Raymond Barre ou l'antisémitisme de droite
RRaymond Barre ou l'antisémitisme de droite, par Pierre Weill
LE MONDE | 09.03.07 | 14h28 • Mis à jour le 09.03.07 | 14h28
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erci, monsieur Barre, de nous avoir rappelé, en vous exprimant sans fausse pudeur, jeudi 1er mars, sur France Culture, que la vieille tradition de l'antisémitisme de droite n'était pas morte et qu'elle pouvait même, par votre bouche, retrouver son ancienne vigueur. On avait fini par l'oublier, et notre vigilance se relâchait, préoccupé que l'on était, depuis quelque temps, par la montée d'un antisémitisme venu de l'extrême gauche, voire d'une partie de la gauche, en réaction au conflit israélo-palestinien.
Merci de nous avoir réveillés de notre sommeil irénique : le fond ancestral de prévention envers les juifs n'a pas varié et vos propos en reproduisent, de manière saisissante, les traits archétypiques, jusque dans vos dénégations. Vous affirmez bien que la communauté juive de France ne peut être séparée de la communauté française, mais que des non-juifs aient trouvé la mort dans l'attentat de la rue Copernic ne vous en apparaît pas moins comme une circonstance aggravante. Vous avez, bien sûr, des "amis juifs", mais vous vous méfiez du "lobby juif" et de ses "opérations indignes". Maurice Papon, selon vous, n'avait pas à démissionner de ses fonctions sous le gouvernement de Vichy, car "on démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur", catégorie dans laquelle vous ne rangez manifestement pas le sort des juifs !
MAURICE PAPON OU BRUNO GOLLNISCH
On pourrait sans peine multiplier les citations, tant votre interview s'avère, dans ce genre, une véritable mine. Mais votre façon de hiérarchiser les problèmes n'est pas moins significative : l'intérêt national vous préoccupe bien davantage que le sort des individus ; les compétences techniques de Maurice Papon ou de Bruno Gollnisch vous semblent justifier que l'on passe par profits et pertes leurs "opinions" ; l'art de gouverner l'emporte, dans votre discours, sur les raisons pour lesquelles on gouverne ou les moyens que l'on emploie à cette fin. Nul doute que certains vous trouveront des excuses. Au demeurant, la droite française ne s'est pas beaucoup émue, c'est le moins qu'on puisse dire, de vos irritations envers le "lobby juif". J'entends déjà dire qu'il faut faire la part du goût pour la provocation qui est le péché mignon des universitaires : mais c'est un domaine où l'humour, s'il s'agit d'humour, passe mal.
Vos réactions touchant l'attentat de la rue Copernic m'avaient choqué, mais pouvaient passer pour un lapsus malheureux. A la lumière de vos déclarations récentes, ce lapsus apparaît comme un signe annonciateur de la nature profonde de vos sentiments, qui se donnent aujourd'hui libre cours. On y reconnaît, au premier coup d'oeil, le visage de ce vieil antisémitisme "tempéré" qui postule simplement que les juifs sont toujours à part et potentiellement coupables.
Ces thèmes, longtemps refoulés sous le poids de la révélation des horreurs de la Shoah, retrouvent aujourd'hui un nouvel écho. Avec le temps, le tabou s'affaiblit, d'autant plus rapidement que la gauche, qui en était la gardienne la plus sourcilleuse, est, dans certaines de ses composantes, portée à un antisionisme qui tourne à la judéophobie, puis à l'antisémitisme. La mondialisation fait le reste en induisant, par contrecoup, des replis communautaires et le rejet des communautés minoritaires au sein des nations.
Un verrou a sauté : l'antisémitisme tend à devenir, ou redevenir, "une opinion parmi d'autres". C'est sans doute pour cela que vous, Raymond Barre, vous sentez autorisé à exprimer en public et sans retenue votre sourde méfiance envers les juifs. Et, comme toujours, ce ressentiment s'étend sur d'autres communautés. Vous affirmez que l'on a fait "payer" Charonne à Maurice Papon, mais vous passez sous silence ses responsabilités dans la mort de centaines d'Algériens lors de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Comme si les morts "bien de chez nous" tombés à Charonne, manifestation à laquelle je m'honore d'avoir participé, étaient plus importants que les cadavres d'Algériens jetés à la Seine. J'ai longtemps nourri pour vous un immense respect. Adieu, monsieur Barre.
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Pierre Weill est ancien président du Groupe Sofres.
aymond Barre ou l'antisémitisme de droite, par Pierre Weill
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erci, monsieur Barre, de nous avoir rappelé, en vous exprimant sans fausse pudeur, jeudi 1er mars, sur France Culture, que la vieille tradition de l'antisémitisme de droite n'était pas morte et qu'elle pouvait même, par votre bouche, retrouver son ancienne vigueur. On avait fini par l'oublier, et notre vigilance se relâchait, préoccupé que l'on était, depuis quelque temps, par la montée d'un antisémitisme venu de l'extrême gauche, voire d'une partie de la gauche, en réaction au conflit israélo-palestinien.
Merci de nous avoir réveillés de notre sommeil irénique : le fond ancestral de prévention envers les juifs n'a pas varié et vos propos en reproduisent, de manière saisissante, les traits archétypiques, jusque dans vos dénégations. Vous affirmez bien que la communauté juive de France ne peut être séparée de la communauté française, mais que des non-juifs aient trouvé la mort dans l'attentat de la rue Copernic ne vous en apparaît pas moins comme une circonstance aggravante. Vous avez, bien sûr, des "amis juifs", mais vous vous méfiez du "lobby juif" et de ses "opérations indignes". Maurice Papon, selon vous, n'avait pas à démissionner de ses fonctions sous le gouvernement de Vichy, car "on démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur", catégorie dans laquelle vous ne rangez manifestement pas le sort des juifs !
MAURICE PAPON OU BRUNO GOLLNISCH
On pourrait sans peine multiplier les citations, tant votre interview s'avère, dans ce genre, une véritable mine. Mais votre façon de hiérarchiser les problèmes n'est pas moins significative : l'intérêt national vous préoccupe bien davantage que le sort des individus ; les compétences techniques de Maurice Papon ou de Bruno Gollnisch vous semblent justifier que l'on passe par profits et pertes leurs "opinions" ; l'art de gouverner l'emporte, dans votre discours, sur les raisons pour lesquelles on gouverne ou les moyens que l'on emploie à cette fin. Nul doute que certains vous trouveront des excuses. Au demeurant, la droite française ne s'est pas beaucoup émue, c'est le moins qu'on puisse dire, de vos irritations envers le "lobby juif". J'entends déjà dire qu'il faut faire la part du goût pour la provocation qui est le péché mignon des universitaires : mais c'est un domaine où l'humour, s'il s'agit d'humour, passe mal.
Vos réactions touchant l'attentat de la rue Copernic m'avaient choqué, mais pouvaient passer pour un lapsus malheureux. A la lumière de vos déclarations récentes, ce lapsus apparaît comme un signe annonciateur de la nature profonde de vos sentiments, qui se donnent aujourd'hui libre cours. On y reconnaît, au premier coup d'oeil, le visage de ce vieil antisémitisme "tempéré" qui postule simplement que les juifs sont toujours à part et potentiellement coupables.
Ces thèmes, longtemps refoulés sous le poids de la révélation des horreurs de la Shoah, retrouvent aujourd'hui un nouvel écho. Avec le temps, le tabou s'affaiblit, d'autant plus rapidement que la gauche, qui en était la gardienne la plus sourcilleuse, est, dans certaines de ses composantes, portée à un antisionisme qui tourne à la judéophobie, puis à l'antisémitisme. La mondialisation fait le reste en induisant, par contrecoup, des replis communautaires et le rejet des communautés minoritaires au sein des nations.
Un verrou a sauté : l'antisémitisme tend à devenir, ou redevenir, "une opinion parmi d'autres". C'est sans doute pour cela que vous, Raymond Barre, vous sentez autorisé à exprimer en public et sans retenue votre sourde méfiance envers les juifs. Et, comme toujours, ce ressentiment s'étend sur d'autres communautés. Vous affirmez que l'on a fait "payer" Charonne à Maurice Papon, mais vous passez sous silence ses responsabilités dans la mort de centaines d'Algériens lors de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Comme si les morts "bien de chez nous" tombés à Charonne, manifestation à laquelle je m'honore d'avoir participé, étaient plus importants que les cadavres d'Algériens jetés à la Seine. J'ai longtemps nourri pour vous un immense respect. Adieu, monsieur Barre.
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Merci de nous avoir réveillés de notre sommeil irénique : le fond ancestral de prévention envers les juifs n'a pas varié et vos propos en reproduisent, de manière saisissante, les traits archétypiques, jusque dans vos dénégations. Vous affirmez bien que la communauté juive de France ne peut être séparée de la communauté française, mais que des non-juifs aient trouvé la mort dans l'attentat de la rue Copernic ne vous en apparaît pas moins comme une circonstance aggravante. Vous avez, bien sûr, des "amis juifs", mais vous vous méfiez du "lobby juif" et de ses "opérations indignes". Maurice Papon, selon vous, n'avait pas à démissionner de ses fonctions sous le gouvernement de Vichy, car "on démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur", catégorie dans laquelle vous ne rangez manifestement pas le sort des juifs !
MAURICE PAPON OU BRUNO GOLLNISCH
On pourrait sans peine multiplier les citations, tant votre interview s'avère, dans ce genre, une véritable mine. Mais votre façon de hiérarchiser les problèmes n'est pas moins significative : l'intérêt national vous préoccupe bien davantage que le sort des individus ; les compétences techniques de Maurice Papon ou de Bruno Gollnisch vous semblent justifier que l'on passe par profits et pertes leurs "opinions" ; l'art de gouverner l'emporte, dans votre discours, sur les raisons pour lesquelles on gouverne ou les moyens que l'on emploie à cette fin. Nul doute que certains vous trouveront des excuses. Au demeurant, la droite française ne s'est pas beaucoup émue, c'est le moins qu'on puisse dire, de vos irritations envers le "lobby juif". J'entends déjà dire qu'il faut faire la part du goût pour la provocation qui est le péché mignon des universitaires : mais c'est un domaine où l'humour, s'il s'agit d'humour, passe mal.
Vos réactions touchant l'attentat de la rue Copernic m'avaient choqué, mais pouvaient passer pour un lapsus malheureux. A la lumière de vos déclarations récentes, ce lapsus apparaît comme un signe annonciateur de la nature profonde de vos sentiments, qui se donnent aujourd'hui libre cours. On y reconnaît, au premier coup d'oeil, le visage de ce vieil antisémitisme "tempéré" qui postule simplement que les juifs sont toujours à part et potentiellement coupables.
Ces thèmes, longtemps refoulés sous le poids de la révélation des horreurs de la Shoah, retrouvent aujourd'hui un nouvel écho. Avec le temps, le tabou s'affaiblit, d'autant plus rapidement que la gauche, qui en était la gardienne la plus sourcilleuse, est, dans certaines de ses composantes, portée à un antisionisme qui tourne à la judéophobie, puis à l'antisémitisme. La mondialisation fait le reste en induisant, par contrecoup, des replis communautaires et le rejet des communautés minoritaires au sein des nations.
Un verrou a sauté : l'antisémitisme tend à devenir, ou redevenir, "une opinion parmi d'autres". C'est sans doute pour cela que vous, Raymond Barre, vous sentez autorisé à exprimer en public et sans retenue votre sourde méfiance envers les juifs. Et, comme toujours, ce ressentiment s'étend sur d'autres communautés. Vous affirmez que l'on a fait "payer" Charonne à Maurice Papon, mais vous passez sous silence ses responsabilités dans la mort de centaines d'Algériens lors de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Comme si les morts "bien de chez nous" tombés à Charonne, manifestation à laquelle je m'honore d'avoir participé, étaient plus importants que les cadavres d'Algériens jetés à la Seine. J'ai longtemps nourri pour vous un immense respect. Adieu, monsieur Barre.
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Pierre Weill est ancien président du Groupe Sofres.
aymond Barre ou l'antisémitisme de droite, par Pierre Weill
LE MONDE | 09.03.07 | 14h28 • Mis à jour le 09.03.07 | 14h28
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erci, monsieur Barre, de nous avoir rappelé, en vous exprimant sans fausse pudeur, jeudi 1er mars, sur France Culture, que la vieille tradition de l'antisémitisme de droite n'était pas morte et qu'elle pouvait même, par votre bouche, retrouver son ancienne vigueur. On avait fini par l'oublier, et notre vigilance se relâchait, préoccupé que l'on était, depuis quelque temps, par la montée d'un antisémitisme venu de l'extrême gauche, voire d'une partie de la gauche, en réaction au conflit israélo-palestinien.
Merci de nous avoir réveillés de notre sommeil irénique : le fond ancestral de prévention envers les juifs n'a pas varié et vos propos en reproduisent, de manière saisissante, les traits archétypiques, jusque dans vos dénégations. Vous affirmez bien que la communauté juive de France ne peut être séparée de la communauté française, mais que des non-juifs aient trouvé la mort dans l'attentat de la rue Copernic ne vous en apparaît pas moins comme une circonstance aggravante. Vous avez, bien sûr, des "amis juifs", mais vous vous méfiez du "lobby juif" et de ses "opérations indignes". Maurice Papon, selon vous, n'avait pas à démissionner de ses fonctions sous le gouvernement de Vichy, car "on démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur", catégorie dans laquelle vous ne rangez manifestement pas le sort des juifs !
MAURICE PAPON OU BRUNO GOLLNISCH
On pourrait sans peine multiplier les citations, tant votre interview s'avère, dans ce genre, une véritable mine. Mais votre façon de hiérarchiser les problèmes n'est pas moins significative : l'intérêt national vous préoccupe bien davantage que le sort des individus ; les compétences techniques de Maurice Papon ou de Bruno Gollnisch vous semblent justifier que l'on passe par profits et pertes leurs "opinions" ; l'art de gouverner l'emporte, dans votre discours, sur les raisons pour lesquelles on gouverne ou les moyens que l'on emploie à cette fin. Nul doute que certains vous trouveront des excuses. Au demeurant, la droite française ne s'est pas beaucoup émue, c'est le moins qu'on puisse dire, de vos irritations envers le "lobby juif". J'entends déjà dire qu'il faut faire la part du goût pour la provocation qui est le péché mignon des universitaires : mais c'est un domaine où l'humour, s'il s'agit d'humour, passe mal.
Vos réactions touchant l'attentat de la rue Copernic m'avaient choqué, mais pouvaient passer pour un lapsus malheureux. A la lumière de vos déclarations récentes, ce lapsus apparaît comme un signe annonciateur de la nature profonde de vos sentiments, qui se donnent aujourd'hui libre cours. On y reconnaît, au premier coup d'oeil, le visage de ce vieil antisémitisme "tempéré" qui postule simplement que les juifs sont toujours à part et potentiellement coupables.
Ces thèmes, longtemps refoulés sous le poids de la révélation des horreurs de la Shoah, retrouvent aujourd'hui un nouvel écho. Avec le temps, le tabou s'affaiblit, d'autant plus rapidement que la gauche, qui en était la gardienne la plus sourcilleuse, est, dans certaines de ses composantes, portée à un antisionisme qui tourne à la judéophobie, puis à l'antisémitisme. La mondialisation fait le reste en induisant, par contrecoup, des replis communautaires et le rejet des communautés minoritaires au sein des nations.
Un verrou a sauté : l'antisémitisme tend à devenir, ou redevenir, "une opinion parmi d'autres". C'est sans doute pour cela que vous, Raymond Barre, vous sentez autorisé à exprimer en public et sans retenue votre sourde méfiance envers les juifs. Et, comme toujours, ce ressentiment s'étend sur d'autres communautés. Vous affirmez que l'on a fait "payer" Charonne à Maurice Papon, mais vous passez sous silence ses responsabilités dans la mort de centaines d'Algériens lors de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Comme si les morts "bien de chez nous" tombés à Charonne, manifestation à laquelle je m'honore d'avoir participé, étaient plus importants que les cadavres d'Algériens jetés à la Seine. J'ai longtemps nourri pour vous un immense respect. Adieu, monsieur Barre.
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