MILLNER CREE LA POLEMIQUE EN TRAITANT D ANTISEMITE UYN LIVRE DE BOURDIEU
epuis plusieurs semaines, la famille de Pierre Bourdieu (1930-2002), ses fidèles et ses amis aussi, étaient en émoi : pouvaient-ils laisser passer la provocation du linguiste Jean-Claude Milner, qui mettait gravement en cause la mémoire du sociologue, professeur au Collège de France ? Le 13 janvier, dans l'émission "Répliques", sur France-Culture, animée par Alain Finkielkraut, M. Milner avait soudain qualifié de "livre antisémite" Les Héritiers. Les étudiants et la culture, l'un des maîtres-ouvrages de Bourdieu.
Dans un texte collectif publiée jeudi 8 février par Libération, plusieurs figures de la scène intellectuelle française, parmi lesquels les historiens Daniel Roche et Roger Chartier, l'anthropologue Françoise Héritier, la juriste Danièle Lochak ou le philosophe Jacques Bouveresse, ont finalement décidé de réagir contre des propos "absurdes et ridicules", qui sont selon eux "le symptôme de la vacuité du débat intellectuel et politique".
Paru en 1964 aux éditions de Minuit et coécrit avec Jean-Claude Passeron, Les Héritiers livrait les résultats d'une enquête statistique consacrée à la composition sociale des étudiants, et donc à la reproduction des élites.
Bourdieu et Passeron tentaient d'y démontrer que les enfants issus des classes populaires étaient d'emblée écartés de l'université au profit des enfants de l'élite, lesquels avaient acquis leur "capital culturel" au sein de l'univers familial : "Pour les classes défavorisées, il s'agit purement et simplement d'une élimination", écrivaient-ils.
Peut-on qualifier cette enquête d'"antisémite", comme l'a fait brutalement Jean-Claude Milner à la radio ? Contacté par Le Monde jeudi matin, le linguiste parle d'une "provocation qui vise à faire penser" et affirme ne rien regretter : "Si cela fait relire de façon sérieuse et loyale les textes de Bourdieu, alors je n'ai fait que mon devoir. Car le livre de Bourdieu a eu des conséquences néfastes pour tous les enfants d'immigrés qui réussissaient, et qui étaient sommés de s'interroger : "Est-ce que finalement, je ne me suis pas conformé à un système de domination ?". La passion qui anime ce livre, c'est celle-là, même si je ne prête pas à Bourdieu d'intention xénophobe."
Le linguiste ajoute : "Ce qui me frappe, chez Bourdieu, c'est une stylistique générale, une forme de rhétorique qui consiste à employer les mots d'une manière détournée : il appelle "héritiers" des groupes qui n'ont aucun héritage, "noblesse d'Etat" quelque chose qui n'a rien à voir avec la noblesse. Moi-même, je suis l'exemple type de ce qu'on appelle l'élitisme méritocratique ! Or de quoi suis-je l'héritier ? Mes parents n'avaient pas d'argent, et le français n'était pas leur langue maternelle !"
Dans un texte collectif publiée jeudi 8 février par Libération, plusieurs figures de la scène intellectuelle française, parmi lesquels les historiens Daniel Roche et Roger Chartier, l'anthropologue Françoise Héritier, la juriste Danièle Lochak ou le philosophe Jacques Bouveresse, ont finalement décidé de réagir contre des propos "absurdes et ridicules", qui sont selon eux "le symptôme de la vacuité du débat intellectuel et politique".
Paru en 1964 aux éditions de Minuit et coécrit avec Jean-Claude Passeron, Les Héritiers livrait les résultats d'une enquête statistique consacrée à la composition sociale des étudiants, et donc à la reproduction des élites.
Bourdieu et Passeron tentaient d'y démontrer que les enfants issus des classes populaires étaient d'emblée écartés de l'université au profit des enfants de l'élite, lesquels avaient acquis leur "capital culturel" au sein de l'univers familial : "Pour les classes défavorisées, il s'agit purement et simplement d'une élimination", écrivaient-ils.
Peut-on qualifier cette enquête d'"antisémite", comme l'a fait brutalement Jean-Claude Milner à la radio ? Contacté par Le Monde jeudi matin, le linguiste parle d'une "provocation qui vise à faire penser" et affirme ne rien regretter : "Si cela fait relire de façon sérieuse et loyale les textes de Bourdieu, alors je n'ai fait que mon devoir. Car le livre de Bourdieu a eu des conséquences néfastes pour tous les enfants d'immigrés qui réussissaient, et qui étaient sommés de s'interroger : "Est-ce que finalement, je ne me suis pas conformé à un système de domination ?". La passion qui anime ce livre, c'est celle-là, même si je ne prête pas à Bourdieu d'intention xénophobe."
Le linguiste ajoute : "Ce qui me frappe, chez Bourdieu, c'est une stylistique générale, une forme de rhétorique qui consiste à employer les mots d'une manière détournée : il appelle "héritiers" des groupes qui n'ont aucun héritage, "noblesse d'Etat" quelque chose qui n'a rien à voir avec la noblesse. Moi-même, je suis l'exemple type de ce qu'on appelle l'élitisme méritocratique ! Or de quoi suis-je l'héritier ? Mes parents n'avaient pas d'argent, et le français n'était pas leur langue maternelle !"
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