il ne manque plus que le reproche du 11 septembre à l'encontre d'Israël
Une étude américaine critique la politique pro-israélienne des Etats-Unis
LE MONDE 23.03.06 14h29 • Mis à jour le 26.03.06 08h35 WASHINGTON CORRESPONDANTE
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ans un essai intitulé Le lobby israélien et la politique étrangère des Etats-Unis, les professeurs Stephen Walt, directeur des études à la Kennedy School de l'université Harvard, et John Mearsheimer, professeur de sciences politiques à l'université de Chicago, estiment que les Etats-Unis confondent trop souvent leur intérêt national avec celui de l'Etat juif au risque de "compromettre leur sécurité". Ils incriminent l'action du "lobby pro-israélien", un groupe qu'ils définissent comme composé d'individus et d'organisations qui "travaillent activement" en vue d'influencer la diplomatie américaine. "D'autres groupes d'intérêt ont réussi à tirer la politique étrangère américaine dans le sens qu'ils souhaitaient, mais aucun n'a réussi à l'emmener aussi loin de ce que l'intérêt national américain recommanderait, tout en réussissant à convaincre les Américains que les intérêts des Etats-Unis et d'Israël sont à peu près identiques", écrivent les deux chercheurs.
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Ce texte de 83 pages, placé sur le site Internet d'Harvard dans la série des "documents de travail", n'a pas été retiré du site malgré les protestations des associations pro-israéliennes ; toutefois l'université a fait ajouter un paragraphe sur la page de garde indiquant qu'il n'engage que ses auteurs.
La thèse prend le contre-pied du raisonnement habituel aux Etats-Unis, selon lequel la menace terroriste a rapproché Israël et l'Amérique. Pour les deux universitaires, qui comptent parmi les animateurs de l'école "réaliste" en matière de politique internationale, si les Etats-Unis ont un problème de terrorisme, c'est "en bonne partie parce qu'ils sont alliés à Israël, non pas l'inverse". De même, les Etats-Unis "n'auraient pas à s'inquiéter autant" de la menace irakienne ou syrienne, s'il n'en allait de la sécurité d'Israël. Un Iran nucléarisé ne serait pas un tel "désastre stratégique", le régime de Téhéran sachant qu'il s'expose à une riposte foudroyante.
Depuis la fin de la guerre froide, estiment les chercheurs, Israël n'apparaît plus comme "un atout stratégique" aidant à contenir l'expansion soviétique dans la région, mais comme un "fardeau". Pour les deux professeurs, qui étaient opposés à la guerre en Irak, le lobby a été, avec le gouvernement israélien, non pas l'unique facteur, mais "un élément critique" dans la décision de renverser le régime de Saddam Hussein.
"OPÉRATIONS D'ESPIONNAGE"
Les auteurs rappellent qu'Israël est le premier bénéficiaire d'aide économique et militaire des Etats-Unis, avec l'Egypte (environ 500 dollars par habitants par an), alors que son revenu par personne est équivalent à celui de l'Espagne ou de la Corée du Sud. Israël reçoit la somme en un seul versement, contrairement aux autres pays, ce qui lui permet de la placer et de toucher des intérêts. Les autres pays sont pour la plupart tenus de se fournir en équipements militaires auprès des Etats-Unis, ce qui n'est pas le cas d'Israël, qui fait vivre son industrie militaire.
L'Etat juif ne se comporte pas pour autant en "allié loyal", accusent MM. Walt et Mearsheimer. Il a livré de la technologie sensible à la Chine. Les auteurs citent aussi un rapport de l'organisme budgétaire du Congrès (GAO), selon lequel Israël "se livre aux opérations d'espionnage les plus agressives contre les Etats-Unis, parmi tous les alliés".
Deux membres de la principale organisation de lobbying, l'Aipac (American Israel Public Affairs Committee), qui se définit elle-même comme "le lobby de l'Amérique pro-israélienne", sont poursuivis pour avoir livré des informations confidentielles sur l'Iran obtenues de l'analyste du Pentagone Larry Franklin. Larry Franklin a été condamné, en janvier, à près de treize ans de prison.
Dès parution, le texte a suscité des critiques virulentes, notamment sur la partie où il met en cause les cercles de réflexion et la presse pour leur partialité en faveur d'Israël. M. Mearsheimer a indiqué au Monde qu'aucune publication américaine n'a accepté de le diffuser.
Les deux chercheurs ont commencé leurs travaux en 2002 après avoir été frappés par la manière dont Ariel Sharon avait ignoré les demandes du président Bush de surseoir à la reprise de contrôle des villes de Cisjordanie, alors qu'une telle opération nuisait à l'image des Etats-Unis dans le monde arabe. "Notre ambition est de faire en sorte que les Etats-Unis suivent une politique qui sert l'intérêt national américain, dit-il. Nous ne pensons pas que la guerre en Irak correspondait à cet intérêt. Il nous a paru clair que cette politique était conduite pour une bonne part par le lobby israélien. Cela nous a paru de bon sens d'écrire là-dessus et d'ouvrir le débat."
Corine Lesnes
Article paru dans l'édition du 24.03.06
LE MONDE 23.03.06 14h29 • Mis à jour le 26.03.06 08h35 WASHINGTON CORRESPONDANTE
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La thèse prend le contre-pied du raisonnement habituel aux Etats-Unis, selon lequel la menace terroriste a rapproché Israël et l'Amérique. Pour les deux universitaires, qui comptent parmi les animateurs de l'école "réaliste" en matière de politique internationale, si les Etats-Unis ont un problème de terrorisme, c'est "en bonne partie parce qu'ils sont alliés à Israël, non pas l'inverse". De même, les Etats-Unis "n'auraient pas à s'inquiéter autant" de la menace irakienne ou syrienne, s'il n'en allait de la sécurité d'Israël. Un Iran nucléarisé ne serait pas un tel "désastre stratégique", le régime de Téhéran sachant qu'il s'expose à une riposte foudroyante.
Depuis la fin de la guerre froide, estiment les chercheurs, Israël n'apparaît plus comme "un atout stratégique" aidant à contenir l'expansion soviétique dans la région, mais comme un "fardeau". Pour les deux professeurs, qui étaient opposés à la guerre en Irak, le lobby a été, avec le gouvernement israélien, non pas l'unique facteur, mais "un élément critique" dans la décision de renverser le régime de Saddam Hussein.
"OPÉRATIONS D'ESPIONNAGE"
Les auteurs rappellent qu'Israël est le premier bénéficiaire d'aide économique et militaire des Etats-Unis, avec l'Egypte (environ 500 dollars par habitants par an), alors que son revenu par personne est équivalent à celui de l'Espagne ou de la Corée du Sud. Israël reçoit la somme en un seul versement, contrairement aux autres pays, ce qui lui permet de la placer et de toucher des intérêts. Les autres pays sont pour la plupart tenus de se fournir en équipements militaires auprès des Etats-Unis, ce qui n'est pas le cas d'Israël, qui fait vivre son industrie militaire.
L'Etat juif ne se comporte pas pour autant en "allié loyal", accusent MM. Walt et Mearsheimer. Il a livré de la technologie sensible à la Chine. Les auteurs citent aussi un rapport de l'organisme budgétaire du Congrès (GAO), selon lequel Israël "se livre aux opérations d'espionnage les plus agressives contre les Etats-Unis, parmi tous les alliés".
Deux membres de la principale organisation de lobbying, l'Aipac (American Israel Public Affairs Committee), qui se définit elle-même comme "le lobby de l'Amérique pro-israélienne", sont poursuivis pour avoir livré des informations confidentielles sur l'Iran obtenues de l'analyste du Pentagone Larry Franklin. Larry Franklin a été condamné, en janvier, à près de treize ans de prison.
Dès parution, le texte a suscité des critiques virulentes, notamment sur la partie où il met en cause les cercles de réflexion et la presse pour leur partialité en faveur d'Israël. M. Mearsheimer a indiqué au Monde qu'aucune publication américaine n'a accepté de le diffuser.
Les deux chercheurs ont commencé leurs travaux en 2002 après avoir été frappés par la manière dont Ariel Sharon avait ignoré les demandes du président Bush de surseoir à la reprise de contrôle des villes de Cisjordanie, alors qu'une telle opération nuisait à l'image des Etats-Unis dans le monde arabe. "Notre ambition est de faire en sorte que les Etats-Unis suivent une politique qui sert l'intérêt national américain, dit-il. Nous ne pensons pas que la guerre en Irak correspondait à cet intérêt. Il nous a paru clair que cette politique était conduite pour une bonne part par le lobby israélien. Cela nous a paru de bon sens d'écrire là-dessus et d'ouvrir le débat."
Corine Lesnes
Article paru dans l'édition du 24.03.06
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