HAARETZ, DRAY, LE CRIF et SEGOLENE ROYAL
Echos tardifs d'un incident "diplomatique" franco-français " upjf.org - M. Brzustowskidimanche 14 janvier 2007 - 23:38
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Le commentaire ci-après constitue une réaction tant à l’article de Daniel Ben Simon, mis en ligne sur notre site, qu’à l’utilisation machiavélique qui en a été faite par des sites pro-palestiniens. Nous savons gré à M. Brzustowski d’avoir contribué à éclairer l’arrière-plan militant et propagandiste d'ennemis politiques qui font flèche de tout bois, pourvu que les traits qu’ils lancent nuisent à la réputation de l’Etat des Juifs. (Menahem Macina).
Voir : Daniel Ben Simon, "Une rebuffade du CRIF par le camp de Ségolène Royal".
Menahem Macina s'excusait presque du compte-rendu tardif d'un incident de campagne survenu autour de la candidate Royal, durant son passage au King David de Jérusalem. On avait entendu parler du refus de celle-ci de saluer Françoise de Panafieu, VIP postulant au poste envié de Maire de Paris. On avait ignoré la "rebuffade" dont un envoyé du CRIF avait été l'objet de la part de Julien Dray. Pourtant, l'expression à son encontre, relatée dans Haaretz par le journaliste Daniel Ben Simon, était pour le moins choquante:
"Vous allez payer très cher votre racolage unilatéral", se mit-il à hurler. "Ségolène sera président(e) ( ?), et vous allez devoir vous mettre à genoux, quand vous souhaiterez qu’elle vous reçoive !"
Le webmaster d'UPJF.org soulignait que cet article d'un journal israélien situé à gauche avait d'abord fait le tour de tous les sites de la blogosphère hostile à Israël. Il n'est peut-être pas anecdotique de revenir sur les péripéties de ce parcours et sur la thèse qui sous-tend l'exploitation de ce papier.
On se souviendra, en préambule, de l'avertissement de Michel Gurfinkiel, dans un article de valeurs actuelles de la fin 2005, consacré aux affres de la traduction des propos d'Alain Finkielkraut, le 18 novembre de la même année [1]. Il mettait en garde sur les affinités entre Mishani (l'interviewer), Cypel (celui qui livre les "bons morceaux" tirés de leur contexte dans "Le Monde") et Warschawski (le traducteur, également membre éminent de l'ultra-gauche antisioniste du Gush Shalom) :
"On est en effet contraint, à ce point, de s’interroger sur les liens qui existent, ou pourraient exister entre les divers protagonistes. Haaretz et Le Monde sont associés au sein d’un réseau international de presse, nettement orienté à gauche, où figurent également le journal italien La Repubblica, ou le quotidien anglais, The Guardian. Cela implique que certains textes sont publiés en commun. Et que certaines campagnes d’opinion puissent se propager d’un pays à l’autre."
Dans cette seconde affaire, qui a fait moins de bruit, est-on pris dans la tourmente d'une orientation similaire?
A l'aune des remarques de Michel Gurfinkiel, il devient compréhensible qu'une certaine extrême gauche altermondialiste et palestinophile fasse preuve d’une vigilance accrue envers un journal israélien qui ne manque pas, délibérément ou involontairement, d'alimenter sa chronique de façon aussi "juteuse". C'est sans doute ce qui nous permettrait de mettre hors de cause les "intentions" du chroniqueur, Daniel Ben Simon, entraîné par la ligne éditoriale de son journal, au risque de participer, sans l'avoir voulu, à l'épisode d'une campagne qui dépasse largement les aléas de cette visite préélectorale. Au contraire, Ben Simon s’est trouvé fustigé, quelque temps plus tôt (le 28 novembre 2006), dans les petits papiers que l'Union Juive Française pour la Paix destine en particulier à l'over-blog de Mme Royal ["Le silence de Royal énerve les journalistes israéliens"].
Il y est dépeint comme le journaliste chargé des affaires hexagonales, qui déplore l'ostracisme dont le CRIF est ostensiblement la cible de la part des cercles rapprochés de la candidate du PS. Il serait alors intéressant de se demander si l'article suivant de Ben Simon, daté du 6 décembre, vient seulement confirmer la position assez inconfortable dans laquelle se serait mise la direction du CRIF, en ne prenant pas très au sérieux la candidature en question. C'est du moins ce que peut encore laisser entendre l'incise suivante de Ben Simon :
"Quand Ségolène battit à plate couture les mecs de son camp, dès le premier tour [des primaires du PS], les responsables du CRIF prirent conscience qu’ils avaient misé sur le mauvais cheval."
On peut aller jusqu'à imaginer qu'avant les Primaires, le CRIF avait parié sur des personnages en vue, puis s'en était ultérieurement "mordu les doigts". On pensera évidemment à Dominique Strauss-Kahn, élu à Créteil, présent avec son épouse à plusieurs rendez-vous importants mobilisant la Communauté juive contre les vagues antisémites en France. Le CRIF, jusque-là, n'est pas à ce point hostile au PS en tant que tel et caracolant pour le candidat unique Sarkozy. Simplement, il hésite à "courtiser" des milieux ou courants, au sein de ce PS dont il n'a pas "l'oreille".
Hormis l’allégeance supposée à Sarkozy, à l'intérieur même du PS, il existait d'autres options plus favorables à une reprise de entre la gauche et le CRIF. L'affaire, à l'origine concernerait le choix des personnes, des courants, bien plus qu'un parti dans son ensemble.
Pourquoi l'article de Ben Simon intéresse-t-il autant l'altermondialisme ? Et d'abord qui est ce Marcel Charbonnier, fidèle traducteur qui en autorise la publication de manière aussi précoce ?
Membre du Réseau Voltaire, démarqué comme Club conspirationniste (Affaire Meyssan), où il publie des comptes-rendus sur le dernier ouvrage de Jimmy Carter, sur Noam Chomsky, ou les discours de Nasrallah, il est aussi responsable, avec Pierre-Alexandre Orsini, du "Point Information Palestine". Pour cette officine, il est à l'origine du scandale qui suivit sa traduction de l'antisémite Israël Shamir et de son brûlot : "Les oreilles de Midas".
Nota : Le texte ainsi mis en cause, apprend-on, est une traduction d’un article signé Israël Shamir et intitulé « Les oreilles de Midas », où, dit Libération, il soutient « que la 'juiverie organisée' serait responsable de la guerre en Irak, comme elle l’était, selon lui, de la seconde guerre mondiale » [2]. Libération ajoute que cet article, dont la traduction française a été effectuée par Marcel Charbonnier, a été diffusé « par l’AMFP dans la lettre qu’elle distribue, via e-mail, à plus de 6 800 destinataires » […] Pourtant, Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier, les deux responsables de Point d’information Palestine, le bulletin diffusé sur internet par les militants pro-palestiniens marseillais, ne regrettent pas d’avoir traduit et publié ce texte. Au contraire, ces deux hommes, décrits comme « plutôt franchement de gauche », sont furieux d’avoir été désavoués par l’AFPS […] Le plus étonnant, dans l’affaire, est le temps qu’il a fallu aux pro-palestiniens français pour découvrir la nature antisémite des textes signés Israël Shamir. Une trentaine de ces textes, traduits le plus souvent par le fidèle Marcel Charbonnier, enrichissent, de longue date, les sommaires des bulletins pro-palestiniens — mais aussi des publications d’extrême droite (comme le bulletin Faits & Documents, d’Emmanuel Ratier) et négationnistes (comme l’Aaargh et La gazette du Golfe et des banlieues, de Serge Thion). Personne ne s’était avisé de leur contenu.
(Extrait de : « Notre ami Israël Shamir », par Henri Pasternak, L'Arche, n° 543, mai 2003.)
Marcel Charbonnier est encore le correspondant d'un réseau de traducteurs altermondialistes en lutte contre le "Lobby Sioniste mondial" :
(dont l’espagnol tlaxcala http://www.tlaxcala.es/section.asp?section=4&lg=fr et petras la haine, le site de James Petras. http://petras.lahaine.org/articulo.php?special=1683
D’où cette petite perle, que l'on doit à James Petras, dans un article en date du 28 septembre 2006 (soit 8 jours avant la publication de l'article de Ben Simon), traduit par Marcel Charbonnier et révisé par Fausto Giudice, et qui s’intitule "Peut-on tenir tête à la puissance du lobby juif ? – Bien sûr, voici ce qu’il est possible de faire". http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1258&lg=fr, sous-titré : "Un plan d’action en 18 points".
On comprend donc, dans le droit fil de ce parcours pour le moins "militant", l'usage tout sucre et tout miel, que compte faire Marcel Charbonnier d'un article de Ben Simon, qui n'en demandait sans doute pas tant, à peine 8 jours après la promulgation de ce "programme-cadre". C'est qu'il vient à point nommé confirmer le projet de guerre mondiale contre les Juifs, au service duquel il s'est mis depuis longtemps : mettre à bas le "Lobby Juif" partout où il exerce sa "néfaste" influence.
Ainsi, dans ces gazettes, c'est la thèse de Ben Simon qui apparaît "A snub from Segolene Royal" avec, un sous-titre qui ne figure pas dans l’originale : "Pour agir comme l'AIPAC, le CRIF en paye le prix" [3].
Quelles conclusions provisoires tirer, sans tomber dans les pièges tendus par ce type de réseaux ? Simplement que Daniel Ben Simon ne prend nullement en compte le type d'utilisation ultérieure qui pourrait être faite de son article brocardeur, qui, pourtant, ne recèle pas particulièrement d'inimitié à l'encontre des Juifs de France et de leurs représentants. Tout au plus, se moque-t-il de la "maladresses" de leurs initiatives. Mais il y commet incidemment une faute d'analyse qui cautionne ces courants.
D'abord, il a parfaitement raison de mettre en lumière l'incident en lui-même :
Julien Dray, s'il a tenu ces propos, se comporterait en Juif de Cour qui veut mettre ses "coreligionnaires" (de près ou de loin, mais qui, espérons-le, sauront s'en souvenir) "à genoux" (sic). Le radicalisme de la "proposition" faite aux Juifs d'entrer en dhimmitude à l'égard de Mme Royal est choquant, dans le sens où la candidate et ses sites feraient, en contrepartie, la part belle à des courants connus comme antisionistes (UJFP), ou s'entourerait de responsables de campagne, tel J.-L. Bianco, favorable à la reconnaissance du Hamas par l'Europe, au motif qu'il s'agit d'un "parti légitimement élu" par le peuple palestinien [4].
Sur la base de telles postures affichées, on pourrait admettre, en dehors de toute attitude partisane ou "lobbyiste", que les représentants des Juifs de France, renâclent, un temps, à monter à bord de la locomotive du PS. On se souvient que S. Royal annonçait, avant même son arrivée au Proche-Orient, "vouloir dialoguer avec tous, y compris - pourquoi pas ? - avec le Hamas". Là, on entend d'où vient le vent parmi ses proches. L'affaire de l'entrevue avec le représentant du Hezbollah à Beyrouth fera suffisamment de bruit, ensuite, pour l'en dissuader. Cependant, il n'est pas question de mettre ce pro-palestinisme radical sous le boisseau. Ainsi, la conseillère de presse de la Maison Royal confiera au même Daniel Ben Simon le "choc" vécu par la candidate, à Gaza :
"Ben Simon interroge Agnès Longville, la conseillère de presse de Ségolène Royal qui affirme que la candidate a été très choquée par son passage à Gaza : « Abou Mazen n’a pas eu besoin de parler beaucoup pour qu’elle comprenne. C’était terrible, affirme-t-elle. Ces images de déshumanisation, comme si elles étaient tirés des livres de Primo Levi »".-
(Source: CJE PRESSE).
La cohérence de la ligne "Israël = Etat Nazi" est donc parfaitement maintenue, lors même du passage de la candidate à Gaza. Daniel Ben Simon ne l'ignore pas, puisqu'il en est le confident privilégié.
Loin de voir un lien entre ces différents propos, qui expliqueraient pour le moins les réticences du CRIF, ou qui que ce soit d’autre, il se lance dans une comparaison disproportionnée en s'en prenant au "lobbying" du CRIF, qui serait une espèce de jumeau de l'AIPAC américain. Et il poursuit, sur la foi de cette candidature désormais unique, un travail de sape, qui prend acte de la coupure des ponts entre des instances qui faisaient traditionnellement office de "passerelles", "au-dessus des partis", et une candidate qui, à l'avenir, refusera de leur prêter l’oreille qu'elle réserve "à tous les Français", à l’exception d’un certain nombre de Juifs, dont on attend maintenant qu'ils "se mettent à genoux". Or, ce ralliement éventuel de l'ultra-gauche à la candidate n'est pas "ultérieur" aux déboires du CRIF, mais l'accompagne tout au long de son parcours.
Quant à la réaction prévisible des musulmans de France, telle qu'elle est imputée, à tort, à ce "lobby sarkozyste" (dont ceux qui s'en réclameraient auraient d'abord trouvé derrière ce ministre une efficacité de réponse, perdue sous la gauche, du temps de son prédécesseur, Vaillant), elle ne viendrait qu'amplifier, sous commandite de ces mêmes officines, engagées de longue date, le phénomène dit "communautariste", à propos duquel il faudrait veiller à ne pas, non plus, court-circuiter l'analyse. On nage, au contraire, en plein raisonnement tautologique.
Quoi que l'on pense du manque d'engagement du CRIF, qui, en aucun cas n'est un parti politique, ni la courroie de transmission d'un parti, on aura les désaccords que l’on veut avoir avec cette "ligne officielle" qui est un jeu constant d'équilibre.
Il est évident que faire du CRIF un équivalent de l'AIPAC aux Etats-Unis, est exagéré. Le soutien à Israël du CRIF est également "à géométrie variable" lorsque les intérêts supposés de la France ou de la communauté juive de France sont en jeu : un exemple classique de ce genre de polémique fut le discours de Sharon devant des représentants Juifs américains, justement, qui invitait les Juifs de France à émigrer immédiatement en Israël, en évoquant la menace de 10 millions d'immigrés musulmans.
Le CRIF surfe sur les accusations de lobbyisme, qui sont, en France, un moyen de diaboliser le "complot juif", alors que cette "advocacy" - art du plaidoyer et de la promotion d'une cause - est très répandue outre-Atlantique, dont l'histoire n'est pas entachée par les vagues successives d'antisémitisme.
Cet article de Haaretz schématise les choses outre mesure, jusqu’à la caricature, et c’est en ce sent qu’il constitue une faute professionnelle, puisqu'il sert l'exploitation des tensions intercommunautaires en France.
De plus il apporte un renfort utile aux thèses conspirationnistes antisémites qui ont cours dans l'ultra-gauche altermondialiste, fief de Marcel Charbonnier, traducteur, entre autres sinistres gloires, d'Israël Shamir.
Au-delà de l'incident, des affinités tendancieuses se font jour, qui tendent à relier une extrême gauche anti-israélienne au camp Royal, avec la participation, involontaire ou non, de la presse israélienne, orientée et déjà impliquée dans de précédents "pièges" tendus à ceux qui seraient stigmatisés en France comme les "représentants" des "néo-conservateurs", Alain Finkielkraut, à l'époque [5].
Il convient de se demander qui cet article séduit en premier lieu et pourquoi. Doit-on estimer les propos de l'auteur ou analyser son article à l'aune de sa réception par un certain auditoire, le premier qui s'en saisit ? Sûrement pas, mais c'est au moins un indice qu'il doit bien y avoir là de quoi se repaître. C'est donc qu'il est potentiellement péjoratif, sans être réellement "stigmatisant", qu'il démarque une "sarkozysation des esprits" et désigne un ennemi à la gauche : les Juifs, au moins les plus "lobbyistes" d'entre eux.
Thèmes qui attirent l'oeil : le lobbying et les Juifs (incidemment) de France, voulant se faire plus gros que le boeuf et équivalents de l'AIPAC, amalgamés par leurs représentants en un seul bloc, "les voilà pris à leur propre jeu" (puisqu'un journaliste israélien nous le confirme), 'refoulables' à merci par d'autres Juifs prévus à cet effet (Dray). Le CRIF ne devrait plus être considéré comme "représentatif" d'une gamme de sensibilités parcourant le peuple juif de France, mais comme une vague courroie de transmission, dans la logique des conspirationnistes. Ses tendances internes n'exprimeraient pas des sentiments ni des opinions majoritairement vécus à un moment donné et pour des raisons objectives (insécurité antisémite grandissante entre 2000 et 2002), mais seraient des commandes plaquées et des opinions insufflées, faisant le jeu d'un candidat atlantiste et d'un Etat juif à mettre au ban des nations, etc.
A tout le moins, Ben Simon aura manqué au principe de précaution.
Ou quand un Juif (Israélien) tance sans nuances d'autres Juifs (français) sans tenir compte ni de la situation, ni du sentiment du "représenté" au moment du "lâchage" par la gauche gouvernementale de l'époque 2000-2002 (et pas seulement des préférences supposées du "représentant" en 2006), ni des enjeux réels pour ses coreligionnaires, ni des interactions et refontes que cela pourra donner...
© Marc Brzustowski
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Notes de la Rédaction d’upjf.org
[1] Voir : Michel Gurfinkiel, "La liberté de penser est-elle menacée ? [A propos de A. Finkielkraut]".
[2] Voir Henri Pasternak ; « Notre ami Israël Shamir », L'Arche, n° 543, mai 2003 ; et Pierre-André Taguieff, "Entre la « guerre juive » et le « complot américano-sioniste »", L'Arche, n° 543, mai 2003.
[3] Voir, entre autres, sur segoleneroyal.over-blog.com. http://segoleneroyal.over-blog.com/categorie-621565.html Passons pieusement sur le piteux français de la remarque, qui eût dû s’énoncer : "Le CRIF a voulu agir comme l'AIPAC : il en paye le prix".
[4] Lire : L.S.A. Oulahbib, "Jean-Louis Bianco est un homme dangereux".
[5] Voir note [1] ci-dessus.
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Mis en ligne le 14 janvier 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org
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Le commentaire ci-après constitue une réaction tant à l’article de Daniel Ben Simon, mis en ligne sur notre site, qu’à l’utilisation machiavélique qui en a été faite par des sites pro-palestiniens. Nous savons gré à M. Brzustowski d’avoir contribué à éclairer l’arrière-plan militant et propagandiste d'ennemis politiques qui font flèche de tout bois, pourvu que les traits qu’ils lancent nuisent à la réputation de l’Etat des Juifs. (Menahem Macina).
Voir : Daniel Ben Simon, "Une rebuffade du CRIF par le camp de Ségolène Royal".
Menahem Macina s'excusait presque du compte-rendu tardif d'un incident de campagne survenu autour de la candidate Royal, durant son passage au King David de Jérusalem. On avait entendu parler du refus de celle-ci de saluer Françoise de Panafieu, VIP postulant au poste envié de Maire de Paris. On avait ignoré la "rebuffade" dont un envoyé du CRIF avait été l'objet de la part de Julien Dray. Pourtant, l'expression à son encontre, relatée dans Haaretz par le journaliste Daniel Ben Simon, était pour le moins choquante:
"Vous allez payer très cher votre racolage unilatéral", se mit-il à hurler. "Ségolène sera président(e) ( ?), et vous allez devoir vous mettre à genoux, quand vous souhaiterez qu’elle vous reçoive !"
Le webmaster d'UPJF.org soulignait que cet article d'un journal israélien situé à gauche avait d'abord fait le tour de tous les sites de la blogosphère hostile à Israël. Il n'est peut-être pas anecdotique de revenir sur les péripéties de ce parcours et sur la thèse qui sous-tend l'exploitation de ce papier.
On se souviendra, en préambule, de l'avertissement de Michel Gurfinkiel, dans un article de valeurs actuelles de la fin 2005, consacré aux affres de la traduction des propos d'Alain Finkielkraut, le 18 novembre de la même année [1]. Il mettait en garde sur les affinités entre Mishani (l'interviewer), Cypel (celui qui livre les "bons morceaux" tirés de leur contexte dans "Le Monde") et Warschawski (le traducteur, également membre éminent de l'ultra-gauche antisioniste du Gush Shalom) :
"On est en effet contraint, à ce point, de s’interroger sur les liens qui existent, ou pourraient exister entre les divers protagonistes. Haaretz et Le Monde sont associés au sein d’un réseau international de presse, nettement orienté à gauche, où figurent également le journal italien La Repubblica, ou le quotidien anglais, The Guardian. Cela implique que certains textes sont publiés en commun. Et que certaines campagnes d’opinion puissent se propager d’un pays à l’autre."
Dans cette seconde affaire, qui a fait moins de bruit, est-on pris dans la tourmente d'une orientation similaire?
A l'aune des remarques de Michel Gurfinkiel, il devient compréhensible qu'une certaine extrême gauche altermondialiste et palestinophile fasse preuve d’une vigilance accrue envers un journal israélien qui ne manque pas, délibérément ou involontairement, d'alimenter sa chronique de façon aussi "juteuse". C'est sans doute ce qui nous permettrait de mettre hors de cause les "intentions" du chroniqueur, Daniel Ben Simon, entraîné par la ligne éditoriale de son journal, au risque de participer, sans l'avoir voulu, à l'épisode d'une campagne qui dépasse largement les aléas de cette visite préélectorale. Au contraire, Ben Simon s’est trouvé fustigé, quelque temps plus tôt (le 28 novembre 2006), dans les petits papiers que l'Union Juive Française pour la Paix destine en particulier à l'over-blog de Mme Royal ["Le silence de Royal énerve les journalistes israéliens"].
Il y est dépeint comme le journaliste chargé des affaires hexagonales, qui déplore l'ostracisme dont le CRIF est ostensiblement la cible de la part des cercles rapprochés de la candidate du PS. Il serait alors intéressant de se demander si l'article suivant de Ben Simon, daté du 6 décembre, vient seulement confirmer la position assez inconfortable dans laquelle se serait mise la direction du CRIF, en ne prenant pas très au sérieux la candidature en question. C'est du moins ce que peut encore laisser entendre l'incise suivante de Ben Simon :
"Quand Ségolène battit à plate couture les mecs de son camp, dès le premier tour [des primaires du PS], les responsables du CRIF prirent conscience qu’ils avaient misé sur le mauvais cheval."
On peut aller jusqu'à imaginer qu'avant les Primaires, le CRIF avait parié sur des personnages en vue, puis s'en était ultérieurement "mordu les doigts". On pensera évidemment à Dominique Strauss-Kahn, élu à Créteil, présent avec son épouse à plusieurs rendez-vous importants mobilisant la Communauté juive contre les vagues antisémites en France. Le CRIF, jusque-là, n'est pas à ce point hostile au PS en tant que tel et caracolant pour le candidat unique Sarkozy. Simplement, il hésite à "courtiser" des milieux ou courants, au sein de ce PS dont il n'a pas "l'oreille".
Hormis l’allégeance supposée à Sarkozy, à l'intérieur même du PS, il existait d'autres options plus favorables à une reprise de entre la gauche et le CRIF. L'affaire, à l'origine concernerait le choix des personnes, des courants, bien plus qu'un parti dans son ensemble.
Pourquoi l'article de Ben Simon intéresse-t-il autant l'altermondialisme ? Et d'abord qui est ce Marcel Charbonnier, fidèle traducteur qui en autorise la publication de manière aussi précoce ?
Membre du Réseau Voltaire, démarqué comme Club conspirationniste (Affaire Meyssan), où il publie des comptes-rendus sur le dernier ouvrage de Jimmy Carter, sur Noam Chomsky, ou les discours de Nasrallah, il est aussi responsable, avec Pierre-Alexandre Orsini, du "Point Information Palestine". Pour cette officine, il est à l'origine du scandale qui suivit sa traduction de l'antisémite Israël Shamir et de son brûlot : "Les oreilles de Midas".
Nota : Le texte ainsi mis en cause, apprend-on, est une traduction d’un article signé Israël Shamir et intitulé « Les oreilles de Midas », où, dit Libération, il soutient « que la 'juiverie organisée' serait responsable de la guerre en Irak, comme elle l’était, selon lui, de la seconde guerre mondiale » [2]. Libération ajoute que cet article, dont la traduction française a été effectuée par Marcel Charbonnier, a été diffusé « par l’AMFP dans la lettre qu’elle distribue, via e-mail, à plus de 6 800 destinataires » […] Pourtant, Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier, les deux responsables de Point d’information Palestine, le bulletin diffusé sur internet par les militants pro-palestiniens marseillais, ne regrettent pas d’avoir traduit et publié ce texte. Au contraire, ces deux hommes, décrits comme « plutôt franchement de gauche », sont furieux d’avoir été désavoués par l’AFPS […] Le plus étonnant, dans l’affaire, est le temps qu’il a fallu aux pro-palestiniens français pour découvrir la nature antisémite des textes signés Israël Shamir. Une trentaine de ces textes, traduits le plus souvent par le fidèle Marcel Charbonnier, enrichissent, de longue date, les sommaires des bulletins pro-palestiniens — mais aussi des publications d’extrême droite (comme le bulletin Faits & Documents, d’Emmanuel Ratier) et négationnistes (comme l’Aaargh et La gazette du Golfe et des banlieues, de Serge Thion). Personne ne s’était avisé de leur contenu.
(Extrait de : « Notre ami Israël Shamir », par Henri Pasternak, L'Arche, n° 543, mai 2003.)
Marcel Charbonnier est encore le correspondant d'un réseau de traducteurs altermondialistes en lutte contre le "Lobby Sioniste mondial" :
(dont l’espagnol tlaxcala http://www.tlaxcala.es/section.asp?section=4&lg=fr et petras la haine, le site de James Petras. http://petras.lahaine.org/articulo.php?special=1683
D’où cette petite perle, que l'on doit à James Petras, dans un article en date du 28 septembre 2006 (soit 8 jours avant la publication de l'article de Ben Simon), traduit par Marcel Charbonnier et révisé par Fausto Giudice, et qui s’intitule "Peut-on tenir tête à la puissance du lobby juif ? – Bien sûr, voici ce qu’il est possible de faire". http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1258&lg=fr, sous-titré : "Un plan d’action en 18 points".
On comprend donc, dans le droit fil de ce parcours pour le moins "militant", l'usage tout sucre et tout miel, que compte faire Marcel Charbonnier d'un article de Ben Simon, qui n'en demandait sans doute pas tant, à peine 8 jours après la promulgation de ce "programme-cadre". C'est qu'il vient à point nommé confirmer le projet de guerre mondiale contre les Juifs, au service duquel il s'est mis depuis longtemps : mettre à bas le "Lobby Juif" partout où il exerce sa "néfaste" influence.
Ainsi, dans ces gazettes, c'est la thèse de Ben Simon qui apparaît "A snub from Segolene Royal" avec, un sous-titre qui ne figure pas dans l’originale : "Pour agir comme l'AIPAC, le CRIF en paye le prix" [3].
Quelles conclusions provisoires tirer, sans tomber dans les pièges tendus par ce type de réseaux ? Simplement que Daniel Ben Simon ne prend nullement en compte le type d'utilisation ultérieure qui pourrait être faite de son article brocardeur, qui, pourtant, ne recèle pas particulièrement d'inimitié à l'encontre des Juifs de France et de leurs représentants. Tout au plus, se moque-t-il de la "maladresses" de leurs initiatives. Mais il y commet incidemment une faute d'analyse qui cautionne ces courants.
D'abord, il a parfaitement raison de mettre en lumière l'incident en lui-même :
Julien Dray, s'il a tenu ces propos, se comporterait en Juif de Cour qui veut mettre ses "coreligionnaires" (de près ou de loin, mais qui, espérons-le, sauront s'en souvenir) "à genoux" (sic). Le radicalisme de la "proposition" faite aux Juifs d'entrer en dhimmitude à l'égard de Mme Royal est choquant, dans le sens où la candidate et ses sites feraient, en contrepartie, la part belle à des courants connus comme antisionistes (UJFP), ou s'entourerait de responsables de campagne, tel J.-L. Bianco, favorable à la reconnaissance du Hamas par l'Europe, au motif qu'il s'agit d'un "parti légitimement élu" par le peuple palestinien [4].
Sur la base de telles postures affichées, on pourrait admettre, en dehors de toute attitude partisane ou "lobbyiste", que les représentants des Juifs de France, renâclent, un temps, à monter à bord de la locomotive du PS. On se souvient que S. Royal annonçait, avant même son arrivée au Proche-Orient, "vouloir dialoguer avec tous, y compris - pourquoi pas ? - avec le Hamas". Là, on entend d'où vient le vent parmi ses proches. L'affaire de l'entrevue avec le représentant du Hezbollah à Beyrouth fera suffisamment de bruit, ensuite, pour l'en dissuader. Cependant, il n'est pas question de mettre ce pro-palestinisme radical sous le boisseau. Ainsi, la conseillère de presse de la Maison Royal confiera au même Daniel Ben Simon le "choc" vécu par la candidate, à Gaza :
"Ben Simon interroge Agnès Longville, la conseillère de presse de Ségolène Royal qui affirme que la candidate a été très choquée par son passage à Gaza : « Abou Mazen n’a pas eu besoin de parler beaucoup pour qu’elle comprenne. C’était terrible, affirme-t-elle. Ces images de déshumanisation, comme si elles étaient tirés des livres de Primo Levi »".-
(Source: CJE PRESSE).
La cohérence de la ligne "Israël = Etat Nazi" est donc parfaitement maintenue, lors même du passage de la candidate à Gaza. Daniel Ben Simon ne l'ignore pas, puisqu'il en est le confident privilégié.
Loin de voir un lien entre ces différents propos, qui expliqueraient pour le moins les réticences du CRIF, ou qui que ce soit d’autre, il se lance dans une comparaison disproportionnée en s'en prenant au "lobbying" du CRIF, qui serait une espèce de jumeau de l'AIPAC américain. Et il poursuit, sur la foi de cette candidature désormais unique, un travail de sape, qui prend acte de la coupure des ponts entre des instances qui faisaient traditionnellement office de "passerelles", "au-dessus des partis", et une candidate qui, à l'avenir, refusera de leur prêter l’oreille qu'elle réserve "à tous les Français", à l’exception d’un certain nombre de Juifs, dont on attend maintenant qu'ils "se mettent à genoux". Or, ce ralliement éventuel de l'ultra-gauche à la candidate n'est pas "ultérieur" aux déboires du CRIF, mais l'accompagne tout au long de son parcours.
Quant à la réaction prévisible des musulmans de France, telle qu'elle est imputée, à tort, à ce "lobby sarkozyste" (dont ceux qui s'en réclameraient auraient d'abord trouvé derrière ce ministre une efficacité de réponse, perdue sous la gauche, du temps de son prédécesseur, Vaillant), elle ne viendrait qu'amplifier, sous commandite de ces mêmes officines, engagées de longue date, le phénomène dit "communautariste", à propos duquel il faudrait veiller à ne pas, non plus, court-circuiter l'analyse. On nage, au contraire, en plein raisonnement tautologique.
Quoi que l'on pense du manque d'engagement du CRIF, qui, en aucun cas n'est un parti politique, ni la courroie de transmission d'un parti, on aura les désaccords que l’on veut avoir avec cette "ligne officielle" qui est un jeu constant d'équilibre.
Il est évident que faire du CRIF un équivalent de l'AIPAC aux Etats-Unis, est exagéré. Le soutien à Israël du CRIF est également "à géométrie variable" lorsque les intérêts supposés de la France ou de la communauté juive de France sont en jeu : un exemple classique de ce genre de polémique fut le discours de Sharon devant des représentants Juifs américains, justement, qui invitait les Juifs de France à émigrer immédiatement en Israël, en évoquant la menace de 10 millions d'immigrés musulmans.
Le CRIF surfe sur les accusations de lobbyisme, qui sont, en France, un moyen de diaboliser le "complot juif", alors que cette "advocacy" - art du plaidoyer et de la promotion d'une cause - est très répandue outre-Atlantique, dont l'histoire n'est pas entachée par les vagues successives d'antisémitisme.
Cet article de Haaretz schématise les choses outre mesure, jusqu’à la caricature, et c’est en ce sent qu’il constitue une faute professionnelle, puisqu'il sert l'exploitation des tensions intercommunautaires en France.
De plus il apporte un renfort utile aux thèses conspirationnistes antisémites qui ont cours dans l'ultra-gauche altermondialiste, fief de Marcel Charbonnier, traducteur, entre autres sinistres gloires, d'Israël Shamir.
Au-delà de l'incident, des affinités tendancieuses se font jour, qui tendent à relier une extrême gauche anti-israélienne au camp Royal, avec la participation, involontaire ou non, de la presse israélienne, orientée et déjà impliquée dans de précédents "pièges" tendus à ceux qui seraient stigmatisés en France comme les "représentants" des "néo-conservateurs", Alain Finkielkraut, à l'époque [5].
Il convient de se demander qui cet article séduit en premier lieu et pourquoi. Doit-on estimer les propos de l'auteur ou analyser son article à l'aune de sa réception par un certain auditoire, le premier qui s'en saisit ? Sûrement pas, mais c'est au moins un indice qu'il doit bien y avoir là de quoi se repaître. C'est donc qu'il est potentiellement péjoratif, sans être réellement "stigmatisant", qu'il démarque une "sarkozysation des esprits" et désigne un ennemi à la gauche : les Juifs, au moins les plus "lobbyistes" d'entre eux.
Thèmes qui attirent l'oeil : le lobbying et les Juifs (incidemment) de France, voulant se faire plus gros que le boeuf et équivalents de l'AIPAC, amalgamés par leurs représentants en un seul bloc, "les voilà pris à leur propre jeu" (puisqu'un journaliste israélien nous le confirme), 'refoulables' à merci par d'autres Juifs prévus à cet effet (Dray). Le CRIF ne devrait plus être considéré comme "représentatif" d'une gamme de sensibilités parcourant le peuple juif de France, mais comme une vague courroie de transmission, dans la logique des conspirationnistes. Ses tendances internes n'exprimeraient pas des sentiments ni des opinions majoritairement vécus à un moment donné et pour des raisons objectives (insécurité antisémite grandissante entre 2000 et 2002), mais seraient des commandes plaquées et des opinions insufflées, faisant le jeu d'un candidat atlantiste et d'un Etat juif à mettre au ban des nations, etc.
A tout le moins, Ben Simon aura manqué au principe de précaution.
Ou quand un Juif (Israélien) tance sans nuances d'autres Juifs (français) sans tenir compte ni de la situation, ni du sentiment du "représenté" au moment du "lâchage" par la gauche gouvernementale de l'époque 2000-2002 (et pas seulement des préférences supposées du "représentant" en 2006), ni des enjeux réels pour ses coreligionnaires, ni des interactions et refontes que cela pourra donner...
© Marc Brzustowski
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Notes de la Rédaction d’upjf.org
[1] Voir : Michel Gurfinkiel, "La liberté de penser est-elle menacée ? [A propos de A. Finkielkraut]".
[2] Voir Henri Pasternak ; « Notre ami Israël Shamir », L'Arche, n° 543, mai 2003 ; et Pierre-André Taguieff, "Entre la « guerre juive » et le « complot américano-sioniste »", L'Arche, n° 543, mai 2003.
[3] Voir, entre autres, sur segoleneroyal.over-blog.com. http://segoleneroyal.over-blog.com/categorie-621565.html Passons pieusement sur le piteux français de la remarque, qui eût dû s’énoncer : "Le CRIF a voulu agir comme l'AIPAC : il en paye le prix".
[4] Lire : L.S.A. Oulahbib, "Jean-Louis Bianco est un homme dangereux".
[5] Voir note [1] ci-dessus.
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Mis en ligne le 14 janvier 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org
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