POUR UNE FOIS QU'IL NE S'AGIT PAS DU "MUR" QU'ISRAEL A EDIFIE POUR SE PROTEGER DES ATTENTATS-SUICIDES
Le Mexique furieux du projet de mur américain
Amérique du Nord Le Congrès américain a voté la loi anti-immigration la plus restrictive des dernières décennies. Le texte prévoit l'édification de murs sur certaines parties de la frontière.
CE N'EST ENCORE qu'une esquisse sur une carte, mais elle a réussi à envenimer comme jamais les relations entre Washington et Mexico. Le 16 décembre, une écrasante majorité de députés (260 contre 159) a voté en faveur d'un des projets de loi anti-immigration les plus répressifs des dernières décennies. Porté par le très conservateur James Sensenbrenner, le texte propose l'édification, du golfe du Mexique au Pacifique, de cinq pans de murs longeant les États frontaliers : Californie, Arizona, Nouveau-Mexique et Texas. Totalisant 1 000 kilomètres – un tiers de la frontière –, ce mur, haut de 4,5 mètres, devrait être éclairé par des miradors et balayé de caméras. En outre, vivre illégalement aux Etats-Unis deviendrait un crime passible de prison ; une qualification qui ne concernait jusqu'alors que l'entrée illégale, la résidence relevant du simple délit.
Même si la loi n'est pas entrée en vigueur, elle sera probablement modifiée par le Sénat en février, son annonce a fait l'effet d'une bombe au Mexique. Les commentateurs comparent ces blocs de béton au mur de Berlin ou à celui récemment construit dans les Territoires palestiniens. Coutumier d'une rhétorique mesurée, le président Vicente Fox n'a cette fois-ci pas eu de mots trop durs pour dénoncer «cette hypocrisie». «Il n'est pas possible qu'au XXIe siècle on puisse construire un mur entre deux nations voisines, entre deux nations soeurs, entre deux nations associées», s'est-il emporté. «C'est un signal très négatif, qui ne dit rien de bon d'un pays qui s'enorgueillit d'être démocratique, et construit par des immigrés !», a conclu un Vicente Fox amer. Pour l'ex-président de Coca-Cola-Mexique, le vote du Congrès est une gifle.
A son arrivée au pouvoir, il y a cinq ans, il s'était promis d'obtenir de son «ami» George Bush un ambitieux programme de régularisation des illégaux et une loi d'immigration humaine et généreuse, susceptible d'éviter la mort, tous les ans, de centaines de candidats à l'exil sur la frontière.
Les réticences au texte de loi n'ont pas manqué, manifestées d'abord par George Bush lui-même. Ancien gouverneur du Texas, le président sait qu'une partie des bénéfices de l'agriculture et de la construction repose sur le recours à une main-d'oeuvre bon marché car faite d'illégaux. Il a donc plaidé l'ajout d'un «programme de travailleurs temporaires». Toutefois, affaibli par la polémique croissante sur l'occupation de l'Irak, il n'a pas réussi à s'imposer à son propre camp.
Ce n'est pas une angoisse économique qui dicte le repli sur soi-même sous-jacent dans le projet de loi. Malgré la présence d'au moins 10 millions de résidents illégaux dans le pays, des Mexicains en majorité, le taux de chômage reste très bas (autour de 5%). Mieux, une récente étude publiée par le bureau du budget au Congrès rappelle qu'un travailleur sur sept aux Etats-Unis est immigré, et près de 40% d'entre eux viennent du Mexique et d'Amérique centrale.
La théorie d'Huttington
La motivation des républicains est surtout identitaire et culturelle, reflétée par le succès, depuis deux ans, de l'ouvrage de Samuel Huttington Who are we ? The challenge to America's national identity («Qui sommes-nous ? Le défi à l'identité nationale américaine»). L'universitaire y théorise la destruction des Etats-Unis par les hispaniques, incapables, au contraire de leurs prédécesseurs européens, de se fondre dans une identité américaine. Si ces propos ont de plus en plus d'adeptes, c'est que Washington semble incapable de répondre à un flux migratoire croissant. Près de huit millions de personnes se sont installées aux Etats-Unis ces cinq dernières années, légalement ou illégalement, selon le Centre d'étude de l'immigration. C'est un rythme de 2,5 supérieur à celui de la grande vague d'Européens arrivés autour de 1910 sur le Nouveau Continent.
Les adversaires à la loi soulignent que la répression n'y fera rien. C'est la formidable capacité d'attraction de l'économie américaine, combinée à la misère à ses portes, qui pousse des centaines de milliers de Latino-Américains à tenter leur chance, au risque de leur vie. En attendant, une partie des républicains s'affole : ratifiée ou non, cette loi pourrait leur aliéner le vote des hispaniques dans la perspective des élections législatives de mi-mandat en novembre. Andrés Oppenheimer, conservateur affiché et principal éditorialiste du quotidien américain Miami Herald, résume la situation : «Si les républicains apparaissent comme ceux qui voient les hispaniques comme d'éventuels criminels susceptibles d'être contrôlés à chaque coin de rue, ils peuvent dire «Adios» à une bonne partie de cet électorat.»
Amérique du Nord Le Congrès américain a voté la loi anti-immigration la plus restrictive des dernières décennies. Le texte prévoit l'édification de murs sur certaines parties de la frontière.
CE N'EST ENCORE qu'une esquisse sur une carte, mais elle a réussi à envenimer comme jamais les relations entre Washington et Mexico. Le 16 décembre, une écrasante majorité de députés (260 contre 159) a voté en faveur d'un des projets de loi anti-immigration les plus répressifs des dernières décennies. Porté par le très conservateur James Sensenbrenner, le texte propose l'édification, du golfe du Mexique au Pacifique, de cinq pans de murs longeant les États frontaliers : Californie, Arizona, Nouveau-Mexique et Texas. Totalisant 1 000 kilomètres – un tiers de la frontière –, ce mur, haut de 4,5 mètres, devrait être éclairé par des miradors et balayé de caméras. En outre, vivre illégalement aux Etats-Unis deviendrait un crime passible de prison ; une qualification qui ne concernait jusqu'alors que l'entrée illégale, la résidence relevant du simple délit.
Même si la loi n'est pas entrée en vigueur, elle sera probablement modifiée par le Sénat en février, son annonce a fait l'effet d'une bombe au Mexique. Les commentateurs comparent ces blocs de béton au mur de Berlin ou à celui récemment construit dans les Territoires palestiniens. Coutumier d'une rhétorique mesurée, le président Vicente Fox n'a cette fois-ci pas eu de mots trop durs pour dénoncer «cette hypocrisie». «Il n'est pas possible qu'au XXIe siècle on puisse construire un mur entre deux nations voisines, entre deux nations soeurs, entre deux nations associées», s'est-il emporté. «C'est un signal très négatif, qui ne dit rien de bon d'un pays qui s'enorgueillit d'être démocratique, et construit par des immigrés !», a conclu un Vicente Fox amer. Pour l'ex-président de Coca-Cola-Mexique, le vote du Congrès est une gifle.
A son arrivée au pouvoir, il y a cinq ans, il s'était promis d'obtenir de son «ami» George Bush un ambitieux programme de régularisation des illégaux et une loi d'immigration humaine et généreuse, susceptible d'éviter la mort, tous les ans, de centaines de candidats à l'exil sur la frontière.
Les réticences au texte de loi n'ont pas manqué, manifestées d'abord par George Bush lui-même. Ancien gouverneur du Texas, le président sait qu'une partie des bénéfices de l'agriculture et de la construction repose sur le recours à une main-d'oeuvre bon marché car faite d'illégaux. Il a donc plaidé l'ajout d'un «programme de travailleurs temporaires». Toutefois, affaibli par la polémique croissante sur l'occupation de l'Irak, il n'a pas réussi à s'imposer à son propre camp.
Ce n'est pas une angoisse économique qui dicte le repli sur soi-même sous-jacent dans le projet de loi. Malgré la présence d'au moins 10 millions de résidents illégaux dans le pays, des Mexicains en majorité, le taux de chômage reste très bas (autour de 5%). Mieux, une récente étude publiée par le bureau du budget au Congrès rappelle qu'un travailleur sur sept aux Etats-Unis est immigré, et près de 40% d'entre eux viennent du Mexique et d'Amérique centrale.
La théorie d'Huttington
La motivation des républicains est surtout identitaire et culturelle, reflétée par le succès, depuis deux ans, de l'ouvrage de Samuel Huttington Who are we ? The challenge to America's national identity («Qui sommes-nous ? Le défi à l'identité nationale américaine»). L'universitaire y théorise la destruction des Etats-Unis par les hispaniques, incapables, au contraire de leurs prédécesseurs européens, de se fondre dans une identité américaine. Si ces propos ont de plus en plus d'adeptes, c'est que Washington semble incapable de répondre à un flux migratoire croissant. Près de huit millions de personnes se sont installées aux Etats-Unis ces cinq dernières années, légalement ou illégalement, selon le Centre d'étude de l'immigration. C'est un rythme de 2,5 supérieur à celui de la grande vague d'Européens arrivés autour de 1910 sur le Nouveau Continent.
Les adversaires à la loi soulignent que la répression n'y fera rien. C'est la formidable capacité d'attraction de l'économie américaine, combinée à la misère à ses portes, qui pousse des centaines de milliers de Latino-Américains à tenter leur chance, au risque de leur vie. En attendant, une partie des républicains s'affole : ratifiée ou non, cette loi pourrait leur aliéner le vote des hispaniques dans la perspective des élections législatives de mi-mandat en novembre. Andrés Oppenheimer, conservateur affiché et principal éditorialiste du quotidien américain Miami Herald, résume la situation : «Si les républicains apparaissent comme ceux qui voient les hispaniques comme d'éventuels criminels susceptibles d'être contrôlés à chaque coin de rue, ils peuvent dire «Adios» à une bonne partie de cet électorat.»
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