Sunday, March 11, 2007

céline toujours écrivain maudit

Céline, écrivain maudit jusqu’au cœur de Genève

Des pressions font trébucher un projet de plaque sur l’immeuble où vécu l’auteur du «Voyage».

lionel chiuch
Publié le 12 mars 2007



Louis-Ferdinand Céline. Employé par la SDN, l'écrivain s'installa à Champel de 1925 à 1927 - © Keystone
Céline n'aura pas sa plaque sur la façade d'un immeuble de Champel. C'est du moins peu probable. Après avoir reçu une lettre anonyme, le propriétaire de l'appartement où vécu l'écrivain de décembre 1925 à juin 1927 a finalement préféré retirer son autorisation.

Pour l'initiateur du projet, la revue belge Le Bulletin célinien, c'est un nouveau revers. Deux autres demandes, concernant des adresses parisiennes de l'auteur du Voyage au bout de la nuit, n'avaient pu aboutir pour des raisons similaires.
Cette fois-ci, pourtant, l'affaire semblait bien partie. L'argent avait été réuni grâce à la générosité des membres du Bulletin. Le propriétaire avait donné son accord. Et Genève, cette «ruche internationale» comme la qualifiait Céline, a toujours su se tenir à distance des polémiques qui embrasent régulièrement les lettres parisiennes.

La pose de la plaque devait se dérouler en avril. Seulement voilà: suite à l'annonce de la cérémonie dans un article du journaliste Pierre Assouline (une photocopie figurait dans le courrier anonyme), la vieille querelle a ressurgi. Pour certains, Céline reste en effet un auteur «infréquentable». Que l'on préférera toujours juger à l'aune de ses pamphlets antisémites plutôt qu'à celle d'une œuvre littéraire majeure.

Un texte neutre

«Je suis assez affligé par ce qui arrive», explique Marc Laudelout, le directeur du Bulletin célinien. «Je pensais qu'en Suisse les tensions étaient moins fortes». Pour lui, la déception est d'autant plus vive que «Genève, c'était l'occasion de repartir de zéro après deux échecs».

S'il ne reproche pas à Pierre Assouline d'avoir fait son travail, Marc Laudelout regrette que la nouvelle se soit ébruitée. «On avait pensé faire une petite allocution dans la plus grande discrétion, précise-t-il. Et la plaque comportait un texte très neutre, sans allusion aucune au pamphlétaire».

Les pamphlets, d'ailleurs, n'ont pas encore vu le jour lorsque le Dr Destouches (ce n'est qu'en 1932 que l'écrivain prendra le nom de Céline) débarque à Genève avec meubles et voiture au cours de l'été 1924. Il a alors en poche un contrat temporaire de deux mois à la section hygiène de la Société des Nations (SDN).

«Je déteste le mariage»

Tout d'abord logé à La Résidence, il s'installe en août 1925 dans un appartement de 3 pièces, chemin de Miremont, à Champel. C'est là, d'ailleurs, qu'il entreprendra la rédaction de L'Eglise, une pièce qui sera refusée en 1927 par Gallimard.

A son épouse, restée en France, Céline écrit: «Je déteste le mariage, je l'abhorre, je le crache». En revanche, il ne déteste pas les femmes, et moins encore Elizabeth Craig, une jeune danseuse américaine rencontrée dans une librairie genevoise. Voilà pour les quelques épisodes qui marquèrent la vie du grand écrivain au bout du lac. Et qui, selon ses nombreux admirateurs, justifiaient amplement la pause d'une plaque commémorative.

Dans son article, Pierre Assouline s'interroge: «Le pamphlétaire antisémite fut abject: combien de temps encore le fera-t-on payer à l'écrivain?» Visiblement, les comptes ne sont toujours pas soldés…


A lire: «Dictionnaire Céline», de Philippe Alméras, Plon. 878 p. Blog «La république des livres» (article du 24 février): http://passouline.blog.lemonde.fr/

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