Monday, January 02, 2006

Les "intellectuels" négationnistes qui servent de référence à Ahmadinejad

En soutien au président iranien, Téhéran diffuse des textes d'«érudits», parfois condamnés pour haine raciale.

L'internationale négationniste s'est trouvé une nouvelle tribune. Depuis les fracassantes déclarations du président iranien Mahmoud Ahmadinejad sur le génocide juif, l'agence de presse Mehr, proche du pouvoir iranien, recueille et diffuse sur le Net des interviews d'«historiens indépendants et savants de différentes parties du monde», destinées à donner une caution scientifique aux propos du chef de l'Etat.
Après avoir déclaré, au mois d'octobre, qu'Israël devait «être rayé de la carte», Ahmadinejad affirmait, le 14 décembre, au sujet des juifs : «Ils ont fabriqué une légende sous le nom de "massacre des juifs" et placent cela plus haut que Dieu lui-même, que la religion elle-même, que les prophètes eux-mêmes.» Ces propos retransmis à la télévision nationale avaient soulevé une tempête de protestations, qui s'est grandement apaisée depuis la reprise de complexes négociations sur le nucléaire avec les Européens (Allemagne, France, Grande-Bretagne), le 21 décembre. Sur le Web, en revanche, l'offensive du régime iranien se poursuit. Dernière interview en date diffusée par Mehr et intitulée «Israël fut construit sur un mensonge», celle du directeur de l'institut Adelaide, mise en ligne avant-hier. Mehr ne précise pas que Frederick Toben, Australien d'origine allemande, a été condamné pour haine raciale en 1999 par un tribunal allemand.
Quatre jours plus tôt, l'agence de presse iranienne diffusait une série d'e-mails de soutien aux opinions de Mahmoud Ahmadinejad. Aux côtés de l'Allemand Horst Mahler, tenant d'un anticapitalisme rouge-brun, et de l'Américain John Kaminski, qui défend l'idée que les attentats du 11 septembre étaient «une farce» organisée par l'Amérique «fasciste», deux Français : Serge Thion, présenté, en anglais, comme un «scientifique, limogé pour révisionnisme» (du CNRS en 2000), et Robert Faurisson. Sa phrase de soutien au président iranien qui évoque un «prétendu Holocauste» est simplement signée «Faurisson», tant semble grande en Iran la réputation de l'universitaire lyonnais. Interrogé par Libération sur sa contribution, Faurisson hésite et botte en touche. «Je ne peux pas répondre. Si on vous dit : "Etes-vous d'accord pour aller à la guillotine ?", que répondriez-vous ?» Il rappelle qu'il est convoqué le 20 juin à la 17e chambre correctionnelle pour avoir, le 3 février déjà, accordé une interview à la télé iranienne Sahar 1, un entretien «de nature strictement révisionniste puisque je ne fais pas de politique». La nuance a échappé au Conseil supérieur de l'audiovisuel : le 10 février, le CSA, considérant que le programme auquel Faurisson avait participé, le Monde en question, diffusé en France et en français, était consacré à «l'instrumentalisation de l'Holocauste à des fins politiques», a saisi le procureur de la République et mis en demeure l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (Eutelsat) de cesser la diffusion de Sahar 1. Fin 2004 et début 2005, la chaîne avait déjà diffusé deux feuilletons présentant «systématiquement les Israéliens et les juifs de manière avilissante», selon le CSA. L'attention prêtée en Iran aux thèses négationnistes n'est pas nouvelle, même si la rhétorique d'Ahmadinejad est loin d'être partagée par tous les Iraniens. Nombreux sont ceux, parmi les «historiens indépendants» cités par Mehr, qui ont déjà été invités à Téhéran pour participer à des débats ou des conférences. La tribune qui leur est offerte est destinée à donner à des propos de tribun un lustre scientifique, mais aussi à tourner en dérision ceux qui s'en émeuvent. Hamid Reza Asefi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a résumé cette stratégie, le 18 décembre : «Le type de réponse des Européens au débat théorique et scientifique de M. Ahmadinejad n'a pas de place dans un monde civilisé et est totalement émotionnel et illogique. C'est le signe de la fragilité de la partie adverse.»

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