Les jets israéliens peuvent-ils détruire les installations nucléaires iraniennes ?
Les jets israéliens peuvent-ils détruire les installations nucléaires iraniennes ?
publié le lundi 2 juillet 2007
Version originale anglaise : Israeli Jets vs. Iranian Nukes
Adaptation française : Alain Jean-Mairet
Pour prévenir une « évolution catastrophique », indique Middle East Newsline, George Bush a décidé de ne pas attaquer l’Iran. Une source de l’administration explique que pour Washington, une coopération avec l’Iran est « nécessaire au retrait [des forces américaines] en Irak ».
Si l’information est exacte, elle implique que l’État juif est maintenant seul contre un régime qui menace de « rayer Israël de la carte » et qui construit les armes nucléaires pour le faire. Les leaders israéliens signalent que leur patience est à bout ; le vice-Premier ministre Shaul Mofaz avertissait ainsi récemment que « les efforts diplomatiques doivent donner des résultats d’ici la fin de 2007 ».
Les Forces de défense israéliennes (FDI) sont-elles capables de stopper le programme nucléaire iranien ?
La réponse à de telles questions est en principe fournie par les analyses top secrètes des agences de renseignement. Mais des outsiders de talent peuvent aussi s’y essayer en recourant à des sources publiques. Whitney Raas et Austin Long ont étudié cette problématique au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et ont publié leur impressionnante analyse, « Osirak Redux ? Assessing Israeli Capabilities to Destroy Iranian Nuclear Facilities » (Réédition d’Osirak ? Évaluation des capacités d’Israël de détruire les équipements nucléaires iraniens), dans le journal International Security.
Raas & Long se concentrent exclusivement sur la faisabilité et n’abordent pas les questions d’opportunité politique ou d’incidences stratégiques : si le commandement central israélien décidait d’endommager les infrastructures iraniennes, ses forces armées seraient-elles en mesure de remplir cette mission ? Les auteurs examinent les cinq éléments suivants d’un raid réussi :
L’usine d’enrichissement d’uranium à Natanz.
Renseignements. Entraver la production de matériel fissile implique la mise hors d’état de trois installations seulement de l’infrastructure nucléaire iranienne. Ce sont, dans l’ordre d’importance croissant, l’usine de production d’eau lourde et les réacteurs de production de plutonium en construction à Arak, une usine de conversion d’uranium à Ispahan et une usine d’enrichissement d’uranium à Natanz. Les auteurs relèvent que la destruction des installations de Natanz « est cruciale pour empêcher l’Iran de progresser vers la nucléarisation ».
Armement. Pour avoir de bonnes chances d’endommager suffisamment les trois installations, il faut – compte tenu de leur taille, du fait qu’elles sont enterrées, des armes à disposition des forces israéliennes et de différents autres facteurs – 24 bombes de 5000 livres (2,2 t) et 24 bombes de 2000 livres (900 kg).
Plateforme. Observant l’« étrange amalgame de technologies » dont disposent les Iraniens et les limitations de leur aviation de chasse et de leur défense au sol face aux équipements high-tech de l’armée de l’air israélienne, Raas & Long estiment que les FDI doivent engager une force relativement modeste de 25 F-15I et 25 F-16I.
Itinéraires. Les jets israéliens peuvent atteindre leurs cibles par trois itinéraires : la Turquie par le nord, la Jordanie et l’Irak au centre ou l’Arabie Saoudite au sud. En termes de carburant et de chargement, les trois options sont envisageables.
Forces de défense. Plutôt que de prédire l’issue d’une confrontation entre Israël et l’Iran, les auteurs calculent le nombre d’avions, sur les 50 engagés, qui devraient atteindre leurs cibles pour que l’opération réussisse. Ils estiment ainsi qu’au moins 24 avions doivent atteindre Natanz, six Ispahan et cinq Arak ou les 35 ensemble. En d’autres termes, la défense iranienne doit stopper au moins 16 des 50 avions, soit un tiers de l’escadre aérienne. Les auteurs considèrent qu’un tel résultat serait « considérable » pour Natanz et « pratiquement inimaginable » pour les deux autres cibles.
Dans l’ensemble, Raas & Long estiment que la modernisation constante des forces aériennes israéliennes leur donne « la capacité de détruire des cibles iraniennes même bien protégées avec des chances raisonnables de succès ». Au terme d’une comparaison entre une opération en Iran et l’attaque par Israël du réacteur irakien d’Osirak en 1981, laquelle s’est soldée par une réussite complète, ils concluent que le projet iranien « ne semble pas présenter plus de risques » que le raid de 1981.
Le grand point d’interrogation planant sur l’opération et au sujet duquel les auteurs renoncent à émettre des spéculations, est de savoir si les gouvernements turc, jordanien, américain ou saoudien permettraient aux Israéliens de pénétrer leur espace aérien (l’espace irakien étant sous contrôle américain). À moins que les Israéliens n’obtiennent d’avance la permission de traverser ces territoires, leurs jets pourraient avoir à mener des combats en cours de route. Ce facteur est le plus périlleux de l’ensemble du projet (les FDI pourraient atténuer ce problème en volant le long des frontières, par exemple celle séparant la Turquie et la Syrie, permettant ainsi aux deux pays de prétendre que les avions israéliens ont emprunté l’espace aérien de leur voisin).
Raas & Long laissent entendre mais ne mentionnent pas que les FDI pourraient aussi atteindre l’île de Kharg, par laquelle est exporté plus de 90% du pétrole iranien, ce qui porterait un coup sévère à l’économie iranienne.
Le fait que les forces israéliennes aient « une chance raisonnable de réussir » à détruire unilatéralement les principales installations nucléaires iraniennes pourrait contribuer à décourager Téhéran de poursuivre son programme d’armement. L’étude de Raas & Long favorise donc une issue diplomatique. Ses résultats méritent une diffusion aussi large que possible.
publié le lundi 2 juillet 2007
Version originale anglaise : Israeli Jets vs. Iranian Nukes
Adaptation française : Alain Jean-Mairet
Pour prévenir une « évolution catastrophique », indique Middle East Newsline, George Bush a décidé de ne pas attaquer l’Iran. Une source de l’administration explique que pour Washington, une coopération avec l’Iran est « nécessaire au retrait [des forces américaines] en Irak ».
Si l’information est exacte, elle implique que l’État juif est maintenant seul contre un régime qui menace de « rayer Israël de la carte » et qui construit les armes nucléaires pour le faire. Les leaders israéliens signalent que leur patience est à bout ; le vice-Premier ministre Shaul Mofaz avertissait ainsi récemment que « les efforts diplomatiques doivent donner des résultats d’ici la fin de 2007 ».
Les Forces de défense israéliennes (FDI) sont-elles capables de stopper le programme nucléaire iranien ?
La réponse à de telles questions est en principe fournie par les analyses top secrètes des agences de renseignement. Mais des outsiders de talent peuvent aussi s’y essayer en recourant à des sources publiques. Whitney Raas et Austin Long ont étudié cette problématique au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et ont publié leur impressionnante analyse, « Osirak Redux ? Assessing Israeli Capabilities to Destroy Iranian Nuclear Facilities » (Réédition d’Osirak ? Évaluation des capacités d’Israël de détruire les équipements nucléaires iraniens), dans le journal International Security.
Raas & Long se concentrent exclusivement sur la faisabilité et n’abordent pas les questions d’opportunité politique ou d’incidences stratégiques : si le commandement central israélien décidait d’endommager les infrastructures iraniennes, ses forces armées seraient-elles en mesure de remplir cette mission ? Les auteurs examinent les cinq éléments suivants d’un raid réussi :
L’usine d’enrichissement d’uranium à Natanz.
Renseignements. Entraver la production de matériel fissile implique la mise hors d’état de trois installations seulement de l’infrastructure nucléaire iranienne. Ce sont, dans l’ordre d’importance croissant, l’usine de production d’eau lourde et les réacteurs de production de plutonium en construction à Arak, une usine de conversion d’uranium à Ispahan et une usine d’enrichissement d’uranium à Natanz. Les auteurs relèvent que la destruction des installations de Natanz « est cruciale pour empêcher l’Iran de progresser vers la nucléarisation ».
Armement. Pour avoir de bonnes chances d’endommager suffisamment les trois installations, il faut – compte tenu de leur taille, du fait qu’elles sont enterrées, des armes à disposition des forces israéliennes et de différents autres facteurs – 24 bombes de 5000 livres (2,2 t) et 24 bombes de 2000 livres (900 kg).
Plateforme. Observant l’« étrange amalgame de technologies » dont disposent les Iraniens et les limitations de leur aviation de chasse et de leur défense au sol face aux équipements high-tech de l’armée de l’air israélienne, Raas & Long estiment que les FDI doivent engager une force relativement modeste de 25 F-15I et 25 F-16I.
Itinéraires. Les jets israéliens peuvent atteindre leurs cibles par trois itinéraires : la Turquie par le nord, la Jordanie et l’Irak au centre ou l’Arabie Saoudite au sud. En termes de carburant et de chargement, les trois options sont envisageables.
Forces de défense. Plutôt que de prédire l’issue d’une confrontation entre Israël et l’Iran, les auteurs calculent le nombre d’avions, sur les 50 engagés, qui devraient atteindre leurs cibles pour que l’opération réussisse. Ils estiment ainsi qu’au moins 24 avions doivent atteindre Natanz, six Ispahan et cinq Arak ou les 35 ensemble. En d’autres termes, la défense iranienne doit stopper au moins 16 des 50 avions, soit un tiers de l’escadre aérienne. Les auteurs considèrent qu’un tel résultat serait « considérable » pour Natanz et « pratiquement inimaginable » pour les deux autres cibles.
Dans l’ensemble, Raas & Long estiment que la modernisation constante des forces aériennes israéliennes leur donne « la capacité de détruire des cibles iraniennes même bien protégées avec des chances raisonnables de succès ». Au terme d’une comparaison entre une opération en Iran et l’attaque par Israël du réacteur irakien d’Osirak en 1981, laquelle s’est soldée par une réussite complète, ils concluent que le projet iranien « ne semble pas présenter plus de risques » que le raid de 1981.
Le grand point d’interrogation planant sur l’opération et au sujet duquel les auteurs renoncent à émettre des spéculations, est de savoir si les gouvernements turc, jordanien, américain ou saoudien permettraient aux Israéliens de pénétrer leur espace aérien (l’espace irakien étant sous contrôle américain). À moins que les Israéliens n’obtiennent d’avance la permission de traverser ces territoires, leurs jets pourraient avoir à mener des combats en cours de route. Ce facteur est le plus périlleux de l’ensemble du projet (les FDI pourraient atténuer ce problème en volant le long des frontières, par exemple celle séparant la Turquie et la Syrie, permettant ainsi aux deux pays de prétendre que les avions israéliens ont emprunté l’espace aérien de leur voisin).
Raas & Long laissent entendre mais ne mentionnent pas que les FDI pourraient aussi atteindre l’île de Kharg, par laquelle est exporté plus de 90% du pétrole iranien, ce qui porterait un coup sévère à l’économie iranienne.
Le fait que les forces israéliennes aient « une chance raisonnable de réussir » à détruire unilatéralement les principales installations nucléaires iraniennes pourrait contribuer à décourager Téhéran de poursuivre son programme d’armement. L’étude de Raas & Long favorise donc une issue diplomatique. Ses résultats méritent une diffusion aussi large que possible.
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