Raid contre l’axe du mal, Michel Gurfinkiel
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Raid contre l’axe du mal, Michel Gurfinkiel
"Plus on dispose d'informations sur le raid israélien du 6 septembre contre la Syrie, plus les enjeux semblent élevés." [M. Gurfinkiel]
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23/09/07
Sur le Blogue de Michel Gurfinkiel.
En 1973, la guerre du Kippour avait terni la réputation d'invincibilité d'Israël. Trois ans plus tard, le raid d'Entebbe rétablissait cette réputation. En 2006, la seconde guerre du Liban a suscité, à nouveau, des doutes sur le niveau réel de la défense nationale israélienne. Un an plus tard, le raid exécuté par Tsahal en Syrie les dissipe.
C'est tout d'abord la gestion politique et médiatique de cette opération qui retient l'attention. Traditionnellement, en matière de défense, Israël agit beaucoup et parle peu. L'opération du Sinaï, en 1956, la guerre des Six Jours, en 1967, Entebbe en 1976, le raid sur la centrale nucléaire irakienne de Tammouz, en 1981, la première guerre du Liban, en 1982, l'opération "Rempart" en 2002, avaient été préparés dans le plus grand secret et menés dans une salutaire opacité. Les victoires n'étaient pas proclamées, mais constatées. En 2006, face à un Hezbollah dont les services de renseignement avaient pourtant signalé la puissance et l'éventuelle résilience en cas d'affrontement, le gouvernement et l'état-major israéliens ont eu une conduite différente, avec les résultats décevants que l'on sait.
Aujourd'hui, avec le même gouvernement qu'en 2006, mais un nouveau chef d'état-major, le général Gaby Ashkenazy, les vieilles habitudes ont été remises à l'honneur. Israël n'a pas rendu le raid public : il a laissé la Syrie en faire état la première. Et quand celle-ci a cherché à le minimiser en parlant d'un simple « survol aérien » de son territoire, Jérusalem s'est contenté de laisser filtrer des informations plus précises, en commençant par la presse arabe internationale et en remontant vers la presse occidentale, notamment anglaise (The Observer, The Sunday Times) ou américaine (The Washington Post). Au fur et à mesure que ces informations paraissaient, la véritable dimension stratégique et tactique de l'opération est apparue : quelque chose qui combinerait Entebbe et Tammouz.
Selon le Sunday Times de ce week-end, Israël aurait appris, au mois d'août, que la Syrie était sur le point de recevoir des éléments d'armes nucléaires opérationnelles (ogives ou lanceurs, ou les deux) de provenance nord-coréenne. Le dossier aurait été transmis aux Etats-Unis. Après vérification, ceux-ci auraient accordé leur feu vert début septembre à une éventuelle action israélienne.
Damas, qui dispose à la fois d'un arsenal chimique et bactériologique important et de missiles, a récemment menacé Israël d'une « surprise terrible » : peut-être une allusion à l'acquisition de l'ultime échelon non conventionnel : le nucléaire. Mais les experts américains et israéliens n'excluent pas une autre hypothèse, selon laquelle la livraison nord-coréenne était, en fait, destinée à l'Iran. Un transit par la Syrie, via Lattaquié, serait moins repérable qu'un acheminement direct, via le golfe Persique.
Le 6 septembre, Israël attaque. En recoupant les diverses versions évoquées, à ce jour, par les médias arabes et anglo-saxons, un raid aérien aurait d'abord détruit la surveillance aérienne dans le nord de la Syrie : des appareillages d'origine russe, et peut-être entretenus par un personnel russe. Une autre attaque aurait détruit diverses installations, ou un convoi motorisé, à la base militaire secrète de Daïr az-Zwar. Il semble que cette dernière opération ait été menée par une unité aéroportée ayant parallèlement pour mission de collecter des preuves matérielles d'une implication nord-coréenne. Les Israéliens – un commando du Sayereth Matkal, la force chargée des missions de choc - auraient tué des « dizaines » de Syriens et de Nord-Coréens, mais n'auraient pas subi eux-mêmes de pertes.
Conclusions provisoires :
Premièrement, l'efficacité de l'outil militaire israélien a été à nouveau démontrée, et la capacité de dissuasion d'Israël largement restaurée.
Deuxièmement, on peut présumer que la Syrie viole le traité de non-prolifération nucléaire, dont elle est signataire, et prépare délibérément une guerre d'extermination contre Israël.
Troisièmement, l'axe du Mal dénoncé par les Etats-Unis depuis 2001 (Syrie, Iran, Corée du Nord) est une réalité.
Quatrièmement, ce qu'Israël peut faire en Syrie, une coalition de la liberté dirigée par les Etats-Unis peut le faire en Iran.
Cinquièmement, une opération plus ambitieuse, allant jusqu'à l'annihilation complète du potentiel critique, peut sans doute être menée en Iran par Israël, jusqu'à un certain point, ou par une coalition de la liberté.
Sixièmement, l'opération israélienne semble avoir bénéficié du soutien turc. Ce qui peut signifier, au choix :
que le gouvernement néo-islamiste turc dirigé par Recep Tayyip Erdogan s'oppose, comme d'autres gouvernements musulmans, à l'extrémisme syro-iranien ;
qu'il a décidé de se comporter, dans cette crise, en allié fidèle des Etats-Unis, sinon d'Israël, contrairement à ce qui s'était passé en 2003 lors de la guerre d'Irak ;
ou que l'armée turque, de tradition nationaliste laïque, conserve une marge d'indépendance vis-à-vis du gouvernement.
Septièmement, ces événements renforcent, en France, ceux qui, autour du président Nicolas Sarkozy et du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, prennent au sérieux les menaces non conventionnelles iranienne et syrienne.
Raid contre l’axe du mal, Michel Gurfinkiel
"Plus on dispose d'informations sur le raid israélien du 6 septembre contre la Syrie, plus les enjeux semblent élevés." [M. Gurfinkiel]
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23/09/07
Sur le Blogue de Michel Gurfinkiel.
En 1973, la guerre du Kippour avait terni la réputation d'invincibilité d'Israël. Trois ans plus tard, le raid d'Entebbe rétablissait cette réputation. En 2006, la seconde guerre du Liban a suscité, à nouveau, des doutes sur le niveau réel de la défense nationale israélienne. Un an plus tard, le raid exécuté par Tsahal en Syrie les dissipe.
C'est tout d'abord la gestion politique et médiatique de cette opération qui retient l'attention. Traditionnellement, en matière de défense, Israël agit beaucoup et parle peu. L'opération du Sinaï, en 1956, la guerre des Six Jours, en 1967, Entebbe en 1976, le raid sur la centrale nucléaire irakienne de Tammouz, en 1981, la première guerre du Liban, en 1982, l'opération "Rempart" en 2002, avaient été préparés dans le plus grand secret et menés dans une salutaire opacité. Les victoires n'étaient pas proclamées, mais constatées. En 2006, face à un Hezbollah dont les services de renseignement avaient pourtant signalé la puissance et l'éventuelle résilience en cas d'affrontement, le gouvernement et l'état-major israéliens ont eu une conduite différente, avec les résultats décevants que l'on sait.
Aujourd'hui, avec le même gouvernement qu'en 2006, mais un nouveau chef d'état-major, le général Gaby Ashkenazy, les vieilles habitudes ont été remises à l'honneur. Israël n'a pas rendu le raid public : il a laissé la Syrie en faire état la première. Et quand celle-ci a cherché à le minimiser en parlant d'un simple « survol aérien » de son territoire, Jérusalem s'est contenté de laisser filtrer des informations plus précises, en commençant par la presse arabe internationale et en remontant vers la presse occidentale, notamment anglaise (The Observer, The Sunday Times) ou américaine (The Washington Post). Au fur et à mesure que ces informations paraissaient, la véritable dimension stratégique et tactique de l'opération est apparue : quelque chose qui combinerait Entebbe et Tammouz.
Selon le Sunday Times de ce week-end, Israël aurait appris, au mois d'août, que la Syrie était sur le point de recevoir des éléments d'armes nucléaires opérationnelles (ogives ou lanceurs, ou les deux) de provenance nord-coréenne. Le dossier aurait été transmis aux Etats-Unis. Après vérification, ceux-ci auraient accordé leur feu vert début septembre à une éventuelle action israélienne.
Damas, qui dispose à la fois d'un arsenal chimique et bactériologique important et de missiles, a récemment menacé Israël d'une « surprise terrible » : peut-être une allusion à l'acquisition de l'ultime échelon non conventionnel : le nucléaire. Mais les experts américains et israéliens n'excluent pas une autre hypothèse, selon laquelle la livraison nord-coréenne était, en fait, destinée à l'Iran. Un transit par la Syrie, via Lattaquié, serait moins repérable qu'un acheminement direct, via le golfe Persique.
Le 6 septembre, Israël attaque. En recoupant les diverses versions évoquées, à ce jour, par les médias arabes et anglo-saxons, un raid aérien aurait d'abord détruit la surveillance aérienne dans le nord de la Syrie : des appareillages d'origine russe, et peut-être entretenus par un personnel russe. Une autre attaque aurait détruit diverses installations, ou un convoi motorisé, à la base militaire secrète de Daïr az-Zwar. Il semble que cette dernière opération ait été menée par une unité aéroportée ayant parallèlement pour mission de collecter des preuves matérielles d'une implication nord-coréenne. Les Israéliens – un commando du Sayereth Matkal, la force chargée des missions de choc - auraient tué des « dizaines » de Syriens et de Nord-Coréens, mais n'auraient pas subi eux-mêmes de pertes.
Conclusions provisoires :
Premièrement, l'efficacité de l'outil militaire israélien a été à nouveau démontrée, et la capacité de dissuasion d'Israël largement restaurée.
Deuxièmement, on peut présumer que la Syrie viole le traité de non-prolifération nucléaire, dont elle est signataire, et prépare délibérément une guerre d'extermination contre Israël.
Troisièmement, l'axe du Mal dénoncé par les Etats-Unis depuis 2001 (Syrie, Iran, Corée du Nord) est une réalité.
Quatrièmement, ce qu'Israël peut faire en Syrie, une coalition de la liberté dirigée par les Etats-Unis peut le faire en Iran.
Cinquièmement, une opération plus ambitieuse, allant jusqu'à l'annihilation complète du potentiel critique, peut sans doute être menée en Iran par Israël, jusqu'à un certain point, ou par une coalition de la liberté.
Sixièmement, l'opération israélienne semble avoir bénéficié du soutien turc. Ce qui peut signifier, au choix :
que le gouvernement néo-islamiste turc dirigé par Recep Tayyip Erdogan s'oppose, comme d'autres gouvernements musulmans, à l'extrémisme syro-iranien ;
qu'il a décidé de se comporter, dans cette crise, en allié fidèle des Etats-Unis, sinon d'Israël, contrairement à ce qui s'était passé en 2003 lors de la guerre d'Irak ;
ou que l'armée turque, de tradition nationaliste laïque, conserve une marge d'indépendance vis-à-vis du gouvernement.
Septièmement, ces événements renforcent, en France, ceux qui, autour du président Nicolas Sarkozy et du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, prennent au sérieux les menaces non conventionnelles iranienne et syrienne.
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