Saturday, January 19, 2008

Le Hezbollah dit détenir des morceaux de corps israéliens
19.01.08 | 22h30


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ar Yara Bayoumy

BEYROUTH (Reuters) - Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé samedi que le mouvement chiite avait en sa possession des restes de soldats israéliens abandonnés sur le théâtre des combats lors de la guerre au Sud-Liban à l'été 2006.

"Ô sionistes, votre armée vous ment. Votre armée a laissé derrière elle des morceaux de corps de vos soldats dans nos villages et dans nos champs", a déclaré le leader chiite libanais en s'adressant aux centaines de milliers de pèlerins célébrant la fête chiite de l'Achoura dans le sud de Beyrouth.



"Nos moudjahidines avaient pour habitude de combattre ces sionistes, de les tuer et de récupérer des lambeaux de leurs corps (...) Je le dis aux Israéliens, nous avons les têtes de vos soldats, nous avons des mains, nous avons des jambes", a ajouté Nasrallah, dont c'était la première apparition publique depuis de nombreux mois.

L'armée israélienne a réagi dans un communiqué qualifiant la déclaration de Nasrallah d'"initiative cruelle et cynique de la part d'une organisation qui piétine de manière flagrante les codes éthiques les plus fondamentaux et ne témoigne aucun respect pour les droits de l'homme ou les conventions internationales qui régissent ces questions.

"Son discours montre que l'organisation terroriste du Hezbollah viole les valeurs sacrées pour toutes les religions, y compris l'islam", ajoute le communiqué.

Les 34 jours de conflit entre le Hezbollah et l'armée israélienne ont fait quelque 1.200 victimes au Liban, pour la plupart des civils, et 157 morts côté israélien, essentiellement des militaires.

"Il y a même un corps presque entier, la moitié ou les trois-quarts d'un corps, de la tête au torse, à la poitrine", a insisté le chef du Hezbollah, qui s'était auparavant mêlé à la foule pendant la procession.

Les pèlerins ont pu suivre son discours en direct sur un écran de télévision.

ACCROÎTRE LA PRESSION SUR ISRAËL

Ses propos très imagés semblent destinés à accroître la pression sur le gouvernement israélien pour accélérer les négociations menées sous l'égide de l'Onu en vue d'un échange de prisonniers, qui permettrait la libération de deux soldats israéliens.

A deux reprises ce mois-ci, les autorités israéliennes ont arrêté et interrogé des bergers libanais habitant dans des villages situés près de la frontière avant de les relâcher quelques heures plus tard.

Les survols israéliens du territoire libanais se poursuivent également de manière quasi quotidienne.

"Nous estimons que ces attaques contre les civils aux frontières libanaises constituent une humiliation pour une nation et un peuple. On ne peut pas rester silencieux sur cette question et il faudra s'y confronter un jour prochain et nous nous y confronterons, si Dieu le veut, un jour prochain", a menacé Nasrallah.

Le dirigeant chiite a par ailleurs mis en doute la qualification des autorités politiques et militaires israéliennes et de Tsahal et s'est demandé si elles seraient dans la capacité de lancer une guerre contre le Liban. Mais il a ajouté que si l'Etat juif décidait d'engager ce conflit, "nous leur promettons une guerre qui changera le cours du combat et le destin de toute la région, si Dieu le veut".

Les chiites libanais ont fêté samedi l'Achoura, qui commémore le "martyre" en l'an 680 de l'imam Hussein, petit-fils de Mahomet, alors que leur pays traverse sa plus grave crise depuis la guerre civile de 1975-1990. Elle oppose la majorité anti-syrienne au pouvoir à l'opposition conduite par le Hezbollah.

Version française Marc Delteil et Gwénaëlle Barzic




Monde
Un livre replonge la Pologne dans ses heures noires d’après-guerre
Histoire. «Strach» lève le voile sur les exactions anti-Juifs après 1945. Et fait débat.
MAJA ZOLTOWSKA
QUOTIDIEN : vendredi 18 janvier 2008
20 réactions
Comme en 2001, l’historien américain d’origine polonaise Jan Gross secoue de nouveau la Pologne. Dans un nouvel ouvrage, Gross assure que les survivants de l’Holocauste ont été poussés hors du pays par les communistes et par l’Eglise catholique à la Libération, après 1945.

Il y a six ans, son livre les Voisins avait déjà révélé comment, dans la Pologne occupée par les nazis, des Polonais du village de Jedwabne avaient massacré plusieurs centaines de leurs voisins juifs en 1941. Aujourd’hui, son livre intitulé Strach («la peur», en polonais) bouleverse de nouveau. Gross y accuse les Polonais d’avoir soumis les rescapés du génocide à une «épuration ethnique» après 1945, avec l’approbation tacite de la majorité de la société. Il implique les autorités communistes, ce qui n’est pas une nouveauté. En revanche, il met surtout en cause, ce qui est sans précédent, l’attitude de l’Eglise catholique.

Heurter. Le pogrom de Kielce, le 4 juillet 1946, est, dit-il, l’exemple le plus choquant. Dans cette ville du Sud, suite à une rumeur d’enlèvement d’enfant par des Juifs, une foule enragée et des policiers du nouveau régime communiste avaient attaqué des habitants juifs, tuant une quarantaine d’hommes, de femmes et d’enfants. Gross accuse l’Eglise de n’avoir pas dénoncé les rumeurs populaires qui disaient qu’un peu de sang d’un enfant chrétien était indispensable pour préparer le pain juif…

Après l’Holocauste, ce fantasme a pris un tour encore plus monstrueux : revenant des camps nazis, exténués par la faim et les travaux forcés, les Juifs, affirmaient certains, se refaisaient une santé avec le sang des chrétiens. «Un seul évêque a rejeté ces croyances, mais sa voix a été étouffée par le reste de la hiérarchie» , écrit Jan Gross. Il va jusqu’à accuser le primat Stefan Wyszynski - la grande autorité morale de l’Eglise catholique polonaise - d’avoir avalisé ce délire antisémite.

S’il n’épargne pas les catholiques, Gross récuse en revanche le stéréotype, largement répandu dans les milieux nationalistes depuis la chute du Mur, qui veut que les Juifs ont imposé en Pologne le régime communiste. «Les 30 % de membres de l’appareil politique communiste d’origine juive figuraient dans ces institutions non parce qu’ils étaient juifs, mais parce qu’ils étaient communistes aux côtés d’autres communistes polonais. Ils veillaient aux intérêts des communistes et non pas aux intérêts des Juifs» , souligne Gross

Ces mises en cause ne peuvent que heurter dans un pays très catholique qui n’a jamais voulu réellement s’interroger sur les racines chrétiennes de l’antisémitisme. «C’est un livre qui blesse et qui divise», déplore l’évêque Jozef Zycinski, l’un des plus libéraux.

Paradoxalement, c’est Znak, une maison d’édition de l’intelligentsia catholique, qui a publié le livre. «Nous n’avons jamais évité les questions les plus difficiles» , souligne l’éditeur dans sa préface, espérant que «ce livre, qui ne manque pas de faiblesses métho dologiques, permettra à l’opinion de réfléchir en profondeur sur le fait honteux qu’après-guerre, la Pologne fut le seul pays où les Juifs ont été mis en danger car ils étaient juifs».

«Contexte». Ce point de vue ne fait pas l’unanimité, surtout chez les historiens nationalistes habitués depuis la chute du Mur à tout imputer aux communistes. «L’Eglise a condamné le pogrom, mais sa condamnation a été censurée par les communistes», explique Jan Zaryn, historien de l’Institut de la mémoire polonaise (IPN), qui qualifie Strach de «tendancieux». «L’Eglise était persécutée par les communistes, dit-il. Le pays était en état de guerre civile. Ukrainiens, Allemands, résistants anticommunistes et anciens propriétaires terriens ont eu aussi leur lot de victimes. Gross omet ce contexte.» L’IPN recense 3 000 victimes juives de cette époque. Sur plus de 300 pages, Gross décrit en détail 1 500 autres meurtres de Juifs, individuels ou collectifs. Marek Edelman, dernier commandant de l’insurrection du ghetto de Varsovie en 1943, reproche à Jan Gross de confondre massacres et antisémitisme . «L’extermination de millions de Juifs par les Allemands n’est pas réductible à de l’antisémitisme, insiste-t-il. Les massacres commis dans la Pologne d’après-guerre non plus. Les Allemands ont sur leurs mains le sang de millions de Juifs, les Polonais bien moins. Mais il faut en parler, et montrer nos propres erreurs.»

Enquête. Dans son ouvrage, Gross affirme que le pogrom de Kielce a poussé les survivants juifs à l’émigration : 60 000 seraient partis après 1945, un «nettoyage ethnique» motivé selon Gross par des raisons matérielles. A leur retour, les survivants juifs découvraient que leurs biens avaient été réquisitionnés par les Polonais. «Ils ont achevé l’œuvre initiée par Hitler» , clame l’historien. Dès la mise en vente vendredi du livre, le parquet de Cracovie a lancé une enquête pour vérifier si l’auteur ne s’est pas rendu coupable de «diffamation publique contre la nation polonaise», un délit créé en 2006 par les frères conservateurs Kaczynski. Il prévoit une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison.



Pierre Lambert, définitivement parti des travailleurs
Décès. Mentor de toute une génération, il était une figure historique du trotskisme français.
CHRISTOPHE FORCARI
QUOTIDIEN : jeudi 17 janvier 2008
26 réactions
Le «vieux», qui partageait ce surnom avec Léon Trotski, vient de rejoindre l’ancien patron de l’Armée rouge au paradis des révolutionnaires. Pierre Boussel, alias Pierre Lambert, alias Pierre Andréi, le «pape» d’une des trois grandes familles du trotskisme hexagonal, est mort hier matin des suites d’une longue maladie, à l’âge de 87 ans, a annoncé un communiqué de son organisation, le Parti des travailleurs.

Pour toute une génération formée à cette école, la disparition de Pierre Boussel-Lambert signifie la mort d’un mentor. Devant le 87, rue du Faubourg Saint-Denis à Paris, siège de cette organisation où l’on n’entre qu’après avoir montré patte blanche, le secrétaire national du PT, Daniel Gluckstein, se refusait, hier, à tout commentaire. Même absence de commentaire d’un ancien militant lambertiste, infiltré sous couverture au Parti socialiste et jouissant d’une plus grande renommée : Lionel Jospin, Premier ministre de 1997 à 2002 et militant lambertiste actif jusqu’en 1981…

Petit papy chauve à la gouaille de titi parisien, discret, figure historique de la IVe internationale, né le 9 juin 1920 dans le XIIe arrondissement de Paris dans une famille d’immigrants juifs russes, Pierre Boussel-Lambert s’est toujours satisfait de la réputation d’homme de l’ombre qui l’entourait. Sous sa férule, le courant qu’il incarnait et auquel il a fini par donner son nom, le lambertisme, a longtemps pratiqué l’entrisme sous toutes ses formes. Et dans différentes organisations. Au sein de la franc-maçonnerie d’abord, et plus particulièrement au Grand Orient de France, avec la bénédiction de Fred Zeller, ancien secrétaire de Trotski lors de son séjour à Paris, grand maître de cette obédience dans les années 70. Boussel-Lambert avait d’ailleurs commencé son parcours politique avec lui, à l’Entente des jeunes socialistes de la Seine en 1934, avant de rejoindre les rangs du courant de gauche au sein de la SFIO animé par Marceau Pivert.

«Entrisme». Mais aussi au sein de Force ouvrière, auquel ce jeune employé des caisses de Sécurité sociale se syndique dans les années 50. Les lambertistes finissent par y acquérir un poids non négligeable. Ils auraient ainsi puissamment contribué à l’élection de son secrétaire général, Marc Blondel, en 1989. «J’étais lié d’amitié avec lui», reconnaît Marc Blondel, patron de FO jusqu’en 2004, qui avait invité Boussel-Lambert à son mariage. «Quand on pratique l’entrisme, le fait de dire que les lambertistes étaient puissants à FO ne faisait que renforcer leur influence. De manière souvent exagérée», nuance cependant l’ancien syndicaliste.

Cette influence supposée aura en tout cas permis à Lambert d’être reçu à l’Elysée avec des syndicalistes FO pour un dîner privé avec un conseiller de Jacques Chirac à la veille de la réforme Juppé des retraites de 1995. Boussel rencontrait aussi régulièrement le grand patron de presse Robert Hersant, qui préférait avoir dans ses journaux des syndicats FO que «les cosaques» de la CGT. Le contact entre les deux hommes sera noué par l’intermédiaire d’une autre figure historique de FO, le Nantais Alexandre Hébert, anarcho-syndicaliste revendiqué qui avait croisé Hersant avant-guerre au sein des Jeunesses socialistes à Rouen. «Je n’ai jamais été lambertiste, seulement un compagnon de route. Pierre Boussel-Lambert était un ami et un camarade. Nous nous connaissions depuis plus de cinquante ans. C’était un vrai marxiste et un bolchevique. Il a joué un grand rôle dans le mouvement ouvrier français en militant activement pour l’indépendance des organisations ouvrières», admet aujourd’hui Alexandre Hébert, alias «Ernest» ou «Armand», contacté hier par Libération.

Service d’ordre. Sous tous ses avatars et ses dénominations successives (Parti communiste internationaliste, Organisation communiste internationalistes, Mouvement pour un parti des travailleurs, puis Parti des travailleurs), la formation de Boussel-Lambert a aussi cherché à peser de tout son poids au sein du PS. «Alors que la force de gauche dominante était le Parti communiste, explique Jean Grosset, alias "Saigon", militant lambertiste de 1969 à 1985 et aujourd’hui responsable syndical à l’Unsa, Pierre Boussel-Lambert pratiquait une politique axée sur un nécessaire compromis avec la social-démocratie» pour faire face à la force des communistes. En 1981, les lambertistes assureront même le service d’ordre place de la Bastille au soir du 10 mai. «Jospin n’était pas la seule taupe au sein du PS à avoir la double appartenance», reconnaît un ancien lamberto, permanent du parti. En 1985, toute une fraction de militants rejoindra les rangs du PS sous la houlette de Jean-Christophe Cambadélis, «Kostas». «Je ne sais pas s’il faut lui en savoir gré ou lui en vouloir, mais grâce à Jospin, l’héritage de Boussel-Lambert s’est dilué dans la social-démocratie», constate un ancien de l’OCI, une pointe de nostalgie dans la voix.




Pierre Lambert, dirigeant trotskiste
LE MONDE | 18.01.08 | 15h39 • Mis à jour le 18.01.08 | 15h39







e Parti des travailleurs a annoncé la mort, mercredi 16 janvier, de Pierre Lambert, à l'âge de 87 ans. De son vrai nom Pierre Boussel, il a dirigé, pendant plus de cinquante ans, un groupe politique se réclamant de la pensée du révolutionnaire russe Léon Trotski. Il avait accédé à une notoriété relative quand Lionel Jospin, alors premier ministre, avait dû reconnaître, en juin 2001, son appartenance passée, jusque-là tenue secrète, à cette organisation.



Dates clés
9 juin 1920
Naissance à Paris.

1934
Adhère au Parti communiste.

1939
Rejoint le parti de Marceau Pivert.

1952
Création d'un groupe trotskiste.

1988
Candidat à l'élection présidentielle.

16 janvier 2008
Mort à Paris.


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Quelques mois plus tard, Pierre Lambert a affirmé que M. Jospin était entré au Parti socialiste, dans les années 1971-1972, "avec (son) accord". "Il était un militant comme un autre, qui faisait un travail", a-t-il dit, accréditant l'idée que le futur candidat à l'élection présidentielle avait adhéré au PS pour y appliquer la tactique trotskiste de "l'entrisme", qui vise à exercer une influence occulte dans les organisations politiques et syndicales.

Manoeuvrier habile, Pierre Lambert a su fédérer autour de lui des énergies et trouver les moyens de faire vivre une structure modeste mais, dans ses limites, efficace. Présent dans la franc-maçonnerie, son courant est devenu l'un de ceux qui comptaient au sein du syndicat Force ouvrière. Marc Blondel, ancien secrétaire général de FO, a admis avoir accédé à cette responsabilité "avec le soutien des camarades lambertistes". A la fin des années 1970, les lambertistes ont pu, grâce à un accord avec les mitterrandistes, prendre la direction de l'UNEF, principal syndicat étudiant, qui contrôlait la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF).

L'histoire du groupe lambertiste s'inscrit dans celle du mouvement socialiste et syndical face à la pression du communisme soviétique. Les circonstances ont permis à Pierre Lambert de devenir l'un des détenteurs d'une tradition à la fois révolutionnaire et antistalinienne, qui a séduit des syndicalistes, des enseignants, des artistes, et dont il a su tirer profit pour établir, sur ses partisans, une autorité sans partage.

Né à Paris d'un père tailleur, dans une famille de juifs russes immigrés au début du siècle, Pierre Boussel a adhéré au Parti communiste en 1934 et en a été exclu l'année suivante, pour avoir critiqué le pacte franco-soviétique, signé par Laval et Staline. Il a rejoint alors l'organisation de jeunesse de la SFIO, qui était pénétrée par des militants acquis aux idées de Trotski, l'adversaire de Staline, en exil en France. Auxiliaire aux PTT - La Poste de l'époque -, il fait son apprentissage politique au cours de ces années qui sont celles du Front populaire (1936), de la guerre civile en Espagne (1936-1939) et de la "montée des périls" totalitaires.

Syndiqué à la CGT, il rejoint le parti du socialiste gauchiste Marceau Pivert et en est exclu, en 1939, avec d'autres militants trotskistes. Arrêté par la police en février 1940, pour propagande défaitiste et antimilitariste, il s'évade à la faveur de la déroute de juin et rentre à Paris.

Pendant l'Occupation, les trotskistes sont divisés entre adversaires de la guerre et partisans de la Résistance. Certains d'entre eux vont jusqu'à pratiquer l'entrisme dans des organisations collaborationnistes, comme le Rassemblement national populaire de l'ancien dirigeant socialiste Marcel Déat. La position de celui qui va bientôt prendre le pseudonyme de Lambert n'est pas claire. En 1943, il milite pour la réunification des groupes trotskistes, déjà en proie au virus de la fragmentation.

Après la guerre, contrôleur des allocations familiales, il se consacre à l'action syndicale, d'abord à la CGT, puis au sein de Force ouvrière, la confédération antistalinienne créée avec l'aide du syndicalisme américain. En 1950, quand le dirigeant grec Michalis Raptis, dit Pablo, successeur de Trotski à la tête de la IVe Internationale, lance une politique d'entrisme dans le mouvement communiste, la majorité des trotskistes français s'y refuse. Les antipablistes se rassemblent, en 1952, dans le "groupe Lambert".

Sous ses appellations successives - Parti communiste internationaliste, Organisation communiste internationaliste, Mouvement pour un parti des travailleurs, Parti des travailleurs -, l'organisation, étroitement contrôlée par son chef dans son local-bunker du quartier Saint-Denis, à Paris, évolue au fil des exclusions que son dirigeant décrète ou des scissions qu'il provoque. En 1988, Pierre Boussel-Lambert, affaibli par le départ, deux ans avant, d'un contingent de militants autour de Jean-Christophe Cambadélis, aujourd'hui député socialiste, sort de l'ombre pour se présenter à l'élection présidentielle. Il obtient un peu moins de 117 000 voix, soit 0,38 % des suffrages exprimés.

Passant, en tant que de besoin, des accords avec des partenaires de droite, faisant preuve parfois de mansuétude vis-à-vis de l'extrême droite, le "lambertisme" a été aussi le creuset de dévouements exemplaires, principalement dans l'aide aux dissidents des régimes communistes de Russie et d'Europe de l'Est jusqu'à la chute du mur de Berlin.








Rebonds
Badiou répond aux «tontons flingueurs»
alain badiou philosophe.
QUOTIDIEN : lundi 14 janvier 2008
22 réactions
«Etre attaqué par l’ennemi est une bonne chose, et non une mauvaise chose» (Mao Zedong). C’est comme dans un film. Vous êtes en paix. Vous construisez peu à peu une œuvre philosophique dense et complexe. Vous êtes parmi les rares à n’avoir jamais abandonné le style militant de la décennie rouge (1966-1976) : liaison directe des intellectuels, des jeunes et des ouvriers, trajets neufs dans les cités, les usines, les foyers, refus des élections, des places, des crédits. L’unité de la vie tient alors dans le mot autour duquel vous redéfinissez l’ambition de la pensée contemporaine, le mot «vérité». Quand on vit ainsi, dans le monde tel qu’il va, les «communicateurs» de la scène publique ne se soucient pas de votre existence. C’est que vous n’avez rien à vendre, et vous n’achetez guère. Que faire d’une vérité, disent les marchands, puisqu’elle n’a pas de prix ? Vous êtes pour eux un mélange d’archaïsme et de dogmatisme, attaché à de criminelles vieilles lunes. Vous n’êtes pas dans la course. Silence.

Pourtant, un jour, on vous envoie des porte-flingues. Parce qu’on sait que vous êtes devenu le philosophe français vivant le plus traduit et le plus demandé, et de loin ? Parce que s’annonce le déclin des imposteurs qui depuis vingt ans représentent dans les médias la «philosophie» ? Parce qu’un de vos petits livres d’intervention, De quoi Sarkozy est-il le nom, consonne avec l’humeur belliqueuse d’une fraction du «grand public» ? L’avenir de l’histoire fera le tri des raisons.

Comme les commanditaires de l’assaut ne se montrent guère, les porte-flingues ne sont pas de première force. Ils voudraient bien tirer pour tuer, cependant. Mais qu’est-ce qui tue quelqu’un, de nos jours, dans la guerre intellectuelle ? Parbleu ! L’accusation d’antisémitisme ! Voilà la bonne idée ! Qu’Alain Badiou, dont on connaît tout de même vaguement les origines, les engagements, et même ce qu’il a écrit depuis vingt-cinq ans à propos des juifs, soit antisémite, c’est peu crédible, mais essayons quand même, disent les tontons flingueurs de la nouvelle extrême droite, celle qui vient de l’ancienne extrême gauche.

Le résultat est mitigé. Il faut constamment en rabattre, dire qu’il n’est pas vraiment antisémite, mais que, quand même, il produit des «effets antisémites», et ainsi de suite. Un flop. Ne pourrait-on pas suggérer plutôt qu’il est conformiste, répressif, autoritaire ? Là, on peut faire donner la nouvelle extrême gauche, celle qui voit partout dans l’agitation moderniste et la technologie du capitalisme contemporain la fontaine de Jouvence de l’intelligence collective, celle qui est antiautoritaire pour deux, celle en somme pour qui le capital donne partout le la de sa propre contestation. On va soutenir sur ce fond plein d’entrain que Badiou est un homme de l’institution, un installé, un faiseur d’oukases qui méprise la légèreté dionysiaque des innombrables «mouvements» dont notre monde s’enchante. Evidemment, faire passer Badiou pour un chéri des institutions est singulier. Où et quand parlait-on de lui, quelles fleurs lui faisait-on, quelle était son influence chez les apparatchiks de la philosophie, qu’ils soient de la télévision ou de la Sorbonne ? Qui peut citer, dans les trois dernières décennies, une œuvre aussi continûment solitaire, qui n’a pu rencontrer son public que par la seule ressource de sa puissance propre ? Le flop de cette tentative est inéluctable. Les tireurs devront se tirer.

On remarquera alors, chose intéressante, ce qu’ils ont en commun, qu’ils viennent du démocratisme rance ou de l’anarchisme snob : ils n’aiment, ni qu’on repère dans l’histoire de France une structure réactionnaire fondamentale, que j’ai nommée dans mon jargon le «pétainisme transcendantal» ; ni qu’on dise que le mot «communisme» reste apte à nommer l’avenir politique de l’émancipation. Mon interprétation de cette convergence est qu’ils n’aiment ni l’efficace du passé historique ni la libre amplitude politique de l’avenir. Ils n’aiment que l’étroitesse du présent, de leur présent. Comme Sarkozy, à vrai dire.




Le long supplice d'Hélène Berr
LE MONDE DES LIVRES | 17.01.08 | 12h43








oixante ans ont passé, les rescapés continuent de témoigner et les morts n'ont pas encore dit leur dernier mot. Chaque année, de nouvelles publications donnent à entendre des voix que l'on croyait à jamais évanouies. Des témoignages écrits au coeur du désastre, exhumés souvent par hasard des années plus tard, comme le furent récemment les archives du ghetto de Varsovie, les manuscrits des Sonderkommandos d'Auschwitz, ou encore ces centaines de pages noircies par des enfants juifs réunies récemment dans une belle anthologie (1).



Le texte que publient les éditions Tallandier fait partie de ces témoignages qui survécurent miraculeusement à leur auteur. Hélène Berr est morte du typhus à Bergen-Belsen en avril 1945, à la veille de la libération du camp par les Anglais. Elle venait d'avoir 24 ans. Un an plus tôt, quelques jours avant son arrestation, elle avait confié son journal intime à la cuisinière de ses parents. Dédié à son fiancé, aujourd'hui conservé au Mémorial de la Shoah, il s'agit là d'un document exceptionnel sur la vie au jour le jour d'une étudiante juive dans le Paris de l'Occupation.

Hélène Berr n'est pas Anne Frank. Son journal n'est pas celui d'une recluse. Quand elle en entreprend la rédaction, en avril 1942, ses journées ressemblent encore à celles de n'importe quelle jeune fille de bonne famille : cours d'anglais à la Sorbonne, promenades dans le Quartier latin, escapades à la campagne et après-midi entre amis, passés à jouer du violon, boire du chocolat chaud et fumer des cigarettes égyptiennes... Courtisée par les garçons, choyée par ses parents, brillamment reçue à ses examens, Hélène a tout pour être heureuse. Seulement voilà : elle est juive, et ne tardera pas à comprendre ce que cela signifie.

Plus que l'avis de spoliation que reçoit son père en avril 1942, auquel elle ne consacre qu'une demi-phrase, c'est l'obligation de porter l'étoile jaune, deux mois plus tard, qui constitue pour la jeune femme le premier vrai traumatisme de l'Occupation : "S'ils savaient quelle crucifixion c'est pour moi. J'ai souffert, là, dans cette cour ensoleillée de la Sorbonne, au milieu de tous mes camarades. Il me semblait brusquement que je n'étais plus moi-même (...), que j'étais devenue étrangère, comme si j'étais en plein dans un cauchemar (...). C'était comme si j'avais eu une marque au fer rouge sur le front."

"La vie continue à être étrangement sordide et étrangement belle", écrit Hélène Berr en juin 1942. L'équilibre sera toutefois de courte durée. Au fil des semaines, le beau cédera peu à peu la place au sordide. "Je suis devenue très grave", constate-t-elle un an plus tard. Il faut dire que chaque jour, désormais, apporte son lot de mauvaises nouvelles. Non seulement les proches sont arrêtés les uns après les autres, mais les rumeurs sur les traitements qui leur sont infligés sont de plus en plus alarmantes. "On a parlé aussi des gaz asphyxiants par lesquels on aurait passé les convois à la frontière polonaise. Il doit y avoir une origine vraie à ces bruits", rapporte ainsi la jeune femme en novembre 1943.

Désespérée, parfois résignée, toujours révoltée, l'étudiante n'ignore plus, désormais, le sort qui lui est réservé. "Je ne pouvais plus jouer de musique parce que brusquement je pressentais d'une manière aiguë le malheur qui pourrait nous arriver", confesse-t-elle quelques semaines avant que la police, au petit matin du 7 mars 1944, ne vienne l'arrêter, avec ses parents, direction Drancy, puis Auschwitz.

"Beaucoup de gens se rendront-ils compte de ce que cela aura été que d'avoir 20 ans dans cette effroyable tourmente, l'âge où l'on est prêt à accueillir la beauté de la vie, où l'on est tout prêt à donner sa confiance aux hommes ?", se demandait un jour Hélène Berr. On l'aura compris : son journal, comparable, par sa profondeur d'analyse, sa qualité littéraire et sa sombre lucidité, à celui de la Hollandaise Etty Hillesum (2), sa presque contemporaine, qui mourut comme elle en déportation, apporte à cette question l'une des réponses les plus poignantes qui nous aient été données à lire.


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JOURNAL d'Hélène Berr. Préface de Patrick Modiano. Tallandier, 300 p., 20 €.
(1) Archives clandestines du ghetto de Varsovie, 2 vol., Fayard-BDIC, 2007 ; Des voix sous la cendre, Calmann-Lévy, 2005 ; L'Enfant et le Génocide, Robert Laffont, "Bouquins", 2007.

(2) Une vie bouleversée. Journal (1941-1943), Seuil, 1985.



Un tableau issu des spoliations nazies restitué
LE MONDE | 17.01.08 | 16h08 • Mis à jour le 17.01.08 | 16h08








'est une décision d'importance dans la recherche des biens des juifs spoliés par le IIIe Reich. Le 27 décembre 2007, le juge Lisi de la cour du district de Rhode Island (Etats-Unis) a tranché en faveur des universités Concordia et McGill de Montréal et de l'université hébraïque de Jérusalem le différend qui les opposait à une collectionneuse de Providence, Marie-Louise Bissonette, de son nom de jeune fille baronne von Morsey Pickard.



En 2005, la baronne von Morsey Pickard souhaite vendre aux enchères aux Etats-Unis, où elle réside, une toile de Winterhalter (1805-1873), Jeune fille sabine. Or la toile a été acquise par son beau-père en 1937 à Düsseldorf lors de la vente forcée de la collection du galeriste Max Stern, qui était juif. Près de quatre cents autres oeuvres d'art lui appartenant avaient été alors dispersées lors de ventes organisées par les nazis par l'intermédiaire d'une société d'enchères locales, Lempertz.

Les trois universités canadiennes et israélienne, désignées par Max Stern comme ses héritières, sont alors prévenues du projet de vente du tableau de Winterhalter par l'Art Loss Register, base de données mondiale d'oeuvres d'art volées ou perdues. Une médiation est tentée. Elle a tourné court quand, après six mois de pourparlers, la baronne a cherché à renvoyer clandestinement la toile en Allemagne, espérant ainsi échapper à la législation américaine.

L'appartenance de la toile à Max Stern étant prouvée, le juge Lisi a considéré que la vente forcée de l'oeuvre en 1937 en raison des lois antisémites doit être assimilée à un vol. La baronne en est donc à tort la propriétaire, ce titre revenant à la succession Stern. Il s'agit de la première décision en ce sens prise par un tribunal américain, les cas auparavant traités étant ceux de spoliations "pures et simples", sans simulacre de vente.

Philippe Dagen
Article paru dans l'édition du 18.01.08.
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