Sunday, October 22, 2006

POUR LE MONDE ... DSK EST UN DILETTANTE REPENTI

Enquête
DSK, dilettante repenti
LE MONDE 17.10.06 15h54 • Mis à jour le 17.10.06 15h54


es trois quarts de ses amis ont longtemps cru que Dominique Strauss-Kahn n'irait pas jusqu'au bout de son ambition présidentielle. Pas assez de discipline personnelle. Trop de goût pour le plaisir. De l'imagination, une grande intelligence, une vraie compétence économique, mais une réputation de dilettantisme difficile à corriger.


Dès l'été 2003, ses fidèles au PS lui ont carrément posé la question de confiance. A la mi-mai, en plein congrès socialiste à Dijon, ils s'étaient exaspérés de voir "Strauss" monter à la tribune avec un brouillon de discours griffonné dix minutes plus tôt. Le député Jean-Christophe Cambadélis lui a dit franchement les choses : "Si tu n'es pas prêt à t'engager vraiment, autant arrêter tout de suite les frais !" Son conseiller Gilles Finchelstein, le plus ancien, le plus intime, lui a dressé sans ménagement la liste de tous les défauts qui plombent irrémédiablement les parcours politiques : frivolité et nonchalance apparentes, confort d'une vie bourgeoise, absence d'ancrage en province... DSK a tout encaissé.
Mais ce n'était sans doute pas suffisant. L'année suivante, alors qu'il mettait patiemment en place ses réseaux au sein du parti, s'attachant les meilleurs experts du PS et s'astreignant à faire le tour des fédérations, on lui serinait encore les mêmes reproches. "Tu ne seras pas capable d'avoir cette ascèse", lui lança un jour dans un dîner son ami Alain Minc. Il s'entendit aussitôt répondre avec calme : "Pas pendant toute une vie, peut-être... Mais pendant deux ou trois ans, oui !" Deux ans plus tard, en 2006, "l'ami" Jospin, celui que "Dominique" avait choisi pour témoin de son mariage avec la journaliste Anne Sinclair, croyait encore que "Strauss" s'effacerait devant lui.
Car, à 57 ans, Dominique Strauss-Kahn traîne depuis toujours la réputation du type brillant qui inventa pour la gauche, en 1996 et sur un coin de table, les 35 heures et les emplois jeunes, mais est resté trop jouisseur pour parvenir lui-même à l'Elysée. "C'est vrai, je ne rêve pas depuis tout petit d'être président, comme beaucoup de fous dans ce milieu. Mais je ne suis absolument pas un dilettante, se défend-il. D'ailleurs, avez-vous entendu qu'on m'ait fait ce reproche lorsque j'étais ministre de l'économie ?"
Il a pourtant hésité à franchir le pas. "J'ai mis du temps, au fond, à identifier en France la force du courant social-démocrate, assure-t-il. Ensuite, il a fallu notre échec de 2002 pour que j'admette que j'étais le seul à pouvoir porter ce courant au sein du PS."
DSK avait été l'un des plus brillants "bébés Jospin". Ces derniers mois, il a fini par se lasser des tergiversations de l'ancien premier ministre. Depuis un an, ses tournées dans des fédérations socialistes lui montraient le profond désir de renouvellement des militants. Des enquêtes sur le désamour des sympathisants de gauche à l'égard de son ex-mentor ont achevé de le convaincre. "Il a tué le père en maintenant sa candidature", sourient les strauss-kahniens. "Et en décidant d'accomplir son ambition, il s'est durci", note Jean-Paul Huchon, patron de la région Ile-de-France.
Restait un doute. "J'ai longtemps pensé qu'être juif serait un handicap dirimant, assure Dominique Strauss-Kahn. Aujourd'hui, je crois que si être juif est un handicap, cela ne l'est qu'auprès de la frange très marginale des électeurs de gauche antisémites." Il est donc parti en campagne.
Anne Sinclair le soutient sans faille : "C'est son combat, sa vie, donc je l'accompagne." Ces deux-là se ressemblent. Même appétit pour une vie qui les a réunis sur le tard, dans un deuxième mariage pour elle, un troisième pour lui, et les a placés à la tête d'une famille recomposée de six enfants (les quatre de Dominique et les deux d'Anne). Même recul sur la politique. "J'ai côtoyé le pouvoir pendant des années comme journaliste, dit-elle, et franchement, je l'ai passablement désacralisé." Elle contribue pourtant largement à l'entreprise de son mari. Elle qui colla à 20 ans les affiches électorales de Pierre Mendès France, paye aujourd'hui le loyer du "QG" de DSK, rue La Planche, au coeur de Paris. Riche des 1,86 million d'euros d'indemnités de licenciement obtenues de TF1 devant les prud'hommes, et de l'héritage de son grand-père, Paul Rosenberg, grand marchand d'art de l'entre-deux-guerres, elle a doté l'équipe des quelques outils qui font les présidentiables : bureaux, sites Internet et enquêtes d'opinion.
Anne Sinclair a aussi amené nombre de ses amis, du philosophe Bernard-Henri Lévy au journaliste Jean-François Kahn qui, s'ils ne partagent pas forcément les idées de son mari, apprécient son intelligence et sa sensibilité libertaire. Qu'a-t-elle apporté d'autre ? Une certaine vie luxueuse, entre Paris et un très beau riyad, au coeur de Marrakech. Elle leur vaut une réputation de "gauche caviar", dont le couple se moque. Et aussi sa vision de cette France profonde qu'elle appelle, en star du petit écran, le "grand public".
C'est justement cette France-là qui reste difficile à saisir pour Dominique Strauss-Kahn. Certes, il s'est implanté depuis 1988 à Sarcelles (Val-d'Oise), une des villes les plus pauvres d'Ile-de-France. Mais sa naissance à Neuilly d'un père conseiller juridique et d'une mère journaliste au Populaire, le journal de la SFIO, son passé d'agrégé d'économie, son expérience de "grand argentier" du gouvernement Jospin lui ont tissé la réputation d'un "social-libéral" - un gros mot au PS.
Toute la difficulté est là. Les milieux économiques approuvent qu'il soit l'un des rares dirigeant du PS à ne pas être énarque, à parler couramment l'anglais, l'allemand, et à apprendre l'arabe. Le puissant Financial Times, les sociaux-démocrates allemands louent ce Français si peu provincial à leurs yeux, qui a happé dans son orbite les plus brillants experts de la Fondation Jean-Jaurès, un "think-tank" socialiste. Au sein du PS, c'est autre chose. Il a parfois adopté, pour échapper à son étiquette "droitière", un verbiage pseudo-gauchiste qui n'était pas le sien. A ceux qui s'émouvaient de son modernisme hésitant, il a souvent servi la même phrase : "En France, le Parti socialiste se gagne sur la gauche."
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Raphaëlle Bacqué



Aujourd'hui qu'il est enfin sur "sa" ligne - un blairisme modéré mâtiné de justice sociale -, le voilà dépassé sur... sa droite par celle qu'il qualifie de "populiste" : Ségolène Royal. Pire, ses proches lui rapportent ce que l'on entend assez couramment parmi les militants socialistes : "Pourquoi Ségolène et Dominique ne feraient-ils pas un ticket ? A elle l'Elysée, puisqu'elle est populaire. A lui Matignon, puisqu'il est compétent." Evidemment, cela l'agace. Se voir en président de la République et se retrouver en béquille de celle qui vous a doublé... "Que l'on puisse rêver d'un ticket sur ce type de justification, je trouve cela inquiétant pour elle, non ?", ironise-t-il.






Ce n'est un secret pour personne qu'il ne l'aime pas. Encore qu'il la connaisse mal. "Mais qui connaît Ségolène ?, tranche son ami Jean-Marie Le Guen. Elle n'a jamais participé aux actions collectives du PS !" Ils ont bien été à deux reprises dans les mêmes gouvernements, mais "elle exerçait des fonctions subalternes, dans des petits ministères", sourit DSK avec condescendance.
Il se souvient pourtant mot pour mot de ce qu'elle lâcha aux médias, lorsqu'il fut pris dans le tourbillon des affaires de la MNEF, puis de la cassette Méry qui lui valurent une démission du gouvernement en novembre 1999 et deux ans de traversée du désert. "La politique, on est là pour la servir et non pour s'en servir", avait tancé Ségolène Royal. Lorsqu'il eut obtenu un non-lieu de la justice et vint sur France 2 pour annoncer son retour en politique, on lui repassa l'"épisode Ségolène".
Les "strauss-kahniens" assurent qu'elle téléphona à DSK dès sa sortie du plateau pour l'assurer que sa phrase avait été sortie de son contexte et visait... Jacques Chirac plutôt que lui. "Enfin, soupire-t-il, je ne suis pas rancunier, mais je ne suis pas amnésique non plus."
Le 1er juillet, son conseiller Gilles Finchelstein a annoncé devant les cadres de son courant, Socialisme et démocratie : "Elle sera probablement en tête." Mais DSK est maintenant entré dans la bataille et se bat pour éviter les défections de ses soutiens. "S'il y a un second tour, je suis presque certain de l'emporter, jure-t-il. En ajoutant parfois, fataliste : "Mais je ne suis pas sûr qu'il y ait un second tour..."
Croit-il que les électeurs de Laurent Fabius pourraient se reporter sur lui ? "Ce n'est pas d'actualité, vous l'aurez remarqué", glisse M. Fabius. Les lieutenants des deux candidats, Jean-Claude Cambadélis pour Strauss-Kahn et Claude Bartolone pour Fabius, qui ont des bureaux mitoyens à l'Assemblée nationale, peuvent bien rire ensemble sur le dos de "Ségolène". Pour l'heure, c'est chacun pour soi.
DSK a pourtant quelques avantages sur son rival Fabius. Doté de réseaux moins anciens, il est moins impopulaire. Et surtout, il est l'un des rares que tous les socialistes imaginent au pouvoir en cas de victoire de la gauche, quel que soit le schéma. Pendant la campagne présidentielle de 2002, après un débat sur France 2 avec Nicolas Sarkozy, ce dernier lui avait lancé : "Tu es venu pour Jospin, moi pour Chirac. La prochaine fois, on sera peut-être face à face en notre propre nom..." Depuis, DSK a toujours gardé l'espoir excitant de ce combat-là.
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Raphaëlle Bacqué
Article paru dans l'édition du 18.10.06


DSK brise un tabou
En osant répondre qu’il ne pensait pas qu’être juif soit "un handicap pour être élu président de la République ", Dominique Strauss-Kahn a choisi de briser un tabou. Plusieurs de ses amis l’ont félicité d’avoir ainsi mis les pieds dans le plat en évoquant un sujet dont nombre d’électeurs, et même nombre de militants PS, parlent sous cape.

Par ailleurs, interrogé dans la revue « Le meilleur des mondes », il est revenu sur différents sujets de politique étrangère. Ainsi, sur La fameuse politique « arabe » de la France , il a affirmé : « C’est une supercherie que le Quai d’Orsay réussit à vendre depuis des décennies à l’ensemble de la classe politique ! Elle nous permet de croire que nous sommes ainsi à l’abri de toute menace terroriste, ce que laisse entendre très régulièrement le Chef de l’Etat. Cela me paraît tout à fait absurde. »
(Sources : Profession politique et Le meilleur des mondes)




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