RAYMOND BARRE SUITE.......
Interviewé jeudi sur France Culture, l’ancien Premier ministre a tenu des propos qui ont «scandalisé» le Conseil représentatif des institutions juives de France.
Par Catherine COROLLER
LIBERATION.FR : vendredi 2 mars 2007
Maurice Papon - condamné pour complicité de crime contre l'humanité - a été «un grand Commis de l'Etat», Bruno Gollnisch - condamné pour négationnisme - est «un homme bien» et «un bon conseiller municipal», et l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic de 1980 qui visait «des Juifs coupables» a tué «trois Français, non juifs». Interviewé le jeudi 1er mars sur France Culture dans l'émission «le rendez-vous des politiques», Raymond Barre a tenu des propos qui ont «scandalisé» le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
L'ancien Premier ministre a pris la défense de Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crime contre l'humanité pour son rôle dans la déportation de Juifs sous l'Occupation alors qu'il était secrétaire général de la préfecture de Gironde. Papon aurait-il dû démissionner? A cette question, l'ancien Premier ministre répond par une autre question : «Est-ce que tous les fonctionnaires de l'Etat qui étaient en fonction à l'époque auraient dû abandonner leurs responsabilités?» Pour lui, la réponse est non : «Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou à plus forte raison dans le pays on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur». Et tel n'était pas le cas «car il fallait faire fonctionner la France». Le fait que les fonctionnaires soient alors restés en place a eu, selon lui, une vertu: «ils ont essayé tant bien que mal de limiter ce drame qu'a été la persécution des Juifs». «Et n'oublions pas quand même qu'en France, c'est le pays où le nombre de Juifs sauvés a été le plus élevé», poursuit l'ancien Premier ministre. Se doutant que ces commentaires vont susciter des réactions scandalisées, Raymond Barre prend les devant : «Je vous ai parlé très franchement. Que vous me fassiez passer pour un antisémite, pour quelqu'un qui reconnaît pas la Shoah, j'ai entendu cela cent fois et cela m'est totalement égal».
De la même façon, Raymond Barre refuse de retirer les propos qu'il avait tenus après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic, en 1980, à Paris. Il avait alors déploré que des «Français innocents» - sous-entendu non-juifs - aient été tués. Jeudi, il est revenu sur ce qualificatif. Selon lui, ceux qui ont commis l'attentat voulaient «châtier des Juifs coupables», malheureusement, «des Français qui circulaient dans la rue (…) se trouvent fauchés parce qu'on veut faire sauter une synagogue. Alors, ceux qui voulaient s'en prendre aux Juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. Mais pas du tout, ils font un attentat aveugle et il y a trois Français, non juifs». A l'époque, Raymond Barre avait été vivement critiqué pour avoir parlé de «Français innocents». Sur France Culture, il s'est dit victime d'une «campagne qui a été faite par le lobby juif le plus lié à la gauche». Explication: la France était alors en campagne électorale, et la gauche aurait voulu ainsi lui faire perdre des voix.
Interrogé sur ses relations avec Bruno Gollnisch condamné pour propos négationnistes, l’ancien Premier ministre se drape de nouveau dans la posture de victime. «Vous revenez aujourd'hui avec toutes les petites critiques sordides que j'ai entendues». Pour lui, Gollnisch a été un bon conseiller municipal à Lyon, où Raymond Barre était maire de 1995 à 2001. Pour le reste, «je suis quelqu'un qui considère que les gens peuvent avoir leur opinion», déclare l'ancien Premier ministre. Certes, «je blâmais les propos de M. Gollnisch, admet-il, mais j'ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m'émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n'y porte plus attention».
e Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) s'est dit, vendredi 2 mars, "scandalisé" par les propos tenus la veille sur France Culture par Raymond Barre. Invité de l'émission "Le rendez-vous des politiques", enregistrée le 20 février et diffusée jeudi 1er mars, à l'occasion de la sortie de son livre d'entretiens avec Jean Bothorel, L'Expérience du pouvoir (Fayard), l'ancien premier ministre a défendu Maurice Papon et Bruno Gollnisch, et parlé de "lobby juif capable de monter des opérations indignes".
A la suite de questions sur sa nomination à la tête du gouvernement en 1976, M. Barre a été interrogé sur Maurice Papon, qui fut son ministre du budget de 1978 à 1981. Assurant ne pas regretter d'avoir nommé M. Papon, il a qualifié l'ancien préfet de "grand commis de l'Etat (...) très courageux" qui "a payé surtout à cause de Charonne". "Le reste, c'était un alibi", a-t-il affirmé, taisant les événements du 17 octobre 1961 (manifestation pacifique au cours de laquelle plusieurs dizaines d'Algériens ont été tués) et le rôle joué par M. Papon sous Vichy dans la déportation de juifs et pour lequel il a été condamné pour "complicité de crime contre l'humanité", en 1997.
A la question de savoir si M. Papon aurait dû démissionner de ses fonctions à la préfecture de la Gironde qu'il occupa de 1942 à 1944, Raymond Barre a soutenu : "Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou, à plus forte raison, dans le pays, on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur. (...) Ce n'était pas le cas car il fallait faire fonctionner la France." Pour lui, Maurice Papon a été un "bouc émissaire".
Interrogé sur les propos qu'il avait tenus après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, le 3 octobre 1980, à Paris, l'ancien premier ministre a dit ne rien regretter. Il avait alors parlé d'un "attentat odieux qui voulait frapper les juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic".
Sur France Culture, Raymond Barre a tenu à rappeler que, dans la même déclaration, il avait indiqué que "la communauté juive ne peut pas être séparée de la communauté française". Il a précisé avoir parlé de "Français innocents" parce que "la caractéristique de ceux qui faisaient l'attentat, c'était de châtier des juifs coupables. (...) Les Français n'étaient pas du tout liés à cette affaire". Aussi M. Barre a-t-il dénoncé "la campagne faite (à ce moment-là) par le lobby juif le plus lié à la gauche". Et d'insister : "Je considère que le lobby juif - pas seulement en ce qui me concerne - est capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement."
Enfin, à propos de Bruno Gollnisch, ancien élu Front national au conseil municipal de Lyon et condamné pour propos négationnistes, Raymond Barre a maintenu sa position. "J'ai dit que je blâmais ce qu'il avait dit, mais que, pour le reste, je l'avais connu et que c'était un homme bien", a-t-il expliqué. Affirmant être "quelqu'un qui considère que les gens peuvent avoir leurs opinions", il a ajouté : "J'ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m'émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin, on n'y porte plus attention."
Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 04.03.07. Elections 2007 : Le Monde chez vous pour 16€/mois
Par Catherine COROLLER
LIBERATION.FR : vendredi 2 mars 2007
Maurice Papon - condamné pour complicité de crime contre l'humanité - a été «un grand Commis de l'Etat», Bruno Gollnisch - condamné pour négationnisme - est «un homme bien» et «un bon conseiller municipal», et l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic de 1980 qui visait «des Juifs coupables» a tué «trois Français, non juifs». Interviewé le jeudi 1er mars sur France Culture dans l'émission «le rendez-vous des politiques», Raymond Barre a tenu des propos qui ont «scandalisé» le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
L'ancien Premier ministre a pris la défense de Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crime contre l'humanité pour son rôle dans la déportation de Juifs sous l'Occupation alors qu'il était secrétaire général de la préfecture de Gironde. Papon aurait-il dû démissionner? A cette question, l'ancien Premier ministre répond par une autre question : «Est-ce que tous les fonctionnaires de l'Etat qui étaient en fonction à l'époque auraient dû abandonner leurs responsabilités?» Pour lui, la réponse est non : «Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou à plus forte raison dans le pays on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur». Et tel n'était pas le cas «car il fallait faire fonctionner la France». Le fait que les fonctionnaires soient alors restés en place a eu, selon lui, une vertu: «ils ont essayé tant bien que mal de limiter ce drame qu'a été la persécution des Juifs». «Et n'oublions pas quand même qu'en France, c'est le pays où le nombre de Juifs sauvés a été le plus élevé», poursuit l'ancien Premier ministre. Se doutant que ces commentaires vont susciter des réactions scandalisées, Raymond Barre prend les devant : «Je vous ai parlé très franchement. Que vous me fassiez passer pour un antisémite, pour quelqu'un qui reconnaît pas la Shoah, j'ai entendu cela cent fois et cela m'est totalement égal».
De la même façon, Raymond Barre refuse de retirer les propos qu'il avait tenus après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic, en 1980, à Paris. Il avait alors déploré que des «Français innocents» - sous-entendu non-juifs - aient été tués. Jeudi, il est revenu sur ce qualificatif. Selon lui, ceux qui ont commis l'attentat voulaient «châtier des Juifs coupables», malheureusement, «des Français qui circulaient dans la rue (…) se trouvent fauchés parce qu'on veut faire sauter une synagogue. Alors, ceux qui voulaient s'en prendre aux Juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. Mais pas du tout, ils font un attentat aveugle et il y a trois Français, non juifs». A l'époque, Raymond Barre avait été vivement critiqué pour avoir parlé de «Français innocents». Sur France Culture, il s'est dit victime d'une «campagne qui a été faite par le lobby juif le plus lié à la gauche». Explication: la France était alors en campagne électorale, et la gauche aurait voulu ainsi lui faire perdre des voix.
Interrogé sur ses relations avec Bruno Gollnisch condamné pour propos négationnistes, l’ancien Premier ministre se drape de nouveau dans la posture de victime. «Vous revenez aujourd'hui avec toutes les petites critiques sordides que j'ai entendues». Pour lui, Gollnisch a été un bon conseiller municipal à Lyon, où Raymond Barre était maire de 1995 à 2001. Pour le reste, «je suis quelqu'un qui considère que les gens peuvent avoir leur opinion», déclare l'ancien Premier ministre. Certes, «je blâmais les propos de M. Gollnisch, admet-il, mais j'ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m'émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n'y porte plus attention».
e Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) s'est dit, vendredi 2 mars, "scandalisé" par les propos tenus la veille sur France Culture par Raymond Barre. Invité de l'émission "Le rendez-vous des politiques", enregistrée le 20 février et diffusée jeudi 1er mars, à l'occasion de la sortie de son livre d'entretiens avec Jean Bothorel, L'Expérience du pouvoir (Fayard), l'ancien premier ministre a défendu Maurice Papon et Bruno Gollnisch, et parlé de "lobby juif capable de monter des opérations indignes".
A la suite de questions sur sa nomination à la tête du gouvernement en 1976, M. Barre a été interrogé sur Maurice Papon, qui fut son ministre du budget de 1978 à 1981. Assurant ne pas regretter d'avoir nommé M. Papon, il a qualifié l'ancien préfet de "grand commis de l'Etat (...) très courageux" qui "a payé surtout à cause de Charonne". "Le reste, c'était un alibi", a-t-il affirmé, taisant les événements du 17 octobre 1961 (manifestation pacifique au cours de laquelle plusieurs dizaines d'Algériens ont été tués) et le rôle joué par M. Papon sous Vichy dans la déportation de juifs et pour lequel il a été condamné pour "complicité de crime contre l'humanité", en 1997.
A la question de savoir si M. Papon aurait dû démissionner de ses fonctions à la préfecture de la Gironde qu'il occupa de 1942 à 1944, Raymond Barre a soutenu : "Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou, à plus forte raison, dans le pays, on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur. (...) Ce n'était pas le cas car il fallait faire fonctionner la France." Pour lui, Maurice Papon a été un "bouc émissaire".
Interrogé sur les propos qu'il avait tenus après l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, le 3 octobre 1980, à Paris, l'ancien premier ministre a dit ne rien regretter. Il avait alors parlé d'un "attentat odieux qui voulait frapper les juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic".
Sur France Culture, Raymond Barre a tenu à rappeler que, dans la même déclaration, il avait indiqué que "la communauté juive ne peut pas être séparée de la communauté française". Il a précisé avoir parlé de "Français innocents" parce que "la caractéristique de ceux qui faisaient l'attentat, c'était de châtier des juifs coupables. (...) Les Français n'étaient pas du tout liés à cette affaire". Aussi M. Barre a-t-il dénoncé "la campagne faite (à ce moment-là) par le lobby juif le plus lié à la gauche". Et d'insister : "Je considère que le lobby juif - pas seulement en ce qui me concerne - est capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement."
Enfin, à propos de Bruno Gollnisch, ancien élu Front national au conseil municipal de Lyon et condamné pour propos négationnistes, Raymond Barre a maintenu sa position. "J'ai dit que je blâmais ce qu'il avait dit, mais que, pour le reste, je l'avais connu et que c'était un homme bien", a-t-il expliqué. Affirmant être "quelqu'un qui considère que les gens peuvent avoir leurs opinions", il a ajouté : "J'ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m'émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin, on n'y porte plus attention."
Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 04.03.07. Elections 2007 : Le Monde chez vous pour 16€/mois
0 Comments:
Post a Comment
<< Home