Le monde libre doit faire preuve de fermeté avec la République islamique d'Iran
Le monde libre doit faire preuve de fermeté avec la République islamique d'Iran
L'expression d'une solidarité active et responsable, par Philippe Barbarin, Archevêque de Lyon.
Retour Rubrique Opinions
Pour protester contre la politique menée actuellement par l'Iran et demander la fermeté de la communauté internationale à l'encontre de la République islamique, un rassemblement sera organisé à Sciences Po (27, rue Saint-Guillaume, 75006), jeudi 14 décembre, de 17 à 20 heures, en présence d'Élie Wiesel et de nombreuses personnalités, dont certaines expriment ici les raisons de leur engagement.
Les limites de la réserve
Le devoir de réserve que s'impose le psychanalyste pour préserver la neutralité nécessaire à la pratique psychanalytique a des limites. Freud lui-même, réfugié à Londres, reprenant la rédaction de son livre sur Moïse, interrompu à Vienne, ne craint pas de dénoncer la barbarie du régime nazi.
On me dira qu'on n'en est pas là. Tout de même, que le chef élu d'un pays, membre de l'Organisation des Nations unies, réclame que soit rayé de la carte un autre pays, qui plus est créé par l'Organisation des Nations unies, est au-delà du tolérable. Les protestations plutôt molles des autres pays, qui ironisent sur le « lyrisme oriental », sont tout simplement révoltantes.
Que reste-t-il alors d'autre que le recours à l'opinion pour rappeler le danger aux pays de la communauté à laquelle nous appartenons et tirer la sonnette d'alarme ? Certes, on glosera : « Il parle d'Israël et non des Juifs ». Chaque chose en son temps. En outre, il suggère à ses voisins de se joindre à cette position car, selon lui, là est la cause de tous leurs malheurs, Israël, et il suffit qu'il soit rayé de la carte pour que chacun puisse jouir de la paix et du bonheur. La malfaisance se double donc d'une tartuferie proférée dans l'indifférence générale. Je n'ai pas besoin d'attendre que la situation atteigne l'inhumain pour me joindre à la mobilisation. Les considérations commerciales et économiques ne font que rendre toute passivité encore plus honteuse.
André Green, psychanalyste
« C'est aujourd'hui qu'il faut bouger »
En tant qu'artiste, je considère que les mythes sont plus essentiels, plus présents, plus vrais que les faits de l'histoire. Les mythes de la Bible, en particulier, sont fondateurs pour notre culture, et de façon permanente. Mais ces racines juives originelles de notre culture sont le plus souvent oubliées, mal assumées, ou même refoulées. Aujourd'hui, à la tête de l'Iran, un homme redoutable annonce son intention de supprimer Israël et personne ne bouge. Le danger iranien est connu de tous, mais il ne fait pas l'objet d'un vrai débat public. Si le président Ahmadinejad affichait l'intention de rayer de la carte n'importe quel pays d'Afrique ou d'Asie, on en parlerait différemment. À mes yeux,
le silence actuel a donc des relations profondes avec l'inconscient de notre culture. Le premier devoir est de parler, d'informer, de prendre position, et d'agir avant qu'il ne soit trop tard. Le jour où une bombe atomique détruirait Israël, la compassion et l'indignation seraient extrêmes... alors que c'est aujourd'hui qu'il faut bouger.
Gérard Garouste, peintre
Folamour chez Khomeyni
Question
Pourquoi l'Iran n'aurait pas sa bombe ? La France en possède tant et plus, et avec elle près d'une dizaine de pays, dont certains guère recommandables. Rien à craindre, dit-on : l'équilibre de la terreur incitera Téhéran à la prudence, la guerre froide n'est-elle pas demeurée « froide » parce que les deux blocs ennemis se dissuadèrent mutuellement de monter aux extrêmes ?
Réponses
1. L'équilibre de la terreur n'est pas automatique, nous frôlâmes plusieurs fois l'escalade catastrophique (guerre de Corée, crise des missiles à Cuba, installation des SS 20...)
2. La prudence de Moscou et de Washington se soutint de deux tabous partagés, celui d'Hiroshima (stipulant qu'il n'y aura pas de vainqueur si deux adversaires nucléaires vont « jusqu'au bout »), celui d'Auschwitz et des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, dont le souvenir cuisant et proche contraint les protagonistes, même Staline, à une relative retenue.
Ces deux crans d'arrêt mentaux sautent explicitement avec Ahmadinejad qui persifle la « religion de la Shoah » et dont l'entourage théologique voit dans la bombe atomique une arme de guerre pure et simple, donc n'exclut pas la possibilité d'un Djihad nucléaire contre les Juifs, les croisés, l'Occident, les infidèles et les apostats.
À bon entendeur, salut : la bombe de la révolution islamique n'est pas « comme les autres », elle véhicule un danger spécifique en multipliant les risques de dérapage apocalyptique. Stanley Kubrick avait tout prévu, sauf Téhéran. C'est là que son docteur Folamour, nostalgique d'un Führer défunt et zélote de l'arme absolue, mène la danse.
André Glucksmann,philosophe
« Le petit Führer persan »
De nos jours, la peur aime à se camoufler sous l'alibi de la sagesse. Depuis des mois, le régime de Téhéran menace l'Europe de ses foudres si celle-ci ne rompt pas avec l'État d'Israël et n'embrasse pas la religion du Prophète. Ahmadinejad, l'apocalyptique, ne fait pas mystère de ses intentions : construire la bombe atomique pour dominer la région, éradiquer l'État hébreu et voir prédominer sa conception de l'islam.
Face à cela, nos dirigeants continuent à prôner un dialogue qui tourne à la farce puisque Téhéran poursuit sa politique d'enrichissement de l'uranium et se moque bien de nos sanctions jamais appliquées.
L'Europe devrait au moins reconnaître dans le petit Führer persan un ennemi, le désigner comme tel et n'exclure aux côtés des États-Unis aucune option le concernant, y compris l'option militaire. Mais, pour faire plier une dictature, il faudrait retrouver une culture du courage, qui n'est pas la chose du monde la mieux partagée dans notre Vieux Continent.
Pascal Bruckner, écrivain
« Une responsabilité historique »
Depuis Khomeyni, le régime islamique d'Iran n'a jamais changé de langage quant à sa volonté de promouvoir l'islam dans le monde et de rayer Israël de la carte. Mais, sur la question du nucléaire, il ne cesse de déclarer, contre l'évidence, son refus de l'option militaire. Cette stratégie du défi et du déni lui assure un double avantage. Elle lui permet de proclamer, de hurler ce qu'il veut faire, sans rien dire de la manière dont il entend le faire. Ainsi, à force de répéter ses menaces et ses slogans, il leur donne une dimension routinière et rituelle qui endort la vigilance de ses « interlocuteurs ». Ceux-ci se laissent entraîner dans une discussion sur le nucléaire réduite à ses seuls aspects techniques.
La lâcheté politique de ceux qui, en Europe et spécialement en France, ne veulent entendre que ce qu'ils ont envie d'entendre conforte cette stratégie. On chipote sur le déni, mais on oublie le défi. Certains en viennent même à suggérer que laisser l'Iran se doter de l'arme atomique serait moins dangereux que d'essayer de l'en empêcher. C'est oublier la nature du régime iranien et rester sourd à ses intentions maintes fois réitérées.
Le plus triste, c'est que cette surdité sélective est intéressée ; l'Iran le sait et en joue. En sacrifiant le droit international et les droits de l'homme aux intérêts des entreprises qui ont, avec son aval, massivement investi en Iran, le gouvernement français a pris une responsabilité historique dont il devra répondre en cas de malheur.
Marc Augé,anthropologue
Les règles du nucléaire au XXIe siècle
Contrairement à la plupart des pays qui cherchent à contrecarrer ses projets, l'Iran a une idée précise de ce qu'il souhaite : devenir la puissance majeure du Moyen-Orient au XXIe siècle. Ce qui n'est pas un crime en soi. Mais pour parvenir à cette fin, Téhéran compte à la fois sur un bouleversement régional de grande ampleur qui dépasse les distinctions entre les Perses et les Arabes ou les chiites et les sunnites, sur une infiltration efficace de ses agents dans l'ensemble de sa périphérie, et sur un programme nucléaire et balistique dont l'objectif immédiat est l'intimidation, comme en ont témoigné les grandes manoeuvres militaires du printemps et de l'automne 2006.
L'influence régionale est exercée au moyen de discours violemment anti-israéliens, qui auraient dû conduire les pays européens à rappeler leurs ambassadeurs. L'infiltration des agents iraniens est perceptible, non seulement au Liban et en Irak, où leur capacité de nuisance n'a plus besoin de démonstration, mais aussi en Asie centrale et au Caucase.
Quant aux efforts nucléaires de Téhéran, ils connaissent une accélération l'année même où le Conseil de sécurité demande - enfin - une suspension complète de toute activité liée à l'enrichissement et au retraitement. La question posée à la communauté internationale est simple : les règles qui vont régir les relations entre les acteurs nucléaires au XXIe siècle ne sont pas encore écrites. Avec ce qui précède, veut-on qu'elles le soient par l'Iran ?
Thérèse Delpech, chercheur associé au Ceri
Respecter l'adversaire
Je n'ai qu'admiration pour le peuple iranien qui a produit tant de génies. Je n'ai aucun jugement à porter sur le régime de l'Iran actuel, faute de connaissances de première main. Je n'ai aucune compétence pour proposer une politique envers lui. Je voudrais seulement rappeler un principe qui me semble relever à la fois de la prudence politique et de l'exigence morale de respect : sauf preuve du contraire, il faut croire que les gens disent ce qu'ils pensent, et que, s'ils en avaient les moyens, ils feraient vraiment ce qu'ils disent vouloir.
Le président iranien aurait déclaré qu'il souhaite la disparition d'un État reconnu par la communauté internationale et membre de l'ONU, en l'occurrence Israël. Il aurait nié la réalité de la Shoah. Il veut enrichir l'uranium. Est-ce de la paranoïa que de penser que ces positions sont liées ? Que le programme nucléaire iranien pourrait servir à réaliser les voeux de M. Ahmadinejad ?
D'autres pays ont reconnu avoir l'arme atomique. Ainsi l'Inde et le Pakistan. Israël la possède probablement. Mais aucun de ces États n'a déclaré souhaiter qu'un autre soit rayé de la carte.
On peut certes ne voir dans les déclarations iraniennes que des effets de rhétorique à usage interne, ou des cartes à abattre sur une table de négociation.
Souvenons-nous de ce que les « malins » disaient dans les années trente : « Tout cet antisémitisme ne sert qu'à flatter les électeurs ! Une fois au pouvoir, ce M. Hitler y renoncera ! »
Ce n'était pas tout à fait exact...
Rémi Brague, Professeur à Paris I-Sorbonne
Un risque à ne pas courir
Dans une démocratie où existent la liberté de la presse, le libre accès à l'information, la liberté de réunion, la liberté d'expression, la liberté des cultes religieux, la séparation des pouvoirs (politique, législatif, judiciaire), l'égalité des femmes et des hommes devant la loi, chaque élection est une occasion pour les candidats de multiplier les promesses dans l'espoir d'être élu. Les citoyens savent bien que beaucoup resteront électorales. Ils croient peut-être qu'il en est de même dans les régimes où la seule ressemblance lointaine avec la démocratie est l'existence d'élections. Ils se trompent lourdement. Une fois au pouvoir, les extrémistes de tous bords, eux, mettent en oeuvre minutieusement ce qu'ils avaient annoncé.
Le gouvernement iranien a-t-il vraiment l'intention de « rayer Israël de la carte », comme l'a déclaré son président ? Beaucoup attribuent cette profession de foi à une stratégie oratoire, un excès de zèle antisémite qui ne devrait pas aller plus loin que la menace verbale.
Cependant, après avoir clamé
sa décision de produire
du plutonium, l'Iran disposera bientôt de l'arme nucléaire. Qui est prêt à parier que son monstrueux projet n'aura aucune chance d'être mis à exécution ? À supposer qu'il n'y en ait qu'une seule, le monde libre peut-il accepter de courir ce risque ?
François Rachline, professeur à Sciences Po
L'expression d'une solidarité active et responsable, par Philippe Barbarin, Archevêque de Lyon.
Retour Rubrique Opinions
Pour protester contre la politique menée actuellement par l'Iran et demander la fermeté de la communauté internationale à l'encontre de la République islamique, un rassemblement sera organisé à Sciences Po (27, rue Saint-Guillaume, 75006), jeudi 14 décembre, de 17 à 20 heures, en présence d'Élie Wiesel et de nombreuses personnalités, dont certaines expriment ici les raisons de leur engagement.
Les limites de la réserve
Le devoir de réserve que s'impose le psychanalyste pour préserver la neutralité nécessaire à la pratique psychanalytique a des limites. Freud lui-même, réfugié à Londres, reprenant la rédaction de son livre sur Moïse, interrompu à Vienne, ne craint pas de dénoncer la barbarie du régime nazi.
On me dira qu'on n'en est pas là. Tout de même, que le chef élu d'un pays, membre de l'Organisation des Nations unies, réclame que soit rayé de la carte un autre pays, qui plus est créé par l'Organisation des Nations unies, est au-delà du tolérable. Les protestations plutôt molles des autres pays, qui ironisent sur le « lyrisme oriental », sont tout simplement révoltantes.
Que reste-t-il alors d'autre que le recours à l'opinion pour rappeler le danger aux pays de la communauté à laquelle nous appartenons et tirer la sonnette d'alarme ? Certes, on glosera : « Il parle d'Israël et non des Juifs ». Chaque chose en son temps. En outre, il suggère à ses voisins de se joindre à cette position car, selon lui, là est la cause de tous leurs malheurs, Israël, et il suffit qu'il soit rayé de la carte pour que chacun puisse jouir de la paix et du bonheur. La malfaisance se double donc d'une tartuferie proférée dans l'indifférence générale. Je n'ai pas besoin d'attendre que la situation atteigne l'inhumain pour me joindre à la mobilisation. Les considérations commerciales et économiques ne font que rendre toute passivité encore plus honteuse.
André Green, psychanalyste
« C'est aujourd'hui qu'il faut bouger »
En tant qu'artiste, je considère que les mythes sont plus essentiels, plus présents, plus vrais que les faits de l'histoire. Les mythes de la Bible, en particulier, sont fondateurs pour notre culture, et de façon permanente. Mais ces racines juives originelles de notre culture sont le plus souvent oubliées, mal assumées, ou même refoulées. Aujourd'hui, à la tête de l'Iran, un homme redoutable annonce son intention de supprimer Israël et personne ne bouge. Le danger iranien est connu de tous, mais il ne fait pas l'objet d'un vrai débat public. Si le président Ahmadinejad affichait l'intention de rayer de la carte n'importe quel pays d'Afrique ou d'Asie, on en parlerait différemment. À mes yeux,
le silence actuel a donc des relations profondes avec l'inconscient de notre culture. Le premier devoir est de parler, d'informer, de prendre position, et d'agir avant qu'il ne soit trop tard. Le jour où une bombe atomique détruirait Israël, la compassion et l'indignation seraient extrêmes... alors que c'est aujourd'hui qu'il faut bouger.
Gérard Garouste, peintre
Folamour chez Khomeyni
Question
Pourquoi l'Iran n'aurait pas sa bombe ? La France en possède tant et plus, et avec elle près d'une dizaine de pays, dont certains guère recommandables. Rien à craindre, dit-on : l'équilibre de la terreur incitera Téhéran à la prudence, la guerre froide n'est-elle pas demeurée « froide » parce que les deux blocs ennemis se dissuadèrent mutuellement de monter aux extrêmes ?
Réponses
1. L'équilibre de la terreur n'est pas automatique, nous frôlâmes plusieurs fois l'escalade catastrophique (guerre de Corée, crise des missiles à Cuba, installation des SS 20...)
2. La prudence de Moscou et de Washington se soutint de deux tabous partagés, celui d'Hiroshima (stipulant qu'il n'y aura pas de vainqueur si deux adversaires nucléaires vont « jusqu'au bout »), celui d'Auschwitz et des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, dont le souvenir cuisant et proche contraint les protagonistes, même Staline, à une relative retenue.
Ces deux crans d'arrêt mentaux sautent explicitement avec Ahmadinejad qui persifle la « religion de la Shoah » et dont l'entourage théologique voit dans la bombe atomique une arme de guerre pure et simple, donc n'exclut pas la possibilité d'un Djihad nucléaire contre les Juifs, les croisés, l'Occident, les infidèles et les apostats.
À bon entendeur, salut : la bombe de la révolution islamique n'est pas « comme les autres », elle véhicule un danger spécifique en multipliant les risques de dérapage apocalyptique. Stanley Kubrick avait tout prévu, sauf Téhéran. C'est là que son docteur Folamour, nostalgique d'un Führer défunt et zélote de l'arme absolue, mène la danse.
André Glucksmann,philosophe
« Le petit Führer persan »
De nos jours, la peur aime à se camoufler sous l'alibi de la sagesse. Depuis des mois, le régime de Téhéran menace l'Europe de ses foudres si celle-ci ne rompt pas avec l'État d'Israël et n'embrasse pas la religion du Prophète. Ahmadinejad, l'apocalyptique, ne fait pas mystère de ses intentions : construire la bombe atomique pour dominer la région, éradiquer l'État hébreu et voir prédominer sa conception de l'islam.
Face à cela, nos dirigeants continuent à prôner un dialogue qui tourne à la farce puisque Téhéran poursuit sa politique d'enrichissement de l'uranium et se moque bien de nos sanctions jamais appliquées.
L'Europe devrait au moins reconnaître dans le petit Führer persan un ennemi, le désigner comme tel et n'exclure aux côtés des États-Unis aucune option le concernant, y compris l'option militaire. Mais, pour faire plier une dictature, il faudrait retrouver une culture du courage, qui n'est pas la chose du monde la mieux partagée dans notre Vieux Continent.
Pascal Bruckner, écrivain
« Une responsabilité historique »
Depuis Khomeyni, le régime islamique d'Iran n'a jamais changé de langage quant à sa volonté de promouvoir l'islam dans le monde et de rayer Israël de la carte. Mais, sur la question du nucléaire, il ne cesse de déclarer, contre l'évidence, son refus de l'option militaire. Cette stratégie du défi et du déni lui assure un double avantage. Elle lui permet de proclamer, de hurler ce qu'il veut faire, sans rien dire de la manière dont il entend le faire. Ainsi, à force de répéter ses menaces et ses slogans, il leur donne une dimension routinière et rituelle qui endort la vigilance de ses « interlocuteurs ». Ceux-ci se laissent entraîner dans une discussion sur le nucléaire réduite à ses seuls aspects techniques.
La lâcheté politique de ceux qui, en Europe et spécialement en France, ne veulent entendre que ce qu'ils ont envie d'entendre conforte cette stratégie. On chipote sur le déni, mais on oublie le défi. Certains en viennent même à suggérer que laisser l'Iran se doter de l'arme atomique serait moins dangereux que d'essayer de l'en empêcher. C'est oublier la nature du régime iranien et rester sourd à ses intentions maintes fois réitérées.
Le plus triste, c'est que cette surdité sélective est intéressée ; l'Iran le sait et en joue. En sacrifiant le droit international et les droits de l'homme aux intérêts des entreprises qui ont, avec son aval, massivement investi en Iran, le gouvernement français a pris une responsabilité historique dont il devra répondre en cas de malheur.
Marc Augé,anthropologue
Les règles du nucléaire au XXIe siècle
Contrairement à la plupart des pays qui cherchent à contrecarrer ses projets, l'Iran a une idée précise de ce qu'il souhaite : devenir la puissance majeure du Moyen-Orient au XXIe siècle. Ce qui n'est pas un crime en soi. Mais pour parvenir à cette fin, Téhéran compte à la fois sur un bouleversement régional de grande ampleur qui dépasse les distinctions entre les Perses et les Arabes ou les chiites et les sunnites, sur une infiltration efficace de ses agents dans l'ensemble de sa périphérie, et sur un programme nucléaire et balistique dont l'objectif immédiat est l'intimidation, comme en ont témoigné les grandes manoeuvres militaires du printemps et de l'automne 2006.
L'influence régionale est exercée au moyen de discours violemment anti-israéliens, qui auraient dû conduire les pays européens à rappeler leurs ambassadeurs. L'infiltration des agents iraniens est perceptible, non seulement au Liban et en Irak, où leur capacité de nuisance n'a plus besoin de démonstration, mais aussi en Asie centrale et au Caucase.
Quant aux efforts nucléaires de Téhéran, ils connaissent une accélération l'année même où le Conseil de sécurité demande - enfin - une suspension complète de toute activité liée à l'enrichissement et au retraitement. La question posée à la communauté internationale est simple : les règles qui vont régir les relations entre les acteurs nucléaires au XXIe siècle ne sont pas encore écrites. Avec ce qui précède, veut-on qu'elles le soient par l'Iran ?
Thérèse Delpech, chercheur associé au Ceri
Respecter l'adversaire
Je n'ai qu'admiration pour le peuple iranien qui a produit tant de génies. Je n'ai aucun jugement à porter sur le régime de l'Iran actuel, faute de connaissances de première main. Je n'ai aucune compétence pour proposer une politique envers lui. Je voudrais seulement rappeler un principe qui me semble relever à la fois de la prudence politique et de l'exigence morale de respect : sauf preuve du contraire, il faut croire que les gens disent ce qu'ils pensent, et que, s'ils en avaient les moyens, ils feraient vraiment ce qu'ils disent vouloir.
Le président iranien aurait déclaré qu'il souhaite la disparition d'un État reconnu par la communauté internationale et membre de l'ONU, en l'occurrence Israël. Il aurait nié la réalité de la Shoah. Il veut enrichir l'uranium. Est-ce de la paranoïa que de penser que ces positions sont liées ? Que le programme nucléaire iranien pourrait servir à réaliser les voeux de M. Ahmadinejad ?
D'autres pays ont reconnu avoir l'arme atomique. Ainsi l'Inde et le Pakistan. Israël la possède probablement. Mais aucun de ces États n'a déclaré souhaiter qu'un autre soit rayé de la carte.
On peut certes ne voir dans les déclarations iraniennes que des effets de rhétorique à usage interne, ou des cartes à abattre sur une table de négociation.
Souvenons-nous de ce que les « malins » disaient dans les années trente : « Tout cet antisémitisme ne sert qu'à flatter les électeurs ! Une fois au pouvoir, ce M. Hitler y renoncera ! »
Ce n'était pas tout à fait exact...
Rémi Brague, Professeur à Paris I-Sorbonne
Un risque à ne pas courir
Dans une démocratie où existent la liberté de la presse, le libre accès à l'information, la liberté de réunion, la liberté d'expression, la liberté des cultes religieux, la séparation des pouvoirs (politique, législatif, judiciaire), l'égalité des femmes et des hommes devant la loi, chaque élection est une occasion pour les candidats de multiplier les promesses dans l'espoir d'être élu. Les citoyens savent bien que beaucoup resteront électorales. Ils croient peut-être qu'il en est de même dans les régimes où la seule ressemblance lointaine avec la démocratie est l'existence d'élections. Ils se trompent lourdement. Une fois au pouvoir, les extrémistes de tous bords, eux, mettent en oeuvre minutieusement ce qu'ils avaient annoncé.
Le gouvernement iranien a-t-il vraiment l'intention de « rayer Israël de la carte », comme l'a déclaré son président ? Beaucoup attribuent cette profession de foi à une stratégie oratoire, un excès de zèle antisémite qui ne devrait pas aller plus loin que la menace verbale.
Cependant, après avoir clamé
sa décision de produire
du plutonium, l'Iran disposera bientôt de l'arme nucléaire. Qui est prêt à parier que son monstrueux projet n'aura aucune chance d'être mis à exécution ? À supposer qu'il n'y en ait qu'une seule, le monde libre peut-il accepter de courir ce risque ?
François Rachline, professeur à Sciences Po
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