Friday, March 10, 2006

Gregory a été condamné à deux mois de prison ferme pour insultes à caractère raciale et devra payer 1600€ à ses victimes ; Benoît a été reconnu coupable d’avoir assené trois coups de poing. Il a été condamné à deux mois de prison avec sursis. Ces deux jeunes ont agressé, vendredi 3 mars, un groupe de jeunes Juifs qui se rendaient à leur école talmudique pour Chabbath, rapporte le Parisien. Les bousculant, leur ôtant leur couvre-chef et les frappant à coups de poing, les agresseurs ont proféré des insultes antisémites : « c’est pour ta sale face de juif », « sale juif », « va bouffer ton Sharon », « tu vas voir ce que va te faire le Hamas ». Les avocats de la défense minimisent les faits et estiment qu’il s’agit plus de « bêtise » et que les agresseurs « n’ont pas de conscience politique ». Ce à quoi réagit l’avocate de la partie civile : « C’est toujours la même ligne de défense dans ce genre d’affaire. Ces actes sont bien évidemment antisémites et révèlent la part la plus sombre de l’âme humaine. »





"Monsieur Halimi, ne répondez plus au téléphone"
LEMONDE.FR 07.03.06 09h43 • Mis à jour le 07.03.06 10h12

e jour où nous avons rencontré Didier Halimi dans son petit appartement de banlieue aux stores constamment baissés, sa solitude nous a paru d'autant plus palpable qu'au même moment, à l'autre bout de Paris, son ex-épouse, Ruth, recevait la visite de la ministre des affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, accompagnée d'une escouade de gardes du corps et de reporters. Discret, peu bavard et réservé, M. Halimi avait d'abord voulu nous orienter vers son ex-femme : "Voyez avec Ruth, c'est elle qui parle à la presse, moi je n'ai pas fait le deuil de mon fils, je veux me retrouver un peu seul."
Pendant plus de trois semaines, Didier Halimi a été étroitement associé par la police à l'enquête et aux négociations avec les ravisseurs de son fils. Si étroitement que ses deux autres enfants et son ex-épouse, qui ne manquent pas de fustiger la gestion par la police de cet enlèvement, le suspectent aujourd'hui de "défendre les flics". "Les policiers que j'ai côtoyés ont bossé comme des fous, estime-t-il. Ils mangeaient avec moi, dormaient ici, sur ce canapé, ne me quittaient pas d'une semelle."

"Si seulement nous avions décroché le téléphone"
Dans un entretien publié le 20 février sous le titre "Si seulement nous avions décroché le téléphone" par le quotidien israélien Haaretz, la mère d Ilan Halimi accuse les policiers de lui avoir ordonné de cesser tout contact par téléphone avec les ravisseurs à quelques jours du dénouement tragique, une grave "erreur", selon elle. "La police n'a pas été compétente", ont renchéri les deux sœurs d'Ilan, Yael et Anne-Laure, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Actualité juive du 23 février.
Ces accusations ont été reprises par Elisabeth Schemla, la directrice du site proche-orient.info, très lu par la communauté : "Toutes les polices, dans une affaire d'enlèvement avec demande de rançon, (…) essayent au contraire de garder à tout prix un lien avec les kidnappeurs. Or, dans ce cas précis, le calcul policier – ou le pari insensé – n'a-t-il pas été également d'obliger ainsi les ravisseurs à 'sortir du bois' ? A commettre le faux pas ? Toute la question est alors de savoir si cette décision stratégique n'a pas mis littéralement en rage ces criminels, voyant que leur affaire échouait."
Après avoir nié, dans un premier temps, avoir demandé à la famille d'arrêter les contacts, la direction de la PJ renvoie aujourd'hui au parquet, où l'on assume une telle stratégie. "Il ne s'agissait pas de rupture, mais d'une suspension temporaire des ponts. Une décision prise en accord avec le père", confirme Laurence Abgrall-Baugé, l'un des porte-parole du procureur de la République de Paris. Selon elle, le corps d'Ilan n'avait toujours pas été formellement identifié lundi 13 février au soir. – A. L.
[-] fermerFumant cigarette sur cigarette, Didier Halimi déroule le fil de trois semaines de négociations au centre desquelles il s'est trouvé. Dès le dimanche 22 janvier, au lendemain de la disparition d'Ilan, un premier contact est établi avec les ravisseurs. D'abord par téléphone, puis par un courrier électronique contenant une photo d'Ilan menotté, une arme pointée sur sa tête, un journal du jour entre les mains. Le lendemain, une première demande de rançon est formulée. Elle s'élève à 450 000 euros. La somme ne cessera de varier jusqu'à la fin des échanges. "Lorsque je leur disais que je n'avais pas la somme qu'ils demandaient, ils me répondaient que je n'avais qu'à demander l'argent à la communauté'", se souvient-il.
JUSQU'À QUARANTE COUPS DE TÉLÉPHONE PAR JOUR
Les ravisseurs appellent principalement le père, jusqu'à quarante fois par jour, mais aussi, occasionnellement, la petite amie d'Ilan et sa mère. Afin de ne pas se disperser, les policiers décident de centrer leur dispositif autour du père d'Ilan, qui, chaque matin, se rend au 36, quai des Orfèvres, où il répond à ces appels en présence des négociateurs et d'une psychologue (ou "profileuse") chargée d'analyser les échanges et de bâtir un "profil" de la bande. A l'autre bout du fil, une voix "calme et posée" – que les policiers identifieront comme celle de Youssouf Fofana – devient, au fil des jours, de plus en plus menaçante et injurieuse.
La stratégie de la police, telle qu'elle a été exposée par le patron de la crim', Noël Robin, à Didier Halimi, consiste à ce stade à convaincre les ravisseurs d'accepter une remise de rançon "physique" en échange d'Ilan. Leurs revendications d'un virement via Western Union en Côte d'Ivoire sont écartées, n'offrant aucune garantie pour récupérer l'otage et barrant la route à toute possibilité de capturer ses ravisseurs. Il fallait, explique-t-on alors au père d'Ilan, "rester en contact", "gagner du temps", tout en s'assurant que l'otage était toujours vivant.
Une deuxième puis une troisième photo d'Ilan sont envoyées par e-mails. Les négociations progressent, mais dès qu'un accord est trouvé sur une somme, le groupe semble se désister et multiplie les errements. Plusieurs rendez-vous sont annulés ; d'autres sont proposés, mais leur caractère fantaisiste jette le trouble : une rencontre est ainsi réclamée "dans une demi-heure au KFC de Châtelet", puis place Clichy et enfin à Bruxelles…
A ce stade, la police gagne du temps et espère mettre la main sur un des membres du gang de ravisseurs grâce auquel elle pourrait alors remonter jusqu'à Ilan. Mais le groupe sème les enquêteurs. "Ils avaient beaucoup de mal à retracer les portables qui venaient soit de Côte d'Ivoire, soit passaient par des plates-formes étrangères, confirme Didier Halimi. C'est ainsi qu'ils ont mis en place un système de traçage des e-mails et renforcé leur surveillance des cybercafés de la capitale."
Cette surveillance porte ses fruits : grâce à une caméra présente dans un cybercafé, les policiers obtiennent une photo de Fofana, le visage caché derrière une écharpe. Ils sont à deux doigts de l'arrêter : une première fois à la sortie d'un café Internet de la rue Jean-Pierre-Timbaud, une seconde fois à Belleville, à Paris.
Malgré cette "accumulation de malchances", comme les qualifie Didier Halimi, les policiers de la crim' continuent d'espérer et le maintiennent en confiance : "On y arrivera, on n'a jamais eu de mort dans ce genre d'affaires", assuraient-ils.
De son côté, Didier Halimi continue de répondre quotidiennement aux coups de téléphone des ravisseurs. Mais les échanges ont à présent considérablement "dégénéré" : "On m'insultait, on me traitait de tous les noms. Puis ils menaçaient de s'en prendre à Ilan, de lui couper un doigt. Ensuite de le tuer." On lui raccroche parfois au nez. Ou alors c'est lui qui, exaspéré, ne veut plus parler. Seul répit : les week-ends, singulièrement pendant les matches de la Coupe d'Afrique des nations de football, les appels cessent, comme l'ont noté les enquêteurs.
A-t-il jugé, au vu du discours qui lui était tenu, que ses ravisseurs étaient antisémites ? "Je préfère que les gens jugent d'eux-mêmes", dit-il. Mais son sentiment personnel est que la judaïté d Ilan a certainement servi de déclencheur à la "barbarie" du groupe : "Ilan a été torturé, ils lui ont infligé des horreurs gratuitement. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient trop contents d'avoir entre les mains un petit juif'."




Nouveaux actes antisémites à Lyon
08/03/06




- - Thème: Antisémitisme

De nouveaux actes antisémites ont été commis les 6 et 7 mars derniers dans l'agglomération lyonnaise.
Dans un communiqué, le CRIF Rhône-Alpes a invité "au calme" la communauté juive et a exhorté les autorités "à prendre des mesures fortes", évoquant "une cascade de faits inquiétants depuis l'affaire Fofana", le chef présumé du "gang des barbares", soupçonné d'avoir enlevé, torturé et tué Ilan Halimi.
Lundi 6 mars à Lyon, un élève juif scolarisé dans une classe de 4ème du Collège Gilbert Dru a été agressé par quatre mineurs, qui ont été interpellés puis placés en garde à vue pour "violence en réunion et injures à caractère antisémite", nous a indiqué le CRIF Rhône-Alpes qui a précisé que l’enfant se rendait en cours lorsqu’il a été frappé à coups de pied au visage. D’après l’organisation, la scène a été filmée par l'un des agresseurs. La victime a reçu une incapacité totale de travail (ITT) de cinq jours mais est retournée en classe le lendemain. Certains des quatre agresseurs sont scolarisés dans le même établissement que la jeune victime, a indiqué la police. Le recteur de l'académie de Lyon, Alain Morvan, a dénoncé une agression "d'inspiration antisémite" et a ouvert une enquête administrative. Il a porté plainte, au même titre que la famille du garçon. Le Maire de la ville a exprimé sa vive émotion et a apporté son soutien à la famille, indique le Progrès.
Une série d’actes à caractère antisémite ont eu lieu à Villeurbanne. Une lettre anonyme de menaces a été reçue par la synagogue de la ville, évoquant un projet d'attentat à la voiture piégée. Dans la nuit du 6 au 7 mars, la caméra de surveillance d'une école talmudique a été brisée. Un homme a été interpellé par la police et placé en garde à vue.
Par ailleurs, des plaintes ont été déposées par des parents d'élèves d'un collège de Villeurbanne pour des rackets organisés contre des élèves juifs.




Des barbarismes à la barbarie, par Barbara Lefebvre
LE MONDE 07.03.06 13h51 • Mis à jour le 07.03.06 13h51

es tortionnaires d'Ilan Halimi, meneurs, rabatteuses, conseillers, exécutants, tous sont de jeunes Français d'origines diverses. Ils ont un point commun : s'être connus à l'école. Alors tournons-nous vers cette école de la République, lieu de transmission culturelle pour les uns, mais aussi terreau de la haine verbale pour tant d'autres.



La violence verbale est le lot quotidien des acteurs du monde éducatif, et notamment dans ce coeur fondamental de la sédimentation identitaire, le collège, où l'adolescent bataille avec la délicate question de l'intégration au groupe. C'est là que se forgent ces langages meurtriers, cette barbarie verbale du quotidien qui conduit certains - et pas les plus fragiles, au contraire - au passage à l'acte. Il faut vivre au quotidien ces laboratoires de la haine de l'Autre que sont devenus beaucoup de nos établissements scolaires - qu'il s'agisse de ZEP ou d'écoles de centre-ville. Pour que soient abolies les barrières morales empêchant le passage à l'acte meurtrier, il faut déshumaniser l'Autre. Cela commence par les mots. Ce langage de rejet et de haine est radical, il ne fait pas dans la nuance, il est ce "noyau de condensation redoutable où de furieuses énergies s'accumulent" (Jean-Pierre Faye).
La fille est une "pute", une "salope", une "tas-pé". Certains de ceux qui s'expriment de la sorte au quotidien sont des adolescents amateurs de films pornos et de chanteurs aux textes "engagés" d'une exquise poésie ; les mêmes prétendent par ailleurs veiller au respect de leur mère et soeurs. Un jour, un des leurs va plus loin en s'adressant à une adulte, son enseignante enceinte à qui il déclare "j'vais te lécher le... ça va te faire descendre ton enfant". Celui qui, en octobre 2002, a brûlé vive Sohane dans un local à poubelles parce qu'elle avait osé dire "non" a été applaudi par ses supporteurs lors de la reconstitution. Barbarismes et barbarie se rejoignent : les mots ont participé à réduire l'humain à une chose. Le jeune collégien qui découvre la différence de son identité sexuelle ne joue pas le jeu de la violence machiste adolescente, préfère la compagnie des filles à celle de ses congénères masculins, c'est le "pédé" harcelé, stigmatisé. Un jour de février 2004, Sébastien Nouchet est vitriolé au bas de son immeuble car les homosexuels sont des sous-hommes.
Inutile de s'étendre sur l'usage du mot "juif" dans les couloirs de nombre d'écoles depuis de nombreuses années. Il est une insulte en soi qui ne nécessite même pas de lui accoler d'adjectif dépréciatif. Cela expliquant que certains des acteurs éducatifs n'y voient pas d'antisémitisme : "C'est leur façon de parler, ils ne l'entendent pas dans le même sens que nous." C'est bien là tout le problème. Cette fracture linguistique qui s'aggrave n'a pas fini de venir tarauder nos sociétés. Il faut aussi savoir ce que subissent les "bons" élèves ou en tout cas ceux qui jouent le jeu de l'école. Un collégien d'origine chinoise, coréenne ou du sous-continent indien peut se voir traiter de "juif", ce qui signifie dans l'imaginaire antisémite traditionnel qu'il est hypocrite et joue double jeu pour s'en sortir.
Ne pas se dire en toute occasion victime des discriminations (sociales, religieuses, ethniques), décider que l'école est le seul moyen de réussir, bref, faire le pari de la modernité même si elle est "occidentale" : autant de raisons pour être stigmatisé par les petits tyrans peuplant les rangs des exclus du système. Ces "faibles" dont on n'a jamais voulu exiger le meilleur n'ont de fait qu'une obsession : la thune, à leurs yeux seul vecteur de reconnaissance sociale.
Bienvenue dans le ghetto scolaire fabriqué par nos élites progressistes, adeptes de la contre-culture, surtout quand elle ne vient pas se frotter de trop près à leurs enfants à l'abri dans des établissements prestigieux ou privés. Merci à l'angélisme pédagogique des chercheurs des années 1980 et autres sociologues qui ont contribué à ringardiser la fonction d'éduquer en expliquant que l'école est d'abord "un lieu de vie" où nous sommes tous, adultes comme élèves, des égaux. Bienvenue dans l'école de Babeuf !
Les barbarismes langagiers préparent le terrain conduisant aux crimes les plus barbares. La cristallisation opérée par la pression du groupe, la présence d'un meneur charismatique, l'inculture et une pincée d'idéologie faisant l'apologie de la violence au nom de valeurs transcendantes, et le tour est joué : le "gang des barbares" est prêt à mettre ses "idées" en pratique. Ignorer le terreau sur lequel pousse cette haine irréductible de l'Autre, c'est continuer de s'aveugler. Et qu'on ne vienne pas nous parler de communautarisme : cette barbarie-là nous interpelle tous. Ma fille n'est pas une jeune Française d'origine maghrébine vivant à Vitry, mon frère n'est pas homo, mon cousin n'est pas juif, ça ne me concerne pas. Pas encore...
A sa secrétaire, Hitler avait dit un jour : "La parole jette des ponts vers des horizons inconnus." Le mécanisme du Sprachregelung (les "règles de langage" dans le vocable nazi) qui permit d'encoder le crime et de maintenir l'ordre mental nécessaire à sa perpétration se prolonge quand une société tolère que sa jeunesse vive au quotidien, à l'école même, dans la barbarie verbale. Cette société n'est-elle pas ensuite hypocrite lorsqu'elle s'indigne de compter des barbares dans ses rangs ?
Enseignante, Barbara Lefebvre est l'auteur avec Eve Bonnivard d'Elèves sous influence (Audibert, 2005).



« S’en prendre seul ou en bande à quelqu’un sous prétexte qu’il est ‘feuj’ et aura les ‘moyens de payer’ est un acte d’antisémitisme caractérisé », écrit le Canard enchaîné à propos de la recrudescence des actes antisémites et de la frilosité à dénoncer ces actes comme tel. « De même, deux et peut-être trois des agressions dont on été victimes, vendredi dernier, à Sarcelles, trois Juifs sont clairement antisémites » ajoute l’hebdomadaire en précisant « que les trois adolescents de 15, 16 et 17 ans soupçonnés de l’un de ces agressions semblent ne pas avoir conscience de la gravité des faits n’excuse en rien le caractère antisémite ».
Le Canard enchaîné continue en notant : « Répéter qu’on fait moins de bruit quand un Arabe se fait tabasser ou tuer n’enlève rien à l’abjection des faits. Ce n’est certainement pas en masquant un vrai problème par un autre et en hiérarchisant les victimes dans une concurrence imbécile que l’on fera cesser ce genre d’agressions. »

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