Sarkozy comme chez lui en Israël
Reuters
Très populaire en Israël, Nicolas Sarkozy devrait profiter de deux jours de visite d’Etat pour confirmer la nouvelle politique de Paris au Proche-Orient. Et plaider pour son projet d’Union pour la Méditerranée.
CHRISTOPHE AYAD et ANTOINE GUIRAL
QUOTIDIEN : lundi 23 juin 2008
39 réactions
Philosémite ET pro-israélien. S’il est un domaine où la rupture est nette entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, c’est bien celui des relations avec l’Etat hébreu, où il est arrivé hier pour une visite d’Etat de trois jours. Là où son prédécesseur était devenu un «héros arabe», Sarkozy s’affiche sans complexe comme «l’ami d’Israël». Un choix qui doit autant à son histoire personnelle qu’à son parcours électoral et sa vision du monde.
Sur le même sujet
Grandes ambitions dans la région
Israël accueille «un ami sincère»
Entre Paris et Tel-Aviv, un retour de flamme
Un timbre qui a fâché les pays arabes
EDITORIAL Rupture
Catholique non pratiquant, Nicolas Sarkozy n’a découvert qu’en 1972, à l’âge de 17 ans, que son grand-père maternel, qui venait de mourir, était juif. Un choc. Beniko (dit Benedict) Mallah était pour lui comme un père. «Un homme que j’adorais», raconte-t-il. Qui l’emmenait au défilé du 14 juillet voir son grand homme, De Gaulle, et manger des glaces. Mais ne lui a jamais parlé de sa judéité. Cet homme était originaire d’une grande famille juive séfarade de Thessalonique, en Grèce. Né en 1890, il est envoyé en France par ses parents en 1912 comme pensionnaire au lycée Lakanal de Sceaux (Hauts-de-Seine). Médecin durant la Première Guerre mondiale, il rencontre en 1918 Adèle, une veuve de guerre, et se convertit au catholicisme pour l’épouser, coupant tout lien avec la communauté juive. Ils auront deux filles dont Andrée (dite Dadu), la mère de Nicolas Sarkozy. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la famille s’exile en Corrèze, par crainte d’être rattrapée par les origines juives de Benedict, avant de revenir à Paris à la fin de l’été 1944. Cet épisode, que Nicolas Sarkozy découvre également sur le tard, va profondément le marquer.
Liens. Patrick Gaubert, président de la Licra et ami de Nicolas Sarkozy, assure n’avoir jamais parlé de ces questions avec lui. «Nous partions parfois en vacances ensemble avec une bande de copains juifs à moi, mais ne parlions jamais de religion.» Il remarque qu’aujourd’hui, le fils de Nicolas Sarkozy, Jean, vient de se fiancer avec une juive, héritière des fondateurs de Darty, et envisagerait de se convertir au judaïsme pour l’épouser. «Dans cette famille, on se souvient finalement d’où l’on vient», s’amuse-t-il.
Depuis le début de sa carrière politique, Sarkozy a «travaillé» avec un soin tout particulier la communauté juive. Ses valeurs, ses codes, ses rites lui sont plus que familiers. A Neuilly, qui abrite une importante population juive, il a célébré des dizaines de mariages et n’a jamais raté une fête à la synagogue. Au ministère de l’Intérieur, il a davantage encore tissé des liens avec les juifs pour les convertir au sarkozysme électoral. Sur fond d’actes antisémites à répétition qui ont valu à la France de très sévères critiques dans la presse étrangère et en Israël, il rompt dès 2002 avec la prudence de Chirac et de Jospin : «Il ne faut pas être trop intelligent avec les actes antisémites en cherchant des explications, il faut être sévère», lance-t-il au Président. Hyperréactif, il se rend au chevet des victimes du moindre acte antisémite et n’a pas son pareil pour trouver les mots justes qui touchent la communauté. Une fois à l’Elysée, il est le premier président français à aller au dîner annuel du Crif, où il est acclamé. Autre initiative très appréciée des autorités israéliennes : il se rend en mai à la cérémonie au Trocadéro pour le 60e anniversaire d’Israël.
En politique étrangère, Nicolas Sarkozy a «quelques idées simples» lorsqu’il se lance dans la course à l’Elysée, selon le député UMP Pierre Lellouche, atlantiste et pro-israélien convaincu, qui l’a conseillé un temps : refus du terrorisme, volonté de renouer avec les Etats-Unis, affirmation des valeurs occidentales. Un socle très influencé par son passage au ministère de l’Intérieur. Malgré les années passées au RPR, il est imperméable au dogme gaulliste. Affichant de plus en plus sa différence avec Chirac, Sarkozy se démarque de la sacro-sainte «politique arabe de la France» - un concept qui «ne veut rien dire», selon lui - et désapprouve mezzo vocela menace de veto à l’ONU contre l’intervention américaine en Irak. Il n’a jamais rencontré Arafat et ne cultive pas de relation personnelle avec les leaders arabes, contrairement à son prédécesseur.
«Vision». Le puissant American Jewish Committee, qui reçoit Sarkozy en 2004, voit en lui un «homme de charisme, de vision, de courage». En janvier 2005, alors qu’il vient de prendre la présidence de l’UMP, il effectue un voyage de trois jours en Israël, où il est reçu comme un chef d’Etat par Ariel Sharon, premier ministre. «L’urgence ? La sécurité d’Israël», plaide-t-il. Son pari, selon un proche : en se proclamant l’ami inconditionnel d’Israël, influer sur la partie la plus puissante du conflit israélo-palestinien. Ce qui le rapproche plus du Mitterrand de 1982 à la Knesset que du Chirac de 1996 et son houleux voyage à Jérusalem.
A l’arrivée de Kouchner au Quai d’Orsay, les pro-israéliens, jusque-là très minoritaires, relèvent la tête. La première visite d’Etat d’un dirigeant étranger en France est réservée à Shimon Pérès, en mars. Ce dernier offre en retour à Nicolas Sarkozy un terrain au sud de Tel Aviv comptant 3 600 oliviers. On ne sait pas s’il ira jeter un coup d’œil à sa nouvelle propriété lors de sa visite en Israël.
La mission chargée par le ministre de l’Education nationale de réfléchir à la proposition lancée par Nicolas Sarkozy lors du dîner du CRIF de parrainer un enfant déporté juif de France pendant la Deuxième Guerre mondiale, a rendu son rapport et estime que l’idée « n’est pas adaptable au monde éducatif ». D’après le Parisien, le ministère de l’Education nationale devrait prochainement communiquer les conclusions de ce rapport remis il y a quinze jours par Hélène Waysbord-Loing, présidente de l’association de la Maison des enfants d’Izieu et ancienne inspectrice générale, qui menait la mission avec quinze personnalités.
Dans une interview accordée au site Le Causeur, Richard Malka, avocat, spécialiste du droit de la presse, décortique l’arrêt de la Cour d’Appel, dans l’affaire opposant France 2 et Charles Enderlin à Philippe Karsenty.
Par ailleurs, l'American Jewish Committee se félicite de la proposition du Dr Richard Prasquier, président du CRIF, de demander la création d’une commission indépendante chargée d'examiner la controverse sur les allégations de prise de vues par les forces israéliennes d'un jeune garçon palestinien, Mohammed al-Dura. Les images du reportage ont été diffusées dans le monde entier par France 2, et ont déclenchées de vives protestations contre Israël. Au cours des quatre dernières années, l'American Jewish Committee s'est réuni à Paris avec de hauts dirigeants de la radiodiffusion afin de demander l’accès à toutes les bandes vidéo, et de proposer des programmes qui examinerait les carences.
Avocat, spécialiste du droit de la presse et scénariste de BD, Richard Malka décortique l’arrêt de la Cour d’Appel, dans l’affaire opposant France 2 et Charles Enderlin à Philippe Karsenty.
Causeur | Le 21 mai, infirmant le jugement de la XVIIe chambre correctionnelle, la Cour d’appel a débouté France 2 et Charles Enderlin dans le procès pour diffamation qu’ils avaient intenté à Philippe Karsenty. Pour les partisans d’Enderlin, en particulier les signataires de l’Appel publié par le site du Nouvel Observateur, en légitimant des propos qu’elle reconnaît comme diffamatoires, la Cour s’est livrée à une interprétation bien trop libérale, voire malencontreuse, de la liberté d’expression.
Richard Malka | La Cour devait se prononcer sur le caractère diffamatoire ou non des propos de Philippe Karsenty à l’encontre de Charles Enderlin. Autrement dit, il s’agissait de savoir si ces propos portaient atteinte à son honneur et à sa réputation. A cette question, la Cour d’appel a répondu par l’affirmative : ces propos sont diffamatoires. Mais la Cour ne s’en est pas tenue là. Elle s’est interrogée sur la véracité des propos diffamatoires, c’est-à-dire sur les “preuves” apportées par Karsenty à l’appui de ses propos. Or, aux termes de la loi du 29 juillet 1881, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être “parfaite, complète et corrélative aux imputations diffamatoires dans leur matérialité et toute leur portée”. Ces conditions sont telles que la preuve est, de facto, impossible. Comme toujours dans les litiges de ce type, la Cour s’est donc posé une troisième et dernière question : en l’absence de preuve, Philippe Karsenty était-il ou non de bonne foi ? C’est essentiellement sur sa réponse affirmative à cette question que la Cour a fondé son arrêt.
Les pétitionnaires dénoncent un “permis de diffamer” qui menacerait les journalistes. On peut se demander si, d’habitude, ce ne sont pas eux qui l’exercent, dès lors que la loi de 1881 est avant tout une loi de protection des journalistes. Peut-on dire qu’il existe, non seulement dans ce cas mais dans tous les autres, un “droit de diffamer de bonne foi” ? L’arrêt de la Cour d’Appel est-il un arrêt d’exception ?
Non c’est une interprétation parfaitement courante de la loi. Si on exigeait des journalistes qu’ils ne fassent état que de vérités prouvées, il n’y aurait plus de débat possible. Il faut rappeler que ces textes sont d’abord une protection pour les journalistes. Ce que l’on exige d’eux est qu’ils soient de bonne foi.
Le premier critère d’appréciation du juge est donc la “bonne foi” et non la véracité. N’est-ce pas un peu vague ?
La jurisprudence a au contraire établi une définition précise de la “bonne foi” qui repose sur quatre paramètres. Le premier est l’absence d’animosité personnelle : sur ce point, la Cour constate très clairement que Philippe Karsenty était dans son rôle de critique des médias, et qu’il n’était pas animé par des arrière-pensées personnelles. Deuxième paramètre : les propos diffamatoires visent-ils une légitime information du public, autrement dit contribuent-ils utilement au débat ? Là, encore, la Cour a répondu positivement. Le troisième critère est “la prudence dans l’expression”. Sur ce terrain, l’appréciation du juge dépend de l’intensité du débat et de l’importance des enjeux. Plus le débat fait rage, plus on admet une grande liberté de ton.
Pensez-vous que le juge a une interprétation trop libérale de la liberté d’expression ? Si cet arrêt fait grincer des dents, c’est peut-être parce que la liberté d’expression dont il est question ici n’est pas celle des journalistes mais celle qui peut éventuellement s’exercer à leurs dépens ?
De fait, la Cour note que les propos de Philippe Karsenty sont souvent proches d’un jugement de valeur, d’une opinion, domaine dans lequel la liberté d’expression doit être très large. Et elle doit l’être encore plus s’agissant de la critique d’un pouvoir, les médias. “Charles Enderlin peut d’autant moins se soustraire à la critique qu’elle le vise en tant que professionnel de l’information, correspondant en Israël et dans les territoires palestiniens pour les journaux de France 2 diffusés aux heures de grande audience, et, qu’à ce titre, il s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle des plus attentifs de ses faits et gestes de la part de ses concitoyens comme de ses confrères.” En bref, il est normal qu’un journaliste de l’importance de Charles Enderlin soit soumis à la critique, y compris virulente.
Cela signifie-t-il que, dès lors qu’on critique les médias, on a le droit d’écrire n’importe quoi pour peu qu’on soit sincère et qu’il n’y ait rien de personnel ?
En aucun cas, car le quatrième critère de la bonne foi, l’existence d’une « enquête sérieuse », est le plus important. Une très grande partie des attendus de l’arrêt porte sur cette question. La Cour a réalisé une analyse fine, approfondie et sérieuse des éléments présentés par les deux côtés. A la lecture de l’arrêt, on sent que le visionnage des rushes a été déterminant. Les choses sont dites sans la moindre ambiguïté : “L’examen, en cause d’appel, des 18 minutes de rushes de Tala Abu Rahma communiquées par France 2 ne permet pas d’écarter les avis des professionnels entendus au cours de la procédure…” Et aussi : “Les attestations produites par les soins du cameraman en pouvant pas, en revanche, au vu de leur présentation comme de leur contenu, être tenues pour parfaitement crédibles.”
Si on pousse votre raisonnement à son terme, la Cour s’est prononcée, au-delà de l’affaire Enderlin-Karsenty, sur l’affaire Al Doura. Peut-on déduire de leur arrêt que les juges admettent que le reportage filmé par Talal Abu Rahma, édité et commenté par Charles Enderlin et diffusé par France 2 le 30 septembre 2000 suscite de gros doutes ?
Il est certain que la décision ne porte pas seulement sur le périmètre de la tolérance dont doit bénéficier la liberté d’expression. D’un point de vue exclusivement juridique, on doit constater que la Cour s’est livrée à une analyse très minutieuse, étalée sur plusieurs pages, des documents qui lui avaient été présentés ainsi que de l’attitude et des propos des différents protagonistes depuis huit ans. La relaxe de Philippe Karsenty n’est pas seulement fondée sur les grands principes, elle l’est aussi sur l’examen sérieux des pièces. En clair, le fond de l’affaire n’est pas étranger à la décision de la Cour.
France 2 et Charles Enderlin ont décidé de se pourvoir en cassation. Quel est le périmètre du débat devant cette instance ? Peut-elle se saisir du fond ou doit-elle s’en tenir à la technique juridique ?
En théorie, la Cour de Cassation ne juge qu’en droit et non pas en fait. Cette règle souffre une exception qui est précisément le droit de la presse. Dans cette matière, elle étend son analyse à tous les aspects des litiges, y compris aux faits. En conséquence, aucun élément de la décision de la Cour d’appel ne peut être tenu pour acquis. Le jeu reste ouvert.
Propos recueillis par Gil Mihaely.
Richard Malka a notamment publié : L’ordre de Cicéron, TI et TII (Glénat), Section Financière TI et TII (Vents d’Ouest), La face karchée de Sarkozy (Fayard/Vents d’Ouest), Sarko Ier (Fayard/vents d’Ouest), Rien à branler (Charlie Hebdo).
Revue de presse
Dieudonné perd son procès contre Julien Dray
19/06/08
- - Thème: Justice
Le député de l’Essonne, Julien Dray, a été relaxé mardi 17 juin par le tribunal correctionnel de Paris, rapporte Actualité juive. Il était poursuivi en diffamation par Dieudonné qui lui reprochait des propos tenus en février 2006 et dans lesquels il accusait Dieudonné d’avoir contribué à créer un climat d’antisémitisme propice au meurtre d’Ilan Halimi. La 17e chambre a estimé que les propos de Julien Dray étaient « sévères » mais non « diffamatoires » et expliquant que le député « n’impute pas à Dieudonné une responsabilité directe dans la mort d’Ilan Halimi (…) mais analyse l’influence qu’aurait eue à son avis Dieudonné, à travers un humour caricaturant les Juifs, sur l’établissement d’un climat antisémite ayant pu encourager les assassins d’Ilan Halimi ».
D’après une information du journal libanais, l’Orient le jour, un projet de déclaration visant à appeler les États membres de l’Union européenne à inclure le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne vient d’être présenté au Parlement européen par cinq députés. Cette déclaration se fonde sur plusieurs points : le fait que « le Hezbollah représente une menace terroriste directe à la sécurité de l’UE » ainsi qu’une « menace aux soldats européens de la Finul ». Le texte évoque « les attaques terroristes menées par le Hezbollah contre des Européens, et qui incluent l’attentat contre le contingent français au Liban (1983), l’attentat contre l’ambassade française au Koweït (1983), l’explosion dans un restaurant à Madrid (1985) et treize explosions dans des centres commerciaux et des gares en France (1986) ».
Le texte de la déclaration revient également sur « le réseau créé par le Hezbollah en Europe pour la collecte de fonds et le soutien à des cellules capables d’attaquer le territoire européen », considérant que « les fonds collectés par le Hezbollah le rendent capable de mettre en péril le Grand Moyen-Orient ». Les auteurs de la déclaration estiment que « le Hezbollah soutient et coopère avec des groupes que l’UE a placés sur sa liste d’organisations terroristes, notamment le Hamas ». Ils rappellent que six pays ont déjà engagé des poursuites contre "le parti de Dieu", et soutiennent que la chaîne de télévision al-Manar, diffusée en Europe, « incite à la haine et à la violence contre l’Ouest, glorifiant les attentats-suicide ».
Les signataires de la déclaration sont Alexander Alvaro (Allemagne), Paulo Casaca (Portugal), Jana Hybàskovà (République tchèque), Jòzef Pinior (Pologne) et Helga Trüpel (Allemagne).
Dans une première réaction à la présentation de ce projet de déclaration, le Conseil mondial pour la révolution du Cèdre « s’est félicité » de cette mesure, et a appelé « tous les Libano-Européens et les amis à pousser leurs représentants au Parlement européen à soutenir ce projet de déclaration et favoriser son adoption ».
Reuters
Très populaire en Israël, Nicolas Sarkozy devrait profiter de deux jours de visite d’Etat pour confirmer la nouvelle politique de Paris au Proche-Orient. Et plaider pour son projet d’Union pour la Méditerranée.
CHRISTOPHE AYAD et ANTOINE GUIRAL
QUOTIDIEN : lundi 23 juin 2008
39 réactions
Philosémite ET pro-israélien. S’il est un domaine où la rupture est nette entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, c’est bien celui des relations avec l’Etat hébreu, où il est arrivé hier pour une visite d’Etat de trois jours. Là où son prédécesseur était devenu un «héros arabe», Sarkozy s’affiche sans complexe comme «l’ami d’Israël». Un choix qui doit autant à son histoire personnelle qu’à son parcours électoral et sa vision du monde.
Sur le même sujet
Grandes ambitions dans la région
Israël accueille «un ami sincère»
Entre Paris et Tel-Aviv, un retour de flamme
Un timbre qui a fâché les pays arabes
EDITORIAL Rupture
Catholique non pratiquant, Nicolas Sarkozy n’a découvert qu’en 1972, à l’âge de 17 ans, que son grand-père maternel, qui venait de mourir, était juif. Un choc. Beniko (dit Benedict) Mallah était pour lui comme un père. «Un homme que j’adorais», raconte-t-il. Qui l’emmenait au défilé du 14 juillet voir son grand homme, De Gaulle, et manger des glaces. Mais ne lui a jamais parlé de sa judéité. Cet homme était originaire d’une grande famille juive séfarade de Thessalonique, en Grèce. Né en 1890, il est envoyé en France par ses parents en 1912 comme pensionnaire au lycée Lakanal de Sceaux (Hauts-de-Seine). Médecin durant la Première Guerre mondiale, il rencontre en 1918 Adèle, une veuve de guerre, et se convertit au catholicisme pour l’épouser, coupant tout lien avec la communauté juive. Ils auront deux filles dont Andrée (dite Dadu), la mère de Nicolas Sarkozy. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la famille s’exile en Corrèze, par crainte d’être rattrapée par les origines juives de Benedict, avant de revenir à Paris à la fin de l’été 1944. Cet épisode, que Nicolas Sarkozy découvre également sur le tard, va profondément le marquer.
Liens. Patrick Gaubert, président de la Licra et ami de Nicolas Sarkozy, assure n’avoir jamais parlé de ces questions avec lui. «Nous partions parfois en vacances ensemble avec une bande de copains juifs à moi, mais ne parlions jamais de religion.» Il remarque qu’aujourd’hui, le fils de Nicolas Sarkozy, Jean, vient de se fiancer avec une juive, héritière des fondateurs de Darty, et envisagerait de se convertir au judaïsme pour l’épouser. «Dans cette famille, on se souvient finalement d’où l’on vient», s’amuse-t-il.
Depuis le début de sa carrière politique, Sarkozy a «travaillé» avec un soin tout particulier la communauté juive. Ses valeurs, ses codes, ses rites lui sont plus que familiers. A Neuilly, qui abrite une importante population juive, il a célébré des dizaines de mariages et n’a jamais raté une fête à la synagogue. Au ministère de l’Intérieur, il a davantage encore tissé des liens avec les juifs pour les convertir au sarkozysme électoral. Sur fond d’actes antisémites à répétition qui ont valu à la France de très sévères critiques dans la presse étrangère et en Israël, il rompt dès 2002 avec la prudence de Chirac et de Jospin : «Il ne faut pas être trop intelligent avec les actes antisémites en cherchant des explications, il faut être sévère», lance-t-il au Président. Hyperréactif, il se rend au chevet des victimes du moindre acte antisémite et n’a pas son pareil pour trouver les mots justes qui touchent la communauté. Une fois à l’Elysée, il est le premier président français à aller au dîner annuel du Crif, où il est acclamé. Autre initiative très appréciée des autorités israéliennes : il se rend en mai à la cérémonie au Trocadéro pour le 60e anniversaire d’Israël.
En politique étrangère, Nicolas Sarkozy a «quelques idées simples» lorsqu’il se lance dans la course à l’Elysée, selon le député UMP Pierre Lellouche, atlantiste et pro-israélien convaincu, qui l’a conseillé un temps : refus du terrorisme, volonté de renouer avec les Etats-Unis, affirmation des valeurs occidentales. Un socle très influencé par son passage au ministère de l’Intérieur. Malgré les années passées au RPR, il est imperméable au dogme gaulliste. Affichant de plus en plus sa différence avec Chirac, Sarkozy se démarque de la sacro-sainte «politique arabe de la France» - un concept qui «ne veut rien dire», selon lui - et désapprouve mezzo vocela menace de veto à l’ONU contre l’intervention américaine en Irak. Il n’a jamais rencontré Arafat et ne cultive pas de relation personnelle avec les leaders arabes, contrairement à son prédécesseur.
«Vision». Le puissant American Jewish Committee, qui reçoit Sarkozy en 2004, voit en lui un «homme de charisme, de vision, de courage». En janvier 2005, alors qu’il vient de prendre la présidence de l’UMP, il effectue un voyage de trois jours en Israël, où il est reçu comme un chef d’Etat par Ariel Sharon, premier ministre. «L’urgence ? La sécurité d’Israël», plaide-t-il. Son pari, selon un proche : en se proclamant l’ami inconditionnel d’Israël, influer sur la partie la plus puissante du conflit israélo-palestinien. Ce qui le rapproche plus du Mitterrand de 1982 à la Knesset que du Chirac de 1996 et son houleux voyage à Jérusalem.
A l’arrivée de Kouchner au Quai d’Orsay, les pro-israéliens, jusque-là très minoritaires, relèvent la tête. La première visite d’Etat d’un dirigeant étranger en France est réservée à Shimon Pérès, en mars. Ce dernier offre en retour à Nicolas Sarkozy un terrain au sud de Tel Aviv comptant 3 600 oliviers. On ne sait pas s’il ira jeter un coup d’œil à sa nouvelle propriété lors de sa visite en Israël.
La mission chargée par le ministre de l’Education nationale de réfléchir à la proposition lancée par Nicolas Sarkozy lors du dîner du CRIF de parrainer un enfant déporté juif de France pendant la Deuxième Guerre mondiale, a rendu son rapport et estime que l’idée « n’est pas adaptable au monde éducatif ». D’après le Parisien, le ministère de l’Education nationale devrait prochainement communiquer les conclusions de ce rapport remis il y a quinze jours par Hélène Waysbord-Loing, présidente de l’association de la Maison des enfants d’Izieu et ancienne inspectrice générale, qui menait la mission avec quinze personnalités.
Dans une interview accordée au site Le Causeur, Richard Malka, avocat, spécialiste du droit de la presse, décortique l’arrêt de la Cour d’Appel, dans l’affaire opposant France 2 et Charles Enderlin à Philippe Karsenty.
Par ailleurs, l'American Jewish Committee se félicite de la proposition du Dr Richard Prasquier, président du CRIF, de demander la création d’une commission indépendante chargée d'examiner la controverse sur les allégations de prise de vues par les forces israéliennes d'un jeune garçon palestinien, Mohammed al-Dura. Les images du reportage ont été diffusées dans le monde entier par France 2, et ont déclenchées de vives protestations contre Israël. Au cours des quatre dernières années, l'American Jewish Committee s'est réuni à Paris avec de hauts dirigeants de la radiodiffusion afin de demander l’accès à toutes les bandes vidéo, et de proposer des programmes qui examinerait les carences.
Avocat, spécialiste du droit de la presse et scénariste de BD, Richard Malka décortique l’arrêt de la Cour d’Appel, dans l’affaire opposant France 2 et Charles Enderlin à Philippe Karsenty.
Causeur | Le 21 mai, infirmant le jugement de la XVIIe chambre correctionnelle, la Cour d’appel a débouté France 2 et Charles Enderlin dans le procès pour diffamation qu’ils avaient intenté à Philippe Karsenty. Pour les partisans d’Enderlin, en particulier les signataires de l’Appel publié par le site du Nouvel Observateur, en légitimant des propos qu’elle reconnaît comme diffamatoires, la Cour s’est livrée à une interprétation bien trop libérale, voire malencontreuse, de la liberté d’expression.
Richard Malka | La Cour devait se prononcer sur le caractère diffamatoire ou non des propos de Philippe Karsenty à l’encontre de Charles Enderlin. Autrement dit, il s’agissait de savoir si ces propos portaient atteinte à son honneur et à sa réputation. A cette question, la Cour d’appel a répondu par l’affirmative : ces propos sont diffamatoires. Mais la Cour ne s’en est pas tenue là. Elle s’est interrogée sur la véracité des propos diffamatoires, c’est-à-dire sur les “preuves” apportées par Karsenty à l’appui de ses propos. Or, aux termes de la loi du 29 juillet 1881, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être “parfaite, complète et corrélative aux imputations diffamatoires dans leur matérialité et toute leur portée”. Ces conditions sont telles que la preuve est, de facto, impossible. Comme toujours dans les litiges de ce type, la Cour s’est donc posé une troisième et dernière question : en l’absence de preuve, Philippe Karsenty était-il ou non de bonne foi ? C’est essentiellement sur sa réponse affirmative à cette question que la Cour a fondé son arrêt.
Les pétitionnaires dénoncent un “permis de diffamer” qui menacerait les journalistes. On peut se demander si, d’habitude, ce ne sont pas eux qui l’exercent, dès lors que la loi de 1881 est avant tout une loi de protection des journalistes. Peut-on dire qu’il existe, non seulement dans ce cas mais dans tous les autres, un “droit de diffamer de bonne foi” ? L’arrêt de la Cour d’Appel est-il un arrêt d’exception ?
Non c’est une interprétation parfaitement courante de la loi. Si on exigeait des journalistes qu’ils ne fassent état que de vérités prouvées, il n’y aurait plus de débat possible. Il faut rappeler que ces textes sont d’abord une protection pour les journalistes. Ce que l’on exige d’eux est qu’ils soient de bonne foi.
Le premier critère d’appréciation du juge est donc la “bonne foi” et non la véracité. N’est-ce pas un peu vague ?
La jurisprudence a au contraire établi une définition précise de la “bonne foi” qui repose sur quatre paramètres. Le premier est l’absence d’animosité personnelle : sur ce point, la Cour constate très clairement que Philippe Karsenty était dans son rôle de critique des médias, et qu’il n’était pas animé par des arrière-pensées personnelles. Deuxième paramètre : les propos diffamatoires visent-ils une légitime information du public, autrement dit contribuent-ils utilement au débat ? Là, encore, la Cour a répondu positivement. Le troisième critère est “la prudence dans l’expression”. Sur ce terrain, l’appréciation du juge dépend de l’intensité du débat et de l’importance des enjeux. Plus le débat fait rage, plus on admet une grande liberté de ton.
Pensez-vous que le juge a une interprétation trop libérale de la liberté d’expression ? Si cet arrêt fait grincer des dents, c’est peut-être parce que la liberté d’expression dont il est question ici n’est pas celle des journalistes mais celle qui peut éventuellement s’exercer à leurs dépens ?
De fait, la Cour note que les propos de Philippe Karsenty sont souvent proches d’un jugement de valeur, d’une opinion, domaine dans lequel la liberté d’expression doit être très large. Et elle doit l’être encore plus s’agissant de la critique d’un pouvoir, les médias. “Charles Enderlin peut d’autant moins se soustraire à la critique qu’elle le vise en tant que professionnel de l’information, correspondant en Israël et dans les territoires palestiniens pour les journaux de France 2 diffusés aux heures de grande audience, et, qu’à ce titre, il s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle des plus attentifs de ses faits et gestes de la part de ses concitoyens comme de ses confrères.” En bref, il est normal qu’un journaliste de l’importance de Charles Enderlin soit soumis à la critique, y compris virulente.
Cela signifie-t-il que, dès lors qu’on critique les médias, on a le droit d’écrire n’importe quoi pour peu qu’on soit sincère et qu’il n’y ait rien de personnel ?
En aucun cas, car le quatrième critère de la bonne foi, l’existence d’une « enquête sérieuse », est le plus important. Une très grande partie des attendus de l’arrêt porte sur cette question. La Cour a réalisé une analyse fine, approfondie et sérieuse des éléments présentés par les deux côtés. A la lecture de l’arrêt, on sent que le visionnage des rushes a été déterminant. Les choses sont dites sans la moindre ambiguïté : “L’examen, en cause d’appel, des 18 minutes de rushes de Tala Abu Rahma communiquées par France 2 ne permet pas d’écarter les avis des professionnels entendus au cours de la procédure…” Et aussi : “Les attestations produites par les soins du cameraman en pouvant pas, en revanche, au vu de leur présentation comme de leur contenu, être tenues pour parfaitement crédibles.”
Si on pousse votre raisonnement à son terme, la Cour s’est prononcée, au-delà de l’affaire Enderlin-Karsenty, sur l’affaire Al Doura. Peut-on déduire de leur arrêt que les juges admettent que le reportage filmé par Talal Abu Rahma, édité et commenté par Charles Enderlin et diffusé par France 2 le 30 septembre 2000 suscite de gros doutes ?
Il est certain que la décision ne porte pas seulement sur le périmètre de la tolérance dont doit bénéficier la liberté d’expression. D’un point de vue exclusivement juridique, on doit constater que la Cour s’est livrée à une analyse très minutieuse, étalée sur plusieurs pages, des documents qui lui avaient été présentés ainsi que de l’attitude et des propos des différents protagonistes depuis huit ans. La relaxe de Philippe Karsenty n’est pas seulement fondée sur les grands principes, elle l’est aussi sur l’examen sérieux des pièces. En clair, le fond de l’affaire n’est pas étranger à la décision de la Cour.
France 2 et Charles Enderlin ont décidé de se pourvoir en cassation. Quel est le périmètre du débat devant cette instance ? Peut-elle se saisir du fond ou doit-elle s’en tenir à la technique juridique ?
En théorie, la Cour de Cassation ne juge qu’en droit et non pas en fait. Cette règle souffre une exception qui est précisément le droit de la presse. Dans cette matière, elle étend son analyse à tous les aspects des litiges, y compris aux faits. En conséquence, aucun élément de la décision de la Cour d’appel ne peut être tenu pour acquis. Le jeu reste ouvert.
Propos recueillis par Gil Mihaely.
Richard Malka a notamment publié : L’ordre de Cicéron, TI et TII (Glénat), Section Financière TI et TII (Vents d’Ouest), La face karchée de Sarkozy (Fayard/Vents d’Ouest), Sarko Ier (Fayard/vents d’Ouest), Rien à branler (Charlie Hebdo).
Revue de presse
Dieudonné perd son procès contre Julien Dray
19/06/08
- - Thème: Justice
Le député de l’Essonne, Julien Dray, a été relaxé mardi 17 juin par le tribunal correctionnel de Paris, rapporte Actualité juive. Il était poursuivi en diffamation par Dieudonné qui lui reprochait des propos tenus en février 2006 et dans lesquels il accusait Dieudonné d’avoir contribué à créer un climat d’antisémitisme propice au meurtre d’Ilan Halimi. La 17e chambre a estimé que les propos de Julien Dray étaient « sévères » mais non « diffamatoires » et expliquant que le député « n’impute pas à Dieudonné une responsabilité directe dans la mort d’Ilan Halimi (…) mais analyse l’influence qu’aurait eue à son avis Dieudonné, à travers un humour caricaturant les Juifs, sur l’établissement d’un climat antisémite ayant pu encourager les assassins d’Ilan Halimi ».
D’après une information du journal libanais, l’Orient le jour, un projet de déclaration visant à appeler les États membres de l’Union européenne à inclure le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne vient d’être présenté au Parlement européen par cinq députés. Cette déclaration se fonde sur plusieurs points : le fait que « le Hezbollah représente une menace terroriste directe à la sécurité de l’UE » ainsi qu’une « menace aux soldats européens de la Finul ». Le texte évoque « les attaques terroristes menées par le Hezbollah contre des Européens, et qui incluent l’attentat contre le contingent français au Liban (1983), l’attentat contre l’ambassade française au Koweït (1983), l’explosion dans un restaurant à Madrid (1985) et treize explosions dans des centres commerciaux et des gares en France (1986) ».
Le texte de la déclaration revient également sur « le réseau créé par le Hezbollah en Europe pour la collecte de fonds et le soutien à des cellules capables d’attaquer le territoire européen », considérant que « les fonds collectés par le Hezbollah le rendent capable de mettre en péril le Grand Moyen-Orient ». Les auteurs de la déclaration estiment que « le Hezbollah soutient et coopère avec des groupes que l’UE a placés sur sa liste d’organisations terroristes, notamment le Hamas ». Ils rappellent que six pays ont déjà engagé des poursuites contre "le parti de Dieu", et soutiennent que la chaîne de télévision al-Manar, diffusée en Europe, « incite à la haine et à la violence contre l’Ouest, glorifiant les attentats-suicide ».
Les signataires de la déclaration sont Alexander Alvaro (Allemagne), Paulo Casaca (Portugal), Jana Hybàskovà (République tchèque), Jòzef Pinior (Pologne) et Helga Trüpel (Allemagne).
Dans une première réaction à la présentation de ce projet de déclaration, le Conseil mondial pour la révolution du Cèdre « s’est félicité » de cette mesure, et a appelé « tous les Libano-Européens et les amis à pousser leurs représentants au Parlement européen à soutenir ce projet de déclaration et favoriser son adoption ».
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