PSG CONFIRMATION DU CLIMAT DE VIOLENCE RACISTE
Le témoignage du policier auteur du coup de feu contre un supporteur du PSG
LE MONDE 27.01.07 08h38 • Mis à jour le 27.01.07 08h38
n corps allongé sur le bitume, à Paris, le 23 novembre 2006, les paumes tournées vers le ciel. Et cette constatation, sèchement rapportée par un enquêteur : "Au-dessous de la gorge, notons la présence d'un orifice d'environ 1 centimètre de diamètre." Ce corps sans vie, aux abords de la place de la Porte-de-Saint-Cloud, c'est celui de Julien Quemener, un jeune supporteur du PSG.
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Le projectile fatal a été tiré par un Sig-Sauer, l'arme administrative d'Antoine Granomort, un policier de 32 ans plongé bien malgré lui, cette nuit-là, dans l'ultraviolence, sur fond d'antisémitisme et de vandalisme. "Mon client tente aujourd'hui de se remettre de ce drame, a indiqué Me Florence Rault, son avocate. Il s'est retrouvé confronté à une situation extrême, on en voulait à sa vie, il a agi en état de légitime défense, tout le prouve dans le dossier." Entendu, en qualité de témoin assisté, par le juge d'instruction, M. Granomort a livré le récit circonstancié de cette soirée du 23 novembre 2006.
Au Parc des Princes, le PSG affronte l'équipe d'Hapoël Tel-Aviv en coupe d'Europe. Antoine Granomort, lui, écoute le match à la radio, dans sa Peugeot Expert banalisée. Titularisé en avril 2005, affecté à la brigade des réseaux ferrés, sa mission, ce soir-là, est d'attendre ses collègues qui patrouillent dans le métro. Un homme ordinaire, ce Granomort, grand et métissé, même s'il a déjà eu quelques démêlés avec la police : une affaire d'outrage et de rébellion en 2003, puis une procédure pour "dénonciation d'un délit imaginaire et vol", qui sera jugée par le tribunal correctionnel de Paris, au mois de mars.
"SALES JUIFS"
Le match se termine par une victoire 4-2 de l'Hapoël Tel-Aviv. Les supporteurs des deux camps quittent le stade. "Nous cherchions le métro, se souvient devant les policiers Yaniv Hazout, 21 ans, venu encourager Tel-Aviv. De chaque côté de la rue se trouvaient des supporteurs parisiens qui lançaient des injures à caractère antisémite (…). Ils disaient "sales juifs (…). Des supporteurs parisiens se sont mis à nous suivre et à courir derrière nous. Ils voulaient nous agresser."
Le jeune homme s'enfuit, pourchassé par plusieurs dizaines de fans du PSG. "J'ai vu un jeune qui courait sur le rond-point, décrit Antoine Granomort, il était poursuivi par une vingtaine de jeunes qui avaient le bas du visage masqué par des écharpes du PSG." Il sort de son véhicule, rattrape Yaniv Hazout, s'interpose. Il n'a pas de brassard "police". Sa carte tricolore est restée au fond de sa sacoche. "J'ai dit à la personne poursuivie : Je suis policier, mets-toi derrière moi. Et j'ai dit aux suppporteurs qui étaient vraiment à côté de moi, à 1 ou 2 mètres : Je suis fonctionnaire de police, reculez. (…) Ceux-ci ont continué à avancer sur moi, ils hurlaient et me menaçaient avec leurs ceintures, qu'ils utilisaient comme des fouets. J'ai entendu : On va le tuer. J'ai alors saisi ma bombe lacrymogène." M. Granomort projette du gaz sur les agresseurs, puis tente de se rapprocher de l'église de la porte de Saint-Cloud. Il a dégainé son pistolet automatique depuis quelques secondes déjà. "J'ai mis l'arme sur ma poitrine et mettais en joue quand une personne s'approchait trop près de moi." Sa "poire", c'est-à-dire sa radio de service, ne fonctionne pas. Il est seul, avec Yaniv Hazout dans son dos, face à une foule, maintenant, de "100 à 150 personnes complètement excitées", qui hurlent : "On va vous tuer, on va vous niquer." Son récit est corroboré par plusieurs témoins interrogés par les policiers."UNE QUESTION DE VIE OU DE MORT"
"Le Noir [Antoine Granomort] a crié Je suis de la police dix ou vingt fois", assure Romain D. Un premier coup est porté au visage du policier. Puis un deuxième. "Il s'est pris un coup de poing d'un des hommes qui était dans la foule, dans le visage, témoigne Mehdi C. Il s'est pris un coup de pied chassé, le coup a été porté au ventre, le policier est tombé sur les fesses." Le premier coup fait aussi tomber les lunettes d'Antoine Granomort, myope et astigmate. "Alors que j'essayais de me relever, n'ayant plus mes lunettes et voyant donc trouble, j'ai vu une masse sombre, bleu marine ou noire, j'ai eu l'impression que c'était une personne qui sautait sur moi (…), j'ai tiré car j'ai senti que j'allais y passer (…), pour moi, c'était une question de vie ou de mort (…), j'ai agi en légitime défense, ils allaient me lyncher moi et la personne que je protégeais (…), j'étais persuadé que les jeunes voulaient m'achever et me tuer." Etait-il debout, ou à moitié allongé, lorsqu'il a fait feu? "J'étais au sol, je me suis relevé et, en me relevant, j'ai tiré un coup de feu en direction du jeune homme." Ce dernier avait "armé son pied pour me frapper alors que j'étais au sol", assure M. Granomort. Les médecins légistes, cités dans le rapport de synthèse de l'inspection générale des services (IGS) du 25 novembre 2006, ont fait état d'une trajectoire du projectile de "haut en bas". Yaniv Hazout était situé juste derrière le policier : "Le policier s'est relevé, a pointé son arme vers la foule à 60° en l'air et a tiré un coup." Un seul coup de feu, c'est désormais établi, mais qui tue Julien Quemener et blesse sérieusement Mounir Boujaer, un deuxième supporteur du PSG.
La foule gronde, menaçante. M. Granomort et Yaniv Hazout parviennent à se réfugier au restaurant McDonald's, dont les vitres sont brisées. Les clients, apeurés, se réfugient au premier étage, puis dans les toilettes de l'établissement. Les insultes racistes fusent. "Les agresseurs criaient : Le Pen président , dit MehdiC., La France aux Français, c'étaient des supporteurs de la tribune Boulogne." Eric Z., un consommateur présent au McDo, entend "des individus crier Ici, c'est bleu blanc rouge ". Romain D., lui, raconte qu'ils "faisaient des signes nazis comme le salut, ils criaient sale Nègre à l'intention du policier". Marc T. a entendu la phrase scandée par les jeunes : "On va se faire ce feuj." Antoine Granomort confirme : "Les jeunes disaient : On va le niquer le négro. Ils disaient : Sors, on va te tuer. Ils voulaient frapper un juif ou un policier, c'était manifeste, j'étais terrorisé, je pensais que nous allions mourir (…) j'ai entendu : 'Le négro, on va le cramer', ainsi que des hou hou qui ressemblaient à des cris de singes." Ils se retrouvent à une vingtaine dans les toilettes. Antoine Granomort tient la foule en respect avec son arme, contient tant bien que mal les agresseurs armés de battes de base-ball, de panneaux de signalisation, de bouteilles en verre. Il parvient enfin à joindre ses collègues, avec son téléphone portable. Les jeunes s'enfuient quand ils entendent les premières sirènes de police.
Antoine Granomort est placé en garde à vue. "Pour moi, c'était soit lui, soit la foule, il a eu du courage", témoigne Mehdi C. "Le policier a été un grand homme ce soir", avance Romain D. "Je pense qu'il m'a sauvé la vie", témoigne Jordan A., réfugié dans le McDonald's. "Je regrette qu'il y ait eu un mort, conclut Antoine Granomort, mais je ne pouvais pas faire autrement."
Les médecins qui ont examiné le policier ont indiqué que les lésions constatées étaient "compatibles avec les violences alléguées". Me Gilbert Collard, l'avocat de Mounir Boujaer, ne partage pas cet avis médical. "Je suis très étonné qu'on invoque la légitime défense dans une situation où il est démontré qu'aucun coup n'a été porté, a indiqué au Monde Me Collard. En effet, les médecins légistes, lors d'un deuxième examen, n'ont pas constaté de traces correspondant aux coups que M. Granomort affirme avoir reçus." L'IGS, elle, a conclu que le "comportement agressif et violent du groupe de supporteurs pouvait légitimement lui [M. Granomort] permettre de penser qu'il était effectivement en danger". Jeudi 25 janvier, la Préfecture de police de Paris a autorisé la réouverture de la partie basse de la tribune Boulogne du Parc des princes, fermée depuis la mort de Julien Quemener .
Gérard Davet
LE MONDE 27.01.07 08h38 • Mis à jour le 27.01.07 08h38
n corps allongé sur le bitume, à Paris, le 23 novembre 2006, les paumes tournées vers le ciel. Et cette constatation, sèchement rapportée par un enquêteur : "Au-dessous de la gorge, notons la présence d'un orifice d'environ 1 centimètre de diamètre." Ce corps sans vie, aux abords de la place de la Porte-de-Saint-Cloud, c'est celui de Julien Quemener, un jeune supporteur du PSG.
if (provenance_elt !=-1) {OAS_AD('x40')} else {OAS_AD('Middle')}
Le projectile fatal a été tiré par un Sig-Sauer, l'arme administrative d'Antoine Granomort, un policier de 32 ans plongé bien malgré lui, cette nuit-là, dans l'ultraviolence, sur fond d'antisémitisme et de vandalisme. "Mon client tente aujourd'hui de se remettre de ce drame, a indiqué Me Florence Rault, son avocate. Il s'est retrouvé confronté à une situation extrême, on en voulait à sa vie, il a agi en état de légitime défense, tout le prouve dans le dossier." Entendu, en qualité de témoin assisté, par le juge d'instruction, M. Granomort a livré le récit circonstancié de cette soirée du 23 novembre 2006.
Au Parc des Princes, le PSG affronte l'équipe d'Hapoël Tel-Aviv en coupe d'Europe. Antoine Granomort, lui, écoute le match à la radio, dans sa Peugeot Expert banalisée. Titularisé en avril 2005, affecté à la brigade des réseaux ferrés, sa mission, ce soir-là, est d'attendre ses collègues qui patrouillent dans le métro. Un homme ordinaire, ce Granomort, grand et métissé, même s'il a déjà eu quelques démêlés avec la police : une affaire d'outrage et de rébellion en 2003, puis une procédure pour "dénonciation d'un délit imaginaire et vol", qui sera jugée par le tribunal correctionnel de Paris, au mois de mars.
"SALES JUIFS"
Le match se termine par une victoire 4-2 de l'Hapoël Tel-Aviv. Les supporteurs des deux camps quittent le stade. "Nous cherchions le métro, se souvient devant les policiers Yaniv Hazout, 21 ans, venu encourager Tel-Aviv. De chaque côté de la rue se trouvaient des supporteurs parisiens qui lançaient des injures à caractère antisémite (…). Ils disaient "sales juifs (…). Des supporteurs parisiens se sont mis à nous suivre et à courir derrière nous. Ils voulaient nous agresser."
Le jeune homme s'enfuit, pourchassé par plusieurs dizaines de fans du PSG. "J'ai vu un jeune qui courait sur le rond-point, décrit Antoine Granomort, il était poursuivi par une vingtaine de jeunes qui avaient le bas du visage masqué par des écharpes du PSG." Il sort de son véhicule, rattrape Yaniv Hazout, s'interpose. Il n'a pas de brassard "police". Sa carte tricolore est restée au fond de sa sacoche. "J'ai dit à la personne poursuivie : Je suis policier, mets-toi derrière moi. Et j'ai dit aux suppporteurs qui étaient vraiment à côté de moi, à 1 ou 2 mètres : Je suis fonctionnaire de police, reculez. (…) Ceux-ci ont continué à avancer sur moi, ils hurlaient et me menaçaient avec leurs ceintures, qu'ils utilisaient comme des fouets. J'ai entendu : On va le tuer. J'ai alors saisi ma bombe lacrymogène." M. Granomort projette du gaz sur les agresseurs, puis tente de se rapprocher de l'église de la porte de Saint-Cloud. Il a dégainé son pistolet automatique depuis quelques secondes déjà. "J'ai mis l'arme sur ma poitrine et mettais en joue quand une personne s'approchait trop près de moi." Sa "poire", c'est-à-dire sa radio de service, ne fonctionne pas. Il est seul, avec Yaniv Hazout dans son dos, face à une foule, maintenant, de "100 à 150 personnes complètement excitées", qui hurlent : "On va vous tuer, on va vous niquer." Son récit est corroboré par plusieurs témoins interrogés par les policiers."UNE QUESTION DE VIE OU DE MORT"
"Le Noir [Antoine Granomort] a crié Je suis de la police dix ou vingt fois", assure Romain D. Un premier coup est porté au visage du policier. Puis un deuxième. "Il s'est pris un coup de poing d'un des hommes qui était dans la foule, dans le visage, témoigne Mehdi C. Il s'est pris un coup de pied chassé, le coup a été porté au ventre, le policier est tombé sur les fesses." Le premier coup fait aussi tomber les lunettes d'Antoine Granomort, myope et astigmate. "Alors que j'essayais de me relever, n'ayant plus mes lunettes et voyant donc trouble, j'ai vu une masse sombre, bleu marine ou noire, j'ai eu l'impression que c'était une personne qui sautait sur moi (…), j'ai tiré car j'ai senti que j'allais y passer (…), pour moi, c'était une question de vie ou de mort (…), j'ai agi en légitime défense, ils allaient me lyncher moi et la personne que je protégeais (…), j'étais persuadé que les jeunes voulaient m'achever et me tuer." Etait-il debout, ou à moitié allongé, lorsqu'il a fait feu? "J'étais au sol, je me suis relevé et, en me relevant, j'ai tiré un coup de feu en direction du jeune homme." Ce dernier avait "armé son pied pour me frapper alors que j'étais au sol", assure M. Granomort. Les médecins légistes, cités dans le rapport de synthèse de l'inspection générale des services (IGS) du 25 novembre 2006, ont fait état d'une trajectoire du projectile de "haut en bas". Yaniv Hazout était situé juste derrière le policier : "Le policier s'est relevé, a pointé son arme vers la foule à 60° en l'air et a tiré un coup." Un seul coup de feu, c'est désormais établi, mais qui tue Julien Quemener et blesse sérieusement Mounir Boujaer, un deuxième supporteur du PSG.
La foule gronde, menaçante. M. Granomort et Yaniv Hazout parviennent à se réfugier au restaurant McDonald's, dont les vitres sont brisées. Les clients, apeurés, se réfugient au premier étage, puis dans les toilettes de l'établissement. Les insultes racistes fusent. "Les agresseurs criaient : Le Pen président , dit MehdiC., La France aux Français, c'étaient des supporteurs de la tribune Boulogne." Eric Z., un consommateur présent au McDo, entend "des individus crier Ici, c'est bleu blanc rouge ". Romain D., lui, raconte qu'ils "faisaient des signes nazis comme le salut, ils criaient sale Nègre à l'intention du policier". Marc T. a entendu la phrase scandée par les jeunes : "On va se faire ce feuj." Antoine Granomort confirme : "Les jeunes disaient : On va le niquer le négro. Ils disaient : Sors, on va te tuer. Ils voulaient frapper un juif ou un policier, c'était manifeste, j'étais terrorisé, je pensais que nous allions mourir (…) j'ai entendu : 'Le négro, on va le cramer', ainsi que des hou hou qui ressemblaient à des cris de singes." Ils se retrouvent à une vingtaine dans les toilettes. Antoine Granomort tient la foule en respect avec son arme, contient tant bien que mal les agresseurs armés de battes de base-ball, de panneaux de signalisation, de bouteilles en verre. Il parvient enfin à joindre ses collègues, avec son téléphone portable. Les jeunes s'enfuient quand ils entendent les premières sirènes de police.
Antoine Granomort est placé en garde à vue. "Pour moi, c'était soit lui, soit la foule, il a eu du courage", témoigne Mehdi C. "Le policier a été un grand homme ce soir", avance Romain D. "Je pense qu'il m'a sauvé la vie", témoigne Jordan A., réfugié dans le McDonald's. "Je regrette qu'il y ait eu un mort, conclut Antoine Granomort, mais je ne pouvais pas faire autrement."
Les médecins qui ont examiné le policier ont indiqué que les lésions constatées étaient "compatibles avec les violences alléguées". Me Gilbert Collard, l'avocat de Mounir Boujaer, ne partage pas cet avis médical. "Je suis très étonné qu'on invoque la légitime défense dans une situation où il est démontré qu'aucun coup n'a été porté, a indiqué au Monde Me Collard. En effet, les médecins légistes, lors d'un deuxième examen, n'ont pas constaté de traces correspondant aux coups que M. Granomort affirme avoir reçus." L'IGS, elle, a conclu que le "comportement agressif et violent du groupe de supporteurs pouvait légitimement lui [M. Granomort] permettre de penser qu'il était effectivement en danger". Jeudi 25 janvier, la Préfecture de police de Paris a autorisé la réouverture de la partie basse de la tribune Boulogne du Parc des princes, fermée depuis la mort de Julien Quemener .
Gérard Davet
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