Friday, September 15, 2006

UN LIVRE SUR LE GRAND RABBIN KAPLAN


Critique
Un rabbin d'avant le communautarisme
LE MONDE 12.09.06 16h16 • Mis à jour le 12.09.06 16h16
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acob Kaplan a été grand rabbin de France de 1955 à 1980. Haïm Korsia, aumônier général israélite de l'armée de l'air, consacre une biographie en forme d'hommage à cet enfant de la République, qui a illustré, à travers les périodes les plus noires du XXe siècle, toute la grandeur du judaïsme français. L'auteur ne cherche pas à occulter les quelques reproches qui ont été adressés au rabbin Kaplan. Ainsi des sympathies qu'on lui a prêtées pour le mouvement nationaliste des Croix-de-Feu. Ancien combattant de la guerre 1914-1918, Jacob Kaplan a pu éprouver une sympathie pour l'organisation du colonel François de La Rocque. Selon l'auteur, "par la proximité affichée, il (a voulu) rappeler la fraternité de ceux qui ont combattu ensemble". A partir de 1936, le rabbin prend ses distances avec les Croix-de-Feu.
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Sous l'Occupation, Jacob Kaplan choisit de maintenir une présence religieuse juive à Lyon, en dépit des menaces et des risques d'arrestation. Nommé grand rabbin de France par intérim en janvier 1944, il échappera de peu à la déportation au mois d'août de la même année.
Le rabbin Kaplan donne toute la mesure de son sens diplomatique en trouvant une solution à l'affaire Finaly, alternant la négociation et la pression. Grâce à son action, les deux enfants, baptisés sous l'Occupation et kidnappés par une dame catholique avec le soutien du clergé, sont finalement rendus à leur famille en juin 1953. Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) voit le jour à la fin de la guerre. Il rassemble "les trois composantes principales de la communauté juive : les sionistes, les communistes, le consistoire", explique l'auteur. Cependant, pour longtemps encore, aux yeux de l'Etat, le représentant légitime de la communauté reste le grand rabbin de France. C'est ce que rappelle Jacob Kaplan dans un texte de 1970 : "Le rabbin est le représentant de la communauté auprès des pouvoirs publics." Nul ne taxe, à l'époque, cet état de fait de "communautarisme"...
Le rabbin Kaplan accompagne en douceur la transformation du franco-judaïsme vers une autre façon d'être juif : plus identitaire, plus religieuse et, dans une certaine mesure, plus communautaire. Une évolution accentuée dans les années 1960 avec l'arrivée des juifs d'Afrique du Nord. En 1953, le Consistoire débat d'une question de terminologie lourde de sens. Faut-il remplacer, dans les documents officiels, le mot "israélite" par celui de "juif", sachant que ce dernier a été utilisé par Vichy ? Pour sa part, Jacob Kaplan ne voit pas d'inconvénient à l'usage du mot "juif". Très tôt, il s'est engagé en faveur du sionisme et n'aura de cesse de combattre l'accusation de "double allégeance" portée contre la communauté juive. Il tente de réaliser une synthèse entre patriotisme français et attachement à Israël, citant le philosophe juif de l'Antiquité Philon d'Alexandrie, pour qui il n'y a pas contradiction chez l'enfant entre l'amour pour son père et l'amour pour sa mère. Ce combat atteint un point crucial en 1967, lorsque de Gaulle décrète l'embargo des armes vers Israël et lance sa fameuse formule sur le "peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur". A l'occasion des voeux de Nouvel An, en janvier 1968, le Général et le rabbin Kaplan ont une explication franche au sujet de cette phrase, de Gaulle affirmant qu'elle a été mal interprétée.
A travers l'éloge du rabbin Kaplan, on peut lire en filigrane une critique de l'évolution actuelle du rabbinat français. Celui-ci enfermerait la communauté dans "une bulle juive", notamment à travers l'essor des écoles confessionnelles. Autre exemple de ce repli, selon l'auteur : Jacob Kaplan n'avait aucune difficulté à entrer dans une église, chose à laquelle se refusent aujourd'hui beaucoup de rabbins consistoriaux. Jacob Kaplan a posé les bases d'un "néo-franco-judaïsme" dont le grand rabbinat tendrait à s'éloigner.
ÊTRE JUIF ET FRANÇAIS, JACOB KAPLAN, LE RABBIN DE LA RÉPUBLIQUE de Haïm Korsia. Préface de Jacques Chirac, éd. Privé, 414 pages, 21 €.
Xavier Ternisien
Article paru dans l'édition du 13.09.06

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