Wednesday, January 23, 2008

Judéité, laïcité, citoyenneté


18/01/2008 | Mise à jour : 12:11 | Commentaires 16 .
Par Daniel Farhi, Stephen Berkowitz et Célia Surget, rabbins du Mouvement juif libéral de France.
Disons-le d'emblée : malgré les vicissitudes de leur histoire au sein de notre pays (notamment l'antisémitisme de l'affaire Dreyfus et celui des années du nazisme), les juifs ont acquis un statut tout à fait satisfaisant et honorable, à l'égal des autres communautés confessionnelles. Dans le paysage laïc de la France républicaine, ils peuvent concilier, sans problèmes majeurs, leur fidélité à leur foi ancestrale et leur citoyenneté.

Les décisions du Grand Sanhédrin de 1807 avaient permis de sauvegarder à la fois la judéité, la laïcité et la citoyenneté de nos ancêtres du XIXe siècle. Aujourd'hui, au nom d'une laïcité mal interprétée, certains de nos coreligionnaires présentent des exigences peu conformes à l'esprit qui animait les rédacteurs du Grand Sanhédrin. Le Talmud lui-même avait déjà énoncé le fameux principe : Dina demalekhouta dina «a loi du royaume (de l'État) est la loi» , au nom duquel le juif est tenu de se soumettre à la loi civile de son pays dans la mesure où elle ne le contraint pas à des actes immoraux (meurtre, adultère, idolâtrie). Mais alors, comment comprendre les demandes de saisine de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), de la part d'associations juives ? Créée en 2004, la Halde a pour mission générale, rappelons-le, de lutter contre les discriminations prohibées par la loi, de fournir toute l'information nécessaire, d'accompagner les victimes, d'identifier et de promouvoir les bonnes pratiques pour faire entrer dans les faits le principe d'égalité. Il ne semble pas a priori que les demandes de saisine enregistrées ces derniers mois, en provenance des dites associations juives, entrent vraiment dans le cadre de discriminations ou d'atteintes à la liberté.

En France, chacun peut revendiquer son identité sans oublier sa citoyenneté. Ce qui est demandé à chacun est de s'intégrer à la communauté nationale, non de s'assimiler. Cette nuance est essentielle : elle est de nature à rassurer les membres de toutes les minorités nationales sur le fait que la République ne leur demande pas de disparaître culturellement ou religieusement, mais, tout en conservant leurs traditions, d'assumer une citoyenneté loyale et raisonnable.

C'est, nous semble-t-il, ce qu'avaient bien compris les membres du Grand Sanhédrin de 1807 ; c'est ce que certains ne semblent plus comprendre aujourd'hui, accumulant des exigences de moins en moins compatibles avec une véritable citoyenneté. Leur prise en compte par les pouvoirs publics irait à l'encontre de la laïcité française à laquelle nous sommes très attachés.

Quelques exemples recueillis dans le compte-rendu d'une visite du ministre de l'Intérieur et des Cultes, le 22 novembre dernier au Consistoire de Paris par le mensuel Information juive. Parlant des «préoccupations essentielles (…) pour la communauté juive», un des articles énonce entre autres : «la fiscalité des dons, la cacherout (…), les places dans les carrés confessionnels juifs dans les cimetières (…), le calendrier des examens pour les élèves et les étudiants juifs (…), la nourriture cachère dans les hôpitaux, les systèmes d'entrée de certains immeubles le shabbat…». Force est de constater, face à cette énumération, que la communauté juive émet là des exigences qui sont des formes de privilèges allant bien au-delà des règles d'une laïcité bien comprise. Si chaque minorité nationale devait s'en inspirer, il est à craindre que la vie du pays serait parcellisée et peu propice à l'intégration tant désirée par les pouvoirs publics. Faut-il rappeler, par exemple, que les carrés confessionnels dans les cimetières municipaux sont des dérogations, non un droit en soi ? Concernant les digicodes en bas des immeubles, il est inadmissible de vouloir en imposer l'arrêt le shabbat au prétexte d'une pratique orthodoxe de certains locataires juifs, et aux dépens de la sécurité et de la tranquillité du reste des occupants de ces immeubles.

On peut comprendre le désir de certains de vivre selon toutes les prescriptions de leur religion, mais ils doivent admettre que ce n'est pas possible dans un pays dont les coutumes et les lois ont été façonnées par des siècles de chrétienté et qui, de surcroît, se propose d'intégrer tant d'autres minorités. Il y a deux siècles, en acceptant la devise de la République Liberté, égalité, fraternité les juifs ont aussi implicitement accepté cette autre devise : Judéité, laïcité, citoyenneté.







Citoyenneté, judaïsme, laïcité

Par Haïm Korsia
Aumônier général israélite des armées, Secrétaire général de l'association du rabbinat français


Suite à la libre opinion intitulée « Judéité, laïcité, citoyenneté » parue dans le Figaro sous la triple signature des chefs spirituels d'un mouvement juif libéral, et critiquant la saisine de la Halde à propos des examens le shabbat et les jours de fêtes juives, il me semble nécessaire de préciser quelques points.
Jamais il n'a été question d'interdire en France tous les examens les samedis, mais de demander à trouver des solutions de bon sens. Y a t'il atteinte à la République à engager au dialogue? Je ne le pense pas. Il faut affirmer qu'un jeune qui croit en une foi religieuse n'est pas un danger pour la laïcité, bien au contraire, puisque c'est l'Etat qui garantit sa liberté de pratique.
Les signataires n'ont malheureusement pas lu la saisine, car ils y auraient trouvé l'expression d'un attachement profond à la laïcité que justement nous défendons. L'Etat laïc n'a pas vocation à normer les pratiques religieuses et il est surprenant que le judaïsme libéral dénie aux juifs ce qu'il accepte et même parfois revendique pour les autres cultes, à savoir le respects de nos règles, traditions et devoirs religieux. Le Consistoire est dans son rôle lorsqu'il plaide pour des carrés juifs dans les cimetières, car toutes les religions ont la même demande qui est celles de tous nos fidèles, y compris les plus libéraux. Le Consistoire est dans son rôle lorsqu'il s'inquiète d'un laïcisme outrancier de certains concernant les examens les jours fériés et il est toujours dans son rôle lorsqu'il préconise la nourriture cacher dans les hôpitaux ou des ouvertures de portes compatibles avec nos règles, mais jamais au dépend de la sécurité. Le Consistoire est fidèle à sa devise « Patrie et religion » qui s'incarne dans tout ce qui fait notre vie juive et qui est un cadre rituel qui, de nos jours, doit être mieux expliqué, en particulier dans un monde où les rites s'effacent, emportant avec eux nombres de repères de notre société.
Par ailleurs, c'est faire insulte au travail remarquable de la Halde que de ne pas reconnaître que la notion de discrimination indirecte est une réalité que connaissent certains juifs qui se heurtent à un refus de trouver des solutions pour des questions aussi simples qu'une serrure ou un examen.
Le texte de la Halde est limpide: « La discrimination est indirecte lorsqu’une disposition, un critère, une pratique apparemment neutre, est susceptible d’entraîner un effet défavorable pour une personne ou un groupe de personnes en raison d’un critère prohibé par la loi, par exemple leur origine, leur sexe ou leur religion, par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit effectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires. »
De manière absolue, le judaïsme se réclame de la France car nous sommes une part de son génie, mais ce lien n'implique pas une oblitération de notre foi. Depuis Louis XIV qui voulait une France acquise à « un roi, une foi, une loi », les Lumières et 1789, ou plus exactement 1791 pour les juifs, ont permis à chacun d'être porteur d'une double fidélité à sa foi et à son pays.
Je ne méconnais pas l'histoire de France et l'apport du christianisme, mais je sais que des juifs étaient présents et actifs avant même que Clovis ne soit baptisé en 496, je sais ce que la langue française doit au rabbin Rachi de Troyes et à tant d'autres, et ce serait faire preuve de peu de mémoire que d'effacer les traces de ces apports à la culture et à l'histoire de France.
Je plains sincèrement ceux qui se vivent eux même en situation de dhimmi, de soumis, dans un pays qui ne fait, lui, aucune différence entre ses enfants. Je plains ceux qui n'ont pas appris de l'histoire biblique ou plus tragiquement contemporaine que rien ne peut justifier le rejet de son frère, et que la grandeur d'un homme est de défendre ceux qui vivent intensément, authentiquement leurs convictions ou leur foi, sans jamais nuire à la collectivité, bien au contraire, même s’il ne les partage pas.
Nul ne se grandit en abaissant ses propres frères, c'est ce que nous enseigne la parole du deuxième fils de la Haggadah du soir de Pâques: « Quelles sont ces traditions pour vous? ». La force du judaïsme a toujours été de porter les espérances des uns et des autres, les combats des uns et des autres, les rêves des uns et ceux des autres, même si ce n'étaient pas les notres.
Sachons conserver nos traditions afin de donner plus à la France.


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Le coup de poignard dans le dos

Par Schlomoh Brodowicz pour Guysen International News

Mardi 22 janvier 2008 à 00:31


Mais quelle mouche à donc piqué les rabbins libéraux Daniel Fahri, Stephen Berkowitz et Célia Surget pour qu’ils se constituent parties civiles d’une République qui n’en demandait pas tant ? Ou peut-être est-ce la période des soldes qui lève un si lourd tribut sur leur belles âmes qu’elle les inspire à vider le Judaïsme de ses valeurs immémoriales – dont elles se sont par ailleurs bien démarquées depuis des lustres. Et faut-il donc que ce soit des Juifs qui dressent le réquisitoire d’une communauté juive qui a déjà fort à faire ailleurs ?


Car voilà que ces défenseurs en diable de la République laïque font usage d’un média national (le Figaro du 18/11) pour tirer à boulets rouges sur leurs frères soucieux de préserver –pacifiquement s’entend – des valeurs pour lesquelles des générations ont lutté jusqu’au sacrifice ultime.

Et quelle référence est la leur pour dénoncer ceux par qui le scandale arrive ? Le Grand Sanhédrin de 1807 d’inspiration napoléonienne, dont on sait trop la ferveur, la piété et la forte identité juive qu’il a inspiré à nos frères d’antan, lesquels, selon un vieux mot avaient en commun avec leur concitoyens non juifs, le fait que « les premiers ne fréquentaient pas la synagogue et les seconds ne fréquentaient pas l’église ».

Quant à ce qui provoque cet accès de bile noire d’inspiration républicaine, c’est le désir de certains Juifs que soit pris en compte « la fiscalité des dons, la cacherout (…) les places dans les carrés confessionnels juifs (…) les calendriers des examens pour les élèves et les étudiants juifs (…) la nourriture cachère dans les hôpitaux, les systèmes d’entrée de certains immeubles le Chabbat » lesquels constituent pour ces gardes suisses de la république « des exigences qui sont des formes de privilèges allant bien au-delà des règles d’une laïcité bien comprise ».
Aux armes citoyens ! Avez-vous bien saisi comment des Juifs obscurantistes, bornés et rétrogrades entendent saper les fondements d’une république deux fois centenaire ?

Il faut dire qu’on a maille à partir avec la cohérence de Daniel Fahri, lequel peut à la fois défendre bec et ongles le droit de Jean-Marie Lustiger de prendre la soutane (et lui rendre un dernier hommage à Notre Dame) et affirmer sans rire sur les ondes de « Radio Courtoisie » que « D-ieu n’a certainement pas voulu les religions ». (Si, si, on peut vérifier…)

Mais lui et ses compères enfoncent encore le clou : « On peut comprendre le désir de certains de vivre selon les prescriptions de leur (sic !) religion mais ils doivent admettre que ce n’est pas possible dans un pays dont les coutumes et les lois ont été façonnées par des siècles de chrétienté. » Voilà clairement dit par des rabbins (enfin, ce qu’il reste chez eux de cette vocation) ce qu’aucun digne citoyen républicain français n’oserait dire à des Juifs religieux : « si vous tenez tant à respecter la tradition de Moïse, alors faites vos valises ! »
Je ne suis pas certain pour ma part que le Président de la République et son Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale trouvent ce zèle citoyen très à leur goût.

Au passage, voilà de la part d’un homme préoccupé, dit-on, de Mémoire, un bel hommage rendu à ceux qui ont mis les Tefilines à Auschwitz, qui y ont sonné le Chofar et y ont construit des Souccot (eh si…). Voilà en bel hommage à des dizaines de milliers de Juifs non religieux qui, en Slovaquie et en Hongrie, ont refusé des certificats de baptême de complaisance lesquels auraient pu leur éviter la chambre à gaz. Voilà un bel hommage rendu à tous ceux qui sont montés sur des bûchers pour ne pas abdiquer leur foi et à qui nos trois fiers à bras républicains doivent d’exister.

Et de tout confondre. Poser comme un acte de discrimination le fait que l’entrée d’un immeuble ne soit pas conçue pour ceux qui respectent le Chabbat est certes très excessif.

Mais pour le reste : cela fait des lustres que les Juifs religieux sont toujours parvenus à composer dans la plus grande sérénité avec les règles de la république, voire du patriotisme et parfois, même à grand frais quand on pense à l’image du rabbin Abraham Bloch, mort sur le champ de la Grande guerre en assistant un soldat chrétien dans ses derniers moments. Un épisode exalté par le pourtant très peu philosémite Maurice Barrès qui écrivait : « Voilà une image qui ne périra pas. »

Et de nos jours, depuis des décennies, des élèves et des étudiants juifs ont effectué des parcours scolaires et universitaires brillants sans rien enfreindre ni de la loi de Moïse ni de celle de la république. L’auteur de ces lignes peut – modestement – en témoigner pour lui-même. Depuis des décennies encore, les juifs hospitalisés peuvent s’ils le désirent obtenir des repas cachers, sans que cela ait jamais provoqué des inflammations cutanées chez les autorités de l’Assistance publique. Des repas qui, soit dit en passant, font le bonheur de certains musulmans pratiquants. Cela fait belle lurette que les dons à maintes institutions juives sont déductibles sur les feuilles d’impositions. Quant aux carrés juifs de cimetières, il s’agit d’une exigence des plus fondamentales de la loi héritée du Sinaï et à laquelle aucune république n’a jamais tenté de porter atteinte.

Si je puis ici apporter mon modeste témoignage, j’ai fait une carrière d’ingénieur dans une multinationale au sein de laquelle ma pratique religieuse n’a donné des boutons à personne. J’y jouissais même d’un grand respect de la part de mes collègues. La personne à laquelle j’ai dû ma titularisation était un catholique fervent – ex membre de l’OAS de surcroit – qui ne trouvait rien à redire à ce que je quitte mon travail plus tôt le vendredi. Cette entreprise compte toujours du reste, maints Juifs pratiquants qui ne connaissent pas la moindre difficulté.

Et pour la pièce montée de cette lugubre fête, on ne saurait assez suggérer à nos trois zélotes de la république de joindre leurs efforts à ceux d’une immémoriale gloire du cinéma français partie jadis en croisade contre l’abattage rituel.

Il conviendrait également de signaler à Madame la Ministre de l’Intérieur que tous les Juifs pratiquants de l’Hexagone – y compris le Grand rabbin de France – se promènent sans papiers sur eux le Chabbat. Nul doute qu’elle trouvera ici l’inspiration d’un petit coup de filet dans les milieux intégristes… juifs, pour une fois.

Et tiens, puisque nous y sommes : comment se fait-il que l’Islam dont les adeptes en France sont plus nombreux que les Juifs et dont les revendications s’expriment – souvent avec peu de pondération – dans tous les domaines de la vie citoyenne, n’alarme pas nos dignes rabbins alors qu’il suscite les plus vives inquiétudes en haut lieu ? Est-ce aux Juifs religieux qu’on doit ce qu’il est convenu d’appeler « les territoires perdus de la république » ? Nos pourfendeurs d’intégrisme sauraient-ils par hasard qu’un papier du même genre écrit par Robert Redecker a valu à son auteur de devoir se terrer comme un rat, du fait de menaces de mort ?

Et sachez chers lecteurs que nos auteurs ne sont pas des illettrés car c’est rien moins que le Talmud qu’ils invoquent : « Dina deMa’lhouta Dina » : « La loi du pays c’est la loi ». Et c’est là que je ne peux réprimer une onde de malice : et le reste… du Talmud ? Les rabbins qu’ils sont en assument-ils le sens et les implications avec la même ferveur ?

La vérité c’est que ces gens se payent à la fois la tête de leurs coreligionnaires et celle de la République. Je ne suis pas certain que les autorités républicaines, à tous niveaux, soient très admiratives de ces Juifs qui ne craignent pas d’étaler leur frilosité au détriment de leurs frères. Ce dont je suis certain en revanche, c’est que tous les maires de France dans les villes desquelles le mouvement Loubavitch organise des allumages publics de Hanoucah honorent ces cérémonies de leur présence, quelle que soit leur appartenance politique. Ce que je sais aussi, c’est que personne n’a perçu d’atteinte à la république lorsque le Président Jacques Chirac a invité les responsables du mouvement Loubavitch à l’Élysée, qu’il a accepté avec beaucoup d’émotion de recevoir la traditionnelle Bénédiction des Cohanim et qu’on a vu, lors de cet événement, des rescapés de la déportation mettre les Tefilines dans les salons de la demeure du premier magistrat de la République.

Une once de bon sens aurait inspirée nos trois compères de s’abstenir de jeter ce pavé dans la mare de la presse nationale et d’inviter plutôt la communauté à un débat interne. Mais il faut croire que l’occasion était trop bonne.

Ce que leur vindicte a fait oublier à nos trois compères lorsqu’ils ont trempé leur plume dans le fiel, c’est que Moïse a signifié que la vocation du peuple juif était d’être « un royaume de prêtres et une nation sainte ». Cela n’implique certes pas que nous devons plastronner devant l’humanité mais cela n’est pas non plus une injonction de raser les murs.

Ce qu’ils ont également oublié c’est que le judaïsme libéral vit aux crochets du judaïsme religieux et qu’il ne serait qu’un grand néant si, pendant que ses lieux de culte n’existaient pas, les maisons d’étude du monde religieux n’avaient cessé – pendant deux millénaires – de briller jour et nuit de tous leurs feux pour livrer à l’humanité le message inaltéré de Moïse.


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Justice
Youssouf Fofana: confessions d'un "barbare"
Pascal Ceaux, Jean-Marie Pontaut
Youssouf Fofana, responsable du rapt et de la mort d'Ilan Halimi, en 2006, est le personnage clef d'une affaire dont l'instruction vient de s'achever. En prison et devant les juges, il a multiplié les provocations.

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u fond de sa cellule, Youssouf Fofana écrit souvent au procureur de la République. Le chef du «gang des barbares» ne veut surtout pas être oublié. Il entend rester le maître du jeu, l'insulteur, le provocateur, lui qui avait organisé, le 20 janvier 2006, l'enlèvement, à Paris, d'un jeune juif et sa séquestration, à Bagneux (Hauts-de-Seine). Avec l'appui d'une dizaine de complices, Fofana avait ensuite exigé une rançon en échange de la libération d'Ilan Halimi, au prétexte que «les juifs ont de l'argent». Trente-trois jours plus tard, le jeune homme avait été retrouvé, agonisant, au bord d'une route dans l'Essonne. Sa mort avait ému l'opinion et entraîné une grande manifestation contre l'antisémitisme.


Deux ans ont passé. Youssouf Fofana n'a pas changé. Dans son courrier, les cibles sont multiples, mais l'ennemi, toujours le même: le juif et ses soutiens supposés, tel Nicolas Sarkozy, «vendu à la solde des sionistes américains». Lorsque les juges d'instruction Corinne Goetzmann et Baudouin Thouvenot l'ont interrogé sur les motivations antisémites de son acte, il a répondu: «Allah et son prophète, ils aiment pas les juifs.» Il a aussi signé l'un des procès-verbaux d'interrogatoire en l'accompagnant de la mention: «A mort Israël.»

Le principal suspect dans la mort d'Ilan Halimi n'a changé qu'une fois de langage. Peu après son extradition de Côte d'Ivoire, son pays d'origine, où il s'était réfugié, il récusait toute motivation raciste à son acte. «Je ne suis pas antisémite, je n'ai tué personne de mes mains», affirmait-il alors à la juge. Le chef des «barbares» préférait insister sur les mauvais traitements - coups, matraquage, électricité - qu'il aurait subis selon ses dires à Abidjan. «Quand je leur disais un truc qui n'allait pas, j'étais frappé», déclarait-il à propos des policiers ivoiriens.

Au fil de l'instruction, le jeune Français, aujourd'hui âgé de 27 ans, lâche quelques bribes aux juges et aux experts. De lui-même, il parle peu, à l'exception d'un étrange aveu, sans doute l'écho d'une scolarité ponctuée d'échecs: «Je lance des paroles comme ça, je ne lis pas, je suis lobotomisé.» Presque rien, non plus, sur sa famille, ses six frères et soeurs, tous bien intégrés à la société française, à l'exception d'un seul, qui souffre d'un handicap mental. Rien, enfin, sur ses parents, son père, manutentionnaire retraité, sa mère, femme de ménage, venus de Côte d'Ivoire en France «pour avoir une bonne vie». Fofana laisse juste échapper un cri de révolte: «Ça fout la haine de voir ses parents comme ça nettoyer les chiottes.» A cela, il ajoute une version quelque peu arrangée de son parcours. «Je suis barbare, enfant des cités», revendique-t-il. En fait, il a vécu à Paris, jusqu'à l'âge de 14 ans.
P. Pavani/AFP Photo


La marche en souvenir d'Ilan Halimi, le 26 février 2006, à Paris, avait rassemblé plusieurs milliers de personnes.

Youssouf Fofana est bien plus prolixe dès qu'il est question de l'affaire, de «son» affaire. Il évoque ainsi volontiers son emprise sur ses complices: la jeune fille qui servit d'appât pour attirer Ilan Halimi, les geôliers du jeune homme dans un immeuble de Bagneux, ceux qui l'accompagnèrent jusqu'à la scène finale des cinq coups de couteau et du corps partiellement brûlé. «J'ai été le chef, oui, ils m'obéissaient tous.»

Lors d'un interrogatoire, il cherche même à les dédouaner. «Mes co-mis en examen ont été forcés moralement et physiquement à faire ce qu'ils ont fait. En fait, ils n'ont jamais voulu le faire», dit-il. Cette autorité sur le groupe est confirmée par plusieurs de ses comparses. «C'est pas des pressions physiques mais psychologiques, affirme l'un d'entre eux. Il mettait les gens au pied du mur. C'est une personne têtue.»



La victime et l'appât
Elle se prénomme Yalda. C'est elle qui, à l'instigation de Youssouf Fofana, a attiré Ilan Halimi dans le piège qui a finalement coûté la vie à ce dernier. Elle devait recevoir en échange une somme d'argent. Fofana ne lui avait pas désigné Halimi en particulier. Il voulait simplement un juif, parce que «les juifs sont solidaires entre eux et qu'ils paieront» une rançon. Elle est entrée dans le magasin de téléphonie mobile où celui-ci travaillait. C'était le plus proche de l'endroit où elle s'était arrêtée en voiture. Aussi, lorsque la juge d'instruction lui demande: «Avez-vous bien conscience que c'est vous et vous seule qui avez choisi la victime?», elle répond: «Oui.»
Mineure au moment des faits, la jeune fille est toujours incarcérée. En prison, elle a effectué trois tentatives de suicide.

Puis les diatribes antisémites deviennent une rengaine. Même en prison. L'administration pénitentiaire fait ainsi état du témoignage d'un détenu ayant parlé avec Fofana. Ce dernier lui a dit qu'il n'aimait pas les personnes de confession juive, qu'il n'avait pas choisi sa victime au hasard. Lors d'une audition devant le juge Thouvenot, il déclare: «Moi, je vous aime bien, mais je préfère Mme Goetzmann parce que c'est une juive et que je préfère avoir mes ennemis en face de moi et pas d'intermédiaire.» Plus tard, lors d'une confrontation avec d'autres mis en examen, Youssouf Fofana demande à faire une déclaration. «Inch Allah, commence-t-il, il y aura un commando qui va m'évader [...] politiquement, je suis le symbolique trophée de guerre détenu par les sionistes de New York [...]. Economiquement il y a des compagnies pétrolières arabes qui au nom d'Allah voudront à tout prix récupérer le symbolique trophée de guerre...» Et les propos de celui qui se rêve aussi un destin de «grand chef de guerre» en Côte d'Ivoire se concluent par une demande de mise en liberté.

Il ne parle pas de la victime comme d'une personne
En dépit de l'aspect délirant des paroles de Fofana, les avis des experts, psychologue et psychiatres, se rejoignent: il n'est «pas pervers», «pas psychotique», et est doté d'une «intelligence normale» avec «nul indice de déficit». Il manifeste bien quelques traits de psychopathie, mais n'est «pas vraiment un psychopathe». Les expertises s'accordent par ailleurs pour décrire «une personnalité rigide avec absence du sens de l'autre et de remise en question de soi, narcissique, dominatrice, égocentrique, très déterminée, manipulatrice». En outre, Fofana se signale parce qu'il ne manifeste «aucune expression de regret ou de culpabilité». De fait, pendant les interrogatoires, il ne fait jamais mention de la victime, Ilan Halimi, comme d'une personne. Dans sa bouche, ce dernier n'existe pas.

Depuis son retour en France, Youssouf Fofana a recouru aux services d'au moins 36 avocats, désignant et récusant à tour de rôle ses défenseurs. Et il n'a pas caché son désir aux magistrats instructeurs. «Qu'est-ce que vous cherchez à me faire dire? Moi, je suis là pour vous emmerder.»











es rescapés de l'Holocauste ont été victimes d'un antisémitisme généralisé en Pologne, au lendemain de la guerre : la thèse développée par l'historien Jan Tomasz Gross dans son dernier ouvrage La Peur (Strach), sorti dans les librairies polonaises vendredi 11 janvier, a déclenché un vif tollé dans le pays. Au point que la justice se saisisse de l'affaire.



Vendredi, le parquet de Cracovie s'est empressé d'ouvrir une enquête préliminaire pour vérifier si l'auteur ne s'est pas rendu coupable de "diffamation publique contre la nation polonaise", ce qui constitue un délit selon le code pénal polonais. Amendé en octobre 2006, sous l'impulsion de la droite conservatrice des frères Kaczynski, l'article 132 prévoit jusqu'à trois ans de prison pour "quiconque impute à la Nation polonaise la complicité, l'organisation ou la responsabilité de crimes communistes ou nazis".

Dans La Peur, Jan Gross, professeur d'origine polonaise à l'université de Princeton, étaye par des témoignages la thèse selon laquelle l'antisémitisme était largement "répandu" en Pologne, après 1945. L'auteur s'appuie entre autres sur le pogrom de Kielce (sud-est), le 4 juillet 1946. Quarante juifs rescapés de la Shoah y furent massacrés par la foule, après des rumeurs infondées selon lesquelles un enfant aurait été tué par des juifs.

Bien connu des Polonais, l'historien avait déjà publié, en 2000, Les Voisins, sur le massacre de Jedwabne (nord-est) perpétré en juillet 1941. Des centaines de juifs y furent tués ou brûlés vifs par leurs voisins catholiques. Pourquoi La Peur dérange-t-il autant ? A se fier aux nombreux commentaires parus dans les médias polonais, la polémique viendrait moins des faits eux-mêmes - les pogroms et les assassinats de Juifs polonais - que de leur interprétation.


"TON D'ACCUSATEUR PUBLIC"


"Ce n'est ni l'oeuvre d'un historien ni même celle d'un journaliste politique", s'est emporté le quotidien conservateur Rzeczpospolita. Le très respecté hebdomadaire catholique de Cracovie Tygodnik Powszechny, promoteur de longue date de la réconciliation entre Polonais et juifs, n'a pas épargné M. Gross. "Il s'appuie sur une relation condensée et tendancieuse des faits, isolée du contexte", commente son rédacteur en chef, le père Adam Boniecki. " Il recourt à la généralisation et à un ton d'accusateur public", et se place en marge "du débat sérieux, historique et scientifique, sur l'antisémitisme d'après-guerre".

"Sous le régime communiste, le sujet polono-juif était soumis à un double tabou, social et officiel. Jusqu'à l'opposition démocratique, et surtout Solidarnosc, cette question n'a pas pu parvenir jusque sur l'espace public", explique l'historien Andrzej Paczkowski, de l'Académie des sciences polonaise. "Après 1989, les publications, scientifiques ou d'opinion, se sont multipliées. Aujourd'hui on en débat publiquement. Mais l'opinion polonaise reste divisée", ajoute-t-il.

Dès la chute du communisme, l'historienne Krystyna Kersten publie Les Polonais, les juifs, le communisme. Anatomie de demi-vérités 1939-1968. Un sujet déjà brièvement abordé en 1981, sous le régime communiste, dans son article paru dans les colonnes de l'hebdomadaire clandestin Tygodnik Solidarnosc.

A la fin des années 1990, l'Institut d'histoire juive à Varsovie multiplie, à son tour, les publications. En réponse au débat ouvert en 2000 par Les Voisins, l'Institut de la mémoire nationale (IPN), qui a la garde des archives de la sécurité communiste, s'empare du sujet. Sous l'impulsion de son directeur d'alors, Leon Kieres, il lance un vaste travail de recherche et de publications historiques sur les relations polono-juives d'après 1945. Depuis son remplacement en 2005 par un proche de la droite conservatrice du président Lech Kaczynski, et de son frère, l'ancien premier ministre Jaroslaw, l'Institut s'est largement détourné du sujet.


Halte à la destruction du quartier juif de Budapest !, par Jean-Pierre Frommer
LE MONDE | 23.01.08 | 13h53 • Mis à jour le 23.01.08 | 13h53
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ous suivons depuis maintenant quelques années, avec beaucoup de tristesse, de stupéfaction et parfois de colère, ce qui se passe dans le quartier juif de Budapest. Ce que la guerre, le nazisme et le stalinisme n'ont pas réussi à détruire est en train de disparaître sous nos yeux. Il s'agit de pans entiers de l'architecture et de l'urbanisme du XIXe siècle et du début du XXe qui partent en poussière. Selon l'association hongroise Óvás !, à ce jour, 40 % des édifices du XIXe siècle, de style néoclassique et Art nouveau, ont été rasés ou transformés en constructions qui nuisent au caractère du quartier. C'est tout un tissu urbain, architectural, historique, social, culturel, cultuel et humain, ayant valeur de patrimoine mondial, qui est ainsi dénaturé, abattu, perdu à tout jamais. Comment admettre que le dernier vestige du mur du ghetto de Budapest ait été détruit, ses pierres vendues dans une frénésie de démolition spéculative ?




Comment admettre qu'à 20 mètres de la grande synagogue, on démolisse des bâtiments classés pour y bâtir un immeuble de sept étages rivalisant par sa taille et sa dimension avec le monument historique voisin ?

Ma virulence pourrait sembler exagérée mais elle est à la mesure du scandale, et je ne peux comprendre que les Hongrois laissent ainsi disparaître ce qui n'appartient pas seulement à eux, mais à l'humanité entière. Il semble que les décideurs n'en mesurent absolument pas la considérable valeur culturelle et économique. Une partie du quartier juif se trouve d'ailleurs dans la zone de protection du site de l'avenue Andrássy, inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco.

L'argument communément avancé par les décideurs justifiant ces démolitions est un argument économique. N'y aurait-il pas d'argent pour faire les réhabilitations nécessaires ?

En réalité, on sacrifie l'intérêt économique à long terme de la collectivité à des profits à très court terme d'une minorité, sans égard pour les habitants qui sont chassés de leurs logements. L'argument économique mérite d'être réexaminé. D'autant que les investisseurs actuels pourraient gagner de l'argent en réhabilitant ces immeubles de valeur plutôt qu'en les démolissant pour les remplacer par des constructions sans âme.


A L'IMAGE DU MARAIS


Ce quartier recèle un potentiel touristique extraordinaire et pourrait constituer un pôle de développement à l'instar d'autres quartiers du même type. Ce qui a été possible par exemple dans le quartier du Marais à Paris ou dans bien d'autres villes européennes ne le serait-il pas à Budapest ? La loi Malraux a permis de sauver le Marais, quartier riche en histoire et en architecture, notamment par des mesures fiscales. Et pourtant, le Marais était constitué d'immeubles en plus mauvais état et disposait de moins d'atouts quant à la structure des bâtiments que ceux du quartier juif de Budapest. Aujourd'hui, le Marais draine une affluence touristique et commerciale parmi les plus importantes de Paris.

Il faut de l'argent, certes, mais la réhabilitation est un processus à long terme et les dépenses sont ainsi lissées sur plusieurs années. Il faut surtout une volonté politique. La décentralisation de l'urbanisme en Hongrie a donné, semble-t-il, trop de pouvoirs aux maires d'arrondissement. C'est donc à l'Etat hongrois et à Budapest-capitale de mettre les garde-fous qui protègent l'intérêt national et le patrimoine mondial.

Cette volonté politique pourrait se manifester par une réglementation stricte adaptée à la nature de patrimoine mondial du secteur. Il faut instaurer un moratoire sur toute démolition et toute construction neuve dans le secteur concerné, le temps d'établir un plan de réhabilitation urbain soucieux de la préservation et de la mise en valeur du quartier juif. Je ne fais pas seulement appel au sens de la culture des autorités hongroises, mais aussi à une compréhension de leurs intérêts économiques à long terme.

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