O: la nourriture cacher, garantie de bonne hygiène
lundi 4 fév, 13 h 23
Par Stephen Wade, Associated Press
PUBLICITÉ
PEKIN - La nourriture cacher ne cesse de séduire les restaurateurs et patrons de bars chinois. A six mois des Jeux olympiques d'été, ils sont un nombre croissant à compter sur cette alimentation, reconnue plus saine et plus hygiénique par une large part des consommateurs, qu'ils soient juifs ou non.
Lewis Sperber, restaurateur cacher, espère bien tirer profit des quelque 550.000 étrangers attendus à Pékin pour les JO d'août prochain. "Nous voulons nous rapprocher des sites olympiques afin d'offrir un repas cacher aux personnes qui assisteront aux épreuves", précise-t-il. La nourriture cacher, adaptée aux lois de la diététique juive, ne fait pas d'innombrables adeptes. Toutefois, on observe un réel boom du nombre de sociétés chinoises autorisées à exporter des produits cacher. Un phénomène que les observateurs expliquent en partie par les récentes inquiétudes soulevées par les scandales alimentaires en Chine.
Les autorisations de vente de produits cacher en Chine -qui dépendent comme ailleurs de l'Union orthodoxe, organisme de délivrance le plus connu-ont doublé pour atteindre un total de 307 ces deux dernières années. Le nombre total de labels cachers est lui passé à 2.000 environ.
"Du point de vue de l'hygiène alimentaire, peu importe qu'on soit juif ou pas. On a beau être en Chine, la nourriture cacher a la réputation d'être plus saine et plus diététique", résume Minette Ramia, gérante du Dini's, un restaurant moderne situé sur la "Super Bar Street" de Pékin, grande artère où s'alignent de nombreux bars et restaurants, à proximité de l'ambassade d'Israël. "Une femme musulmane est même venue ici. Elle ne voulait pas manger de viande ailleurs."
Le menu propose de la cuisine traditionnelle ashkenase, mais aussi séfarade. Les boulettes de pain azyme au bouillon, la carpe farcie et le foie haché -les trois plats principaux-sont rarement choisis par les Chinois, qui leur préfèrent le boeuf cacher.
Tout comme la pollution de l'air, la sécurité alimentaire représente un des risques majeurs de ces JO. Elle peut à elle seule ruiner les efforts entrepris par la Chine pour démontrer sa modernité et la distance prise avec son passé agraire.
Un seul cas d'intoxication alimentaire, comme un seul test antidopage positif -surtout s'il concerne un athlète chinois-peut faire la "une" des journaux pendant des semaines et mettre à mal l'opération de relations publiques du gouvernement communiste.
Le besoin de sécurité des autorités chinoises pourrait donc faire le jeu de l'industrie cacher. D'autant que, comme le relève le rabbin Mordechai Grunberg, chargé de contrôler les usines chinoises pour le compte de l'Union orthodoxe, l'importance accordée par les exportateurs cachers à la chaîne alimentaire "atteste de l'attention accrue que portent les sociétés et les entreprises à l'hygiène et aux installations sanitaires".
Le rabbin Shimon Freundlich, qui travaille aussi pour le compte de l'Union orthodoxe et possède une partie du Dini's, ajoute que des entreprises américaines ont fait appel à lui pour mener des inspections de nourriture non-cacher pour leurs opérations en Chine. "Elles veulent simplement s'assurer que les standards garantis le sont vraiment", explique-t-il.
Un supermarché cacher devrait ainsi voir le jour à Pékin, selon certains rabbins, du fait des problèmes d'hygiène. Il est d'ores et déjà acquis que les nourritures cacher et halal pour la viande (préparées selon les lois islamiques) seront disponibles dans le village des JO.
En Chine, la population juive ne compte que quelques milliers de personnes, exclusivement expatriées (4.000 à Hong Kong, 1.500 à Pékin, 1.000 à Shanghaï, 500 à Guangzhou). Les musulmans ne représentent quant à eux qu'entre 1 et 2% des 1,3 milliard de Chinois.
"L'exclusion ne concerne pas seulement les juifs"
LE MONDE | 08.02.08 | 15h53
Suivez l'information en continu, accédez à 70 fils de dépêches thématiques.
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
Avec leur numéro de duettistes bien rodé, Souad Belhaddad et Isabelle Wekstein-Steg ne se limitent pas à combattre les préjugés religieux ou raciaux chez les élèves des établissements publics de Seine-Saint-Denis. Les deux amies se sont se sont également aventurées dans les écoles juives.
A l'issue de leur passage, début 2007, à l'école de l'Alliance israélite universelle des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les professeurs ont demandé aux élèves leur réaction écrite. Alexandre, élève de 3e, remercie "les dames de nous avoir consacré un peu de leur temps pour nous parler du problème "juifs-musulmans". En conclusion, je pense que c'est grâce à des personnes comme ça qu'on peut venir à bout de l'antisémitisme et du racisme".
Dans le même établissement, une classe de 3e tout entière écrit : "Vos actions nous font comprendre les mentalités des jeunes adolescents d'aujourd'hui par rapport aux religions. Nous pensons à présent, qu'avant d'être musulman, chrétien ou juif, nous sommes de jeunes Français et devons respecter les lois d'égalité de cette République pour enfin pouvoir vivre en bonne entente. Les nombreux stéréotypes nous font prendre conscience que c'est une des causes de l'aggravation du racisme en France."
Dans une lettre tapée à la machine et signée par une autre classe de 3e, les élèves estiment que "les répercussions des événements du Proche-Orient sont nombreuses sur la communauté juive. Le fait de parler de la proximité entre les religions juive et musulmane nous a permis de nous dégager de certains préjugés".
Dans une seconde lettre collective, les élèves disent : "Vous nous avez fait comprendre que nos préjugés vis-à-vis des Arabes n'étaient pas fondés. De plus, vous nous avez aidés à faire la différence entre une simple agression et une agression antisémite. Enfin, nous avons pu comprendre que nous n'étions pas les seuls à être victimes d'actes racistes mais que les Arabes en subissent aussi au sein de la société."
Michael, élève de troisième, écrit que "dès les premières minutes, vous nous avez montré très simplement qu'il n'y avait pas de différence là ou je croyais qu'il y en avait. Je crois que je ressors grandi de cette conférence. Le travail que vous faites est très courageux".
Claudia, elle, reconnaît maintenant que "l'exclusion ne concerne pas seulement les juifs, mais également les autres races dans la société". Une autre jeune fille, Jessica, a apprécié les réponses claires d'Isabelle et Souad. Elle l'avoue candidement : "Grâce à leurs interventions, j'ai réalisé que pas tous les Arabes ou musulmans étaient antisémites."
Des rabbins italiens réclament une pause du dialogue avec le Vatican
Article paru dans l'édition du 08.02.08
OME. Après la publication par le Vatican de la nouvelle « prière pour les juifs » dans la liturgie du Vendredi saint en rite latin, l'assemblée des rabbins d'Italie s'est prononcée, mercredi 6 février, pour une « pause » dans le dialogue avec l'Eglise. Pour eux, l'appel à prier « pour que les juifs reconnaissent finalement Jésus Christ » contredit « dangereusement » plusieurs décennies de dialogue. - (A
Régis Debray sur les pas de Jésus
LE MONDE DES LIVRES | 07.02.08 | 11h46 • Mis à jour le 07.02.08 | 11h46
Consultez les archives du journal, tous les articles parus dans "Le Monde" depuis 1987.
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
Le livre porte une double dédicace. A François Maspero d'abord, et c'est logique, puisque l'ancien éditeur d'extrême gauche a eu l'idée de ce voyage "sur les pas de Jésus". A Jacques Chirac ensuite, et c'est plus surprenant : flagornerie à retardement ? Non, bien sûr. L'ancien président de la République avait confié à Régis Debray une étude sur les coexistences ethno-religieuses au Proche-Orient. Voici, en quelque sorte, le rapport que l'auteur n'a pas eu le temps de lui remettre, même si le projet a été modifié en cours de route : centré au départ sur les chrétiens, il s'est élargi peu à peu aux juifs et aux musulmans.
"Je ne suis ni enquêteur ni journaliste, et encore moins spécialiste du Proche-Orient, écrit Régis Debray. Chrétien d'éducation, je n'ai plus d'autre religion que l'étude des religions." Normalien, agrégé de philo, le promoteur de la médiologie a pratiqué dans sa jeunesse une religion du salut temporel (le socialisme révolutionnaire), qui lui a valu quatre années de détention dans les prisons boliviennes. Au fil du temps, il s'est intéressé de plus en plus aux croyances, au point de passer aujourd'hui pour un spécialiste des religions. Il affirme néanmoins s'être engagé dans ce vagabondage laïque en Terre sainte avec "la candeur de l'ignorant".
Sur les pas de Jésus... Mais où exactement ? Les Evangiles sont d'une imprécision remarquable. De toute façon, les lieux ont beaucoup changé en vingt siècles. Régis Debray a fini par se faire une raison : du pays de Jésus, il reste au moins les collines, les roseurs de l'aube, le même lac de Tibériade, et le doux clapotis des vaguelettes sur ses rives...
Mais on n'est pas là pour faire du tourisme, fût-il spirituel. Si le plan du livre s'inspire de la vie du Christ, commençant à Bethléem pour finir au Golgotha, il n'était pas possible au voyageur-enquêteur d'entreprendre le parcours présumé en une seule fois. On ne se déplace pas aisément dans cette région qui a hérité des rideaux de fer européens. Jérusalem est "parcellisée, barricadée, délimitée, barbelée, quadrillée, cloisonnée" comme aucune autre ville au monde. Après des déambulations angoissantes dans ce labyrinthe, le médiologue se demande s'il ne devrait pas se mettre à la "murologie"...
Le nombril du monde a un faux air d'unité, avec ses maisons en pierre de Judée et la limpidité éblouissante de son ciel. Pour le reste... Ne parlons même pas de la coupure entre la ville juive et la ville arabe : ce sont deux planètes différentes, avec une mortalité infantile qui varie du simple au double. Les chrétiens eux-mêmes, divisés en de multiples Eglises, se partagent le Saint-Sépulcre en copropriétaires procéduriers.
Régis Debray a un "oeil", comme on dit, et un sens de la formule qui fait mouche. Il a écrit un livre parfaitement iconoclaste et passionnant, susceptible de déplaire à beaucoup de monde. Sa plume redoutable nous entraîne successivement à Nazareth, Bethléem, Gaza, Jérusalem, en Jordanie, en Syrie et au Liban, à travers la Galilée, la Judée et la Samarie... Il manque "la fuite en Egypte", et c'est dommage. Beaucoup de choses méritaient d'être dites sur les coptes, qui forment la plus grande Eglise du monde arabe, et sur leurs rapports complexes avec les musulmans.
"J'entends des horreurs sur les moeurs palestiniennes quand je parle avec les uns, et des horreurs sur les moeurs israéliennes quand je parle avec les autres, écrit-il. Dans les deux cas, et neuf fois sur dix, ce sont des vérités." En Israël, il voit "la plus dense concentration d'individualités attachantes au mètre carré", une proportion hors du commun de "justes", attentifs au sort des Arabes, mais aussi des intégristes qui donnent froid dans le dos. Il voit une nation toujours en chantier, ne cessant de "subjuguer la terre" et de repousser ses frontières à coups de bulldozer ; un Etat qui pratique la politique du fait accompli, avec un écart constant "entre ce qui est dit, parce que nous souhaitons l'entendre et ce qui est fait sur le terrain, et que nous répugnons à voir".
Bethléem compte encore 40 000 chrétiens, mais en perd un millier chaque année, qui préfèrent s'exiler plutôt que d'avoir peur - et peur d'avoir peur - ou d'être humiliés. La ville natale de Jésus s'islamise chaque jour un peu plus, constate Régis Debray, tandis que les chrétiens de Jérusalem subissent les misères des autorités israéliennes. L'avenir passe sans doute par les orthodoxes, qui ont maintenant la Russie avec eux.
Mais tout conspire à l'éradication des chrétiens au Proche-Orient : l'islamisme, le déclin démographique, la division des Eglises, l'immobilisme doctrinal, la politique américaine, les relations suspectes avec l'Occident... Tant que la région était fédérée par l'arabité, les chrétiens pouvaient y jouer un rôle de premier plan. A partir du moment où le lien est l'islam, ils n'y trouvent plus leur place. "La défaite du nationalisme arabe, c'est aussi et d'abord celle des chrétiens."
Ces autochtones, qui passent régulièrement pour une cinquième colonne ou un cheval de Troie, n'ont pas seulement pour ennemi la charia, mais la démographie électorale, le one man one vote : la théocratie et la démocratie. "On se fait tout petit et l'on en rajoute pour mieux se faire accepter, on s'agrippe au radeau de Mahomet avec l'espoir de ne pas se faire couper les mains."
Les chrétiens d'Orient méritent d'être défendus, et pas seulement pour des raisons morales, "humanitaires", souligne Régis Debray. Sans eux, le monde musulman se condamnerait à l'étiolement et à la stérilité : "Ils sont à l'islam ce que furent les juifs à la chrétienté d'antan : des catalyseurs de la modernité et des ouvreurs de fenêtres."
Régis Debray tient à se placer à égale distance des trois monothéismes. Poussé dans ses retranchements, il avouera une plus grande proximité avec "la religion de sa nourrice", mais on ne trouvera pas en lui un apôtre du dialogue interreligieux, "cette invention hypocrite et lénifiante de la fatigue d'être soi". Dialogue et religion sont, pour lui, "des mots qui jurent". Il est trop lucide - ou trop honnête - pour entonner le chant du grand rassemblement. La Terre sainte lui apparaît plutôt comme le miroir de notre barbarie et de nos divisions. Par son exiguïté, elle révèle au grand jour ce qui, ailleurs, reste caché. "Avant-poste d'Occident en Orient et coin d'Orient enfoncé dans la chair d'Occident, cette terre pas comme les autres et qui les contient toutes, c'est notre métaphore, à nous croyants et incroyants, et qui faisons l'autruche. Soyons-lui reconnaissants de nous sortir la tête du sable." Le candide refuse l'optimisme de commande, au risque d'ajouter un peu à notre désespérance.
UN CANDIDE EN TERR
Racisme économique
LE MONDE | 06.02.08 | 14h55 • Mis à jour le 06.02.08 | 14h55
Dossiers, archives, fiches pays... toutes les chances de réussir !
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
Tous les acteurs économiques, les salariés comme les chefs d'entreprise devraient lire ce livre. Certes, il est dense, comme peut l'être une thèse universitaire, mais c'est un formidable récit : celui de la peur des autres, du protectionnisme industriel et de ses conséquences possibles. Florent Le Bot a méticuleusement dépouillé des archives trop rarement ouvertes, celles du monde industriel. On découvre ainsi l'histoire des entreprises françaises du cuir et leur fonctionnement de 1930 à 1950. Au coeur de ses interrogations : comment et pourquoi l'aryanisation économique de ce secteur organisée dès 1940 par les occupants allemands et l'Etat français a-t-elle pu atteindre un tel niveau d'efficacité ?
A la veille de la guerre, les industries du cuir représentent, en volume de transactions, le troisième pôle productif derrière la sidérurgie et le textile. Avec 250 000 salariés et 70 000 entreprises, pour la plupart de moins de 20 travailleurs, ce secteur, actif à Paris, est fortement implanté en province : Fougères, Limoges, Millau, Romans, Nancy, Grenoble, Chaumont... "Une économie en archipel", écrit M. Le Bot, largement soutenue par la Banque de France et des établissements financiers régionaux. La main-d'oeuvre, en partie issue de l'exode rural, est reconnue pour ses qualités professionnelles. Une forte culture catholique soude cet ensemble, marqué, précise l'auteur, par une endogamie des élites.
Tout irait pour le mieux s'il n'y avait eu la crise de 1929 et la concurrence étrangère. Concurrence sur le marché du travail : une forte émigration grecque, arménienne et d'Europe centrale, dont une grande part était d'origine juive, oeuvre dans la sous-traitance à Paris. Concurrence industrielle venue de Tchécoslovaquie, ce que le patronat national appelle "le fléau Bata", du nom de cette puissante entité industrielle et commerciale de la chaussure construite sur le modèle fordiste. En clair, le danger vient de l'Est. Pour faire face à cette réalité, la corporation opte pour les barrières douanières (la loi Le Poullen de 1936) et le rassemblement de la "famille". Celle qui réunit des acteurs aux intérêts divergents : salariés, artisans, patrons, financiers, mais qui se vante d'un savoir-faire ancestral et d'une organisation du travail traditionnelle, donc humaine. Dans ce contexte, après la défaite et dès les premiers jours de l'Occupation, la première ordonnance allemande sur l'aryanisation économique est plutôt bien accueillie, "il semble que la spoliation soit apparue, dans le milieu professionnel, comme naturelle", constate l'historien.
C'est désormais aux organisations professionnelles "d'assainir" la profession. Et Florent Le Bot n'oublie personne, ainsi ces modestes chambres syndicales qui, face aux machines corporatistes, protestent... parce qu'elles ne peuvent participer à la curée.
Ni l'argument de "l'omniprésence allemande" ni celui d'une aryanisation "à la française" pour éviter la germanisation de l'outil industriel ne trouvent grâce à ses yeux. L'efficacité de cette "épuration raciale" est la conséquence directe d'un discours corporatiste ancien et fortement ancré dans la culture de ce milieu industriel. Il y avait une opportunité, et c'est toute une profession qui l'a saisie avec l'appui de la machine administrative et le soutien essentiel du Commissariat général aux questions juives.
Avec la Libération, le vocabulaire des professionnels et des services de l'Etat change. On évoque les "confiscations". On dilue les responsabilités. On révise, déjà, l'histoire. Quant aux organismes chargés de l'aryanisation, la Caisse des dépôts et consignations, les Domaines, par exemple, ils se retrouvent en charge des restitutions... Pour ceux qui ont survécu.
LA FABRIQUE RÉACTIONNAIRE. ANTISÉMITISME, SPOLIATIONS ET CORPORATISMES DANS LE CUIR (1930-1950) de Florent Le Bot. Presses de Sciences Po, 396 p., 24 €.
Yves-Marc Ajchenbaum
Académie cherche candidats (jeunes)
LE MONDE | 06.02.08 | 14h52 • Mis à jour le 06.02.08 | 14h52
Découvrez le Desk, votre écran de contrôle et de suivi de l'information en temps réel.
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
A-t-il perçu le subterfuge, Nicolas Sarkozy ? Ils n'étaient que seize face à lui, ce jeudi 31 janvier, pour accueillir sous la coupole du palais de l'Institut, au bord de la Seine, le romancier historien Max Gallo. Seize sur les quarante Immortels que compte normalement l'Académie française. Pour tenter de cacher la misère, madame "le" secrétaire perpétuel, Hélène Carrère-d'Encausse, avait battu le rappel auprès des secrétaires des autres académies - belles lettres, sciences morales et politiques... Les seize silhouettes chenues des "Académiciens français", qui portent tous le même habit brodé, sont noyées au milieu des autres palmes. Même pour la venue du président de la République, leur protecteur en titre, les absents étaient plus nombreux que les présents.
Pour tenter de rattraper le temps, "le" secrétaire perpétuel a décidé d'organiser, jeudi 7 février, une double élection. Au fauteuil du romancier Henri Troyat, on compte trois candidats : l'ancien gaulliste et défenseur de la langue française Philippe de Saint-Robert, le généalogiste Gilles Henry, et la biographe et romancière Dominique Bona, favorite de cette élection. Pour celui de Bertrand Poirot-Delpech, qui a connu une "blanche" - un scrutin sans élu, en octobre 2007 -, on compte pas moins de quatre candidats. "Un vol de canaris sur la même mangeoire", s'amuse Angelo Rinaldi. Entre Michael Edwards, professeur au Collège de France, le psychanalyste et romancier Michel Schneider, le linguiste Alain Bentolila et l'écrivain à frasques Gonzague Saint-Bris, bien malin celui qui se risque, aujourd'hui, à désigner l'élu - s'il y en a un. Car si les bulletins marqués d'une croix sont majoritaires, il faudra à nouveau tout remettre sur le métier.
L'Académie française a déjà connu de vraies saignées - en 1945, notamment. Son calvaire, aujourd'hui, est qu'elle se repeuple moins vite qu'elle ne se dégarnit. A sa création, en 1635, il n'y avait que deux sexagénaires, et la quasi-totalité de la petite assemblée avait moins de 50 ans. Aujourd'hui, le benjamin de l'assemblée, le romancier Erik Orsenna, a dépassé 60 ans. On choisit des académiciens de plus en plus vieux : 78 ans pour Dominique Fernandez, 75 ans pour Max Gallo et 77 pour le musicologue Philippe Beaussant, qui sera bientôt reçu sous la Coupole. "Nous élisons des gens de notre âge, c'est ça qui est dramatique", reconnaît l'historien Alain Decaux, 82 ans. "Nous ne nous fixons pas de limite d'âge, parce que nous ne voulons pas nous priver d'un homme exceptionnel", explique Hélène Carrère-d'Encausse.
Neuf académiciens sont morts en dix-huit mois : le professeur Jean Bernard, Jean-François Revel, Bertrand Poirot-Delpech, Jean-François Deniau, Henri Troyat, Pierre Moinot, René Rémond, le cardinal Lustiger et Pierre Messmer. "L'année 2007 a été particulièrement douloureuse, convient Gabriel de Broglie, chancelier de l'Institut. Le deuil académique est aussi vif que le deuil familial." L'assemblée, qui reste très catholique, se retrouve aux enterrements. "Là où je serai, je m'occuperai de vous", avait confié Jean-Marie Lustiger à ses pairs, sous le portrait d'un autre cardinal, Richelieu, trois mois avant de disparaître. Depuis, la petite assemblée ne compte plus d'homme d'Eglise. "Le Révérend Père Carré nous enterrait magnifiquement. Avec lui, on était sûr de gagner un petit coin de paradis", soupire Michel Déon. En attendant, on se rassure avec le Prix Nobel François Jacob ou l'ophtalmologiste Yves Pouliquen. "Demandez-vous pourquoi nous aimons tant les médecins...", plaisante souvent Jean d'Ormesson.
La droite libérale reste majoritaire à l'Académie. Lentement, elle tente de lisser son image réactionnaire. "Le XXe siècle européen est celui de la Shoah", a osé Max Gallo, dans son discours de réception. "N'oublions pas que, longtemps, il n'y a pas eu de juifs sous la Coupole", rappelle l'historien Pierre Nora, qui a justement gravé sur son épée d'académicien une étoile de David. En 1980, quand Marguerite Yourcenar fait son entrée à l'Académie, Claude Lévi-Strauss (l'actuel doyen, centenaire dans quelques mois) râle et bougonne. "Cela venait troubler cette petite communauté masculine qu'il observait en anthropologue", sourit Hélène Carrère-d'Encausse. Aujourd'hui, elles sont quatre femmes, en attendant Dominique Bona, et sans doute bientôt Simone Veil, dont la candidature est acquise, mais qui a l'embarras du fauteuil.
Et quel émoi lorsque, le 16 décembre 2007, Dominique Fernandez a loué l'homosexualité ! "L'engagement devrait rester une priorité pour les écrivains (...). Le meilleur Gide est celui qui a pris la défense de l'homosexualité." Jusqu'à présent, on ignorait poliment le sujet. Déjà, quelques semaines plus tôt, lors d'une des séances du dictionnaire, l'écrivain Angelo Rinaldi avait proposé une nouvelle acception du mot "relaps" - qui se dit usuellement d'un chrétien retombé dans l'hérésie. "On utilise aussi ce terme pour certaines catégories de personnes qui refusent de se protéger...", lance l'auteur des Roses de Pline. "Mon cher confrère, dans quel grand texte de la littérature avez-vous rencontré ce sens ?", l'interroge l'historien Marc Fumaroli. "Dans des revues, mon cher confrère, que vous ne lisez pas", a répondu Rinaldi
"L'Académie française épouse son temps, mais avec cinquante ans de retard", résume Jean-Marie Rouart. Elle a refusé Balzac : "Le roman a été le grand genre du XIXe, et l'Académie l'a raté, résume Pierre Nora. Zola allait se représenter pour la dix-neuvième fois quand il a choisi de défendre Dreyfus : entre deux immortalités, il a choisi la bonne."
Aujourd'hui, en revanche, les candidats manquent. Après Philippe Sollers, Patrick Modiano, J.M.G. Le Clézio, qui font la sourde oreille, l'Académie ne cesse d'enregistrer de nouveaux refus. Récemment relancées, les historiennes Elisabeth Badinter et Mona Ozouf ont décliné.
Pas grave, disent certains, qui chérissent les CV plus universitaires, comme celui, irréprochable, de Michael Edwards, défendu par l'helléniste Jacqueline de Romilly. "C'est ainsi : la crise de l'Académie française reflète celle des élites. En France, on manque de talents", soupire Pierre Nora. La bataille, du coup, oppose "l'école de la littérature" à celle de "l'honorabilité". La première se remet difficilement de l'échec, en octobre, de la romancière Danielle Sallenave. "Un complot", avait lancé alors, sous le coup de l'émotion, la romancière Florence Delay.
Le 7 février, les amis des romanciers batailleront à nouveau. "Je défends les petits écrivains, les moyens, les très grands : j'ai toujours peur de rater Baudelaire", affirme encore Jean-Marie Rouart. "L'Académie ne doit pas devenir une annexe du Collège de France", ajoute l'avocat Jean-Denis Bredin. Des jeunes romanciers - quinquagénaires -, souvent issus du Figaro littéraire, sont sur les rangs : Didier van Cauwelaert, Eric Neuhoff, François Sureau, voire Marc Lambron... Pour rajeunir son institution, Hélène Carrère-d'Encausse n'exclut rien ni personne : "Nous avons donné le grand prix de l'Académie française à Amélie Nothomb. C'est un petit signal amical qu'elle a très bien compris."
Alain Beuve-Méry et Ariane Chemin
Article paru dans l'édition du 07.02.08.
lundi 4 fév, 13 h 23
Par Stephen Wade, Associated Press
PUBLICITÉ
PEKIN - La nourriture cacher ne cesse de séduire les restaurateurs et patrons de bars chinois. A six mois des Jeux olympiques d'été, ils sont un nombre croissant à compter sur cette alimentation, reconnue plus saine et plus hygiénique par une large part des consommateurs, qu'ils soient juifs ou non.
Lewis Sperber, restaurateur cacher, espère bien tirer profit des quelque 550.000 étrangers attendus à Pékin pour les JO d'août prochain. "Nous voulons nous rapprocher des sites olympiques afin d'offrir un repas cacher aux personnes qui assisteront aux épreuves", précise-t-il. La nourriture cacher, adaptée aux lois de la diététique juive, ne fait pas d'innombrables adeptes. Toutefois, on observe un réel boom du nombre de sociétés chinoises autorisées à exporter des produits cacher. Un phénomène que les observateurs expliquent en partie par les récentes inquiétudes soulevées par les scandales alimentaires en Chine.
Les autorisations de vente de produits cacher en Chine -qui dépendent comme ailleurs de l'Union orthodoxe, organisme de délivrance le plus connu-ont doublé pour atteindre un total de 307 ces deux dernières années. Le nombre total de labels cachers est lui passé à 2.000 environ.
"Du point de vue de l'hygiène alimentaire, peu importe qu'on soit juif ou pas. On a beau être en Chine, la nourriture cacher a la réputation d'être plus saine et plus diététique", résume Minette Ramia, gérante du Dini's, un restaurant moderne situé sur la "Super Bar Street" de Pékin, grande artère où s'alignent de nombreux bars et restaurants, à proximité de l'ambassade d'Israël. "Une femme musulmane est même venue ici. Elle ne voulait pas manger de viande ailleurs."
Le menu propose de la cuisine traditionnelle ashkenase, mais aussi séfarade. Les boulettes de pain azyme au bouillon, la carpe farcie et le foie haché -les trois plats principaux-sont rarement choisis par les Chinois, qui leur préfèrent le boeuf cacher.
Tout comme la pollution de l'air, la sécurité alimentaire représente un des risques majeurs de ces JO. Elle peut à elle seule ruiner les efforts entrepris par la Chine pour démontrer sa modernité et la distance prise avec son passé agraire.
Un seul cas d'intoxication alimentaire, comme un seul test antidopage positif -surtout s'il concerne un athlète chinois-peut faire la "une" des journaux pendant des semaines et mettre à mal l'opération de relations publiques du gouvernement communiste.
Le besoin de sécurité des autorités chinoises pourrait donc faire le jeu de l'industrie cacher. D'autant que, comme le relève le rabbin Mordechai Grunberg, chargé de contrôler les usines chinoises pour le compte de l'Union orthodoxe, l'importance accordée par les exportateurs cachers à la chaîne alimentaire "atteste de l'attention accrue que portent les sociétés et les entreprises à l'hygiène et aux installations sanitaires".
Le rabbin Shimon Freundlich, qui travaille aussi pour le compte de l'Union orthodoxe et possède une partie du Dini's, ajoute que des entreprises américaines ont fait appel à lui pour mener des inspections de nourriture non-cacher pour leurs opérations en Chine. "Elles veulent simplement s'assurer que les standards garantis le sont vraiment", explique-t-il.
Un supermarché cacher devrait ainsi voir le jour à Pékin, selon certains rabbins, du fait des problèmes d'hygiène. Il est d'ores et déjà acquis que les nourritures cacher et halal pour la viande (préparées selon les lois islamiques) seront disponibles dans le village des JO.
En Chine, la population juive ne compte que quelques milliers de personnes, exclusivement expatriées (4.000 à Hong Kong, 1.500 à Pékin, 1.000 à Shanghaï, 500 à Guangzhou). Les musulmans ne représentent quant à eux qu'entre 1 et 2% des 1,3 milliard de Chinois.
"L'exclusion ne concerne pas seulement les juifs"
LE MONDE | 08.02.08 | 15h53
Suivez l'information en continu, accédez à 70 fils de dépêches thématiques.
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
Avec leur numéro de duettistes bien rodé, Souad Belhaddad et Isabelle Wekstein-Steg ne se limitent pas à combattre les préjugés religieux ou raciaux chez les élèves des établissements publics de Seine-Saint-Denis. Les deux amies se sont se sont également aventurées dans les écoles juives.
A l'issue de leur passage, début 2007, à l'école de l'Alliance israélite universelle des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les professeurs ont demandé aux élèves leur réaction écrite. Alexandre, élève de 3e, remercie "les dames de nous avoir consacré un peu de leur temps pour nous parler du problème "juifs-musulmans". En conclusion, je pense que c'est grâce à des personnes comme ça qu'on peut venir à bout de l'antisémitisme et du racisme".
Dans le même établissement, une classe de 3e tout entière écrit : "Vos actions nous font comprendre les mentalités des jeunes adolescents d'aujourd'hui par rapport aux religions. Nous pensons à présent, qu'avant d'être musulman, chrétien ou juif, nous sommes de jeunes Français et devons respecter les lois d'égalité de cette République pour enfin pouvoir vivre en bonne entente. Les nombreux stéréotypes nous font prendre conscience que c'est une des causes de l'aggravation du racisme en France."
Dans une lettre tapée à la machine et signée par une autre classe de 3e, les élèves estiment que "les répercussions des événements du Proche-Orient sont nombreuses sur la communauté juive. Le fait de parler de la proximité entre les religions juive et musulmane nous a permis de nous dégager de certains préjugés".
Dans une seconde lettre collective, les élèves disent : "Vous nous avez fait comprendre que nos préjugés vis-à-vis des Arabes n'étaient pas fondés. De plus, vous nous avez aidés à faire la différence entre une simple agression et une agression antisémite. Enfin, nous avons pu comprendre que nous n'étions pas les seuls à être victimes d'actes racistes mais que les Arabes en subissent aussi au sein de la société."
Michael, élève de troisième, écrit que "dès les premières minutes, vous nous avez montré très simplement qu'il n'y avait pas de différence là ou je croyais qu'il y en avait. Je crois que je ressors grandi de cette conférence. Le travail que vous faites est très courageux".
Claudia, elle, reconnaît maintenant que "l'exclusion ne concerne pas seulement les juifs, mais également les autres races dans la société". Une autre jeune fille, Jessica, a apprécié les réponses claires d'Isabelle et Souad. Elle l'avoue candidement : "Grâce à leurs interventions, j'ai réalisé que pas tous les Arabes ou musulmans étaient antisémites."
Des rabbins italiens réclament une pause du dialogue avec le Vatican
Article paru dans l'édition du 08.02.08
OME. Après la publication par le Vatican de la nouvelle « prière pour les juifs » dans la liturgie du Vendredi saint en rite latin, l'assemblée des rabbins d'Italie s'est prononcée, mercredi 6 février, pour une « pause » dans le dialogue avec l'Eglise. Pour eux, l'appel à prier « pour que les juifs reconnaissent finalement Jésus Christ » contredit « dangereusement » plusieurs décennies de dialogue. - (A
Régis Debray sur les pas de Jésus
LE MONDE DES LIVRES | 07.02.08 | 11h46 • Mis à jour le 07.02.08 | 11h46
Consultez les archives du journal, tous les articles parus dans "Le Monde" depuis 1987.
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
Le livre porte une double dédicace. A François Maspero d'abord, et c'est logique, puisque l'ancien éditeur d'extrême gauche a eu l'idée de ce voyage "sur les pas de Jésus". A Jacques Chirac ensuite, et c'est plus surprenant : flagornerie à retardement ? Non, bien sûr. L'ancien président de la République avait confié à Régis Debray une étude sur les coexistences ethno-religieuses au Proche-Orient. Voici, en quelque sorte, le rapport que l'auteur n'a pas eu le temps de lui remettre, même si le projet a été modifié en cours de route : centré au départ sur les chrétiens, il s'est élargi peu à peu aux juifs et aux musulmans.
"Je ne suis ni enquêteur ni journaliste, et encore moins spécialiste du Proche-Orient, écrit Régis Debray. Chrétien d'éducation, je n'ai plus d'autre religion que l'étude des religions." Normalien, agrégé de philo, le promoteur de la médiologie a pratiqué dans sa jeunesse une religion du salut temporel (le socialisme révolutionnaire), qui lui a valu quatre années de détention dans les prisons boliviennes. Au fil du temps, il s'est intéressé de plus en plus aux croyances, au point de passer aujourd'hui pour un spécialiste des religions. Il affirme néanmoins s'être engagé dans ce vagabondage laïque en Terre sainte avec "la candeur de l'ignorant".
Sur les pas de Jésus... Mais où exactement ? Les Evangiles sont d'une imprécision remarquable. De toute façon, les lieux ont beaucoup changé en vingt siècles. Régis Debray a fini par se faire une raison : du pays de Jésus, il reste au moins les collines, les roseurs de l'aube, le même lac de Tibériade, et le doux clapotis des vaguelettes sur ses rives...
Mais on n'est pas là pour faire du tourisme, fût-il spirituel. Si le plan du livre s'inspire de la vie du Christ, commençant à Bethléem pour finir au Golgotha, il n'était pas possible au voyageur-enquêteur d'entreprendre le parcours présumé en une seule fois. On ne se déplace pas aisément dans cette région qui a hérité des rideaux de fer européens. Jérusalem est "parcellisée, barricadée, délimitée, barbelée, quadrillée, cloisonnée" comme aucune autre ville au monde. Après des déambulations angoissantes dans ce labyrinthe, le médiologue se demande s'il ne devrait pas se mettre à la "murologie"...
Le nombril du monde a un faux air d'unité, avec ses maisons en pierre de Judée et la limpidité éblouissante de son ciel. Pour le reste... Ne parlons même pas de la coupure entre la ville juive et la ville arabe : ce sont deux planètes différentes, avec une mortalité infantile qui varie du simple au double. Les chrétiens eux-mêmes, divisés en de multiples Eglises, se partagent le Saint-Sépulcre en copropriétaires procéduriers.
Régis Debray a un "oeil", comme on dit, et un sens de la formule qui fait mouche. Il a écrit un livre parfaitement iconoclaste et passionnant, susceptible de déplaire à beaucoup de monde. Sa plume redoutable nous entraîne successivement à Nazareth, Bethléem, Gaza, Jérusalem, en Jordanie, en Syrie et au Liban, à travers la Galilée, la Judée et la Samarie... Il manque "la fuite en Egypte", et c'est dommage. Beaucoup de choses méritaient d'être dites sur les coptes, qui forment la plus grande Eglise du monde arabe, et sur leurs rapports complexes avec les musulmans.
"J'entends des horreurs sur les moeurs palestiniennes quand je parle avec les uns, et des horreurs sur les moeurs israéliennes quand je parle avec les autres, écrit-il. Dans les deux cas, et neuf fois sur dix, ce sont des vérités." En Israël, il voit "la plus dense concentration d'individualités attachantes au mètre carré", une proportion hors du commun de "justes", attentifs au sort des Arabes, mais aussi des intégristes qui donnent froid dans le dos. Il voit une nation toujours en chantier, ne cessant de "subjuguer la terre" et de repousser ses frontières à coups de bulldozer ; un Etat qui pratique la politique du fait accompli, avec un écart constant "entre ce qui est dit, parce que nous souhaitons l'entendre et ce qui est fait sur le terrain, et que nous répugnons à voir".
Bethléem compte encore 40 000 chrétiens, mais en perd un millier chaque année, qui préfèrent s'exiler plutôt que d'avoir peur - et peur d'avoir peur - ou d'être humiliés. La ville natale de Jésus s'islamise chaque jour un peu plus, constate Régis Debray, tandis que les chrétiens de Jérusalem subissent les misères des autorités israéliennes. L'avenir passe sans doute par les orthodoxes, qui ont maintenant la Russie avec eux.
Mais tout conspire à l'éradication des chrétiens au Proche-Orient : l'islamisme, le déclin démographique, la division des Eglises, l'immobilisme doctrinal, la politique américaine, les relations suspectes avec l'Occident... Tant que la région était fédérée par l'arabité, les chrétiens pouvaient y jouer un rôle de premier plan. A partir du moment où le lien est l'islam, ils n'y trouvent plus leur place. "La défaite du nationalisme arabe, c'est aussi et d'abord celle des chrétiens."
Ces autochtones, qui passent régulièrement pour une cinquième colonne ou un cheval de Troie, n'ont pas seulement pour ennemi la charia, mais la démographie électorale, le one man one vote : la théocratie et la démocratie. "On se fait tout petit et l'on en rajoute pour mieux se faire accepter, on s'agrippe au radeau de Mahomet avec l'espoir de ne pas se faire couper les mains."
Les chrétiens d'Orient méritent d'être défendus, et pas seulement pour des raisons morales, "humanitaires", souligne Régis Debray. Sans eux, le monde musulman se condamnerait à l'étiolement et à la stérilité : "Ils sont à l'islam ce que furent les juifs à la chrétienté d'antan : des catalyseurs de la modernité et des ouvreurs de fenêtres."
Régis Debray tient à se placer à égale distance des trois monothéismes. Poussé dans ses retranchements, il avouera une plus grande proximité avec "la religion de sa nourrice", mais on ne trouvera pas en lui un apôtre du dialogue interreligieux, "cette invention hypocrite et lénifiante de la fatigue d'être soi". Dialogue et religion sont, pour lui, "des mots qui jurent". Il est trop lucide - ou trop honnête - pour entonner le chant du grand rassemblement. La Terre sainte lui apparaît plutôt comme le miroir de notre barbarie et de nos divisions. Par son exiguïté, elle révèle au grand jour ce qui, ailleurs, reste caché. "Avant-poste d'Occident en Orient et coin d'Orient enfoncé dans la chair d'Occident, cette terre pas comme les autres et qui les contient toutes, c'est notre métaphore, à nous croyants et incroyants, et qui faisons l'autruche. Soyons-lui reconnaissants de nous sortir la tête du sable." Le candide refuse l'optimisme de commande, au risque d'ajouter un peu à notre désespérance.
UN CANDIDE EN TERR
Racisme économique
LE MONDE | 06.02.08 | 14h55 • Mis à jour le 06.02.08 | 14h55
Dossiers, archives, fiches pays... toutes les chances de réussir !
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
Tous les acteurs économiques, les salariés comme les chefs d'entreprise devraient lire ce livre. Certes, il est dense, comme peut l'être une thèse universitaire, mais c'est un formidable récit : celui de la peur des autres, du protectionnisme industriel et de ses conséquences possibles. Florent Le Bot a méticuleusement dépouillé des archives trop rarement ouvertes, celles du monde industriel. On découvre ainsi l'histoire des entreprises françaises du cuir et leur fonctionnement de 1930 à 1950. Au coeur de ses interrogations : comment et pourquoi l'aryanisation économique de ce secteur organisée dès 1940 par les occupants allemands et l'Etat français a-t-elle pu atteindre un tel niveau d'efficacité ?
A la veille de la guerre, les industries du cuir représentent, en volume de transactions, le troisième pôle productif derrière la sidérurgie et le textile. Avec 250 000 salariés et 70 000 entreprises, pour la plupart de moins de 20 travailleurs, ce secteur, actif à Paris, est fortement implanté en province : Fougères, Limoges, Millau, Romans, Nancy, Grenoble, Chaumont... "Une économie en archipel", écrit M. Le Bot, largement soutenue par la Banque de France et des établissements financiers régionaux. La main-d'oeuvre, en partie issue de l'exode rural, est reconnue pour ses qualités professionnelles. Une forte culture catholique soude cet ensemble, marqué, précise l'auteur, par une endogamie des élites.
Tout irait pour le mieux s'il n'y avait eu la crise de 1929 et la concurrence étrangère. Concurrence sur le marché du travail : une forte émigration grecque, arménienne et d'Europe centrale, dont une grande part était d'origine juive, oeuvre dans la sous-traitance à Paris. Concurrence industrielle venue de Tchécoslovaquie, ce que le patronat national appelle "le fléau Bata", du nom de cette puissante entité industrielle et commerciale de la chaussure construite sur le modèle fordiste. En clair, le danger vient de l'Est. Pour faire face à cette réalité, la corporation opte pour les barrières douanières (la loi Le Poullen de 1936) et le rassemblement de la "famille". Celle qui réunit des acteurs aux intérêts divergents : salariés, artisans, patrons, financiers, mais qui se vante d'un savoir-faire ancestral et d'une organisation du travail traditionnelle, donc humaine. Dans ce contexte, après la défaite et dès les premiers jours de l'Occupation, la première ordonnance allemande sur l'aryanisation économique est plutôt bien accueillie, "il semble que la spoliation soit apparue, dans le milieu professionnel, comme naturelle", constate l'historien.
C'est désormais aux organisations professionnelles "d'assainir" la profession. Et Florent Le Bot n'oublie personne, ainsi ces modestes chambres syndicales qui, face aux machines corporatistes, protestent... parce qu'elles ne peuvent participer à la curée.
Ni l'argument de "l'omniprésence allemande" ni celui d'une aryanisation "à la française" pour éviter la germanisation de l'outil industriel ne trouvent grâce à ses yeux. L'efficacité de cette "épuration raciale" est la conséquence directe d'un discours corporatiste ancien et fortement ancré dans la culture de ce milieu industriel. Il y avait une opportunité, et c'est toute une profession qui l'a saisie avec l'appui de la machine administrative et le soutien essentiel du Commissariat général aux questions juives.
Avec la Libération, le vocabulaire des professionnels et des services de l'Etat change. On évoque les "confiscations". On dilue les responsabilités. On révise, déjà, l'histoire. Quant aux organismes chargés de l'aryanisation, la Caisse des dépôts et consignations, les Domaines, par exemple, ils se retrouvent en charge des restitutions... Pour ceux qui ont survécu.
LA FABRIQUE RÉACTIONNAIRE. ANTISÉMITISME, SPOLIATIONS ET CORPORATISMES DANS LE CUIR (1930-1950) de Florent Le Bot. Presses de Sciences Po, 396 p., 24 €.
Yves-Marc Ajchenbaum
Académie cherche candidats (jeunes)
LE MONDE | 06.02.08 | 14h52 • Mis à jour le 06.02.08 | 14h52
Découvrez le Desk, votre écran de contrôle et de suivi de l'information en temps réel.
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
Cliquez ici !
Augmentez la taille du texte
Diminuez la taille du texte
Imprimez cet article
Envoyez cet article par e-mail
Recommandez cet article
Citez cet article sur votre blog
Classez cet article
Réagissez à cet article
A-t-il perçu le subterfuge, Nicolas Sarkozy ? Ils n'étaient que seize face à lui, ce jeudi 31 janvier, pour accueillir sous la coupole du palais de l'Institut, au bord de la Seine, le romancier historien Max Gallo. Seize sur les quarante Immortels que compte normalement l'Académie française. Pour tenter de cacher la misère, madame "le" secrétaire perpétuel, Hélène Carrère-d'Encausse, avait battu le rappel auprès des secrétaires des autres académies - belles lettres, sciences morales et politiques... Les seize silhouettes chenues des "Académiciens français", qui portent tous le même habit brodé, sont noyées au milieu des autres palmes. Même pour la venue du président de la République, leur protecteur en titre, les absents étaient plus nombreux que les présents.
Pour tenter de rattraper le temps, "le" secrétaire perpétuel a décidé d'organiser, jeudi 7 février, une double élection. Au fauteuil du romancier Henri Troyat, on compte trois candidats : l'ancien gaulliste et défenseur de la langue française Philippe de Saint-Robert, le généalogiste Gilles Henry, et la biographe et romancière Dominique Bona, favorite de cette élection. Pour celui de Bertrand Poirot-Delpech, qui a connu une "blanche" - un scrutin sans élu, en octobre 2007 -, on compte pas moins de quatre candidats. "Un vol de canaris sur la même mangeoire", s'amuse Angelo Rinaldi. Entre Michael Edwards, professeur au Collège de France, le psychanalyste et romancier Michel Schneider, le linguiste Alain Bentolila et l'écrivain à frasques Gonzague Saint-Bris, bien malin celui qui se risque, aujourd'hui, à désigner l'élu - s'il y en a un. Car si les bulletins marqués d'une croix sont majoritaires, il faudra à nouveau tout remettre sur le métier.
L'Académie française a déjà connu de vraies saignées - en 1945, notamment. Son calvaire, aujourd'hui, est qu'elle se repeuple moins vite qu'elle ne se dégarnit. A sa création, en 1635, il n'y avait que deux sexagénaires, et la quasi-totalité de la petite assemblée avait moins de 50 ans. Aujourd'hui, le benjamin de l'assemblée, le romancier Erik Orsenna, a dépassé 60 ans. On choisit des académiciens de plus en plus vieux : 78 ans pour Dominique Fernandez, 75 ans pour Max Gallo et 77 pour le musicologue Philippe Beaussant, qui sera bientôt reçu sous la Coupole. "Nous élisons des gens de notre âge, c'est ça qui est dramatique", reconnaît l'historien Alain Decaux, 82 ans. "Nous ne nous fixons pas de limite d'âge, parce que nous ne voulons pas nous priver d'un homme exceptionnel", explique Hélène Carrère-d'Encausse.
Neuf académiciens sont morts en dix-huit mois : le professeur Jean Bernard, Jean-François Revel, Bertrand Poirot-Delpech, Jean-François Deniau, Henri Troyat, Pierre Moinot, René Rémond, le cardinal Lustiger et Pierre Messmer. "L'année 2007 a été particulièrement douloureuse, convient Gabriel de Broglie, chancelier de l'Institut. Le deuil académique est aussi vif que le deuil familial." L'assemblée, qui reste très catholique, se retrouve aux enterrements. "Là où je serai, je m'occuperai de vous", avait confié Jean-Marie Lustiger à ses pairs, sous le portrait d'un autre cardinal, Richelieu, trois mois avant de disparaître. Depuis, la petite assemblée ne compte plus d'homme d'Eglise. "Le Révérend Père Carré nous enterrait magnifiquement. Avec lui, on était sûr de gagner un petit coin de paradis", soupire Michel Déon. En attendant, on se rassure avec le Prix Nobel François Jacob ou l'ophtalmologiste Yves Pouliquen. "Demandez-vous pourquoi nous aimons tant les médecins...", plaisante souvent Jean d'Ormesson.
La droite libérale reste majoritaire à l'Académie. Lentement, elle tente de lisser son image réactionnaire. "Le XXe siècle européen est celui de la Shoah", a osé Max Gallo, dans son discours de réception. "N'oublions pas que, longtemps, il n'y a pas eu de juifs sous la Coupole", rappelle l'historien Pierre Nora, qui a justement gravé sur son épée d'académicien une étoile de David. En 1980, quand Marguerite Yourcenar fait son entrée à l'Académie, Claude Lévi-Strauss (l'actuel doyen, centenaire dans quelques mois) râle et bougonne. "Cela venait troubler cette petite communauté masculine qu'il observait en anthropologue", sourit Hélène Carrère-d'Encausse. Aujourd'hui, elles sont quatre femmes, en attendant Dominique Bona, et sans doute bientôt Simone Veil, dont la candidature est acquise, mais qui a l'embarras du fauteuil.
Et quel émoi lorsque, le 16 décembre 2007, Dominique Fernandez a loué l'homosexualité ! "L'engagement devrait rester une priorité pour les écrivains (...). Le meilleur Gide est celui qui a pris la défense de l'homosexualité." Jusqu'à présent, on ignorait poliment le sujet. Déjà, quelques semaines plus tôt, lors d'une des séances du dictionnaire, l'écrivain Angelo Rinaldi avait proposé une nouvelle acception du mot "relaps" - qui se dit usuellement d'un chrétien retombé dans l'hérésie. "On utilise aussi ce terme pour certaines catégories de personnes qui refusent de se protéger...", lance l'auteur des Roses de Pline. "Mon cher confrère, dans quel grand texte de la littérature avez-vous rencontré ce sens ?", l'interroge l'historien Marc Fumaroli. "Dans des revues, mon cher confrère, que vous ne lisez pas", a répondu Rinaldi
"L'Académie française épouse son temps, mais avec cinquante ans de retard", résume Jean-Marie Rouart. Elle a refusé Balzac : "Le roman a été le grand genre du XIXe, et l'Académie l'a raté, résume Pierre Nora. Zola allait se représenter pour la dix-neuvième fois quand il a choisi de défendre Dreyfus : entre deux immortalités, il a choisi la bonne."
Aujourd'hui, en revanche, les candidats manquent. Après Philippe Sollers, Patrick Modiano, J.M.G. Le Clézio, qui font la sourde oreille, l'Académie ne cesse d'enregistrer de nouveaux refus. Récemment relancées, les historiennes Elisabeth Badinter et Mona Ozouf ont décliné.
Pas grave, disent certains, qui chérissent les CV plus universitaires, comme celui, irréprochable, de Michael Edwards, défendu par l'helléniste Jacqueline de Romilly. "C'est ainsi : la crise de l'Académie française reflète celle des élites. En France, on manque de talents", soupire Pierre Nora. La bataille, du coup, oppose "l'école de la littérature" à celle de "l'honorabilité". La première se remet difficilement de l'échec, en octobre, de la romancière Danielle Sallenave. "Un complot", avait lancé alors, sous le coup de l'émotion, la romancière Florence Delay.
Le 7 février, les amis des romanciers batailleront à nouveau. "Je défends les petits écrivains, les moyens, les très grands : j'ai toujours peur de rater Baudelaire", affirme encore Jean-Marie Rouart. "L'Académie ne doit pas devenir une annexe du Collège de France", ajoute l'avocat Jean-Denis Bredin. Des jeunes romanciers - quinquagénaires -, souvent issus du Figaro littéraire, sont sur les rangs : Didier van Cauwelaert, Eric Neuhoff, François Sureau, voire Marc Lambron... Pour rajeunir son institution, Hélène Carrère-d'Encausse n'exclut rien ni personne : "Nous avons donné le grand prix de l'Académie française à Amélie Nothomb. C'est un petit signal amical qu'elle a très bien compris."
Alain Beuve-Méry et Ariane Chemin
Article paru dans l'édition du 07.02.08.
0 Comments:
Post a Comment
<< Home