Monday, April 10, 2006

DE VILLIERS SEDUIT DE PLUS EN PLUS LES JUIFS

Ses propos anti-islamistes touchent la frange la plus à droite de la communauté.
Quand les juifs radicaux se laissent séduire par Villiers
par Catherine COROLLERQUOTIDIEN : lundi 10 avril 2006






L'un a dérapé plus d'une fois, n'hésitant pas à réduire les chambres à gaz au rang de «point de détail», et a multiplié les saillies condamnées par la justice. L'autre met en avant ses «relations très anciennes avec la communauté juive». Dans la compétition acharnée qu'il livre pour arracher à Jean-Marie Le Pen son magot électoral en 2007, Philippe de Villiers avoue volontiers copier en tous points le leader du FN. Sauf en un domaine : son attitude à l'égard de la communauté juive.
Autant Le Pen flirte souvent avec l'antisémitisme, autant le président du Mouvement pour la France (MPF) a lancé une opération séduction en direction des juifs de France : «Mon père a été un héros de la Résistance et cette culture de fils de résistant et mes analyses m'amènent à comprendre la souffrance des juifs de France et à la partager», affirme-t-il.
Villiers a pioché dans une actualité plus récente le fonds de commerce de ce discours : il n'a de cesse de dénoncer «l'islamisation de la France». «Beaucoup de juifs m'ont entendu déclarer le 16 juillet 2005 sur TF1 que "l'islam est le terreau de l'islamisme, et l'islamisme le terreau du terrorisme"», rappelle le président du MPF. Si ces accusations lui valent une plainte du Mrap et de la mosquée de Lyon pour «provocation à la discrimination nationale, raciale et religieuse», elles pourraient aussi lui attirer des suffrages parmi la frange la plus radicale des juifs de France.
Ovations. Cette adhésion s'est bruyamment manifestée, selon lui, lors de sa visite à la synagoguepour la cérémonie en mémoire d'Ilan Halimi. «J'ai été ovationné, raconte-t-il à Libération. J'en étais même gêné parce que c'est un lieu de recueillement et que j'essayais de me glisser sans être vu. C'était extrêmement chaleureux.» Les juifs de France se droitiseraient-ils à l'extrême ? «Ils me disent : "Vous êtes le seul à parler clair"», affirme Villiers.
Le dimanche suivant la cérémonie en mémoire d'Ilan, le président du MPF avait prévu de participer à la manifestation contre le racisme et l'antisémitisme. «Entre le jeudi et le dimanche, nous avons eu des appels répétés du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), de William Goldnadel (président de l'association France-Israël), disant à Philippe de Villiers : "Bien sûr, viens, tu seras bien traité"», rapporte Guillaume Peltier, transfuge du Front national, aujourd'hui numéro deux du MPF. Villiers est venu, mais a été chassé de la tête du cortège par le service d'ordre de la manifestation. Les jours suivants, le MPF prétend avoir été assailli de messages de solidarité. «On a reçu un double soutien, de la part de la communauté juive officielle et de milliers d'anonymes», affirme Guillaume Peltier. Sur son bureau, il étale de bonne grâce les témoignages reçus : «Vous représentez un courant politique qui n'a jamais prôné le racisme antisémite, et, à ce titre au moins, on n'aurait jamais dû se comporter avec vous comme l'ont fait certains participants», écrit Jean Kahn, président du Consistoire central. «Nous n'oublions pas que vous êtes le fils d'un héros de la Résistance plusieurs fois torturé par les nazis au camp de représailles de Lübeck», écrit Yves Kamami, vice-président du B'nai B'rith France, qui se présente comme «la plus importante association humanitaire juive». D'autres correspondants vont plus loin, se déclarant en accord avec les idées du président du MPF. Selon Guillaume Peltier, «dans 90 % des courriers, il y avait un mot, une phrase saluant les prises de position de Philippe de Villiers sur l'islamisme».
Pour Henri Dahan, président du Collectif des associations et mouvements juifs de France, «Philippe de Villiers est aujourd'hui le seul homme politique français d'envergure nationale à dénoncer sans ambiguïté l'islamisation radicale de la France et ses conséquences». «Vos prises de position sur l'islamisme dans notre pays sont conformes à la pensée de nombreux juifs du pays», écrit Marc Stanislawski, secrétaire de la communauté juive de Vitry-sur-Seine. Pour Claude Barouch, président de l'Union des patrons et professionnels juifs de France, «il ne faut pas se tromper d'ennemis dans une période où la France doit faire face à des périls inquiétants».
«Perte de repères». Patrick Klugman, vice-président de SOS Racisme et membre du comité directeur du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), fait partie de ceux qui ont chassé Villiers de la tête du cortège de la manifestation. Il déplore une «perte de repères» : «Il y a dans la communauté des gens un peu apeurés et égarés qui pensent être victimes des Arabes et sont prêts à se tourner vers le premier discours venu. Ils croient que Philippe de Villiers est leur allié, d'autant qu'il fait preuve d'une grande démagogie à l'endroit de la communauté juive». Pour autant, Patrick Klugman ne croit pas à une extrême droitisation massive des juifs de France : «Il y a des enragés, mais les opinions modérées sont les plus nourries.»
Du côté des responsables communautaires juifs, on joue l'ambiguïté. Villiers a-t-il été invité au dîner du Crif, événement politico-mondain qui rassemble le tout-Paris ? «Je n'en ai pas l'impression, louvoie Roger Cukierman. M. de Villiers est une personnalité politique connue, mais je crois qu'on n'a jamais pensé à l'inviter.» Oubli réparé dès l'an prochain : «Nous avons des relations avec tous les partis, à part ceux que nous considérons comme infréquentables. Je pense que l'année prochaine nous inviterons M. de Villiers» Sur ses affinités avec l'homme politique, le président du Crif n'est pas plus clair : «Nous ne sommes pas proches de ses idées, le souverainisme notamment, mais, à notre égard, il n'a jamais commis d'impairs, d'ailleurs il n'a jamais été condamné par les tribunaux.» Sur le fond, le président du Crif n'a rien à redire aux thèses du président du MPF : «Je me suis fait communiquer les expressions qui avaient paru choquer certains. On m'a cité la formule "l'islam est le terreau de l'islamisme et l'islamisme est le terreau du terrorisme". Cela ne me paraît pas raciste par nature».

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