Thursday, December 13, 2007

Une 'relation' à 10 milliards de dollars vaut-elle une tente dans le cœur de Paris ?"
LEMONDE.FR | 11.12.07 | 19h40 • Mis à jour le 11.12.07 | 19h40
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a visite officielle de Mouammar Kadhafi en France et sa tente plantée dans les jardins de l'Hôtel de Marigny n'ont pas échappé aux médias étrangers, qui étaient plusieurs à titrer, mardi 11 décembre, sur la tentative de "rédemption" du dirigeant libyen."Nicolas Sarkozy est le premier chef d'Etat occidental à accueillir officiellement le colonel Kadhafi, depuis le gel des relations dans les années 80" avec la Jamahiriya (République) libyenne, souligne le Guardian.





Pour le Financial Times, l'accueil réservé au "Guide" de la révolution libyenne en France s'inscrit dans la logique des dernières visites officielles de Nicolas Sarkozy. Ce dernier "a récemment célébré les prouesses commerciales de la France en se rendant dans des pays qui ne sont pas réputés pour leur respect des droits de l'homme, comme la Russie, la Chine ou l'Algérie, où des compagnies françaises ont signé des contrats de plusieurs dizaines de millions d'euros".

Pour les correspondants étrangers en France, il n'y a pas de doute : les honneurs réservés par l'Elysée au dirigeant libyen ne sont pas qu'un geste de remerciement pour la libération des infirmières bulgares le 24 juillet 2007, mais également une affaire commerciale. "Une 'relation' à 10 milliards de dollars vaut-elle une tente dans le cœur de Paris ?" s'interroge le Corriere della Sera, qui spécule en guise de conclusion sur "les prochains rendez-vous [du président français] : avec les dictateurs africains Mugabe et Kagame" !

UNE DEUXIÈME "PREMIÈRE VISITE OFFICIELLE"


Ce n'est pas la première fois que la France joue les pionnières avec Mouammar Kadhafi, rappelle le New York Times. En novembre 1973, le jeune colonel avait été reçu en grande pompe à l'Elysée par Georges Pompidou. "Il s'agissait alors du premier voyage du dirigeant libyen dans un pays occidental après le coup d'Etat de 1969". A l'époque déjà, cette visite officielle avait fait polémique, puisque à cette occasion, le colonel Kadhafi avait déclaré que la "seule issue possible" au conflit du Proche-Orient était que tous les juifs arrivés en Israël après 1948 retournent dans leur pays d'origine.

Nicolas Sarkozy a en tout cas ouvert la voie. La tente du colonel Kadhafi devrait bientôt migrer de Paris à Madrid, indique El Pais. Le gouvernement espagnol a donné son feu vert, lundi, pour accueillir le dirigeant libyen les 17 et 18 décembre. Ce dernier sera reçu par le roi Juan Carlos et le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero. L'emplacement de sa tente à Madrid n'a cependant pas encore été défini. Cette visite ne devrait pas provoquer autant de débats qu'en France, explique le quotidien madrilène. "Les deux principaux partis devraient être d'accord, puisque José Maria Aznar avait été le premier dirigeant européen, après les Italiens, à rompre l'isolement de Kadhafi en lui rendant visite à Tripoli en 2003".

Mathilde Gérard

Au Ritz, Kadhafi n'a "que des amis"
LE MONDE | 12.12.07 | 14h42 • Mis à jour le 12.12.07 | 18h54
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l manquait un ministre des affaires étrangères pour recevoir le colonel Kadhafi ? Roland Dumas s'y est collé. "Profonde et cordiale bienvenue" : c'est ainsi que l'ancien occupant du Quai d'Orsay, sous François Mitterrand, a accueilli, mardi 11 décembre, dans un des salons de l'hôtel Ritz, place Vendôme, à Paris, le Guide de la révolution libyenne.



Le socialiste, qui avait dénoncé, la veille, sur LCI, la "double lâcheté" de Bernard Kouchner, celle de "ne pas être là, et de ne pas donner de raison", a rendu service à Nicolas Sarkozy en accueillant chaleureusement, avec le député (UMP) des Hauts-de-Seine Patrick Ollier, président de la commission économique de l'Assemblée nationale, un Mouammar Kadhafi que les députés avaient boudé. Ici, au Ritz, les messieurs à rosette se lèvent tous pour applaudir l'hôte de la France, malgré son heure de retard : "Vous n'avez ici que des amis, Excellence", le rassure Roland Dumas.

Pour la "grande rencontre culturelle en présence du Guide", comme disait - en vert - le bristol d'invitation, le salon du palace accueillait une centaine de personnes. Certains, comme l'écrivain Philippe Sollers, avaient décliné l'invitation. Mais l'ancien ministre (UDF) des affaires étrangères Hervé de Charette, le directeur de l'Institut du monde arabe, Dominique Baudis, le journaliste Jean Bothorel, l'écrivain chiraquien Denis Tillinac, Me François Gibault, auteur de la biographie en trois tomes de Louis-Ferdinand Céline, de nombreux diplomates et quelques éditeurs avaient accepté l'invitation au palace. Alexandre Adler, grippé, s'était dit désolé d'avoir dû garder le lit.

L'université Paris-IV était bien représentée, avec Edmond Jouve, professeur de science politique à la Sorbonne, qui a interrogé le Guide dans Le Concert des nations (Archipel, 2004) et dirigé la thèse d'Aïcha, la fille du colonel, et André Laronde, professeur d'histoire grecque et directeur des fouilles françaises en Libye depuis 1981. On croise aussi Marie Dabadie, journaliste et secrétaire de l'Académie Goncourt, Arnaud d'Hauterives, secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts, et le producteur Tarek Ben Ammar.

"Vous êtes à Paris pour quelques jours - d'aucuns se plaignent que c'est trop long..." Ce n'est pas l'avis de Roland Dumas qui, devant les "amazones" libyennes en treillis et derrière les bouquets d'orchidées violettes et de renoncules blanches, fait mine de s'interroger, avec coquetterie, "pour savoir ce qui me vaut l'honneur de recevoir le colonel Kadhafi. Peut-être parce ce que je suis le doyen de cette assemblée, peut-être en raison d'une amitié de vingt-cinq ou vingt-six ans ?".

L'ancien ministre des affaires étrangères a rappelé que, il y a deux mois, le colonel Kadhafi l'avait encore reçu à Sebha, à mille kilomètres de Tripoli : "Nous avons moins parlé du passé - le passé, c'est le passé - que de l'avenir."

Un "docteur" se lève au fond de la salle : professeur de philosophie contemporaine à Tripoli, ami personnel du colonel, c'est lui qui, avec sa question - la seule -, va ficeler l'ordre du jour. Le désordre mondial, les peurs, le réchauffement de la planète, et... "la mort de la gauche française". L'invité n'aura pas le temps d'honorer cette dernière commande, mais se livre, dans un silence d'église et d'une voix monocorde, à un tour d'horizon géopolitique, pesant ses mots. "Je pense que le monde à venir ne sera pas bipolaire, commence-t-il. Le monde sera multipolaire, et l'Europe sera un de ces pôles."

Le chef de la révolution libyenne salue "le sacrifice fort consenti par les Européens en renonçant à leurs monnaies". Ce faisant, explique-t-il, "l'euro a mis fin à l'hégémonie du dollar, interrompant une litanie d'échanges économiques qui a spolié tant d'Etats". Comme "tous les empires qui ont l'ambition d'"occuper" le monde, les Etats-Unis peuvent s'effondrer". A tout le moins "se retrouveront-ils dans l'incapacité de financer des programmes militaires", et, "un jour ou l'autre, on verra les pays européens reposer la question de la présence américaine sur leur sol, un danger pour l'Europe et qui n'a plus de justification aujourd'hui".

M. Kadhafi donne ensuite un coup de chapeau à la Chine, "rempart contre les Etats-Unis. L'intelligence et le talent des Chinois tient en leur "soft power", leur souplesse à pénétrer les marchés avec des produits à bas prix. Il y a déjà 600 entreprises chinoises en Afrique, alors que la manière américaine - militaire - est rejetée là-bas".

Petit point militaire, ensuite. Le colonel s'anime un peu. "Pourquoi certains pays auraient-ils le droit de posséder des armes de destruction massive ? Il faut qu'elles soient interdites à tous ou permises à tous. La Libye a mis fin à son programme nucléaire, c'est une grande contribution à la paix et l'exemple d'une nation responsable (...). Mais je vous livre solennellement ce message : la convention d'Ottawa, signée par un certain nombre de pays en 1997, visait à interdire la production de mines antipersonnel. Tous les pays qui ont signé ce traité doivent revenir sur leur signature. La mine antipersonnel est une arme défensive, pas offensive. C'est le moyen de défense le plus simple. (...) Si on l'interdit, qu'est-ce qui nous reste : les couteaux, les haches, les marteaux ? Tout cela est burlesque."

Le Guide garde une lecture "marxiste" de l'histoire : "On assiste à une certaine fièvre nationaliste, idéologique et religieuse dans le monde. (...) L'erreur qui est commise aujourd'hui, c'est de penser que l'islam, c'est la religion de Mahomet. Non : c'est celle de Jésus, de Moïse et celle de Mahomet, le dernier des prophètes. Croire en Dieu, ses anges, ses prophètes, c'est ça l'islam. Jésus n'a pas été envoyé à l'Europe, mais aux fils d'Israël, pour corriger la loi de Moïse. Ils ont essayé de tuer Jésus, mais comme le dit le Coran, ce n'est pas Jésus, c'est un autre qui a été crucifié. La croix que vous portez n'a aucun sens, comme vos prières n'ont aucun sens." L'Unesco l'attend, mais le Guide tient à sa séance de dédicaces. Du Livre vert à ses biographies autorisées en passant par ses romans et ses poèmes, les ouvrages ont été entourés d'un ruban doré pour les invités. Ambassadeurs, admirateurs, éditeurs, on se rue sur la petite table où Kadhafi signe ses oeuvres.

Thérèse de Saint Phalle, cousine de Valéry Giscard d'Estaing, est ravie de "l'amitié" que le colonel lui a couchée sur papier. Gracieusement offerts eux aussi, des tapis de souris frappés du site Internet du Guide, pour lire ses discours : www.algathafi.org, "quand Kadhafi parle", traduit-il.


Serge Dassault a estimé mardi qu'il "fallait savoir ce que l'on veut" après la polémique concernant la venue du colonel Moammar Kadhafi en visite officielle en France et conseillé à la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme Rama Yade -qui s'était publiquement émue de la venue du chef d'Etat libyen- de "s'occuper de ses affaires".

"Qu'elle s'occupe de ses affaires: Sarkozy dirige la France, il fait vendre des produits à l'étranger et c'est très bien, c'est un bon président, donc tout va bien, il ne faut pas s'y opposer", a déclaré sur Public Sénat le PDG du groupe Dassault, à qui la Libye a commandé la veille 14 avions Rafale.

"Il faut savoir si on veut développer l'emploi en France ou si on veut faire la morale à tout le monde. Si on fait la morale à tout le monde, on ne vend rien", a poursuivi le sénateur UMP de l'Essonne, ajoutant que Mme Yade devrait "s'occupe(r) des petits pays où il y a des problèmes, mais pas des problèmes industriels".

"Il ne faut quand même pas exagérer et faire la polémique", a-t-il lancé.

Rama Yade avait déclaré dans "Le Parisien-Aujourd'hui en France" daté de lundi que le colonel Kadhafi devait "comprendre que notre pays n'est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort", avant de nuancer ses propos un peu plus tard.

La commande passée par la Libye, "décidée" mais "pas encore signée" selon M. Dassault, devrait fournir "du travail pour un an pour 20.000 personnes", a-t-il précisé. "Tout le monde dit: 'alors, l'emploi, le chômage (...) Voilà une bonne façon de résoudre le chômage".

Serge Dassault a enfin salué les talents de commercial du président Sarkozy, "plus efficace", "plus volontaire" et "plus rapide" que son prédécesseur. "Entre nous, avec Chirac, on n'a rien vendu", a-t-il conclu. AP

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