Sunday, February 08, 2009

Le fonds du livre de Pierre Péan est-il ou non antisémite? 05/02

Par Jean-Michel Aphatie le 5 février 2009, 10:08 - Lien permanent

Le livre s’est trouvé d’un coup au centre du débat public. « Le monde selon K. », publié par Fayard, écrit par Pierre Péan, a déséquilibré Bernard Kouchner, fragilisé, insécurisé.

Pierre Péan précise que rien, selon lui, ne peut être reproché au ministre des Affaires étrangères. L’auteur veut placer le débat sur le terrain moral, et les questions qu’il pose font mal, preuve de leur légitimité. Un défenseur des droits de l’homme peut-il conseiller des dictatures, fût-ce pour des raisons acceptables, en l’occurrence le système de santé au Gabon? Quelle peut-être la marge de manoeuvre, la liberté intellectuelle, la distance psychologique de ce conseilleur devenu, ou redevenu ministre? N’est-ce pas risquer de concéder aussi peu que ce soit de l’indépendance de la diplomatie française en nommant à ce poste une personnalité ayant dispensé ses conseils dans ces pays? La notion de conflit d’intérêts peut-elle ou non être invoquée?

A cela, depuis hier, Bernard Kouchner répond. Il se défend de l’influence de ses anciennes fonctions sur les présentes. Il assure n’être dépendant de rien ni de personne. Il affirme aussi que les activités de conseils pour des anciens ministres sont une des sources évidentes et répandues de rémunération pour des personnalités politiques bénéficiant d’une certaine notoriété et d’une certaine expérience. Sauf à cultiver des blocs de mauvaise foi, il faut reconnaître à ce dernier argument une certaine validité.

Quoiqu’il en soit, c’est publiquement que ce débat, légitime et nécessaire dans une démocratie, sera tranché. Que d’ores et déjà le ministre des Affaires étrangères se trouve affaibli par la polémique est une évidence. Plusieurs observateurs font remarquer depuis hier soir que le premier ministre a publiquement soutenu son ministre, mais pour l’instant le président de la République est demeuré silencieux. Que dira-t-il, ce soir, si la question lui est posée? Une démission est-elle ou non dans le champ du possible? Les prochaines heures et les prochains jours fourniront les réponses attendues.

Tout ceci ne doit pas exonérer les lecteurs professionnels du livre, c’est-à-dire les journalistes, de la totalité des écrits de Pierre Péan. Lancé par le site Marianne2, l’ouvrage est uniquement présenté pour l’instant sur sa face africaine. Or, ce ne sont que quelques 30 pages des 324 que compte le livre. L’essentiel du travail de Pierre Péan porte sur le Rwanda, une part importante dans ce qui reste sur le Kosovo, un peu de la jeunesse et des origines de Bernard Koucher, et enfin donc l’Afrique. L’ensemble est tenu par un parti pris dans l’écriture, une subjectivité assumée par l’auteur, et à laquelle évidemment il a droit, encore faudrait-il au moins la mentionner dans la présentation de l’ouvrage, et surtout, surtout, mais personne n’en parle vraiment, un fonds idéologique qui peut susciter un vrai malaise.

D’entrée, la couverture surprend. Alors que l’on nous parle presqu’exclusivement d’Afrique, la photo de couverture nous montre Bernard Kouchner avec, c’est l’angle du cliché qui suggère cela, un George Bush comme assis sur ces genoux. La photo est laide, volontairement laide, elle suggère une promiscuité salace, coupable, dérangeante. Bon. Ce parti pris éditorial est traité de manière souvent confuse par Pierre péan. Il se résume simplement: Bernard Kouchner est atlantiste, et pire, proche des conservateurs américains, gagné à leurs idées, imprégné de leur philosophie. Ceci, aux yeux de l’auteur est doublement grave. D’une part parce que cette réalité est aux antipodes de l’image que cultive Bernard Kouchner, officiellement défenseur des droits de l’homme et en réalité gagné aux thèses bellicistes de l’administration américaine sortante. D’autre part, cette aliénation intellectuelle met la France en danger, ou plus exactement sa diplomatie. Au total, le raisonnement est lourdaud quand il n’est pas fumeux, d’une assez grande mauvaise foi quand il exploite abusivement une bourde afin de montrer que Bernard Kouchner fut sur le bord d’enfiler son treillis pour aller faire la guerre en Irak, et curieusement discret sur la responsabilité de Nicolas Sarkozy, car tout de même si Bernard Kouchner est aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, et s’il mène à ce poste la politique qui révulse à ce point Pierre Péan, c’est tout de même grâce ou à cause du président. De tout cela, la presse, pour l’instant, ne rend pas compte.

Dans ce livre, il y a autre chose, qui est plus dérangeant. Pierre Péan choisit d’ouvrir son récit par une anecdote. Ici, tout est pensé. Un auteur à sa table de travail sait l’importance des premières lignes, donc la nécessité de leur force et de l’intérêt qu’elles peuvent susciter chez le lecteur. Pierre Péan a donc choisi de raconter l’histoire suivante. Il la situe dans un restaurant parisien, le 13 octobre 2007. Bernard Kouchner, déjà ministre des Affaires étrangères, y dîne avec des amis. Dans la salle, une télévision est allumée pour retransmettre le match de rugby France-Angleterre, demi-finale de la Coupe du monde 2007. Selon cette anecdote, dont Pierre Péan ne dit pas s’il en a été le témoin ou si elle lui a été rapporté soit par un convive du ministre, soit par une persone présente dans le restaurant, Bernard Kouchner « comme mû par une urgence absolue, bondit et se met au garde-à-vous, la main droite sur le coeur », pour écouter « religieusement » l’hymne anglais. En revanche, au moment de la Marseillaise, il demeure assis, indifférent, pas concerné.

On conviendra que pour un ministre des Affaires étrangères, l’attitude, telle que rapportée est étonnante. On pourrait même dire qu’elle est provocatrice, stupide, caricaturale. Très curieusement, une fois qu’il a raconté son anecdote, Pierre Péan la délaisse. Il ne nous dit pas quel sens il lui donne, il ne cherche pas à l’expliquer, il ne la resitue pas dans un contexte. Rien. Il raconte. Il s’en va. Débrouille, ami lecteur, avec cette histoire ficelée avec de la grosse corde de marine.

Bon, allons-y. Que tirer comme conclusion d’une telle aberration, debout et pénétré pour l’hymne anglais, indifférent et irrespectueux pour l’hymne français? Un homme qui agit ainsi est-il un patriote? Aime-t-il son pays? Évidemment non. A un point même que s’en est scandaleux. Mérite-t-il d’être ministre? Évidemment non. On se demande même comment un tel bonhomme a pu être nommé. Mais cela, Pierre Péan ne le dit. Pourquoi? C’est tellement évident. Du coup, on s’interroge sur l’auteur lui même. Quelle est cette façon de déposer son poison puis de partir ensuite sur la pointe des pieds? Bizarre, non? Malsain, peut-être? D’emblée, le livre paraît sale, calomniateur, et pas franc en plus.


La lecture se poursuit, parfois confuse, Biafra, Rwanda, Kosovo, Ockrent, etc. Puis vient un chapitre très clairement intitulé « Weltanschauung », appellation qui désine, comme vous le savez bien sûr, et comme l’explique très bien Wikipédia « une vision du monde (ou une conception du monde), d'un point de vue métaphysique, notamment dans l'Allemagne romantique ou moderne. C’est initialement une conception du monde datant du Moyen Âge. » Cet intitulé recouvrerait-il une intention particulière? Honnêtement, je n’en sais rien. Dans un propos fourre-tout assez fatiguant, Pierre Péan aborde la cas Bernard-Heni Lévy. A ce propos, un détail amusant. On s’est habitué à lire depuis longtemps le raccourci BHL quand il s’agit d’évoquer le philosophe. Pour éviter la répétition, Pierre Péan utilise lui une variante peu fréquente, il l’appelle tout simplement Lévy, ce qui est normal, me direz-vous, ce qui est peu usuel, vous rétorquerai-je, et ce qui en tout cas a le mérite d’être clair.

« Lévy, donc, écrit Pierre Péan page 276, attaque l’indépendance du pays et ses velléités d’appartenance à une Europe politique qui affirmerait clairement son autonomie vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique. En définitive, ce qu’il ne cesse d’exprimer et de partager avec l’autre Bernard, c’est bel et bien la haine du gaullisme et de la philosophie politique qu’il sous-tend: les valeurs de la Révolution française, de la Convention au Conseil national de la Résistance; celle d’une indépendance nationale honnie au nom du cosmopolitisme anglo-saxon, droits-de-l’hommiste et néolibéral, fondements de l’idéologie néoconservatrice que nos « néosphilosophes » ont fini par rallier. »

Non seulement « Bernard » ne se lève par pour la Marseillaise, mais avec son ami « Lévy » il éprouve la « haine » du gaullisme, de ses valeurs, t le tout au nom du « cosmopolitisme anglo-saxon », dont j’ignore totalement le sens, le contenu, et tout le reste, mais dont je comprends que ça ne doit pas être joli-joli...

Tout cela, ami lecteur, porte un nom. « Bernard » et « Lévy », c’est l’anti-France, tout simplement, l’éternelle anti-France, si douloureusement présente dans notre histoire, et dont nous ne nous débarrasserons jamais. Cela non plus Pierre Péan ne le dit pas comme cela. Là encore, il dépose son tas de boue, il l’étale bien, il en barbouille tous les coins, et il laisse son lecteur en plan, tenu de se faire une opinion tout seul.


La chute de Pierre Péan s’alimente à la même veine. Page 324, la dernière du livre, il écrit ceci: Bernard Kouchner « a rompu avec ses attaches de gauche et, plus récemment, il a tiré un trait sur son « droit-de-l’hommisme » exacerbé, peut-être plus difficile à invoquer pour lui dans le contexte des bombes au phosphore israéliennes lâchées sur Gaza. » Késaco? Ou il est là Péan? Que vient faire Gaza dans cette galère? Ah, mais oui, Bernard Kouchner défend l’Etat israélien, le ministre des Affaires étrangères de la République française demeure muet devant la tragédie des Palestiens à Gaza, selon Pierre Péan parce que sa vraie fidélité va à un autre Etat que l’Etat français quil représente.

Enfin, tout devient limpide. Cet homme ne se lève pas pour la Marseillaise, il « hait » les valeurs de la République, il défend Israël. C’est clair, non. D’où la question: le fonds du livre de Pierre Péan est-il ou non antisémite? A vous de voir, chers lecteurs, à vous de juger, comme dirait sans doute Pierre Péan, auteur probablement à succès du livre « Le monde selon K. », édité chez Fayard.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home