Friday, June 30, 2006

QUI EST PIERRE BESNAINOU ?

Portrait
Pierre Besnainou, la relève séfarade
LE MONDE 28.06.06 15h03 • Mis à jour le 28.06.06 15h03
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l est familier du président tunisien Ben Ali. Il tutoie le premier ministre israélien Ehoud Olmert et l'ancien ministre de la défense Shaul Mofaz. Son modèle politique est Shimon Pérès. Il a de nombreux amis dans la vie politique française, mais il admire Nicolas Sarkozy, "qui a été le premier à prendre au sérieux l'insécurité". Le politologue Jean-Yves Camus le qualifie d'"homme libre", "parce qu'il n'a pas de comptes à régler". "C'est une voix modérée dans la communauté, avec laquelle il faudra compter dans les prochaines années", dit-il.
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Parcours
1954Naissance à Tunis (Tunisie).
1972Arrivée en France.
1981Crée la marque de téléviseurs Kaïsui.
2001Vend LibertySurf et part faire le tour du monde.
2004Il est l'une des chevilles ouvrières de l'opération "Sarcelles d'abord".
2006Succède à David de Rothschild à la tête du Fonds social juif unifié.
[-] fermerCe petit homme rond et chaleureux a été élu, lundi 19 juin, président du Fonds social juif unifié (FSJU). Il succède à David de Rothschild. Tout un symbole quand on connaît le poids de cette institution discrète. Le FSJU constitue le poumon financier de la communauté, collecte des fonds à travers l'Appel juif unifié de France, finance les oeuvres sociales, les écoles juives. Son président jouit d'un grand prestige, rehaussé par l'éclat que les Rothschild ont apporté à cette fonction. En cas de conflit entre deux personnalités dans la communauté, son arbitrage est apprécié.
Pierre Besnainou est un nouveau venu, aussi bien dans les affaires que dans le milieu communautaire. Il est arrivé en France en 1972, de sa Tunisie natale. Fils de commerçants, il a travaillé dans l'électronique grand public en vendant des téléviseurs sous la marque Kaïsui, avant de se lancer dans la Netéconomie. Il a créé le fournisseur d'accès Liberty Surf, l'a revendu en 2001, juste au moment où la bulle spéculative éclatait. Du jour au lendemain, il s'est trouvé à la tête d'une fortune chiffrée en dizaines de millions d'euros. "Disons que j'avais gagné assez d'argent pour ne plus travailler et me consacrer à des actions caritatives", commente-t-il sobrement
La légende veut que le chef d'entreprise se soit rendu en Inde et ait vécu là-bas une techouva, un retour à son identité juive. Lui donne sa propre version des faits : "J'avais toujours rêvé de me rendre à l'aéroport et de prendre le premier avion vers la destination qui me faisait rêver. C'est ce que j'ai pu réaliser pendant plusieurs semaines. Je suis parti seul, laissant femme et enfants. Mais mon engagement communautaire ne date pas de 2001. Depuis 1987, j'étais président de l'association des juifs tunisiens en France."
Pierre Besnainou s'impose alors comme mécène dans le paysage communautaire. Il prend une participation dans le site d'information Proche-Orient.info, dirigé par la journaliste Elisabeth Schemla. Rachète le magazine Tribune juive, qui était en liquidation, et en confie la direction à Ivan Levaï. Coup de maître : il se fait élire président du Congrès juif européen (CJE), en juin 2005, contre l'Italien Cobi Benatoff, favori des Américains et du président du Congrès juif mondial, Edgar M. Bronfman.
Cet homme tranquille incarne ce qu'on appelle la "révolution séfarade". Un "rattrapage", plus qu'une "révolution". Selon une enquête réalisée en 2002, la communauté juive de France (estimée à 600 000 personnes) serait désormais composée à 70 % de séfarades, juifs originaires du bassin méditerranéen, pour la plupart venus d'Afrique du Nord dans les années 1960. En quarante ans, le judaïsme français a changé de figure. Il s'est teinté d'accent méditerranéen. Il est devenu coloré, expansif, plus religieux aussi. Mais sa direction est restée aux mains des ashkénazes, juifs originaires d'Europe de l'Est - malgré un premier pas en 1987, lorsque Joseph Sitruk, un Tunisien lui aussi, avait été élu grand rabbin de France.
Le nouveau président du Fonds social aime bousculer le discours dominant, y compris chez les séfarades. "Nous avons vécu une cohabitation exceptionnelle avec les musulmans !, lance-t-il. Si l'on fait le bilan de quinze siècles d'histoire du judaïsme, la cohabitation judéo-musulmane a été infiniment plus facile que la cohabitation judéo-chrétienne. Et aujourd'hui, on vient me parler du statut de dhimmis ("protégés" soumis à un impôt) en terre d'islam ? Mais c'est absurde ! Qui a subi cette situation et peut en témoigner ?"
Pierre Besnainou peut paraître naïf. Sa vision illustre cependant une fracture profonde, celle qui sépare les juifs d'Algérie de ceux de Tunisie et du Maroc. Qu'il explique ainsi : "Les juifs d'Algérie étaient français, nous étions tunisiens. En 1962, ils ont été rapatriés. Moi, je n'ai pas été renvoyé de Tunisie. Je suis parti parce que ma famille avait mille raisons de s'en aller : le sionisme, notre culture française, l'économie tunisienne qui s'effondrait..." Il est favorable à un dialogue avec l'islam : "La France est le seul pays au monde où la coexistence entre juifs et musulmans fonctionne ! J'ai plus peur de l'antisémitisme d'extrême droite ou d'extrême gauche que d'un antisémitisme qui viendrait des musulmans."
L'ancien pionnier de la Netéconomie incarne une pratique nouvelle du judaïsme. Totalement décomplexé dans son attachement à Israël, il ne craint pas l'accusation de double allégeance. Au contraire, il revendique ce qu'il appelle "la double gratitude". Il a été, en 2004, l'un des organisateurs de l'opération "Sarcelles d'abord", qui visait à faire émigrer vers Israël une partie des juifs de France, avec l'appui logistique de l'Agence juive, l'organisme israélien chargé de favoriser l'alyah - l'immigration des juifs de la diaspora.
A l'époque, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman, avait protesté, reprochant aux Israéliens de "passer par-dessus la tête des institutions juives". L'année suivante, Pierre Besnainou créait sur ses propres deniers un fonds d'aide au départ, l'AMI (Alyah meilleure intégration).
Il a lancé l'idée d'une double nationalité pour les juifs de France, qui pourraient être à la fois français et israéliens, et même siéger dans une "deuxième chambre", à côté de la Knesset, qui représenterait la diaspora.
Une proposition que ne peut accepter Roger Cukierman : "La double nationalité serait contraire au patriotisme français, rétorque-t-il. Pour le CRIF, c'est impensable ! J'ai de très bons rapports avec Pierre Besnainou, mais nous avons des divergences..." De simples divergences ou deux conceptions opposées du judaïsme français ?
Xavier Ternisien
Article paru dans l'édition du 29.06.06

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