Sunday, January 14, 2007

IOUKOS, LE PROCES POUR L'EXEMPLE

Ioukos, pour l'exemple
LE MONDE 12.01.07 15h38 • Mis à jour le 12.01.07 16h16
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e procès ioukos, du nom de cette grande entreprise pétrolière russe démantelée par le pouvoir, arrive à son terme à Moscou. Son ancien patron, Mikhaïl Khodorkovski, et son associé, Platon Lebedev, attendent depuis dix-sept mois en prison une sentence qui n'a jamais fait aucun doute : coupables. Coupables d'évasion fiscale et d'escroquerie à grande échelle. Ce n'est là qu'un des onze chefs d'accusation. Il faut attendre que les juges aient achevé la lecture des mille pages du verdict pour connaître la sentence. M. Khodorkovski et M. Lebedev risquent dix ans de prison.
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Peu importe d'ailleurs la lourdeur de la peine. Ce qui compte pour le Kremlin, qui a mis en scène ce procès avec l'aide d'une justice qui n'a pas perdu ses habitudes de docilité héritées de l'époque communiste, c'est l'exemple donné aux oligarques. On appelle ainsi dans la Russie postcommuniste tous les anciens petits apparatchiks qui, bien placés au bon moment, se sont enrichis quand les entreprises soviétiques ont été vendues à l'encan lors de l'effondrement de l'URSS.
Le pouvoir a donné force publicité au procès de Mikhaïl Khodorkovski. Il faut dire qu'il est le seul de ces oligarques à avoir attendu en Russie - inconscience ou provocation - que les autorités le prennent pour bouc émissaire. Ses collègues, qui avaient manoeuvré sous Boris Eltsine pour arrondir leur magot, ont fui à l'étranger ou se sont arrangés avec Vladimir Poutine.
Car, contrairement à une légende complaisamment répandue par ses thuriféraires, le président russe n'est pas hostile par principe aux oligarques. Il s'en prend simplement à ceux qui risqueraient de lui faire de l'ombre. C'était le cas de M. Khodorkovski. Non content en effet de financer des médias, journaux et stations de radio ou de télévision critiques par rapport au Kremlin, l'ancien patron de Ioukos soutenait financièrement des hommes politiques d'opposition et rêvait même d'être candidat contre M. Poutine.
En le jetant en prison, en lui réclamant 27,5 milliards de dollars d'arriérés d'impôts, le pouvoir russe a atteint plusieurs objectifs d'un seul coup. Il s'est débarrassé d'un opposant. Il a récupéré les avoirs d'une grande société au profit de compagnies dirigées par des membres de l'administration présidentielle. Et il a jeté en pâture, à une opinion révoltée par les excès du capitalisme sauvage, un coupable qui a l'avantage subliminal d'être d'origine juive, dans un pays où l'antisémitisme reste populaire.
La condamnation de M. Khodorkovski fera certes mauvais effet dans les milieux économiques et financiers internationaux. Elle dissuadera quelques investisseurs étrangers, qui se méfient d'un pays où les règles du jeu sont encore instables et où le racket des entreprises est quasiment officiel. Mais M. Poutine a sans doute pensé que l'inconvénient était mineur. A ses yeux, c'est le prix à payer pour protéger son système de pouvoir, qui reste à la merci des luttes de clans.


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