LE MUR : INSTRUMENT DE COLONISATION
Le mur, un instrument de colonisation
Proche-Orient . L’enquête menée par René Backmann dans les villages palestiniens est accablante pour Israël.
Voici un livre (1) qui tombe à point nommé, comme un rappel à l’ordre nécessaire au moment où l’homme chargé de représenter la politique extérieure de la France, un certain M. Douste-Blazy, fait des déclarations qui bafouent le droit international. N’a-t-il pas dit récemment (2) : « Même si moralement et éthiquement pour moi ce mur posait problème, quand j’ai su qu’il y avait 80 % d’attentats en moins, j’ai compris que je n’avais plus le droit de penser » ?
Une telle prise de position signifie-t-elle que la France se déjuge par rapport au 20 juillet 2004, quand elle approuvait l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution demandant à Israël de démanteler ce mur que la Cour internationale de justice venait de déclarer illégal ?
Illégal, il l’est et le demeure, sans aucun doute. Mais s’il est un crime contre le droit, il est surtout un crime contre la vie par la manière dont il bouleverse et, souvent, brise celle des Palestiniens. C’est le premier mérite de René Backmann, grand reporter dans l’âme (3), que d’avoir montré par des exemples précis, patiemment récoltés sur le terrain, pour ainsi dire vécus, le drame humain des familles qui, du jour au lendemain, ont vu un mur traverser leur jardin, isoler leur maison, les couper de leur famille, de leur champ, de leur travail, de l’école de leurs enfants, briser leur paysage et leur environnement. « Même la couleur de la lumière ! » dit l’un d’en eux. J’ai vu René Backmann, en août 2005, alors que je couvrais pour l’Humanité le « désengagement » de Gaza, partir chaque matin enquêter méthodiquement dans chacun des villages, des quartiers concernés. Il revenait chaque soir plus effaré de ce qu’il découvrait.
Le second mérite de cette enquête approfondie, c’est qu’il démonte de manière imparable l’illusion que semble partager M. Douste-Blazy. À la question de savoir si le but du mur est d’assurer la sécurité des citoyens israéliens, la réponse de René Backmann est clairement négative : « On aurait pu le penser si le mur avait été construit le long de la ligne verte qui constitue la ligne de l’armistice de 1949, dit-il. C’est une sorte de frontière provisoire longue de 350 km. Mais on voit que le mur, en réalité, s’éloigne terriblement de cette frontière et fait des boucles parfois géantes (jusqu’à 20 km à l’intérieur de la Cisjordanie du côté d’Ariel) pour atteindre 665 km de long. La conclusion est évidente : ce n’est pas un ouvrage de protection mais un instrument de colonisation. »
D’où le titre, Un mur en Palestine. Car ce mur, imposé par la force, ne sépare pas Israël d’un État palestinien supposé être un jour son voisin, mais bien les Palestiniens les uns des autres. « Il y a des Palestiniens et des Israéliens des deux côtés, ce qui fait dire aux militaires qu’il rend la protection plus difficile », ajoute René Backmann. Quant à savoir si la diminution du nombre des attentats observée depuis deux ans est due au mur (commencé il y a quatre ans), il estime impossible de l’affirmer : « On sait que c’est plus difficile, pour une cellule terroriste, de passer, mais ce n’est pas impossible. Surtout depuis l’arrivée au pouvoir du président Abbas, il y a eu deux longues trêves des actions suicide décrétées par les organisations armées palestiniennes. »
Pour l’auteur, une chose est certaine : ce mur « a contribué à dynamiter les espoirs de paix des Palestiniens aussi sûrement que les attentats kamikazes ont massacré ceux du camp de la paix israélien ». Un constat amer qui mène à la conclusion, tirée d’un article de l’éditorialiste d’Haaretz, Akiva Eldar : « La force est le problème, pas la solution. »
(1) Un mur en Palestine,
René Backmann. Fayard, 305 pages, 20 euros.
(2) Interview à TFJ (Télévision de la communauté juive française) le 19 octobre. Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du PCF,
à écrit au président Jacques Chirac pour protester contre « ces déclarations graves et très préoccupantes, en contradiction avec le droit international ».
(3) René Backmann dirige
le service étranger
du Nouvel Observateur.
Françoise Germain-Robin
Proche-Orient . L’enquête menée par René Backmann dans les villages palestiniens est accablante pour Israël.
Voici un livre (1) qui tombe à point nommé, comme un rappel à l’ordre nécessaire au moment où l’homme chargé de représenter la politique extérieure de la France, un certain M. Douste-Blazy, fait des déclarations qui bafouent le droit international. N’a-t-il pas dit récemment (2) : « Même si moralement et éthiquement pour moi ce mur posait problème, quand j’ai su qu’il y avait 80 % d’attentats en moins, j’ai compris que je n’avais plus le droit de penser » ?
Une telle prise de position signifie-t-elle que la France se déjuge par rapport au 20 juillet 2004, quand elle approuvait l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution demandant à Israël de démanteler ce mur que la Cour internationale de justice venait de déclarer illégal ?
Illégal, il l’est et le demeure, sans aucun doute. Mais s’il est un crime contre le droit, il est surtout un crime contre la vie par la manière dont il bouleverse et, souvent, brise celle des Palestiniens. C’est le premier mérite de René Backmann, grand reporter dans l’âme (3), que d’avoir montré par des exemples précis, patiemment récoltés sur le terrain, pour ainsi dire vécus, le drame humain des familles qui, du jour au lendemain, ont vu un mur traverser leur jardin, isoler leur maison, les couper de leur famille, de leur champ, de leur travail, de l’école de leurs enfants, briser leur paysage et leur environnement. « Même la couleur de la lumière ! » dit l’un d’en eux. J’ai vu René Backmann, en août 2005, alors que je couvrais pour l’Humanité le « désengagement » de Gaza, partir chaque matin enquêter méthodiquement dans chacun des villages, des quartiers concernés. Il revenait chaque soir plus effaré de ce qu’il découvrait.
Le second mérite de cette enquête approfondie, c’est qu’il démonte de manière imparable l’illusion que semble partager M. Douste-Blazy. À la question de savoir si le but du mur est d’assurer la sécurité des citoyens israéliens, la réponse de René Backmann est clairement négative : « On aurait pu le penser si le mur avait été construit le long de la ligne verte qui constitue la ligne de l’armistice de 1949, dit-il. C’est une sorte de frontière provisoire longue de 350 km. Mais on voit que le mur, en réalité, s’éloigne terriblement de cette frontière et fait des boucles parfois géantes (jusqu’à 20 km à l’intérieur de la Cisjordanie du côté d’Ariel) pour atteindre 665 km de long. La conclusion est évidente : ce n’est pas un ouvrage de protection mais un instrument de colonisation. »
D’où le titre, Un mur en Palestine. Car ce mur, imposé par la force, ne sépare pas Israël d’un État palestinien supposé être un jour son voisin, mais bien les Palestiniens les uns des autres. « Il y a des Palestiniens et des Israéliens des deux côtés, ce qui fait dire aux militaires qu’il rend la protection plus difficile », ajoute René Backmann. Quant à savoir si la diminution du nombre des attentats observée depuis deux ans est due au mur (commencé il y a quatre ans), il estime impossible de l’affirmer : « On sait que c’est plus difficile, pour une cellule terroriste, de passer, mais ce n’est pas impossible. Surtout depuis l’arrivée au pouvoir du président Abbas, il y a eu deux longues trêves des actions suicide décrétées par les organisations armées palestiniennes. »
Pour l’auteur, une chose est certaine : ce mur « a contribué à dynamiter les espoirs de paix des Palestiniens aussi sûrement que les attentats kamikazes ont massacré ceux du camp de la paix israélien ». Un constat amer qui mène à la conclusion, tirée d’un article de l’éditorialiste d’Haaretz, Akiva Eldar : « La force est le problème, pas la solution. »
(1) Un mur en Palestine,
René Backmann. Fayard, 305 pages, 20 euros.
(2) Interview à TFJ (Télévision de la communauté juive française) le 19 octobre. Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du PCF,
à écrit au président Jacques Chirac pour protester contre « ces déclarations graves et très préoccupantes, en contradiction avec le droit international ».
(3) René Backmann dirige
le service étranger
du Nouvel Observateur.
Françoise Germain-Robin
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