ISRAEL, AIDE MOI A TE DEFENDRE
Rebonds
Que l'Etat hébreu aspire à sa sécurité est légitime, mais il doit veiller à ne pas en faire trop.
Aide-moi à te défendre
Par Bernard POIGNANT
QUOTIDIEN : Jeudi 5 octobre 2006 - 06:00
Bernard Poignant député européen, président de la délégation socialiste française au Parlement européen.
Israël, aide-moi à te soutenir et à te défendre. C'est difficile en ce moment car ta puissance effraie, et la guerre des images ne tourne pas à ton avantage. Tes adversaires et tes ennemis, en France et dans le monde, sont si heureux de te voir en difficulté et de te sentir menacé. Alors ils peuvent s'en donner à coeur joie dans l'actuelle situation. Je t'en supplie, n'apporte pas d'eau à leur moulin.
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Car je n'oublie rien de ton histoire. La Palestine a été occupée par les Assyriens, les Romains, les croisés, les Arabes, les Ottomans, pour terminer sous mandat britannique de 1918 à 1948. L'empereur Titus décide de disperser les Juifs après leur révolte de 66 contre l'occupant romain, la seconde destruction du Temple date de 70 après Jésus-Christ. Depuis des siècles, une prière juive se termine toujours ainsi: «Cette année ici, l'an prochain à Jérusalem.»
Par la résolution de l'ONU du 29 novembre 1947, les Juifs ont un Etat, dix-neuf siècles après leur dispersion de cette terre. Les Etats arabes ont tout de suite refusé et déclenché la première guerre, dès le 15 mai 1948, au lendemain de l'indépendance d'Israël. On ne refait pas l'histoire, mais si cette première résolution avait été acceptée on n'en serait pas là...
Qu'ont donc fait les Juifs entre 70 et 1947 ? Ont-ils commis les pires crimes au point de susciter tant de passion, tant de haine pour les uns, tant d'attachement pour les autres? Pourtant, ils n'ont fait aucun prosélytisme religieux, n'ont constitué aucun empire territorial, n'ont exterminé aucune population indigène, n'ont pratiqué ni traite des êtres humains, ni esclavage, ni apartheid, n'ont promis à personne aucun paradis, n'ont imposé leur langue à aucun peuple.
Au contraire, ils ont connu exils et expulsions, comme en 1290 en Angleterre, en 1394 en France, en 1492 en Espagne. Ils ont été enfermés dans des ghettos, soumis à des pogroms, obligés de porter un signe distinctif comme l'étoile jaune après le IVe concile de Latran, en 1215. Ils ont été interdits d'exercer de nombreuses professions, ont été entassés dans des trains, gazés dans des camps. Bref, leur histoire est celle des victimes qui subissent, pas de bourreaux qui agressent.
A la fin du XIXe siècle, le sionisme a ouvert une nouvelle page de cette histoire: en 1896, Theodor Herzl publie l'Etat des Juifs : la France est en pleine affaire Dreyfus, la haine des Juifs s'étale au grand jour. Si le pays qui leur avait reconnu en 1791 des droits égaux aux autres se comporte ainsi, alors il est urgent pour les Juifs d'avoir leur Etat. Le 2 novembre 1917, la «déclaration Balfour» apporte son soutien à «l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif». La Shoah décidera la communauté internationale à franchir l'ultime étape, le 29 novembre 1947. Bref, le sionisme est en partie né pour fuir l'antisémitisme européen et le paroxysme de la «solution finale». Depuis 1947, la longue histoire du peuple juif se poursuit sous nos yeux, à travers les guerres de 1948, 1956, 1967, 1973 et les divers Intifadas.
Cette histoire ne doit pas conduire à tout accepter de la politique israélienne, mais celle-ci ne peut pas s'apprécier dans l'amnésie totale. Chaque peuple aspire à la sécurité de ses frontières. Sinon, il aura tendance à repousser celles-ci le plus loin possible. Imaginons que les Français entendent régulièrement un discours venant de Berlin disant que la France doit être rayée de la carte et que l'Allemagne a le droit à la bombe atomique: c'est ce qu'un habitant de Tel-Aviv entend en provenance de Téhéran. Qui peut reprocher à un Etat de protéger sa population et de défendre son existence ? Il le fait avec brutalité, avec maladresse, avec exagération. Peut-être. Des victimes civiles périssent, c'est exact et insupportable d'un côté comme de l'autre. Hiroshima a été aussi une réaction disproportionnée en 1945, comme le bombardement de Dresde, même celui de Brest, deLorient ou de Saint-Nazaire.
A l'égard des Juifs, il y a une réaction unique dans ce cas. La raison tient à leur apport à l'histoire de l'humanité. C'est le premier peuple, la première religion monothéiste, qui a affirmé cette chose simple et précieuse : il n'y a qu'un Dieu et l'homme est créé à son image ; celui qui tue l'homme tue Dieu. Cet humanisme, repris par le christianisme, est à la source de notre civilisation, même si les écarts ont été considérables. Le Juif peut donc être tué, il ne peut pas tuer. Depuis soixante ans, il a décidé de se défendre : c'est nouveau dans son histoire et dans la nôtre. C'est aussi pour cela que son sort est celui de notre conscience universelle et qu'il ne doit pas y avoir de troisième destruction du Temple.
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