Cohn-Bendit se frotte au controversé Tariq Ramadan
A Bruxelles, le leader Vert a partagé pour la première fois une tribune avec l'intellectuel musulman.
par Alain AUFFRAYQUOTIDIEN : vendredi 31 mars 2006
Bruxelles envoyé spécial
«Prenons-le au mot ! Qu'est-ce qu'on risque ?» Après deux heures de débat public, Daniel Cohn-Bendit s'est senti conforté dans sa décision de rencontrer Tariq Ramadan, le plus controversé des intellectuels musulmans. Ce face-à-face a eu lieu mercredi soir à Bruxelles dans le cadre d'une conférence internationale sur l'«islam en Europe» organisée par les Verts des Pays-Bas, traumatisés par les tensions intercommunautaires. Cohn-Bendit avait reçu de nombreuses mises en garde. «Comment peux-tu, toi, discuter avec le "prédicateur" d'un islam radical ? Ramadan, c'est un artiste du double langage», lui ont déclaré en substance des compagnons de route. Elevé en Suisse où il enseigne la philosophie, le petit-fils du fondateur des Frères musulmans égyptiens, a été parfois empêché de réunions publiques en France. Dans le même temps, en Grande-Bretagne, le gouvernement Blair l'associait à sa réflexion sur l'extrémisme musulman.
Mercredi soir, au Parlement européen, on se bousculait pour assister à la confrontation entre le soixante-huitard libéral-libertaire et le quadragénaire musulman altermondialiste. Beaucoup de femmes, presque toutes voilées, dans un public essentiellement composé de musulmans belges, français et hollandais.
Face à un Cohn-Bendit qui s'était juré de ne tolérer aucune ambiguïté, l'élégant Ramadan a déroulé un discours irréprochable. Il «refuse» l'interdiction faite au musulman, sous peine de mort, de quitter sa religion. Il conteste le fondement théologique de cet interdit. Pour en finir avec les mariages forcés, les répudiations et les violences faites aux femmes, il faut, dit-il, «changer l'islam de l'intérieur».
Ramadan demande une «désislamisation» des problèmes sociaux qui s'expriment en France à travers la crise des banlieues. Le vrai communautarisme, selon lui, c'est celui qui parque dans des ghettos «une jeunesse musulmane de la troisième, voire de la quatrième génération pour qui la question n'est plus celle de l'intégration mais de l'accès à la citoyenneté».
Et quand le président du groupe Vert objecte que, sans «islamiser» les problèmes, on peut «s'interroger sur ce qui se passe aujourd'hui en France dans des quartiers où des enfants juifs ont peur d'aller à l'école», Tariq Ramadan rappelle solennellement qu'il a toujours été «parfaitement clair» dans sa dénonciation de l'antisémitisme. Il annonce l'avènement d'un islam qui n'a «aucun problème avec aucune législation européenne» et qui s'accommode parfaitement de la «sécularisation comme espace de gestion du religieux».
«Je ne sais pas ce que dit Tariq Ramadan ailleurs, mais ce qu'il dit ici a sa cohérence», a lâché Cohn-Bendit, pour conclure. C'est alors seulement que le débat s'est échauffé avec une théâtrale colère de Ramadan : «Dire cela, c'est rendre impossible notre dialogue. Il faut arrêter de fantasmer. On parle de double discours, de double appartenance, on tient sur nous le discours qu'on a tenu sur les juifs. Ta responsabilité c'est de savoir ce que je dis ailleurs !» «Tu ne vas tout de même pas m'obliger à lire tout Tariq Ramadan !» a fait remarquer son interlocuteur. «Alors, a répondu l'autre, si tu n'as pas la preuve de mon double discours, tu dois me faire confiance.»
Cohn-Bendit y est prêt. Hier, alors que s'achevait à Bruxelles la conférence sur «l'islam en Europe», le leader écologiste proposait de poursuivre, dans de nouveaux débats publics, la «clarification» engagée.
A Bruxelles, le leader Vert a partagé pour la première fois une tribune avec l'intellectuel musulman.
par Alain AUFFRAYQUOTIDIEN : vendredi 31 mars 2006
Bruxelles envoyé spécial
«Prenons-le au mot ! Qu'est-ce qu'on risque ?» Après deux heures de débat public, Daniel Cohn-Bendit s'est senti conforté dans sa décision de rencontrer Tariq Ramadan, le plus controversé des intellectuels musulmans. Ce face-à-face a eu lieu mercredi soir à Bruxelles dans le cadre d'une conférence internationale sur l'«islam en Europe» organisée par les Verts des Pays-Bas, traumatisés par les tensions intercommunautaires. Cohn-Bendit avait reçu de nombreuses mises en garde. «Comment peux-tu, toi, discuter avec le "prédicateur" d'un islam radical ? Ramadan, c'est un artiste du double langage», lui ont déclaré en substance des compagnons de route. Elevé en Suisse où il enseigne la philosophie, le petit-fils du fondateur des Frères musulmans égyptiens, a été parfois empêché de réunions publiques en France. Dans le même temps, en Grande-Bretagne, le gouvernement Blair l'associait à sa réflexion sur l'extrémisme musulman.
Mercredi soir, au Parlement européen, on se bousculait pour assister à la confrontation entre le soixante-huitard libéral-libertaire et le quadragénaire musulman altermondialiste. Beaucoup de femmes, presque toutes voilées, dans un public essentiellement composé de musulmans belges, français et hollandais.
Face à un Cohn-Bendit qui s'était juré de ne tolérer aucune ambiguïté, l'élégant Ramadan a déroulé un discours irréprochable. Il «refuse» l'interdiction faite au musulman, sous peine de mort, de quitter sa religion. Il conteste le fondement théologique de cet interdit. Pour en finir avec les mariages forcés, les répudiations et les violences faites aux femmes, il faut, dit-il, «changer l'islam de l'intérieur».
Ramadan demande une «désislamisation» des problèmes sociaux qui s'expriment en France à travers la crise des banlieues. Le vrai communautarisme, selon lui, c'est celui qui parque dans des ghettos «une jeunesse musulmane de la troisième, voire de la quatrième génération pour qui la question n'est plus celle de l'intégration mais de l'accès à la citoyenneté».
Et quand le président du groupe Vert objecte que, sans «islamiser» les problèmes, on peut «s'interroger sur ce qui se passe aujourd'hui en France dans des quartiers où des enfants juifs ont peur d'aller à l'école», Tariq Ramadan rappelle solennellement qu'il a toujours été «parfaitement clair» dans sa dénonciation de l'antisémitisme. Il annonce l'avènement d'un islam qui n'a «aucun problème avec aucune législation européenne» et qui s'accommode parfaitement de la «sécularisation comme espace de gestion du religieux».
«Je ne sais pas ce que dit Tariq Ramadan ailleurs, mais ce qu'il dit ici a sa cohérence», a lâché Cohn-Bendit, pour conclure. C'est alors seulement que le débat s'est échauffé avec une théâtrale colère de Ramadan : «Dire cela, c'est rendre impossible notre dialogue. Il faut arrêter de fantasmer. On parle de double discours, de double appartenance, on tient sur nous le discours qu'on a tenu sur les juifs. Ta responsabilité c'est de savoir ce que je dis ailleurs !» «Tu ne vas tout de même pas m'obliger à lire tout Tariq Ramadan !» a fait remarquer son interlocuteur. «Alors, a répondu l'autre, si tu n'as pas la preuve de mon double discours, tu dois me faire confiance.»
Cohn-Bendit y est prêt. Hier, alors que s'achevait à Bruxelles la conférence sur «l'islam en Europe», le leader écologiste proposait de poursuivre, dans de nouveaux débats publics, la «clarification» engagée.
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