que les jeunes générations peuvent encore recevoir d'un Musée de la Shoah », précisant ensuite qu'une pédagogie basée sur l'intégration des jeunes musulmans est prioritaire. Comme si l'un excluait l'autre.
Copyright proche-orient.info. Reproduction interdite sauf accord formel de proche-orient.info
0 Comments:
Post a Comment
<< Home