Tuesday, January 03, 2006

Le chancelier compte sur la présidence de l'UE pour faire oublier son ex-collaboration avec Haider.

Lorsque, en février 2000, Wolfgang Schüssel forme une coalition avec le FP÷ d'extrême droite de Jörg Haider, cette alliance suscite un tollé en Europe. Les 14 partenaires européens de l'Autriche décrètent des «sanctions», Vienne est mis au ban de l'UE. Cinq ans plus tard, c'est une Autriche de nouveau fréquentable qui assume pour six mois la présidence tournante de l'UE. Que s'est-il passé entretemps ?
En fait, le parti de Haider n'a pas résisté à l'épreuve du pouvoir. La participation au gouvernement, au côté du Parti chrétien-démocrate (÷VP) de Wolfgang Schüssel, a révélé son absence de programme et de personnel qualifié : en cinq ans il a «usé» pas moins de sept ministres, la plupart pour incompétence. Après avoir été le chantre autoproclamé des «petites gens, honnêtes et travailleurs», et avoir dénoncé pendant des années les privilèges des deux grands partis traditionnels, chrétiens-démocrates (÷VP) et sociaux-démocrates (SP÷), Haider revendique sa part du gâteau dans la répartition des postes importants. «La dénonciation des magouilles entre l'÷VP et le SP÷ était un mensonge grandiose», commente le politologue Anton Pelinka.
En revanche, le FP÷ impose son discours xénophobe, et les nouvelles lois, plus dures, sur le droit d'asile et sur l'obtention de la nationalité autrichienne, qui viennent d'entrer en vigueur, portent sa griffe. «L'ascension de Haider a pour conséquence un déplacement de tout le paysage politique à droite», estime le politologue Fritz Plasser.
Très vite, Haider a compris que son succès était dû à un discours d'opposition radical, aux formules chocs qui faisaient le bonheur des médias. Il ne fera donc pas partie du gouvernement, préférant tirer les ficelles de son fief de Carinthie où il est toujours gouverneur. Il joue à la fois le jeu du pouvoir et celui de l'opposition, n'hésitant pas à critiquer «ses» ministres. En septembre 2002, cette attitude paradoxale conduira au «putsch de Knittelfeld», orchestré par Haider pour se débarrasser des membres FP÷ du gouvernement, trop dociles à ses yeux vis-à-vis de l'÷VP. Schüssel décrète des élections anticipées : de 26,9 % en 1999, le FP÷ retombe à 10 %.
Désormais, Schüssel peut gouverner à sa guise.
Celui que l'on appelle «Schweigekanzler» ­ le chancelier qui se tait ­ ne dit mot quand on lui reproche de cautionner, par son silence, les dérapages verbaux de son partenaire. En revanche, sur certains dossiers sensibles, notamment européens, Schüssel reste intraitable : il les règle parfois sans en informer au préalable le FP÷. C'était le cas dans le conflit entre l'Autriche et la République tchèque sur l'affaire de la centrale nucléaire de Temelin, proche de la frontière autrichienne.
Pour le reste, Schüssel a fait sienne la devise de son homologue du CSU bavarois Edmund Stoiber : «Personne à notre droite.» Avec cette démarche, Schüssel exacerbe les luttes de clans au sein du FP÷ : une fronde de l'aile radicale du parti provoque une scission en avril. Haider fonde un nouveau parti ­ l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche, BZ÷ ­ auquel ont adhéré les membres ex-FP÷ du gouvernement et les inconditionnels de Jörg. Aux municipales, en octobre dernier, le BZ÷ obtient 1,2 % à Vienne. Le nouveau FP÷, dirigé par un certain H.C. Strache, surnommé «le clone de Haider», obtient 14,9 % après une campagne xénophobe.
Avec sa stratégie de diviser pour régner, Schüssel ­ européen convaincu ­ peut mener en confiance sa coalition jusqu'aux législatives, à l'automne. Devancé nettement dans les sondages par le SP÷, il espère redorer son blason avec la présidence de l'UE. Mais, déjà, le FP÷ veut jouer les trouble-fête et exploiter l'euroscepticisme répandu en Autriche, en organisant en mars un référendum anti-UE.

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