231 - LES NOIRS A LA POINTE DE L'ANTISEMITISME EN FRANCE
Les enfants de Dieudonné Michel Gurfinkiellundi 13 mars 2006 - 14:41
Fofana et les “Barbares” sont écroués. Mais les violences continuent. Analyse d’une dérive.Ramené en France le 4 mars, après une dizaine de jours de cavale en Côte-d’Ivoire, Youssouf Fofana – le cerveau du “Gang des barbares” – a été mis en examen pour “association de malfaiteurs, enlèvement, séquestration en bande organisée avec acte de torture et de barbarie” et, enfin, “assassinat” sur la personne du jeune Ilan Halimi. Les juges d’instruction ont également retenu la circonstance aggravante d’antisémitisme, comme ils l’avaient laissé entendre le 20 février. Les premiers éléments de l’enquête confirment en effet que l’appartenance d’Ilan à la communauté juive a joué un rôle non négligeable dans son enlèvement lui-même et dans les sévices atroces qu’il a subis.Reste à déterminer s’il s’agit d’un cas isolé, d’une aberration, ou au contraire du début d’un nouveau cycle de violences en France. La seconde hypothèse est prise au sérieux au ministère de l’Intérieur, chez de nombreux élus locaux et chez les responsables communautaires juifs.Le vendredi 3 et le samedi 4 mars, en moins de vingt-quatre heures, trois personnes de confession juive ont été attaquées sur la voie publique à Sarcelles, en Seine-Saint-Denis. Deux d’entre elles ont subi des coups et blessures, une autre un vol sous contrainte (« dépouille ») assorti de menaces. Les agresseurs étaient issus, comme Youssouf Fofana et le noyau dur des “Barbares”, de l’immigration musulmane africaine. D’autres incidents graves du même type se seraient déroulés au cours des derniers mois et semaines, avant même qu’Ilan Halimi ne soit enlevé.Samy Ghozlan, élu local UMP et ancien commissaire de police, a pu vérifier la réalité de huit affaires, dans plusieurs départements : « Y compris, note-t-il, le cas d’un médecin attaqué voici trois semaines en bas de chez lui, battu, dépouillé et laissé nu sur la chaussée. »Claude Barouch, le président de l’Union des patrons et professionnels juifs de France (UPJF), indique qu’il reçoit « tous les jours des emails, des fax, des appels téléphoniques » relatant des agressions de tout ordre : « Le ministère de l’Intérieur a publié des statistiques faisant état d’une baisse des actes antisémites en 2005. Cela ne correspond pas à ce que nous constatons, au moins depuis la fin de l’année dernière. Et le fait le plus préoccupant, en effet, c’est la montée des jeunes d’origine africaine parmi les agresseurs. »Pourquoi cette “transition ethnique” – des Beurs, impliqués dans les violences antijuives du début des années 2000, aux Blacks d’aujourd’hui ? Une enseignante du Val-d’Oise estime qu’une partie au moins des jeunes d’origine maghrébine sont désormais « en train de s’intégrer » à la société française : moins d’échec scolaire, moins de discrimination ou plus de “discrimination positive”. Ce qui n’est pas le cas, ajoute-t-elle, des jeunes d’origine africaine. « Pour la plupart d’entre eux, ils viennent de sociétés qui ne connaissent pas l’écrit. Et ils grandissent dans des environnements familiaux effarants : polygamie, promiscuité, absence totale des repères traditionnels occidentaux… » Les casseurs noirs étaient au premier rang des émeutes urbaines de novembre 2005. Par une sorte de glissement naturel, ils seraient désormais au premier rang des agressions antisémites.Simon Lévy, porte-parole de la Ligue de défense juive (LDJ), ne partage pas cette analyse. Selon lui, le racisme antiblanc et l’antisémitisme seraient aussi répandus chez les Antillais que chez les Africains, et plus virulent dans certains milieux intellectuels ou artistiques que dans le “sous-prolétariat” : « Il est clair que ce phénomène est passé à la vitesse supérieure avec Dieudonné. L’ex-humoriste manipule une communauté noire en quête d’identité. À travers l’antisémitisme, il lui donne une doctrine, un combat, une nouvelle représentation de son passé et de son destin collectif. »Barouch, lui aussi, note : « Nous ne pouvons plus tourner sans arrêt autour du pot sans mentionner Dieudonné. Voilà quelqu’un qui suscite délibérément, depuis plusieurs années, l’hostilité d’une communauté contre une autre, et qui bénéficie sans cesse de l’indulgence de la justice. Il y a là quelque chose d’incompréhensible. »L’écho du “dieudonnisme”, on peut le mesurer sur AfricaMaat.com, “L’école africaine de tous les savoirs”. Ce site militant « nègre » se consacre avant tout à la « quête d’identité » évoquée par Simon Lévy. Ce qui le conduit à défendre les thèses du chercheur sénégalais Cheikh Anta Diop sur le caractère négro-africain de la civilisation égyptienne antique, voire de la civilisation hellénique.Le rôle prétendu des juifs dans la traite négrière.Mais aussi à accorder à Dieudonné un statut de vedette : de nombreuses entrées lui sont consacrées, y compris une interview exclusive réalisée au théâtre dont il est le propriétaire, La Main d’or, et « les photos de son passage en Martinique » le 1er mai 2005. Ou encore à reprendre tel quel ses accusations contre les juifs et Israël : du rôle prétendu des juifs des XVIIe et XVIIIe siècles dans la traite négrière européenne au soutien apporté par l’État d’Israël à l’apartheid sud-africain des années 1948-1994.Détail révélateur : le 7 mars, les statistiques du site sur les « articles les plus populaires » donnaient 88 % d’audience à une étude sur “Les juifs et l’esclavage”, démarquée de Dieudonné. Ce qui en faisait le deuxième article le plus consulté, juste après une étude sur “Les prénoms africains du IIIe millénaire” (98 %), mais loin devant “Les inventions réalisées par des Noirs” (61 %), “La femme noire au centre de la renaissance du peuple noir” (45 %), ou même “La férocité blanche” (40 %).Ces divagations – entrecroisées avec l’antisémitisme islamiste – ont nécessairement des conséquences sur l’ensemble des communautés noires de France. « Nous avons soulevé la question avec les organisations noires modérées, indique Claude Barouch. Elles sont aussi effarées que nous. » Simon Lévy est plus pessimiste encore : « Ne nous faisons pas d’illusion. Les trois quarts de la France regardent Youssouf Fofana avec horreur. Mais pour les jeunes Noirs speedés à l’antisémitisme, il est d’ores et déjà un héros, une icône. Si la justice ne frappe pas très vite et très fort, la dérive va être irrésistible. »Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a reçu les victimes des agressions du week-end dernier, ainsi que leurs familles. Agissant sur ses instructions en urgence absolue, la police a pu identifier et appréhender presque immédiatement les coupables présumés.À gauche aussi, la classe politique semble prendre conscience de la gravité des enjeux. Effectuant une visite en Israël, Jack Lang déclare le 7 mars : « Je pense le plus grand mal de Dieudonné. Ce type a contribué à proposer une idéologie raciste et antisémite. Son influence a été désastreuse. »À court terme, les violences ethniques semblent déjà provoquer des “regroupements de population”, à l’encontre des discours officiels sur la mixité sociale. Dans la Seine-Saint-Denis, le Val-d’Oise, le Val-de-Marne, l’Essonne, les résidents français de souche, ou issus d’immigrations anciennes et bien intégrées, quittent, dès lors qu’ils en ont les moyens, les communes à forte population maghrébine ou noire.Il en irait de même à Paris, d’un arrondissement à l’autre. Les juifs, en particulier, désertent peu à peu Sarcelles, Créteil ou le XIXe arrondissement, pour le Grand-Ouest parisien, réputé plus sûr.À plus long terme, cette balkanisation sociogéographique pourrait se doubler d’une fracture politique sans précédent. Le site Skyrock.com, lié à la radio “jeune” du même nom et dont le public préfigure la France adulte des années 2010, organisait le 6 mars un sondage en ligne sur les présidentiables de 2007. Jean-Marie Le Pen était en tête, avec 29 % des suffrages, suivi par Dieudonné, 19 %. Parmi les autres candidats, Sarkozy surnageait encore, avec 11 %. Les autres oscillaient entre 4 et 1 %.
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