ARNO KLARSFELD GARDE-FRONTIERE DE SARKOZY
Arno Klarsfeld, garde frontière de Nicolas Sarkozy
LE MONDE 30.06.06 14h39 • Mis à jour le 30.06.06 14h41
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l a commencé sa mission le jour même de sa nomination, le 28 juin, enfourchant vers 21 heures son vélo pour se rendre rue Truffaut, dans le 17e arrondissement de Paris, où se trouve le centre de réception des étrangers. Depuis plusieurs jours, des centaines de familles de sans-papiers dont les enfants scolarisés risquent d'être expulsés avant la rentrée scolaire, patientent en une interminable file d'attente pour retirer leur formulaire de régularisation. Transpirant dans son tee-shirt noir, Arno Klarsfeld est venu se faire une petite idée de la situation. Sans savoir que la queue ne se forme qu'à partir de 3 heures du matin...
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Parcours
1966Naissance à Paris.
1988Devient avocat.
1994Défend l'Association des fils et filles de déportés au procès Touvier.
1998Procès Papon.
2003Service volontaire au sein de l'armée israélienne Tsahal.
2006Médiateur pour les sans-papiers.
[-] fermerLe jeune avocat vient d'être nommé médiateur national, chargé d'examiner ces demandes au cas par cas pour le ministère de l'intérieur. Il n'est pas certain qu'il mesure l'ampleur de la tâche et le paquet d'embrouilles à venir. "Ah bon ? Il y a vraiment plusieurs dizaines de milliers de cas ?" Déjà, il réfléchit : il faudra prévoir "des numéros d'arrivée, des sanitaires, une assistante sociale, des médecins, et de l'eau pour ceux qui attendent dans la chaleur". Pour trancher les multiples cas litigieux, il a déjà établi son échelle personnelle. Aux critères établis par le ministère de l'intérieur, lui en ajoute un ultime : "Je mesurerai le degré d'attachement à la France."
Face à l'exceptionnelle mobilisation des professeurs et parents d'élèves, désormais relayée en "une" des médias, le ministre de l'intérieur espère avoir trouvé en Arno Klarsfeld son démineur. "Il est venu vers moi il y a un an et demi, avec l'envie de s'engager et de travailler à mes côtés. Il est sérieux, très courageux, passionné et méticuleux", vante Nicolas Sarkozy, qui lui a confié deux missions déjà passées aux oubliettes : l'une sur la mémoire, l'autre sur l'enfance délinquante.
N'importe. Il n'a pas échappé au ministre que, sur les plateaux de télévision, les "parrains" des écoliers expulsables citaient volontiers, en choeur, cette terrifiante comparaison : "C'est un devoir moral de les protéger. C'est comme cacher des juifs pendant la guerre." Nicolas Sarkozy a vite compris l'avantage qu'il aurait à confier à Arno Klarsfeld cette mission, et le poids symbolique de cette nomination : "Que je choisisse un homme inattaquable, ce n'est pas idiot, s'amuse-t-il. Il vaut mieux le prendre lui que Marine Le Pen." Avocat des parties civiles dans les procès Touvier et Papon, le fils de Beate et Serge Klarsfeld, les mémorialistes opiniâtres du génocide juif, remet d'ailleurs d'emblée les choses à leur place : "La comparaison entre les rafles de la guerre et l'expulsion de ces enfants n'est pas justifiée. Ils ne sont pas envoyés vers la mort. Ils perçoivent une aide au retour."
En 2000, Arno Klarsfeld avait produit un documentaire dont il était le héros, traquant lui-même les hommes politiques dans les couloirs de l'Assemblée pour réclamer l'abrogation de la double peine - finalement réalisée par Nicolas Sarkozy. Mais ses engagements passés ne trouvent pas grâce aux yeux d'une gauche radicale, qu'il hérisse depuis toujours. "Il a un nom qui force le respect, reconnaît Mouloud Aounit, le président du MRAP. Mais j'ai rarement vu M. Klarsfeld parmi les soutiens des sans-papiers." "C'est une nomination people, lâche durement Michel Tubiana, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH). Je ne pense pas qu'un ego suffise à faire une compétence."
Toujours les mêmes mots, toujours les mêmes critiques depuis dix ans. On le sait jet-setteur, ex-amant de Béatrice Dalle et de Carla Bruni, pilier de boîtes de nuit et avocat au barreau de Paris, New York et Sacramento, en Californie. "Vous n'êtes pas venu en rollers ?", lui a demandé un jour Jacques Chirac. Lui paraît gauche, timide et terriblement bredouillant, avouant benoîtement lorsqu'on évoque ses amis : "Quels amis ? Vous voulez dire mes chats ?"
A 39 ans, le jeune avocat ne s'est pas émancipé de ses parents. Il occupe toujours une chambre dans leur cabinet d'avocats parisien, appelle "Serge", son père, à tout bout de champ. "Je vis avec eux, parce que je les aime. Nous avons failli mourir ensemble dans un attentat, j'ai été imbriqué à eux depuis que je suis tout petit. Au fond, nous vivons un peu comme une famille arabe..."
Ses repères sont familiaux, sa réflexion largement irriguée par le passé exceptionnel de ses parents, avocats inlassables des fils et filles de déportés. "C'est notre plus proche militant, depuis qu'il est tout petit", confirme son père. Les - rares - clients d'Arno sont ceux de Serge et Beate. Ses provocations de jeunesse semblent le décalque facétieux de leurs engagements. En 1987, à 21 ans, il monte sur la scène d'un meeting du Front national avec un tee-shirt "Le Pen = nazi" et se fait photographier en sang et en caleçon par le service d'ordre frontiste. L'année suivante, lorsque Jean Paul II rend visite à Kurt Waldheim, ancien officier nazi devenu président de l'Autriche, il revêt l'uniforme du Waldheim de l'époque et écope de dix jours de prison.
La scène politique française est aussi scrutée à l'aune de cet héritage : "J'ai beaucoup de reconnaissance envers Chirac d'avoir souligné la responsabilité de l'Etat dans la persécution et la déportation des juifs de France. J'ai aussi aimé qu'il commémore à Douaumont la part prise par les musulmans dans la première guerre mondiale." Mais voilà, si le président a décoré son père de la Légion d'honneur, lui est de la génération suivante. Et du coup reproche à Jacques Chirac "de ne pas essayer de choisir le meilleur candidat de la droite". Comprenez Nicolas Sarkozy.
Arno Klarsfeld raconte, à sa manière, ce glissement vers la droite d'une partie des juifs de sa génération. Il a voté François Mitterrand en 1988, Jacques Chirac depuis. Et s'agace plus que tout de l'extrême gauche, qui "ne voulait pas des plombiers polonais lors du référendum sur la Constitution européenne, et maintenant voudrait accueillir tout le monde".
Mais qui garder, alors ? C'est la question de l'été. En 2003, à Jérusalem-Est, ce Franco-Israélien s'était enrôlé plus d'un an chez les gardes frontières de Tsahal : "Je vérifiais les passeports, je jouais au billard avec les soldats, je parlais filles et voitures avec eux, comme dans toutes les armées du monde." Trois ans plus tard, il va examiner des piles de formulaires et de papiers, garde frontière parisien de milliers de familles angoissées. "Je ne partirai pas cet été. Mais ce n'est pas grave, je suis en vacances toute l'année."
Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin
Article paru dans l'édition du 01.07.06
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1966Naissance à Paris.
1988Devient avocat.
1994Défend l'Association des fils et filles de déportés au procès Touvier.
1998Procès Papon.
2003Service volontaire au sein de l'armée israélienne Tsahal.
2006Médiateur pour les sans-papiers.
[-] fermerLe jeune avocat vient d'être nommé médiateur national, chargé d'examiner ces demandes au cas par cas pour le ministère de l'intérieur. Il n'est pas certain qu'il mesure l'ampleur de la tâche et le paquet d'embrouilles à venir. "Ah bon ? Il y a vraiment plusieurs dizaines de milliers de cas ?" Déjà, il réfléchit : il faudra prévoir "des numéros d'arrivée, des sanitaires, une assistante sociale, des médecins, et de l'eau pour ceux qui attendent dans la chaleur". Pour trancher les multiples cas litigieux, il a déjà établi son échelle personnelle. Aux critères établis par le ministère de l'intérieur, lui en ajoute un ultime : "Je mesurerai le degré d'attachement à la France."
Face à l'exceptionnelle mobilisation des professeurs et parents d'élèves, désormais relayée en "une" des médias, le ministre de l'intérieur espère avoir trouvé en Arno Klarsfeld son démineur. "Il est venu vers moi il y a un an et demi, avec l'envie de s'engager et de travailler à mes côtés. Il est sérieux, très courageux, passionné et méticuleux", vante Nicolas Sarkozy, qui lui a confié deux missions déjà passées aux oubliettes : l'une sur la mémoire, l'autre sur l'enfance délinquante.
N'importe. Il n'a pas échappé au ministre que, sur les plateaux de télévision, les "parrains" des écoliers expulsables citaient volontiers, en choeur, cette terrifiante comparaison : "C'est un devoir moral de les protéger. C'est comme cacher des juifs pendant la guerre." Nicolas Sarkozy a vite compris l'avantage qu'il aurait à confier à Arno Klarsfeld cette mission, et le poids symbolique de cette nomination : "Que je choisisse un homme inattaquable, ce n'est pas idiot, s'amuse-t-il. Il vaut mieux le prendre lui que Marine Le Pen." Avocat des parties civiles dans les procès Touvier et Papon, le fils de Beate et Serge Klarsfeld, les mémorialistes opiniâtres du génocide juif, remet d'ailleurs d'emblée les choses à leur place : "La comparaison entre les rafles de la guerre et l'expulsion de ces enfants n'est pas justifiée. Ils ne sont pas envoyés vers la mort. Ils perçoivent une aide au retour."
En 2000, Arno Klarsfeld avait produit un documentaire dont il était le héros, traquant lui-même les hommes politiques dans les couloirs de l'Assemblée pour réclamer l'abrogation de la double peine - finalement réalisée par Nicolas Sarkozy. Mais ses engagements passés ne trouvent pas grâce aux yeux d'une gauche radicale, qu'il hérisse depuis toujours. "Il a un nom qui force le respect, reconnaît Mouloud Aounit, le président du MRAP. Mais j'ai rarement vu M. Klarsfeld parmi les soutiens des sans-papiers." "C'est une nomination people, lâche durement Michel Tubiana, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH). Je ne pense pas qu'un ego suffise à faire une compétence."
Toujours les mêmes mots, toujours les mêmes critiques depuis dix ans. On le sait jet-setteur, ex-amant de Béatrice Dalle et de Carla Bruni, pilier de boîtes de nuit et avocat au barreau de Paris, New York et Sacramento, en Californie. "Vous n'êtes pas venu en rollers ?", lui a demandé un jour Jacques Chirac. Lui paraît gauche, timide et terriblement bredouillant, avouant benoîtement lorsqu'on évoque ses amis : "Quels amis ? Vous voulez dire mes chats ?"
A 39 ans, le jeune avocat ne s'est pas émancipé de ses parents. Il occupe toujours une chambre dans leur cabinet d'avocats parisien, appelle "Serge", son père, à tout bout de champ. "Je vis avec eux, parce que je les aime. Nous avons failli mourir ensemble dans un attentat, j'ai été imbriqué à eux depuis que je suis tout petit. Au fond, nous vivons un peu comme une famille arabe..."
Ses repères sont familiaux, sa réflexion largement irriguée par le passé exceptionnel de ses parents, avocats inlassables des fils et filles de déportés. "C'est notre plus proche militant, depuis qu'il est tout petit", confirme son père. Les - rares - clients d'Arno sont ceux de Serge et Beate. Ses provocations de jeunesse semblent le décalque facétieux de leurs engagements. En 1987, à 21 ans, il monte sur la scène d'un meeting du Front national avec un tee-shirt "Le Pen = nazi" et se fait photographier en sang et en caleçon par le service d'ordre frontiste. L'année suivante, lorsque Jean Paul II rend visite à Kurt Waldheim, ancien officier nazi devenu président de l'Autriche, il revêt l'uniforme du Waldheim de l'époque et écope de dix jours de prison.
La scène politique française est aussi scrutée à l'aune de cet héritage : "J'ai beaucoup de reconnaissance envers Chirac d'avoir souligné la responsabilité de l'Etat dans la persécution et la déportation des juifs de France. J'ai aussi aimé qu'il commémore à Douaumont la part prise par les musulmans dans la première guerre mondiale." Mais voilà, si le président a décoré son père de la Légion d'honneur, lui est de la génération suivante. Et du coup reproche à Jacques Chirac "de ne pas essayer de choisir le meilleur candidat de la droite". Comprenez Nicolas Sarkozy.
Arno Klarsfeld raconte, à sa manière, ce glissement vers la droite d'une partie des juifs de sa génération. Il a voté François Mitterrand en 1988, Jacques Chirac depuis. Et s'agace plus que tout de l'extrême gauche, qui "ne voulait pas des plombiers polonais lors du référendum sur la Constitution européenne, et maintenant voudrait accueillir tout le monde".
Mais qui garder, alors ? C'est la question de l'été. En 2003, à Jérusalem-Est, ce Franco-Israélien s'était enrôlé plus d'un an chez les gardes frontières de Tsahal : "Je vérifiais les passeports, je jouais au billard avec les soldats, je parlais filles et voitures avec eux, comme dans toutes les armées du monde." Trois ans plus tard, il va examiner des piles de formulaires et de papiers, garde frontière parisien de milliers de familles angoissées. "Je ne partirai pas cet été. Mais ce n'est pas grave, je suis en vacances toute l'année."
Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin
Article paru dans l'édition du 01.07.06
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1 Comments:
"Les loups, le sarkozysme expliqué aux enfants" livre 90 p sur :
http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=30353
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